BIEFS
PAR
MICHEL DEGUY
Château de
Breeze du côté de la
Beauce où je n’allais
pas
La harde des vents dans les orges
Et les urnes des buis près des tombes
Les murs chaulés rose ou jaune
Pareils à des miroirs déjà traversés
Les bruits proches trop forts pour l’oreille
Frémissements dans les repères…
Si le ponton de la terre oscille
Le poète tangue comme un mousse
Beaucoup de vent affecté à ce lieu
Et le cri des ruminants comme un genévrier fendu par la tempête
Ce lieu me suffit
Où le parfum n’est pas rare
Mais la même senteur d’algue et d’hortensia
Dans les linges fins de l’air
Chaque case d’herbage assemble
Le cheval et la vache en pose animale :
D’attente écartelée blason de l’ultime
Un œil sur chaque côté du monde
Effroi
Très tôt et très tard comme tout point d’un cercle
Depuis longtemps poète et pas encore, jamais…
Plus loin!
Nous rapporterons la carte que vous n’avez
pas!
Pourtant me suffit ce lieu
Où déjà des hommes simples ameutaient le granit
Dix-huitième heure
La mer étend ses mains diaphanes vers l’épaule velue
des rives
Comme
Isaac tâtonnant la toison de
Jacob
Cave sur la face
La nuque tombe
Les reins
Corps qui rejoint
La neige le volcan
L’étang les jetées
Salive soudain
Sous le crâne
Tumeur de houle
Sous le ciel blanc
La nuit en croix sur la face
Au bout du pied les mites du silence
La main gauche est déjà phosphore
Un coq prononce la clairière
Bientôt dans le jardin leur fard charge à l’excès les fleurs domestiques
Beaucoup déjà cessèrent de vivre
Un jour elle sera là elle apparaîtra
Elle n’était pas là elle était ailleurs
Voici qu’elle
Viendra de là-bas ici elle entrera
J’aurai affaire à elle
Elle sera là pour moi
C’est moi plutôt qui entrerai dans son champ d’absence
Qui ne cesse pas
Je serai happé pris dedans
Soudain
Elle sera ici la fascinante
Elle apparaîtra de là-bas de
Cet horizon
Visible
On respecte un homme
s’avance à bonne hauteur sur le mail
Et large parmi les platanes
Et ceux même qui vont en groupe au travail
Sont enclins à respecter l’étranger
Pourquoi tant d’émotion devant l’image
Et si froide froideur devant la chair et l’os
La femme aux hanches de carafe est pareille à l’amphore qu’elle porte
Un seul pourtant et sans passion caresse l’anse couperosée de ses coudes
Tu viens de relâcher son thorax et sa main retombe et
Sa tête roule dans ta mémoire et déjà
S’amenuise notre dernière semaine
Comme un lâcher de parachutes dans l’abîme de midi
Beaucoup plus incroyable
La rencontre aujourd’hui
De la mort d’un ami
Et du chant d’un ami
Dans le mail déserté de mon jour — tels, ceux qui font profession de dresser l’éventaire et d’attendre les mages
Toujours un arbre plus sensible accueille en premier la
saison
L’essaim roux de l’automne a remplacé ses feuilles
Il prévient
L’absence de deuil serre les tempes
Maintenant ils sont morts le mercenaire et le connétable
Cages mêlées comme cercles de tonneaux
Dans la cave
Armures et fémurs de soudards
Qui crèvent des ceintures d’os
Au charnier latéral où s’abattent femmes et capitaines
Léger sur la cave des os
D’enfant qui souffre
Prière comme sueur
Du caveau d’innocence
Vivace malgré la pierre
L’incessant
Tu quis es
corps et jusqu’au masque dur des mâchoires et monte jusqu’aux yeux
seuls
où un peu de nudité parfois tressaille.
Michel Deguy
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