La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
C’est une chose étrange à la fin que le monde Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit Ces moments de bonheur ces midi d’incendie La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix
D’autres qui referont comme moi le voyage D’autres qui souriront d’un enfant rencontré Qui se retourneront pour leur nom murmuré D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
Il y aura toujours un couple frémissant Pour qui ce matin-là sera l’aube première Il y aura toujours l’eau le vent la lumière Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
C’est une chose au fond que je ne puis comprendre Cette peur de mourir que les gens ont en eux Comme si ce n’était pas assez merveilleux Que le ciel un moment nous ait paru si tendre
Oui je sais cela peut sembler court un moment Nous sommes ainsi faits que la joie et la peine Fuient comme un vin menteur de la coupe trop pleine Et la mer à nos soifs n’est qu’un commencement
Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouches Le sac lourd à l’échiné et le cœur dévasté Cet impossible choix d’être et d’avoir été Et la douleur qui laisse une ride à la bouche
Malgré la guerre et l’injustice et l’insomnie Où l’on porte rongeant votre cœur ce renard L’amertume et Dieu sait si je l’ai pour ma part Porté comme un enfant volé toute ma vie
Malgré la méchanceté des gens et les rires Quand on trébuche et les monstrueuses raisons Qu’on vous oppose pour vous faire une prison De ce qu’on aime et de ce qu’on croit un martyre
Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fond Malgré ces nuits sans fin à regarder la haine Malgré les ennemis les compagnons de chaînes Mon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu’ils font
Malgré l’âge et lorsque soudain le cœur vous flanche L’entourage prêt à tout croire à donner tort Indiffèrent à cette chose qui vous mord Simple histoire de prendre sur vous sa revanche
La cruauté générale et les saloperies Qu’on vous jette on ne sait trop qui faisant école Malgré ce qu’on a pensé souffert les idées folles Sans pouvoir soulager d’une injure ou d’un cri
Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessures Les séparations les deuils les camouflets Et tout ce qu’on voulait pourtant ce qu’on voulait De toute sa croyance imbécile à l’azur
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci Je dirai malgré tout que cette vie fut belle.
Oiseau de fer qui dit le vent Oiseau qui chante au jour levant Oiseau bel oiseau querelleur Oiseau plus fort que nos malheurs Oiseau sur l’église et l’auvent Oiseau de France comme avant Oiseau de toutes les couleurs.
Mon Dieu, mon Dieu, cela ne s’éteint pas Toute ma forêt, je suis là qui brûle J’avais pris ce feu pour le crépuscule Je croyais mon cœur à son dernier pas. J’attendais toujours le jour d’être cendre Je lisais vieillir où brise l’osier Je guettais l’instant d’après le brasier J’écoutais le chant des cendres, descendre.
J’étais du couteau, de l’âge égorgé Je portais mes doigts où vivre me saigne Mesurant ainsi la fin de mon règne Le peu qu’il me reste et le rien que j’ai.
Mais puisqu’il faut bien que douleur s’achève Parfois j’y prenais mon contentement Pariant sur l’ombre et sur le moment Où la porte ouvrant, déchire le rêve.
Mais j’ai beau vouloir en avoir fini Chercher dans ce corps l’alarme et l’alerte L’absence et la nuit, l’abîme et la perte J’en porte dans moi le profond déni. Il s’y lève un vent qui tient du prodige L’approche de toi qui me fait printemps Je n’ai jamais eu de ma vie autant Même entre tes bras, aujourd’hui vertige. Le souffrir d’aimer flamme perpétue En moi l’incendie étend ses ravages A rien n’a servi, ni le temps, ni l’âge Mon âme, mon âme, où m’entraînes-tu ? Où m’entraînes-tu ?
J’entends la douce pluie d’été dans les cheveux mouillés des saules Le vent qui fait un bruit d’argent m’endort m’éveille à tour de rôle Je rêve au cœur de la maison qu’entoure le cri des oiseaux
Je mêle au passé le présent comme à mes bras le linge lourd
Et cette nuit pour moi la mémoire fait patte de velours
Tout prend cette clarté des choses dans la profondeur des eaux
On dirait que de la semaine il n’est resté que les dimanches Tous les jardins de mon enfance écartent l’été de leurs branches
La mer ouvre son émeraude à ce jeune homme que je fus
Te voilà quelque part au mois d’août par une chaleur torride Allongé dans l’herbe et tu lis Gœthe Iphigénie en Tauride Par le temps qu’il fait un verre d’eau ne serait pas de refus
Ailleurs tu marchais le long d’un canal sous des châtaigniers verts De ce long jour écrasant les bogues sur les chemins déserts Personne excepté les haleurs qui buvaient du vin d’Algérie
Dans un village perdu les gens à ton passage se taisent Ô l’auberge de farine et de bière où tu mangeas des fraises Et la toile rêche des draps qui sentaient la buanderie
Cette vie avait-elle un sens Où t’en vas-tu croquant des guignes Jamais le soir les filles de Soliès ne te feront plus signe Reverras-tu jamais le cheval qui tournait la noria
Il y avait une fois dans le Wiltshire une dame en jaune Elle se balança longtemps dans un rocking-chair sur le loan Et quand tu pris sa main comme une ville une bague y brilla
De temps en temps tu te souviens de la jeune morte d’Auteuil Pâle sur son oreiller Son père la regarde assis dans un fauteuil Et toi tu n’as qu’à sortir de la chambre comme un étranger
Cette vie avait-elle un sens En a-t-elle un pour les lézards Et même alors dans le Salzkammcrgut on jouait du Mozart On peut dépayser son cœur mais non pas vraiment le changer
Les Naturfrcunde t’ont menacé du geste et de la parole Passant des neiges sans rien voir toi qui traversais le Tyrol Le ciel était si déraisonnablement rose à l’horizon
Mais des nuages de corbeaux couvraient l’Autriche des suicides Un beau jour tu es parti pour Berlin la poche et le cœur vides Spittelmarkt tu habites chez un marchand de quatre-saisons
Ah cette ville était une île au cœur même des eaux mortelles Toutes les îles de la mer leurs merveilles que seraient-elles Sans le péril qui les entoure et la tempête et les requins
Septembre de Charîottenbourg les longs soirs assis aux terrasses Et l’on s’en revenait parlant tard sous les arbres de Kantstrasse Vous en souvenez-vous toujours mes frère et sœur américains
Est-ce Jérusalem à l’heure où sur Samson le Temple croule Devant l’U-Bahnhof Nollendorf Platz chaussée et trottoirs la foule
D’une bière amère à pleins murs emplit la coupe des maisons
Et comme un feu dans les fourmis dans le poulailler le renard Soudain voici qu’en tous les sens la charge des Schupos démarre Et ce n’est pas ce coup-ci que l’homme de chair aura raison
Il y a quelque chose de pourri dans cette vie humaine Quelque chose par quoi l’esprit voit se rétrécir son domaine L’on ne sait de quel côté se tourner pour chasser ce tourment
Rentrer chez soi Qu’est-ce que c’est chez soi Mais il faut bien qu’on parte
Place Blanche on ira retrouver ses amis jouer aux cartes
Pour se persuader qu’il est avec l’enfer des accommodements
Cette vie avait-elle un sens et de quel côté sont les torts Ce n’est qu’un décor pour toi Kurfurstcndamm Brandenburger Tor
On y dévaluait d’un même coup le mark et les idées
Paris On a bouleversé Paris ses parcs et ses passages
Où donc est la Cité des Eaux palissades et fleurs sauvages
Ce sentier secret dans la ville où nous nous sommes attardés
C) femme notre cœur en lambeaux si quelque chose en doit survivre
Faut-il que cela soit comme une fleur séchée au fond d’un livre Cette lueur de coupe-gorge aux jardins de Cagliostro
Vraiment faut-il que de tous les instants cet instant-là demeure Odeur des acacias descendant vers la Seine où se meurt
Dans Grenelle endormi la toux intermittente du métro
Si longtemps entre nous deux un autre homme avait jeté son ombre
Il nous semblait qu’aucune nuit pour nous joindre fût assez sombre Assez profonde aucune mer sous le rideau des goémons
Trois ans nous nous sommes cherchés mon Amie éclatante et brune Aux soirs d’éclipsé elle m’était le soleil ensemble et la lune Et son parfum m’est demeuré longtemps dans les Buttes-Chau-mont
À reculons j’ai regardé s’enfuir ma reine blanche et noire Elle est partie à tout jamais nonchalamment dans le miroir Et je ne l’ai pas appelée et je ne l’ai pas retenue
C’est étrange un amour qui finit sans même un soupçon de plainte
Ce silence établi soudain quand la musique s’est éteinte
Et ce n’est que beaucoup plus tard que l’on saura le mal qu’on eut
Cette vie avait-elle un sens ou tout est-il contradictoire L’expression des gens parfois que l’on croise sur les trottoirs C’est comme un cinéma permanent quand on entre au beau milieu
Nous avions parlé notre nuit Je l’ai mené jusqu’à la gare Paul Éluard quittait Paris et sa vie un matin hagard On ne connaîtra jamais du film que la scène des adieux
Adieu tu ne retourneras jamais à Sarcelles-Saint-Brice Paul une maison peinte dans Ithaque attendait-elle Ulysse Tandis qu’autour de son esquif la mer se faisait mélopée
À toi de t’en aller par les atolls hantés de la Sirène
Tu ne monteras plus ici dans les balançoires foraines
Tu ne reverras plus les Gertrud Hoffman Girls croisant l’épée
L’aurore tous les jours se lèvera sans toi rue des Martyrs Ne te retourne pas sur cette ville en feu Tu peux partir Comme un faucheur derrière lui qui laisse les foins et la faux
Tu m’as dit en dernier je ne veux pour rien au monde qu’on brode Sur les raisons de mon départ Va-t’en tranquille aux antipodes C’est juré Je rirai de tout Je t’injurierai s’il le faut
O mes amis tombe à jamais le rideau rouge à la Cigale Un à un sur les ponts j’ai vu s’éteindre les feux de Bengale Et gémissante vers la mer une péniche au loin fuyait
Desnos c’était un bal dans ce quartier où l’on mange koscher Qui se souvient des amants dérangés sous la porte cochère Nous allions parlant de Nerval un soir de quatorze juillet
Il disait que l’amour est une plaie en travers de la gorge Et d’Amérique ces jours-là s’en revenait Yvonne George Avec ce chant brisé des oiseaux qui volèrent trop longtemps
Nous passions déjà le seuil tragique d’une nouvelle époque
Le drapeau d’Abd-el-Krim s’était levé déjà sur le Maroc
On entendait dans l’ombre énorme un énorme cœur palpitant
Cette vie avait-elle un sens ou n’était-elle qu’une danse
Quel est ce chien noir qui me suit Tout n’est-il que nuit et silence
N’est pas miroir tout ce qui luit ce que j’aime et ce que je suis
Ce monde est comme une Hollande et peint ses volets de couleurs Car l’hiver la terre demande à se reposer de ses fleurs Et je m’efforce à mieux comprendre hier de mes yeux d’aujourd’hui
Je ne récrirai pas ma vie Elle est devant moi sur la table Elle est comme un cœur de chair arraché pantelant lamentable Un macchabée aux carabins jeté pour la dissection Pourquoi refaire au jour le jour le chemin des illusions Filles des vents de la soif et des sables
La lumière de la mémoire hésite devant les plaies Soulevant comme une noire draperie au seuil des palais Le farouche et bruyant essaim que font toutes sortes de mouches Ah sans doute les souvenirs ne sortent pas tous de la bouche Il en est qu’une main d’ombre balaie
Le monde qu’on se fait de tout Les perpétuelles blessures Propos surpris Rires des gens Baisser les yeux sur ses chaussures Se sentir une marchandise en solde une fin de série Comme un interminable dimanche aux environs de Paris Dans ces chemins sans fin bordés de murs
Il y a des sentiments d’enfance ainsi qui se perpétuent La honte d’un costume ou d’un mot de travers T’en souviens-tu Les autres demeuraient entre eux Ça te faisait tout misérable Et tu comprenais bien que pour eux tu n’étais guère montrable Même aujourd’hui d’y penser ça me tue
J’allais toujours à ce qui brille à ce qui fait que c’est la fête Je préférais ne prendre rien à prendre une chose imparfaite C’est très joli mais l’existence en attendant ne t’attend pas C’est très joli mais l’existence en attendant te met au pas Ton histoire est celle de tes défaites
Avec ça tu sais bien que tu avais l’amour-propre mal placé Tu ne serais pas revenu sur une phrase prononcée Tu t’embarquais dans Dieu sait quoi pour camoufler tes ignorances
Tu te faisais couper en quatre pour sauver les apparences Tu haletais comme un gibier forcé
Probablement qu’il y a dans toi quelque chose du sauvage Peut-être confusément crains-tu d’être réduit au servage Peut-être étais-tu fait pour guetter seul au travers des roseaux Le flamant rose et lent qu’on voit posément sur les eaux Dans le soir avancer du fond des âges
Peut-être étais-tu fait pour lutter contre les autres éléments Non pas contre l’homme et la femme avec qui l’on ruse et l’on ment
Mais les volcans pour leur voler le feu premier qu’ils allumèrent Et nager comme on dort les yeux au ciel sur le dos de la mer Lourde de sel et de chuchotements
Tu n’as pas eu le choix entre l’âge d’or et l’âge de pierre Tu habitais au quatrième étage à Neuilly rue Saint-Pierre De temps en temps sur le Grand Lac tu faisais un peu de canot Tu prenais le tramway jaune pour aller au Lycée Carnot Plus tard Beaujon Broussais Lariboisière
Laisse-moi rire un peu de toi mon pauvre double mon sosie Tu n’as pas le coffre crois-moi qu’il faut à ta Polynésie
Mais regarde-toi donc N’importe quel miroir ferait l’affaire Ce chapeau mou ce pardessus dont c’est bien le troisième hiver Ça va comme un gant à ta poésie
Il y a les choses qu’on fait parce qu’il faut pourtant qu’on mange Et les soleils qu’on porte en soi comme une charrette d’oranges Il ne faut pas trop en parler c’est très mal vu dans le quartier Après tout je vous le concède il y a métier et métier La littérature en est un d’étrange
Ma mère a pleuré d’abord et trouvé cela bien affligeant Comprends mon petit quand on écrit pour eux on dépend des gens
Tant que ce n’est pas sérieux tu peux en agir à ta guise
Mais il faut songer à l’avenir que veux-tu que je te dise
Tiens moi j’en frémis rien qu’en y songeant
Chacun se bâtit un destin comme un tombeau sur la colline Il n’est plus de chemin privé si l’histoire un jour y chemine Et dans la rumeur de l’exode où sont nos calculs hasardeux Maman la chambre d’hôpital à Cahors en quarante-deux Comment se peut-il qu’on se l’imagine
Même au-dessus du cimetière il y a toujours les cieux À celui qui vit assez longtemps pour cela devant ses yeux Il n’y a pas de malheur si grand qu’au bout du compte il n’arrive Ce serait vivre pour bien peu s’il fallait pour soi que l’on vive Et même pour ceux qu’on aime le mieux
Où donc se sont évanouis tous les gens de ma connaissance La famille il n’y en a plus C’est vrai j’en avais peu le sens Et les amis n’en parlons pas Ce sont chansons d’une saison Pour nous séparer comme un fruit il ne manquait pas de raisons Un amour d’un jour creuse pire absence
Au-dessus d’un monde mort il continue à traîner des cerfs-volants Poignées de main de Castelnaudary Bons baisers du Mont Blanc Un bonjour de Saint-Jean-de-Luz Salutations de La Baule Je suis depuis trois jours ici C’est plein de Parisiens très drôles Nous avons fait un voyage excellent
Ô la nostalgie à retrouver de vieilles cartes-postales Où le ciel est toujours bleu l’arbre toujours vert la mer étale Sans doute on ne les met dans l’album que pour les photographies Je suis seul à savoir ce que l’écriture au dos signifie Les diminutifs les phrases banales
Je me souviens de nuits qui n’ont été rien d’autre que des nuits Je me souviens de jours où rien d’important ne s’était produit Un café dans le bois près de la gare à Saint-Nom-la-Bretèche Le bonheur extraordinaire en été d’un verre d’eau fraîche Les Champs-Elysées un soir sous la pluie.
Louis Aragon
ET COMME CE QUE JE PEINS
Ma vie sort de la boîte de couleurs à cheval rejoindre son corbillard
laqué bleu
retrouver une fraîcheur de vivre dans l’écume d’amour
Marc Ogeret MAINTENANT QUE LA JEUNESSE Louis Aragon, musique: Lino Leonardi, 1948
Maintenant que la jeunesse S’éteint au carreau bleui Maintenant que la jeunesse Machinale m’a trahi Maintenant que la jeunesse T’en souviens tu souviens-t’en Maintenant que la jeunesse Chante à d’autres le printemps Maintenant que la jeunesse Détourne ses yeux lilas
Maintenant que la jeunesse N’est plus ici n’est plus là Maintenant que la jeunesse Vers d’autres chemins légers Maintenant que la jeunesse Suit un nuage étranger Maintenant que la jeunesse A fui, voleur généreux Me laissant mon droit d’aînesse Et l’argent de mes cheveux
Il fait beau à n’y pas croire Il fait beau comme jamais Quel temps quel temps sans mémoire On ne sait plus comment voir Ni se lever ni s’asseoir Il fait beau comme jamais C’est un temps contre nature Comme le ciel des peintures Comme l’oubli des tortures Il fait beau comme jamais
Frais comme l’eau sous la rame Un temps fort comme une femme Un temps à damner son âme Il fait beau comme jamais Un temps à rire et courir Un temps à ne pas mourir Un temps à craindre le pire Il fait beau comme jamais.
Je me souviens d’un air qu’on ne pouvait entendre Sans que le coeur battît et le sang fût en feu Sans que le feu reprît comme un coeur sous la cendre Et l’on savait enfin pourquoi le ciel est bleu
Je me souviens d’un air pareil à l’air du large D’un air pareil au cri des oiseaux migrateurs Un air dont le sanglot semble porter en marge La revanche de sel des mers sur leurs dompteurs
Je me souviens d’un air que l’on sifflait dans l’ombre Dans les temps sans soleils ni chevaliers errants Quand l’enfance pleurait et dans les catacombes Rêvait un peuple pur à la mort des tyrans
Il portait dans son nom les épines sacrées Qui font au front d’un dieu ses larmes de couleur Et le chant dans la chair comme une barque ancrée Ravivait sa blessure et rouvrait sa douleur
Personne n’eût osé lui donner des paroles A cet air fredonnant tous les mots interdits Univers ravagé d’anciennes véroles Il était ton espoir et tes quatre jeudis
Je cherche vainement ses phrases déchirantes Mais la terre n’a plus que des pleurs d’opéra Il manque au souvenir de ses eaux murmurantes L’appel de source en source au soir des ténoras
O Sainte Epine ô Sainte Epine recommence On t’écoutait debout jadis t’en souviens-tu Qui saurait aujourd’hui rénover ta romance Rendre la voix aux bois chanteurs qui se sont tus
Je veux croire qu’il est encore des musiques Au coeur mystérieux du pays que voilà Les muets parleront et les paralytiques
Marcheront un beau jour au son de la cobla
Et l’on verra tomber du front du Fils de l’Homme La couronne de sang symbole du malheur Et l’Homme chantera tout haut cette fois comme Si la vie était belle et l’aubépine en fleurs
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