La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
C’était juste pendant les très grandes chaleurs, Cette année là, nous cherchions à nouveau un logement, En attendant nous étions chez une amie qui était belle Mais nous ne faisions pas l’amour et sans doute c’était à cause du temps
Ou c’était que nous n’étions pas chez nous et tu t’étonnais de cela
Et je savais que l’homme est une mécanique plus fragile Que les appareils compliqués qu’on voit dans les musées silencieux Et qui oscillent sans un bruit et sont mystérieusement utiles Tu venais juste de reprendre le travail et tu avais du mal, Nous étions de passage et Colline qui était belle Parfois nous la surprenions nue et nous la regardions Avec amour dans son sommeil Et tout trois nous nous aimions bien
Nous ne faisions pas l’amour, et par timidité peut être Parceque cela aurait remis en route quelque part une de ces machines éteintes Pourtant nous nous aimions, les choses sont si simples Que ces machines qu’on dérègle pour un rien sont sans complications
Je ne sais, oh, je ne sais, pourquoi j’écris tout cela Pour tendre un filet à travers ma vie qui m’entraîne Il faisait dans l’appartement une chaleur On ne respirait plus Nous étions dans une parenthèse élevée d’un immeuble de notre vie Un jour, je me dis que peut être nous aurons enfin une maison Sur la pointe de l’ile entre les deux bras et les années qui passent Je les verrai venir et se mêler à mon passé Comme dans les tourbillons de la Loire, L’eau et ensuite, l’eau paresseusement va mourir dans les sables Crois tu qu’un jour nous aurons réellement une maison Avec une bonne amie à nous et nous saurons avoir la force De nous aimer, nous l’aimerons sans peur souviens t’en Ce sera bien plus beau et bien plus pur qu’un couple même comme nous deux
Ce sera comme une prairie dans la partie ombragée de l’été vers le soir Tu n’auras pas peur de l’orage et ni surtout de toi même, Dans l’herbe, on aura disposé ces machines inutiles des musées, Avec des balanciers, des contrepoids, des rouages de cuivre, des roulements… Et il flottera une de ses chansons mélodiques que chantait nos parents, Pour qui crois tu que nous serons capable de cette fête, souviens t’en …
Peut-être, à travers les chansons Comme à travers les trous du toit De la vieille grange effondrée, Appelant la fraîcheur des doigts, De l’orage ou l’amour, on voit Peut-être ma vie qui appelle Ô vous savez qu’elle était belle Anciens compagnons de ma joie
Puisque c’est vrai, tout est image Nous sommes l’image de nous Et dans les paumes du message Vous voyez la trace des clous Ô les feux allumés de l’âge ! Ne va pas prendre mal, surtout, Et reviens, sèche-toi, sois sage Il tombe de la mort partout
Chevaux tués, ombres des désastres Avenirs aux jambes brisées Éternités tombées des astres Aux formes de lampions brûlés Ô les bombes sur l’abbatiale ! Ô l’incendie dans le verger ! La terre est ce tablier sale Et les couleurs se sont vengées
Puisque c’est vrai, tout est mensonge Le regard franc, profond, surtout Et un cancer d’argent me ronge Puisque la mort rôde partout
Que je sois cette ancienne grange Sans douleur au fond des étés Et dont un peu de chanson penche Et je ne souffre plus d’aimer !
Eté court et mauvaise donne, Brûlant vite, elle était pressée ! Puis on voit le toit qui frissonne Et la vieille âme un peu bouger
La rivière est au bout du jardin, là au pied de La Chaume et ce Dimanche un jour à emmener l’atelier s’y tremper les pieds. Il fait si beau et si chaud que c’est plus du printemps mais de l’été arrivé
La peine à Mario c’est pas la peine à trois balles c’est une nouvelle chanson d’amour à peindre. Le nouveau thème à trouver pour pas s’arrêter la main toujours debout
Beaucoup d’oiseaux traversent le jardin en venant se poser sur le jasmin de la véranda
LE PEINTRE
Voilà où renvoyer l’imaginaire dans sa réalité féconde
Merci Mario de m’avoir dis comment faire. Bertin le bon Jacques dans le vers tu sais Le Poids des Roses comme un nez de parfumeur.
Niala-Loisobleu – 8 MAI 2022
Mario
par Jacques Bertin
sur Poètes & Chansons (1990), La Poids Des Roses (1991)
C’est le cœur qui a mal, je crois, Mario, c’est le cœur simplement
Mais d’une si infiniment infime douleur qu’un violon
Ne saurait, même au plus ténu de son registre, l’apaiser
Mario, à peine comme au loin les jours de pluie une fumée
Comme l’invisible dessin d’un vol d’oiseau dans l’air limpide
Une douleur. Mais tout est calme. Aucun de ces élancements
Du sang. Et point de ces amas au ciel menaçant de nuages
Non plus le désespoir violent comme un saccage.
C’est le cœur
Simplement épinglé, Mario, le cœur cloué comme une image
Sur une vie aux couleurs d’eau, sur un décor aux couleurs mortes
Ou comme une affiche, Mario, séchée sur une porte
Et dont un lambeau bouge à l’ air léger
Le cœur qui dit d’une manière si timide qu’il ne peut
Aller plus loin dans cette vie destinée pourtant au grand large
Or l’univers inflexible grince sous la corne et se charge
De nous, tout comme l’œil implacable des gens
Suis -je si vieux ?
Moi qui parlais au temps qu’il fait comme un prophète
À la religion bonne et gaie, toute bataille m’était fête
Je suis comme si un huissier, portant bien haut le candélabre
En plein jour, dans mon propre cœur, parmi les dunes m’emmenait
Où je m’enfonce à chaque pas, perdant le souffle sous le masque
À moins que ce ne soit mon cœur, mon vieux Mario, là, cette barque
Enfouie dans la marée de sable et par une herbe douce aux pieds
Recouverte et tenue par la ligne sans vie des peupliers
Chanter en vérité est un autre souffle, Un souffle autour de rien, un vol de Dieu, un vent. (Rilke).
Longtemps, longtemps il aura chanté debout pour que les hommes vivent debout. Les pieds dans la neige, la tête dans les étoiles. De Besançon à Santiago, des fleuves impassibles aux lampes en huile en chacun de nous. Maintenant il chante assis, non que la bourrasque du temps l’ait emporté ou aigri, mais pour mieux faire élever sa voix, respirer large, reposer son corps. Le temps lance en creusant les fossés de la solitude, en éloignant les lucioles, mais la flamme est là.
Et Bertin, honneur de la chanson française, chante toujours aussi haut. Malgré une chaude alerte sur sa santé au Québec lui montrant le fil ténu de la vie, il résiste au temps des imbéciles, à la vie qui plante une lance dans les flancs avec sa superficialité et son manque de valeurs. La France semble devenue un vaste préau d’écoles pour citoyens impubères et « la positive attitude » montre l’immense mépris pour les hommes qui régit ces jours de maintenant. Le mal de terre s’échange contre le mal de tête. La peur du chant et donc de l’enchantement cantonne la chanson dans le divertissement, oubliant ses pouvoirs magiques.
Loin des chanteurs domestiques qui mangent dans la main médiocre de la vanité, Jacques continue son chant essentiel et fraternel. Face aux autoroutes du binaire et des musiques «inactuelles», ses longs chemins donnent une ombre fraîche, une eau vive, une écharpe de mémoire. Devant le massacre de la chanson française perpétré dans les années quatre-vingt par la gauche au pouvoir, avec Jack Lang en bourreau à talons hauts la chanson s’est perdue. Devant le mépris distingué de l’élite face à la chanson, il ne restait que l’oubli, la résignation ou la résistance. Bertin est toujours debout. Il a survécu à la débâcle. Il ne se rend pas ! « L’homme survit, voyez, debout, plus beau de désespoir humain ! » (Forteresse) Cœur troué, il a chanté, il chante encore et dans l’avenir on entend ses paroles.
Les chansons de Jacques Bertin travaillent pour lui, très lentement. N’attendons pas pour lui faire place, pour le reconnaître, car les rossignols meurent souvent le cœur gelé.
« Je ne sais où, je ne sais où, dans quelle enfance ou dans quelle nuit de quel futur j’entendis ou dans quel continent perdu de l’espérance cette voix murmurant dans l’entrée. Tout est dit » (l’essentiel)
Non tout n’aura pas été vain, il nous aura été donné de recevoir les chansons de Jacques Bertin, nous avons moins froids.
Certes l’époque ne se veut pas tragique, elle l’est pourtant par trop de blessures. Ceux qui osent chanter à hauteur d’homme sont accueillis par un silence gêné. Sommes-nous devenus si peu présents au monde que la chanson pure nous effraie, que des mots simples à nous brûler du dedans soient vite oubliés. Quand cesserons-nous de fuir vers le divertissement futile ? Honte pour ces «chanteurs-promotion» qui ne savent pas aligner deux rêves et un accord, et encombrent inutilement les couloirs de notre mémoire.
Jacques lui revient du bout des «blessures sous la mer» qui ne se referment toujours pas. Seul avec le chant des peupliers, il nous parle de nous, de nos amours qui tremblent ou qui saignent, de la vie difficile qui fait nos cœurs plus vastes. « Bon de la bonté des faibles », Jacques a écrit d’immenses textes, des chants obstinés qui passeront par-dessus les âmes lavables et amovibles, mais toucheront les autres : ceux qui savent, ceux qui se reconnaissent en Bertin leur semblable, leur frère.
Avec un détachement apparemment quasi aristocratique, Bertin regarde l’écume de ces vanités, mais le cœur saigne. Car il ne faut par confondre l’exigence et la ferveur avec le dédain. Et Bertin a appris de par la vie, de par son père maçon, le juste travail artisanal sans cesse à polir et repolir mots et musique.
Dans le disque « La jeune fille blonde » il est dit « J’écris dans le ciel et vous n’y lirez rien ».
Grand Jacques tu te trompes nous lisons en tes chansons comme en nous enfin. Nous regardons les années mortes qui veulent sortir du miroir et les voiliers qui y retournent. Les femmes aimées sont là, couchées en chien de fusil, elles ne tombent plus juste dans nos dedans, elles sont autour de nous. Nous voici enfin rassemblés sur le quai des fumées, nous nous regardons partir les uns après les autres. Le cercle ne doit pas se briser avant nous, nous sommes nos clôtures, nous sommes nos chutes. Nous les simples nous confondons la douleur et la vie. Nous laissons nos amours pauvres jaunir entre des pages non vécues. Les oiseaux de passage qui nichaient en nous s’échouent un peu partout.
Tout cela passe ainsi dans les chansons de Jacques Bertin. On se demandera seulement pourquoi les hommes ne gèlent qu’à partir du cœur, puis on ne demandera rien. Jusqu’à la stupeur, la stupeur du silence. Mais Bertin nous oblige à reposer cette question sans cesse, et il nous enjoint ne pas se taire. Réveillez-vous ! souvenez-vous ! l’eau attend le feu, nous dit-il.
Jacques, si proche de Cadou par sa limpidité, sa ferveur, son approche tout à la fois immédiate et complexe de la vie qui va. Avec aussi un sens du tragique de la vie et des domaines de la douleur qui lui est particulier. Jacques Bertin a fait sienne cette fière phrase d’homme :Le tragique de la vie n’est pas que l’on meurt, mais que l’on meurt volé.Et Jacques lutte jour à jour dans ses chansons contre cette dépossession. Les poèmes et les chansons sont des fragments d’existence, des choses usuelles de nos vies, « usuelles comme le ciel qui nous déborde » et toujours selon Cadou : « Amis, plein de rumeurs, où êtes-vous ce soir ? Dans quel coin de ma vie longtemps désaffecté ? Pardonnez-moi de vous aimer à travers moi crieurs de journaux intimes seuls prophètes Seuls amis en ce monde et ailleurs !»
Jacques Bertin est un de ces crieurs de journaux intimes. Dans Blessure sous la mer à Hôtel du grand retour, et Lajeune fille blonde, No surrender ses derniers disques, il sait des trahisons les mystères, et des amours les miroirs ternis, du temps l’usure et surtout cette vieillesse qui nous perd au creux de la vie. Jacques Bertin est l’incarnation même du pouvoir du chant et il sait descendre au fond des ténèbres pour trouver l’espoir. « Je suis l’âme de tout le monde et je suis toute l’âme du monde : la braise qui dans la soute chante. J’ai transformé le vieux doute en voilier je suis l’oiseau blessé qui ne tombe jamais » Le pouvoir du chant
L’homme, lui, chemine, vaille que vaille, dans la précarité des choses de la vie, et il n’a pas de trop de l’écharpe nouée des amitiés pour passer l’hiver. Et ses mains tendues et coupées à la fois, les mouvements d’ombre de ses mots sont bien ceux d’un des rares voyants de la chanson face à la marée binaire du monde. Des textes comme « La femme triste », « L’or pur », L’aube à Cassis, « L’éternité à Denfert », « Une grange », « Dans la mort », et tant d’autres, sont parmi les plus beaux textes d’amour, donc de désamour, de la chanson française. Ses musiques montent doucement de ces mots, et se glissent dans l’haleine des autres.
Ces petites chansons entêtantes, ces petits manèges tristes tournant à jamais dans nos mémoires, finissent par être autant de petits feux, de lampes allumées au bord de la nuit froide et que l’on n’espérait plus. Jacques Berlin, de rage en blessure, de larmes suspendues en musique délivrée, transmue le peu d’amour en des paroles d’amitié pour les autres. Plus que de survivre dans les chansons, Jacques Bertin, chevalier des causes ferventes et belles, aura été avant tout fidèle. On ne lui avait pas donné la parole, il l’a prise au nom des sans voix. Par le chant il a rendu dignité au peuple et à la peupleraie. Il a nommé
« je crois dans le chant et qu’il faut croire dans l’homme et qu’il faut nommer contre tous, l’homme, l’homme ».
Il chante à hauteur d’homme, à hauteur d’enfance. Pour nous, fraternellement il sait la gravité des mots ; les tressaillements des choses. Devant les impossibles, il tente toujours l’envol de l’espoir, le sacrifice matinal de l’alouette pour annoncer des aubes improbables, et il attend des renforts illusoires qui ne viendront qu’à l’aube alors que la nuit sera infiniment longue. Les chats craintifs viennent y dormir parfois.
Ce fleuve qui vient de si loin », ces mots nous traversent, pleins d’échos dans les forêts de nos mémoires. Alors que la vérité est plus fragile que les souvenirs, nos jours sont déjà chassés plus loin que les nuages : il est temps d’écouter Bertin. Dans la grange pleure le vent ou notre enfance. Seules les chansons de Jacques savent nous consoler de n’avoir été que nous-mêmes.
Même si l’âge lance, même si la solitude est une mer qui vous noie, Jacques s’accroche à sa légende et dit merci à cette chienne de vie. Cette vie comme un cheval perdu dans nos têtes et qui ne trouve plus le ciel et encore moins la prairie, cette vie qui nous laissera inconnu et fidèle, toujours fidèle. Fidélité à l’enfance, à la mémoire des parents déjà dans le froid, fidélité aux amours ferventes et trahies. « Ah comme j’ai chanté j’ai chanté j’ai chanté je vous aimais je vous aimais je vous aimais ! »
Ses chansons saignent encore doucement et, comme au premier matin, elles nous atteignent au profond de nous-mêmes, mélanges de goût d’enfance et de douleurs d’homme. La poésie c’est sortir de soi-même et des mots, pour y faire entrer les autres, souvent les chansons de Jacques Berlin deviennent cette évidence intime qui nous manquait. Jacques Bertin a aussi dû répondre à la question essentielle des chanteurs aux yeux ouverts : Que faire quand les grands élans qui nous ont portés ont disparu ? Certains choisissent le silence ou les bluettes, Jacques n’a pas eu à choisir, la vie l’a fait pour lui. Au fil du sang, dans les cailloux des larmes figées, une chanson sans fin monte vers nous, loin des eaux plates de la tristesse, des chemins d’herbe des amours mortes – une chanson d’homme, avec le temps qui frappe aux tempes, et cet espoir qui palpite encore.
Jacques Bertin, nous accueille sous la grange de ses chansons. Bien sûr il y a des trous au toit par où passent les pluies des sentiments, mais les mots palpitent toujours. Et devant les chansons ferventes de Jacques, à nous de faire silence aux bruits du monde, d’allumer un fanal au fond de soi pour accueillir dignement un ami.
Milosz : écrit : Ce sera tout à fait comme dans cette vie, les gens se réjouiront d’être là, qui ne se sont jamais connus et qui ne savent les uns des autres que ceci : il faudra aller ensuite dans la nuit, sans amour et sans lampe.Nous nous rencontrerons comme jadis, pour entendre Jacques et son chant profond, profond. Demain il faudra recompter les fontaines et les enfants enfuis, maintenant il faut écouter Jacques.
L’amour qui fait ce qu’il peut, le vide rongeant l’être, les feux et les flammes mal entretenus mais aussi l’aube et l’homme voici quelques-uns des thèmes des chansons. Les absents se pressent sur les chemins de l’absence, ils coupent au travers des vergers. La tête se vide par un petit trou d’enfance.
« J’aurai laissé des chairs aux ronces, des chansons», oui mais ces chansons sont notre chair. D’ailleurs le nouveau combat de Jacques Bertin est pour la défense du patrimoine de la chanson française. Il dénombre un bon millier de chefs-d’œuvre dignes de figurer au répertoire national, aussi Jacques Bertin a créé un atelier d’apprentissage et de réflexion sur la chanson, à partir de l’interprétation des chefs-d’œuvre passés.
« Nous avons été fidèles et nous avons vécu tellement ardemment» dit Jacques, et ses chansons y auront été pour beaucoup.
L’amitié et la ferveur s’appellent encore Jacques Bertin et ses chansons entrent par toutes les portes de nos rêves d’homme. La pauvre écharpe de notre écoute ne changera pas le cours des choses mais au moins, le temps d’un feu de bois, que la chanson nous redonne courage et espérance même si la vie nous a souvent volés.
Jacques ce soir, le repas sera servi, nous ne pouvons pas nous manquer. Chez nous dans l’autre monde une lumière est encore allumée. Voilà les premières étoiles vont s’allumer dans la première nuit du monde. La première neige va tomber sur l’aube de l’enfance :
Laissez une fenêtre ouverte à votre maison entre la voie ferrée et la rivière Je vous entends, j’entends les bruits du repas, votre enfant, Je vous entends murmurer dans votre premier sommeil, Je viendrai tout à l’heure rôder dans la cour, les chiens seront calmes Ils viendront à mes pieds Vos rêves passent avec des mots épars ils s’en vont dans la rivière escortée de flambeaux je veillerai sur vous dans la pelisse de la nuit et le museau des chiens Au premier bruit de l’aube, je partirai Vous pousserez le volet, vous ne saurez jamais que j’étais si près de vous. (Jacques Bertin).
Gil Pressnitzer
Textes de Jacques Bertin
Il est beaucoup de textes superbes de Bertin, grand poète selon moi, ils se trouvent pour la plupart dans le livre Plein Chant, Pleine page et dans Blessé seulement.Seuls cinq sont ici cités car ils sont inscrits sur nos écorces, à l’intérieur de nous-mêmes.
Le soir
Ne t’en fais pas pour l’ombre ni pour la patience Elles progresseront ensemble avec le temps Ni l’or à quoi le beau soir dénudé ressemble Et qui semble parfumer le pays d’encens
Ne t’en fais pas. Tout vient à son temps, à son heure L’oubli viendra, comme un messager des lointains Ailleurs s’étrangle à nouveau le cor du sonneur Annonçant des rémissions proches. Tout est vain
Tout est vain : on ne voit plus, qui blessaient les vignes Ces routes tracées dans la chair vive au couteau Juste une buée montant des souffrances, on devine Mourant, les formes féminines des coteaux
Avec le temps, les trahisons, les espérances Qu’en reste-t-il ? Le parc oblique vers la nuit Rentre, serrant sous ta veste ton peu de science Tout vient à son heure, et le pardon de la pluie
Tout fut-il donc dépensé pour rien ? Tu protestes L’escalier geint. Ce soir, personne ne t’attend Dans le noir tu parcours ta galerie de gestes Le fardier d’insomnie s’ébranle pour cent ans
Ne t’en fais pas. Toute chose à la fin fait cendres Même l’oiseau dont les braises brillent encore Et, dans la nuit sans oubli où tu vas descendre Son aile implorante frémit, dans le décor
Les biefs
Le soir Quand vous basculez dans le ciel Vers votre aventure nocturne Je voudrais retenir qui j’aime
Il est trop tard Les biefs sont fermés Serai-je aussi seul avec le chant des peupliers Quand il n’y aura plus personne sur la terre ?
Le soir Quand vous basculez dans le ciel – Espoir ourlé de ses chagrins – Je vous dessine de la main
Les biefs du cœur Ne sont qu’assoupis Le chant des arbres, c’est la vie qui nous tient réunis Je suis partout, veillant sur vous, sur cette terre
Le soir Quand vous basculez dans le ciel Le front brûlé au lendemain Je suis l’air et le vent dormant Les biefs du cœur Tremblent jusqu’au matin Il me suffit que vous me sachiez attentif dans l’ombre Je ne suis jamais seul. Vous ne m’oubliez pas
Le rêveur
J’étais l’enfant qui courait moins vite J’étais l’enfant qui se croyait moins beau Je vivais déjà dans les pages vides où je cherchais des sources d’eaux
J’étais celui à l’épaule d’une ombre qui s’appuyait, qu’on retrouvait dormant Je connaissais les voix qui, dans les Dombes, nidifient sous les mille étangs
Je fus plus tard l’adolescent qu’on moque au regard vain dans la ville égaré l’homme qui campe à l’écart de l’époque tisonnant ses doutes pour s’y chauffer
Je suis monté au lac des solitudes dans l’écrin gris des charmes sans raison où de vieux airs palpitaient sous la lune J’aurai laissé des chairs aux ronces, des chansons
La note basse des monts, les absences les émeraudes du val interdit toutes les belles ruines du silence tout ce qui ne sera pas dit !
Si jamais tu t’accroches à ma légende il faut que tu t’en remettes à mon mal Ne trahis pas, vois la plaie où s’épanche tout un monde animal
L’enfant muet s’est réfugié dans l’homme Il écoute la pluie sur les toits bleus Les cœurs sont effondrés, le clocher sonne Que faire sans toi quand il pleut ?
Ma vie ne fut que cet échec du rêve Je ne brûle plus, non : ce sont mes liens Les sabots des armées m’ont piétiné sans trêve J’écris dans le ciel vide et vous n’y lirez rien
Paroisse
Des femmes sont assises dans l’hiver Le long de la radio, sur un dernier travail C’est tard la nuit, il est déjà dans les dix heures Depuis longtemps dorment dans les chambres glacées Des enfants protégés du mal par un signe de croix Des femmes sont assises dans l’hiver. Il fait grand froid.
A la gare on attend encore le train de Combourg et Dol Dans la prairie les gitans guettent le sommeil des chevaux Ils ont plié le cirque dérisoire et ils s’en vont. Demain Les maçons ne travailleront pas sans doute à cause du gel Demain il y a messe pour la jeune fille qui est en deuil De Nantes vient le givre avec ses cuivres. Il fait grand froid.
Paroisse de l’année soixante. O périphérie de la paix Femme posée comme une lampe à huile dans le silence Rassemble dans cet écrin-là tous tes enfants. Emporte-les Vers le bon dieu et qu’on ne nous sépare pas Demande-lui si c’est bien demain que le payeur passe Et quand va-t-on enfin goudronner la rue. Tu as froid.
Tu fermes la radio. Tu montes en faisant attention Vers un endroit que je t’ai préparé dans ma mémoire Et qui s’est détaché de moi pour vivre, comme une chanson Où tu es bien parce qu’on ne nous séparera pas.
La nuit on ne peut…
La nuit on ne peut vraiment plus échapper On rentre dans une grange à la charpente Inquiétante comme l’éternité
Les amis d’enfance dorment dans le foin, Quelquefois l’un d’eux s’éveille Et me regarde, et se rendort.
Il y a de très jeunes filles, dont je suis éperdument Amoureux Un peu de leur neige sur mon épaule est restée Il y a si longtemps et la neige est restée La nuit on ne peut vraiment plus échapper…
Je sors en douce de ma vie par la porte du fond Ou êtes-vous, ou êtes-vous, la nuit vous découvre et vous couvre ou êtes-vous Est-ce que vous me cherchez aussi, dites si nous allions, Comme autrefois dormir dans des décors de hasard avec de bons feux d’odeurs Est-ce qu’on nous permettrait d’y mourir Enfant perdu, enfant puni, est ce que vous rodez autour du parc interdit Où le jour et la nuit Dieu vous accueille juste pour vous donner l’avant-goût du retour
Cheval perdu
On ne sait pas fermer les bras quand il faudraitSerrer les poings, donner des coups, mourir à l’heureOn perd le nord comme son mouchoir.
Le bonheurOn ne sait pas lui mettre son licol au cou comme on devrait
A peine l’a-t-on monté, il nous jette à terreEntendez-vous ce galop, ce cheval perdu C’est dans un village isolé la nuit l’hiverLongtemps après je parais au bout de la rue
Ce galop martelant dans les hauts du théâtreJe le conjure en lui destinant des chansonsIci j’ai créé dans les gravats et les plâtres Un lac de douceur où se reflète ton nom
Un jour tu viens, les flancs blancs, perdue d’abandon Manger nos rêves séchés au creux de mes mains Puis je t’enserre dans mes bras qui font une archeTout est pardon
A part le brouillard qui règne sur le monde et tout autour de la maison, tout s’éclaircit de plus en plus. Les acariens de l’échange sont partis des mots-quête. Certes il faut faire avec les ignorances numériques pour parvenir au meilleur du repas. Un verre de bord d’ô aide à gagner le canapé du digestif avec un chocolat sans avoir recours à l’intelligence artificielle
Les dernières mises au point avec annulation des Récollets ont permis aux jambes de trouver une excellente nuit de repos qui leur a permis de revoir l’accrochage du côté de La Chaume
Comme vous pouvez le voir sur l’illustration, je m’ai maintenant à gauche du clavier…mon meilleur côté
Bien que le Président ramasse tout ce qui peut lui apporter profit pour se faire réélire, il n’y aura de changement qu’en pire, ce qui fait que de mon côté je travaille davantage pour trouver le bonheur propre à me permettre de vivre en aimant et en partage
Et si je suis très confiant des dispositions prises c’est qu’il s’agit vraiment de retrouver la santé
L’idée de faire une expo pique-nique dans le jardin, l’atelier et La Chaume au printemps, à cet égard est vraiment porteuse
Le pouvoir créatif apporté par la joie que le coeur trouve en partage génère du bleu sans besoin de petites pilules
Comme enfant la purge des vers qu’on nous faisait prendre au printemps lave mieux qu’une promesse menteuse qui empire au lieux de guérir. L’intestin sans transit c’est l’occlusion, disait Marthe, mon ange-gardien.
Niala-Loisobleu – 29 Janvier 2022
Jacques Bertin – Ma vie, mon œuvre lyrics
Je n’ai pas su partir au loin Convoquant les ports et les îles Brisant les lignes du destin Comme un joueur d’osselets malin Bousculant la donne et les villes Je n’ai pas été l’homme-oiseau Régnant sur la côte dalmate Ni Protecteur des pays Baltes Avec son sceptre de roseau Il étend son bras jusqu’à Malte Au Vidame des ponts, à Pise Avant de le tuer comme un chien Il a racheté sept putains Qui viennent manger dans sa main Et l’aiment et qui le lui disent Ses pirogues sont sur l’Ogooué Chargées de son camphre et son miel Le roi du Soudan amadoué Lui paye des plantes d’arbre à sel Avec deux cents chevaux de selle Il conquiert les Pays du Livre Avec quatre cents cavaliers – Mon manteau pourpre les rend ivres : Livre ton âme et ta monnaie Remercie Dieu qui te délivre ! J’ai menti plus qu’on ne peut dire J’ ai vendu des années durant De faux ciboires en fer blanc Disant la messe en allemand Pour de faux moines durs à cuire Piroguiers descendant l’Ogooué Qui donc gémit dans ces barils? – Des âmes d’enfants étouffés Des pierres bleues du dieu Avril Des larmes gemmes pour les îles J’ai sauvé les couvents de Bâle Cernés par les Teutons haineux Ils voulaient la peau des moniales Ces démons se battaient mieux qu’eux – La supérieure fut triviale J’ai parcouru l’ancienne Épire Fuyant l’Europe et ma moitié Suivi d’un mamelück d’empire Et deux femmes qui me battaient – Battez-moi, mon ancienne est pire… D’un ministre l’épouse en fuite Blanche et gra**e et toujours très nue Serait-ce cela qui m’excite : Des ministres la vertu ? Iconoclastie tu m’habites ! orage au ciel chargé Je te soudoie et on se monte Certaines fois le vent se lève Pour la migration des regards « Maîtresse, rentrons, il est tard » – J’aime ce léger désespoir Qui donne son parfum aux rêves Certaines fois je crois en l ‘Homme Tu me convaincs et tu m’absous Par le rire et l’amour. En somme La foi y est cachée dessous Je crois au monde ou c’est tout comme Et tu es toute ma frontière On y pa**e en fraude un baiser Un de plus et la vie entière J’affrête pour appareiller Ma pirogue sur l ‘oreiller
Je sonne chez vous, les mains vides Je ne donne rien que mon chant Je n’en sais pas les premiers mots ni la musique Mais entendez Cette respiration qui est la mienne Roulée en boule et sur elle retient son chant Je ne donne que l’amitié dans le bol cassé de la tête Comme ce chien dans le regard des hommes qui vivait
Heureux celui qui me reçoit dans sa maison Et de sa main il caresse sa femme Et les draps sont pliés dans l’armoire à la place des draps Et l’heure à la place de l’heure Mais le rire de ton enfant il ressemble à la craie Et toute chose a l’élan mort des pierres Je ne donne rien que mon chant mort et qui s’étonne des morts
Jacques Bertin – Tocando la campana
Estoy tocando tu timbre con las manos vacías No doy nada más que mi canción No sé las primeras palabras ni la música. pero escucha Este aliento que es mío Enrollado en un ovillo y sobre él sostiene su canto Solo doy amistad en el cuenco roto de la cabeza Como ese perro a los ojos de los hombres que vivieron
Dichoso el que me recibe en su casa Y con la mano acaricia a su mujer Y las sábanas están dobladas en el armario en lugar de las sábanas Y tiempo en lugar de tiempo Pero la risa de tu hijo parece tiza Y todo tiene el ímpetu muerto de las piedras No doy más que mi canto muerto que se asombra de los muertos
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