Catégorie : Alejandra Pizarnik
Ah la Musique, la Musique !
Ah la Musique, la Musique !
Je voulais que mes doigts de poupée pénètrent dans les touches. Je ne voulais pas effleurer le clavier comme une araignée. Je voulais m’enfoncer, me clouer, me fixer, me pétrifier. Je voulais entrer dans le clavier pour entrer à l’intérieur de la musique pour avoir une patrie. Mais la musique bougeait, se pressait. Quand un refrain reprenait, alors seulement s’animait en moi l’espoir que quelque chose comme une gare s’établirait ; je veux dire : un point de départ ferme et sûr ; un lieu depuis lequel partir, depuis le lieu, vers le lieu, en union et fusion avec le lieu. Mais le refrain était trop bref, de sorte que je ne pouvais pas fonder une gare puisque je n’avais qu’un train un peu sorti des rails, qui se contorsionnait et se distordait.
Alors j’abandonnai la musique et ses trahisons parce que la musique était toujours plus haut ou plus bas, mai non au centre, dans le lieu de la rencontre et de la fusion.
(Toi qui fus ma seule patrie, où te chercher ?
Peut-être dans ce poème que j’écris peu à peu.)
Alejandra Pizarnik, extrait de « Figures du pressentiment », in l’Enfer musical (1971), Œuvre poétique, traduction de Silvia Baron Supervielle, Actes Sud, 2005,
Le bruit des aiguillages va et vient. Les petites gares que sont-elles devenues ? Sales des pas perdus ou consigne de voyageur sang bagages ? Je n’ai jamais regardé le panneau horaire des départs, guidé d’instinct vers celui des arrivées. Peut-être faut-il chercher là la réponse aux trains demeurés fantômes. Restés en cours de route, coincés dans une nuit sans bout. Ces navires partis lourds vers l’Absolu, cales pleines de promesses, qui passent inévitablement par le Triangle des Bermudes.
Avoir toujours tenu les siennes ne croyez pas que ça allège la tare. Il y a au centre même du bonheur des poids morts qui vous gueusent l’envol avec toujours un retour à la case prison. Pourtant ce n’est pas d’avoir vanté le bleu à tort. Je l’ai, plus pugnace qu’une couleur indélébile. Seulement il peut arriver qu’il soit tagué contre sa volonté. Se trouvant recouvert par un dessein parasite.
Ah la musique, la musique c’est bien là que tout s’embrouille. L’instrument se prend les pieds dans le tapis. Devenant dans l’esprit du joueur un jeu de chaises musicales. Le fond se retrouve le cul par terre au profit de la forme qui fonce sans scrupules se poser les meules n’importe où.
Je me souviens avoir appris à évider le sureau. Certainement par inadvertance à tout calcul de formation musicale. C’était au bord de mon premier ruisseau pour accompagner au flûtiau le petit moulin propulsant ce bateau en papier sur lequel il faut croire que je dérive encore. Comme un enfant d’Marie qui s’est cru au ciel.
Niala-Loisobleu – 15 Août 2016
LA BOÎTE AU L’ÊTRE 2
LA BOÎTE AU L’ÊTRE 2
CÂLIN M’AILLE ART
CELLE DES YEUX OUVERTS
la vie joue dans le jardin
avec l’être que je ne fus jamais
et je suis là
danse pensée
sur la corde de mon sourire
et tous disent ça s’est passé et se passe
ça va passer
ça va passer
mon cœur
ouvre la fenêtre
vie
je suis là
ma vie
mon sang seul et transi
percute contre le monde
mais je veux me savoir vivante
mais je ne veux pas parler
de la mort
ni de ses mains étranges.
Alejandra Pizarnik
(Œuvre poétique © Actes Sud 2005, La dernière innocence (1956)
Le couvercle de mes crayons
envolé en couleurs
les maisons se sont embrassées bouche à bouche
entre les dents des horizons suspendus
des figues pleins les doigts
Un aloès en bât d’un âne
montait fort le violet des chardons
Câlin m’aille art
La musique s’est libérée des cordes
au frappé des mains de tous les coups de reins
la terre restituait les morts à la vie
ses dents jaunes porteuses d’e.mails
Niala-Loisobleu
30 Janvier 2015
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