JE NE DIRAI PLUS – GILLES VIGNEAULT / JULOS BEAUCARNE


JE NE DIRAI PLUS – GILLES VIGNEAULT / JULOS BEAUCARNE

je ne dirai plus Je vous aime
Je ne dirai plus Pour toujours
Je l’ai tant dit aux alentours
Je l’ai dit à l’Amour lui-même

Je ne dirai plus Je vous aime

je dirai que la mer est haute
Je dirai que le temps est doux
Je dirai que le temps nous ôte
Ce que l’espace aimait de nous
Je vous donnerai des nouvelles
De pays où je n’irai pas
Et ferai pousser sous vos pas
Des fleurs qui porteront des ailes

Je ne dirai plus Je vous aime
Je ne dirai plus Pour toujours
Je l’ai tant dit aux alentours
Je l’ai dit à l’Amour lui-même
Je ne dirai plus Je vous aime

Je dirai que le vent qui tombe
Nous a demandé à coucher
Je dirai comme la colombe
A de la peine à se nicher
Je réparerai des mots rares
Qui serviront à nous nommer
Et serviront à nous aimer
Et qui luiront comme des phares

Je ne dirai plus Je vous aime
Je ne dirai plus Pour toujours
Je l’ai tant dit aux alentours
Je l’ai dit à l’Amour lui-même
Je ne dirai plus Je vous aime

Laisserai parole à l’automne
À son cuivre, à ses oiseaux d’or
L’hiver venu, si je fredonne
Ne mettrai point mes mots dehors
On reconnaîtra des romances
Que j’écrivais en mil neuf cent
Les mots s’en allaient vieillissant
Que la musique recommence

Je ne dirai plus Je vous aime

Gilles Vigneault

A JULOS LE JASEUR BOREAL


A JULOS LE JASEUR BOREAL

Femmes et hommes

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
Ne vous laissez pas attacher
Ne permettez pas qu’on fasse sur vous des rêves impossibles
On est en amour avec vous
Tant que vous correspondez au rêve que l’on a fait sur vous
Alors le fleuve Amour coule tranquille
Les jours sont heureux sous les marronniers mauves

Mais s’il vous arrive de ne plus être
Ce personnage qui marchait dans le rêve
Alors soufflent les vents contraires

Le bateau tangue, la voile se déchire
On met les canots à la mer
Les mots d’amour deviennent des mots couteaux
Qu’on vous enfonce dans le cœur
La personne qui hier vous chérissait aujourd’hui vous hait.
La personne qui avait une si belle oreille
Pour vous écouter pleurer et rire
Ne peut plus supporter le son de votre voix

Plus rien n’est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre
Il pleut et vous remontez la rue
Dans votre pardessus noir
Est-ce aimer que de vouloir que l’autre
Quitte sa propre route et son propre voyage ?
Est-ce aimer que d’enfermer l’autre
Dans la prison de son propre rêve ?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
Ne vous laissez pas rêver par quelqu’un d’autre que vous-même
Chacun a son chemin qu’il est seul parfois à comprendre

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Si nous pouvions être d’abord toutes et tous
Et avant tout et premièrement
Des amants de la Vie
Alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs, ces éternels mendiants 
Qui perdent tant d’énergie et tant de temps
À attendre des autres, des signes, des baisers, de la reconnaissance

Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la Vie
Tout nous serait cadeau, nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie et dans sa peau

À chacun sa texture, son tissage et ses mots

Julos Beaucarne
Album Le jaseur boréal (2006)