La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
J’aurai encore laissé passer l’hiver Sans refaire la charpente mangée aux vers Et ni enfin écrire cette lettre Sur l’amour, sur le vide rongeant l’être
J’aurai aimé mal, très, toutes mes femmes Mal entretenu tous mes feux et flammes Je n’aurai pas vu le mot sous la porte Mais j’aurai hurlé dans des sonos mortes
J’aurai mal parlé pour mes espérances Dépensé tout le bien de mes parents Dans toutes les danses perdu mon pas Fait le coup de poing où il fallait pas
J’aurai convoqué les mots et les dieux Sans retenir l’eau crevant le barrage Ni les poissons d’or sautant dans tes yeux Ni la silhouette avec son bagage
J’aurai attendu longtemps l’aube et l’homme Puis je me serai endormi trop tôt Quand j’étais peut-être l’aube et cet homme J’ai froid dans mon manteau
La nuit se dévide et le soleil fond Et j’aurai laissé courir sur son aire Le beau bateau. Il est échoué sur les hauts-fonds De tes yeux, ton silence, ton désert!
J’aurai laissé mon fils comme un voleur Fuir par la porte étroite sous mon cœur S’en alla chercher une balle au front Mon petit combattant, ma ressemblance…
J’aurai toujours pris la vie de très haut Et sans avoir pas trahi père et mère J’aurai laissé par le carreau cassé entrer l’hiver J’aurai laissé mourir de froid tous mes oiseaux
dans sa légendaire grisaille m’a formé au règne du soleil
et aujourd’hui au bord de l’autre rive, je ne vois en face qu’un acharnement à détruire
Plus que quelques jours pour clore la révolution présente
ou en commencer un autre avec et sans
Les Rois Mages
et leurs chameaux ont perdu la route de la soie depuis lurette en dérivant dans les hypers
Que croire à présent ?
Je ramasse dans mon caniveau le secret de mon enfance sans poudre de perd lin peint-peint
Appareille en oiseau-marin
qui sent l’orage avant qu’il survienne et se niche au coeur de cette fleur étrange qu’est l’amour aussi puante qu’ensorcelante, unique, belle selon qu’on la cultive sans se tromper de taire ô
La terre est un savoir ! D’où les eaux, d’où les rochers jaillissent. La nuit, la plaine et la mer fondent un savoir proche des murs. Et, là, là ! la, solitude aux couleurs de la nudité des choses, Le soleil gravit les collines… Il redescendra dans les champs, Dans les mares, dans l’herbe. Autant de mares, autant de portes Par où le ciel rejoint le chaume… Arbres meurtris, chemins détruits,
La campagne se tait. J’en conjure, en accepte la paix. Le silence Signifie-t-il que les talus… si hauts, face au dieu du Tout, Que les talus, de l’orbe des planètes au labyrinthe des plantes, Ferment sans cesse une prison ayant la forme d’un vallon ? D’un vallon protecteur. Et, grâce à l’humus, à quelque manne Humide, à la richesse de la rosée, au repos déjà solennel Du matin, je me voue à l’espace… À sa beauté je m’inféode Bien avant que les heures ne brillent… Ah ! je mesure à loisir Le petit jour… Sur l’horizon le soleil s’arrondit, s’exalte. La nuit le couronne… Ah ! le soleil nous dicte et nous Vole une réponse ! Alors la pluie, infime, élémentaire, Orne des traces qui m’enchantent, étouffe à présent le fanal Qui, augurai, fatal, à la surface, à l’intérieur des gouttes, Vacille et les épuise… Imagination, quête et création D’un royaume. Et je serre ou je lâche une poignée de brindilles. Je me veux serviteur, gardien, complice et tenant du poème épars Des sens. Serviteur des maisons dans leur sommeil. D’une
grange,
D’une charpente… Un édifice, un creuset… Le ciel pourvoit À notre besoin d’infini… Le temps compose et cohabite Avec les vagues ! Avec les vagues, avec les vagues. Avec Des sentiers que nul ne sonde ! Avec des carrières, des grottes Doucement désertes… Avec de nouveaux rochers sous la voûte
des écueils,
Héros de l’abîme ! Et le jour vient à les surprendre au niveau de
la mousse,
De l’écume. Audacieux, plus qu’audacieux, presque audacieux, Nous les interrogeons
Restons fidèles à la tendresse de la lymphe
Laissons-nous conduire à l’unité des fleurs. Unité abondante. Et
La règle est de croître… Du côté d’une frontière ou d’une ligne
d’îles,
La très chaste et très vénérable et redoutable Vénus Nous domine. À l’aplomb des toits les étoiles clignotent, La nuit s’en empare ! Ah ! me soumettre à la naissance du soleil, À sa plénitude… Avoir le désir d’accompagner pas à pas sa solitude.
Pur, précieux, facile embrasement des bâtiments de l’éther, De maints bassins monumentaux ! Le jour se relance et nous
drosse
Le long d’une plage… JJ vogue. Il abrite un port abrupt. J’en scrute et j’en occupe, en défends la grandeur. Je m’en inspire. J’ordonnerai, je retrouverai, dirai, surgeons, drageons. Surgeons ! détaillerai à souhait les mots d’un éloge des feuilles. Un baume se répand sur la blessure des bois. La lune au bout de
nos doigts
Varie et nous séduit. Nous devinons que le brouillard consume, De la tôle des hangars aux piliers du temple et de la base des
hangars
À la grange, allume et consume un absolu de transparence. Notre lot? Guetter, prudemment, Fépiphanie du feu. Épier le
retour
Du guide obscur… J’oublie, à fouler le sol, je rêve ou j’évoque La bataille des saisons. Je recherchç et m’attribue le butin Que l’automne pille. Et l’hiver le confie au matin. Les mois
commandent
De sauver la sève… Au gré d’une voix, d’un chant parfait. Immobile, immobile et mobile, encore immobile et mobile, Le soleil détecte une route, instaure un paradis de roseaux (dont La pointe nous frôle) et lui dispute la mer. La mer recule, Nous apprend l’orgueil du jusant. Le vent, le tisserand. Hisse une voile, la détisse… Appareillage ou naufrage En guise de message. Attentifs, actifs, sereins, captifs, Il nous échoit de saisir, de choisir la sainte poussière, D’épouser la fortune inégale !
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.