«Union libre» André Breton 1931


«Union libre» André Breton 1931


Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d’éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d’étoiles de
dernière grandeur
Aux dents d’empreintes de souris blanche sur la terre blanche
A la langue d’ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d’hostie poignardée
A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
A la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d’écriture d’enfant
Aux sourcils de bord de nid d’hirondelle
Ma femme aux tempes d’ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d’allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d’as de coeur
Aux doigts de foin coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de la Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d’écume de mer et d’écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d’horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme aux pieds d’initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats qui boivent
Ma femme au cou d’orge imperlé
Ma femme à la gorge de Val d’or
De rendez-vous dans le lit même du torrent
Aux seins de nuit
Ma femme aux seins de taupinière marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement d’éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d’oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière
A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d’un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme aux fesses de grès et d’amiante
Ma femme aux fesses de dos de cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul
Ma femme au sexe de placer et d’ornithorynque
Ma femme au sexe d’algue et de bonbons anciens odorat le goût
Ma femme au sexe de miroir
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d’aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d’eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache
Aux yeux de niveau d’eau de niveau d’air de terre et de feu.

André Breton

FEMME A LA BLONDE AISSELLE COIFFANT SA CHEVELURE A LA LUEUR DES ÉTOILES – CONSTELLATION – ANDRE BRETON


FEMME A LA BLONDE AISSELLE COIFFANT SA CHEVELURE A LA LUEUR DES ÉTOILES – CONSTELLATION – ANDRE BRETON

Qu’y a-t-il entre cette cavité sans profondeur tant la pente en est douce à croire que c’est sur elle que s’est moulé le baiser, qu’y a-t-il entre elle et cette savane
déroulant imperturbablement au-dessus de nous ses sphères de lucioles?
Qui sait, peut-être le reflet des ramures du cerf dans l’eau troublée qu’il va boire parmi les tournoiements en nappes du pollen et l’amant luge tout doucement vers l’extase.
Que sous le pouvoir du peigne cette masse fluide, mûrement brassée de sarrasin et d’avoine, tout au long épinglée de décharges électriques, n’est pas plus
confondant dans sa chute le torrent qui bondit couleur de rouille à chaque détour du parc du château de
Fougères aux treize tours par la grâce du geste qui découvre et recouvre le nid sournoisement tramé des vrilles de la clématite.

André Breton

GUERRE PAR ANDRE BRETON


GUERRE PAR ANDRE BRETON

Je regarde la
Bête pendant qu’elle se lèche

Pour mieux se confondre avec tout ce qui l’entoure

Ses yeux couleur de houle

A
Pimproviste sont la mare tirant à elle le linge sale

les détritus
Celle qui arrête toujours l’homme
La mare avec sa petite place de l’Opéra dans le

ventre

Car la phosphorescence est la clé des yeux de la
Bête

Qui se lèche

Et sa langue

Dardée on ne sait à l’avance jamais vers où

Est un carrefour de fournaises

D’en dessous je contemple son palais

Fait de lampes dans des sacs

Et sous la voûte bleu de roi

D’arceaux dédorés en perspective l’un dans l’autre

Pendant que court le souffle fait de la généralisation à l’infini de celui de ces misérables le torse nu qui se produisent sur la place publique avalant des torches à
pétrole dans une aigre pluie de sous

Les pustules de la
Bête resplendissent de ces hécatombes de jeunes gens dont se gorge le
Nombre
Les flancs protégés par les miroitantes écailles que

sont les armées
Bombées dont chacune tourne à la perfection sur sa

charnière
Bien qu’elles dépendent les unes des autres non

moins que les coqs qui s’insultent à l’aurore de

fumier à fumier
On touche au défaut de la conscience pourtant

certains persistent à soutenir que le jour va

naître
La porte j’ai voulu dire la
Bête se lèche sous l’aile
Et l’on voit est-ce de rire se convulser des filous au

fond d’une taverne
Ce mirage dont on avait fait la bonté se raisonne
C’est un gisement de mercure
Cela pourrait bien se laper d’un seul coup
J’ai cru que la
Bête se tournait vers moi j’ai revu

la saleté de l’éclair
Qu’elle est blanche dans ses membranes dans le

délié de ses bois de bouleaux où s’organise le

guet
Dans les cordages de ses vaisseaux a la proue desquels

plonge une femme que les fatigues de l’amour ont

parée d’un loup vert
Fausse alerte la
Bête garde ses griffes en couronne

érectile autour des seins
J’essaie de ne pas trop chanceler quand elle bouge

la queue
Qui est à la fois le carrosse biseauté et le coup de

fouet
Dans l’odeur suffocante de cicindèle

De sa litière souillée de sang noir et d’or vers la lune elle aiguise une de ses cornes à l’arbre enthousiaste du grief

En se lovant avec des langueurs effrayantes

Flattée

La
Bête se lèche le sexe je n’ai rien dit.

André Breton

GENRE CONSTELLATION


GENRE CONSTELLATION

Sur son trottoir, bans repeints, les amoureux se roulent des pelles en public sans passer la main à côté du massif coralien

« Le bel oiseau dechiffrant l’inconnu au couple d’amoureux – Constellation »

C’est du Breton en baie de Seins-André dit le Miro qui voit clair dans le Labyrinthe

Joan le catalan qui navigue son petit-poisson dans l’ô en tirant la Muse à vue

Moi Niala sautant au lit, les prolégomènes sortis, paille de faire la litière neuve à l’équin

et des doigts lie l’herbe du nid de façon à ce que ça tienne par les cheveux à la comète

Ce touché surréaliste dans la reine bande et rilles comme l’animation des ruts le jour de la Fête à la Sardine que le facteur déball’art

L’inconnu encorne

satellise

plus qu’un ancien big-bang qui terni d’éclats cherche en vain l’artifice présidentiel

Tais-toi Marseille

qu’on se débouche les pores….

Niala-Loisobleu – 3 Septembre 2021


FEMME A LA BLONDE AISSELLE COIFFANT SA CHEVELURE A LA LUEUR DES ÉTOILES – CONSTELLATION PAR ANDRÉ BRETON

FEMME A LA BLONDE AISSELLE COIFFANT SA CHEVELURE A LA LUEUR DES ÉTOILES – CONSTELLATION PAR ANDRÉ BRETON

Qu’y a-t-il entre cette cavité sans profondeur tant la pente en est douce à croire que c’est sur elle que s’est moulé le baiser, qu’y a-t-il entre elle et cette savane
déroulant imperturbablement au-dessus de nous ses sphères de lucioles?
Qui sait, peut-être le reflet des ramures du cerf dans l’eau troublée qu’il va boire parmi les tournoiements en nappes du pollen et l’amant luge tout doucement vers l’extase.
Que sous le pouvoir du peigne cette masse fluide, mûrement brassée de sarrasin et d’avoine, tout au long épinglée de décharges électriques, n’est pas plus
confondant dans sa chute le torrent qui bondit couleur de rouille à chaque détour du parc du château de
Fougères aux treize tours par la grâce du geste qui découvre et recouvre le nid sournoisement tramé des vrilles de la clématite.

André Breton

VERS L’ARC-EN-CIEL – CONSTELLATION PAR ANDRE BRETON


VERS L’ARC-EN-CIEL – CONSTELLATION PAR ANDRE BRETON

« 22, 23, 24… »
D’un froment plus fondant que la neige la rose monstre du saut à la corde s’évase dans la ehère cour grise quitte enfin de ses fenêtres piail-lantes.
D’entre les volutes de la fleur sableuse s’élance un cœur d’enfant toujours plus haut jusqu’à se détacher en diabolo vers le fuchsia de la mansarde. « 38, 39, 40…
»

Le leurre passe avec la muleta du sang qui bout et. dans l’éblouissant, la manche de vers luisants seule fuse de la garde insensible à force de prestesse.
Tandis que, du chaudron immémorial d’où sa chevelure se soulève par saccades à flots d’ailes de corbeau, s’exhale le haut fumet des esquives et des feintes,
Concha épelle jusques et y compris le mot défaillir l’alphabet de l’amour.

André Breton

QUELS APRES PAR ANDRE BRETON



QUELS APRES PAR ANDRE BRETON



Les armoires bombées de la campagne

Glissent silencieusement sur les rails de lait

C’est l’heure où les filles soulevées par le flot de la nuit

qui roule des carlines
Se raidissent contre la morsure de l’hermine
Dont le cri
Va mouler les pointes de leur gorge

Les événements d’un autre ordre sont

absolument dépourvus d’intérêt

Ne me parlez pas de ce papier mural à

décor de ronces
Qui n’a rien de plus pressé
Que de se lacérer lui-même

Les flammes noires luttent dans la grille avec des

langues d’herbe
Un galop lointain
C’est la charge souterraine sonnée dans le bois de

violette et dans le buis
Toute la chambre se renverse

Le splendide alignement des mesures d’étain s’épuise en une seule qui par surcroît est le vin gris

La cuisse toujours trop tôt dépêchée sur le tableau de craie dans la tourmente de jour

Les gisements d’hommes les lacs de

murmures

La pensée tirant sur son collier de vieilles

niches

Qu’on me laisse une fois pour toutes avec

cela

Les diables-mouches voient dans ces ongles
Les pépins du quartier de pomme de la rosée
Ramené du fond de la vie

Le corps tout en poissons surgit du filet ruisselant
Dans la brousse
De l’air autour du lit

L’argus de la dérive chère les yeux fixes mi-ouverts mi-clos


André Breton
Poitiers, 9 mai 1940.

LE PUITS ENCHANTE – ANDRE BRETON


LE PUITS ENCHANTE – ANDRE BRETON

Du dehors l’air est à se refroidir

Le feu éteint sous la bouillotte bleue des bois

La nature crache dans sa petite boite de nuit

Sa brosse sans épaisseur commence à

faire luire les arêtes des buissons et des navires



La ville aux longues aiguillées de fulgores

Monte jusqu’à se perdre

Le long d’une rampe de chansons qui tourne en vrille dans les rues désertes

Quand les marelles abandonnées se retournent l’une

après l’autre dans le ciel
Tout au fond de l’entonnoir

Dans les fougères foulées du regard
J’ai rendez-vous avec la dame du lac

Je sais qu’elle viendra

Comme si je m’étais endormi sous des fuchsias



C’est là

A la place de la suspension du dessous dans la maison des nuages

Une cage d’ascenseur aux parois de laquelle éclate par

touffes du linge de femme
De plus en plus vert

A moi

A moi la fleur du grisou

Le ludion humain la roussette blanche

La grande devinette sacrée

Mieux qu’au fil de l’eau
Ophélie au ballet des mouches

de mai
Voici au reflet du fil à plomb celle qui est dans le

secret des taupes

Je vois la semelle de poussière de diamant je vois le paon blanc qui fait la roue derrière l’écran de la cheminée

Les femmes qu’on dessine à l’envers sont les seules qu’on n’ait jamais vues

Son sourire est fait pour l’expiation des plongeurs de

perles
Aux poumons changés en coraux

C’est
Méduse casquée dont le buste pivote lentement

dans la vitrine
De profil je caresse ses seins aux pointes ailées



Ma voix ne lui parviendrait pas ce sont deux mondes
Et même

Rien ne servirait de jeter dans sa tour une lettre toute ouverte aux angles de glu

On m’a passé les menottes étincelantes de
Peter
Ibbetson

Je suis un couvreur devenu fou

Qui arrache par plaques et finirai bien par jeter bas

tout le toit de la maison
Pour mieux voir comme la trombe s’élève de la mer
Pour me mêler à la bataille de fleurs
Quand une cuisse déborde l’écrin et qu’entre en jeu la

pédale du danger

La belle invention

Pour remplacer le coucou l’horloge à escarpolette

Qui marque le temps suspendu

Pendeloque du lustre central de la terre

Mon sablier de roses

Toi qui ne remonteras pas à la surface

Toi qui me regardes sans me voir dans les jardins de

la provocation pure
Toi qui m’envoies un baiser de la portière d’un train

qui fuit

André Breton