La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Dans le grand grenier de mon âmeJ’étouffe très discrètementJe respire mais j’ai la bouchePleine de toiles d’araignéesJe fais de grands pas immobilesJe crie mais je ne m’entends pasIl y fait une chaleur moiteDans un bric-à-brac indécentJ’y vois des bons dieux à crinièresSortir des cartons à chapeauxMes amis révolutionnairesCourent en rond le cul à l’airSur le vélo de mes dimanchesVient un épicier à pomponPuis une femme un peu trop vieilleLe ventre blanc et les bas noirsS’écroule dans les étagèresSur les genoux d’un sénateurEn robe de mariée ma mèrePleure en silence dans un coinEntre des gravures de modeEt les napperons des chrétiensPapa tient les cordons du poêleEt les genoux du généralLes goupillons de la moraleEt ceux de la révolutionContre une fille au torse nuLe jupon très bas sur les hanchesQui voudrait m’apporter à boireEt qu’on traque dans les bouquinsJ’arrive enfin à la fenêtreMais quand je vais sortir au jourJe meurs coincé dans la photoFigé dans un sourire immenseJuste à côté du temps qui passeEt qui me fait un grand « Salut ! »
Les cris d’écoliers dans les cours La pierre blanche au carrefour Ce signe tracé dans le sable L’étoile posée sur la table
Ce regard dans la foule hostile Ce jardin doux des trèfles tendres Ce printemps du mois de novembre Cet été dans l’hiver civil
Femme inconnue aux cent visages Mystérieux livre d’image Le vol au loin des grands oiseaux Le chant glissant sur les roseaux
La nuit toute mouillée de roses La soie des matins vénéneux Ces îles blanches dans mes yeux Et ce printemps des ecchymoses
Le soleil dans les rues barrées Et la rhapsodie des marées Ma part de pain ma part de rêve Ce point d’aube au bord de ma lèvre
Femme inconnue aux cent visages Mystérieux livre d’image Le vol au loin des grands oiseaux Le chant glissant sur les roseaux
La déception que je vis lorsque je rencontre l’indifférence fondamentale au profit de l’intérêt seul, me ramène à cette chanson dans laquelle je me retrouve
À la pointe nue de l’averse il y a mon amour Elle est plus belle que l’averse et que l’eau sur la terre Vient le vent nu sur son cheval et il la trouve belle
Le vent lui jette son filet, il se baisse et lui parle Le vent l’emmène dans sa nuit, il la veut pour sa femme De toute la blancheur des nuits, mon amour est plus blanche
Le vent la met dans le matin entre le gris et l’herbe Au devant du matin debout, mon amour est plus belle Plus belle d’herbe et d’eau souillée, la nuit dans son regard
Le vent s’en va. Pour mon amour les soleils vont se battre
Trois bouquets de fleurs auprès du lit parmi les livres La paix qui s’installe ici à cause de toi Le premier bouquet pour l’enfant que nous ne ferons pas Le second pour le chant des hommes dont nous sommes séparés Le troisième parce que tu m’aimes, des œillets
Trois bouquets de fleurs auprès du lit parmi les livres Un jour nous cesserons de fuir ô mon enfant Un jour nous nous retrouverons, je te dirai : tu as vieilli Sur une berge triste dans le limon tu es belle et transie Compagnons, recouvrez notre amour de vos voix humaines Manteau des révoltes, manteau de laine, celle que j’aime a froid
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