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NOTRE JARDIN BLEU 7


 

NOTRE JARDIN BLEU 7

Ce que tu sais

Du monde

Et de l’abominable

Que tu me tais

Le grand coq de la lucidité

Me l’a chanté affable

Au seuil d’un matin comme une ronde

Improvisée sur l’obscur sillon

De la nuit des grands poissons

Morts en l’absence de soleil.

Alors, viens , dansons

Fais-moi bleue pareille

Et investie d’un pas convalescent

A épuiser la route de vœux brûlants.

Donne- moi des oiseaux à renaître

Qui coupent court à la rumeur des fenêtres

Trop ouvertes sur un monde si aigri

Et contre l’indécence

Qui suinte à la cuisse blanche de la jalousie

Vois encore comme on danse

Et comme encore on a surpris

Le grand pavot qui somnolait dans la poisse des fleurs.

Comme on défroisse les peurs

Dansons.

Comme on demeure debout sur des terres d’angoisse

Dansons.

Rien ne devance la couleur.

Barbara Auzou

 

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Notre jardin bleu 7 – 2018 – Niala – Acrylique s/toile 61×50

AUTOUR DE LA


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AUTOUR DE LA

 

La verdeur de l’herbe devant soi fait l’économie des fatigues du voyage. La viole de Gand en se tenant appuyée  dos à l’arbre, laisse un long soupir échapper d’entre ses jambes, si doux, si charnel que dans l’archet qui glisse, le consentement se fait don. Du vain monte le degré, la belle robe, l’étiquette bien repassée et sa cravate d’oenologue  le mot à un vrai goût qui foire au vin. Laisse ton corps descendre à l’eau, ce matin je le trempe dans mon bain,  ton nénuphar dresse sa fleur dans la position du lotus, zen. Le sacré dont tu t’entoures à le don de purifier, un mot devenu vulgaire dans l’usage de la parole marchande, enrichit l’espace au possible sans monnayer le terrain. Le sens en fut transformé simplement en gardant sa racine.Un enfant se poursuit, une poignée de sel pour tenir l’oiso mobile.

 

Poème 19

Fille brune, fille agile, le soleil qui fait les fruits, qui alourdit les blés et tourmente les algues, a fait ton corps joyeux et tes yeux lumineux et ta bouche qui a le sourire de l’eau.

Noir, anxieux, un soleil s’est enroulé aux fils de ta crinière noire, et toi tu étires les bras. Et tu joues avec lui comme avec un ruisseau, qui laisse dans tes yeux deux sombres eaux dormantes.

Fille brune, fille agile, rien ne me rapproche de toi. Tout m’éloigne de toi, comme du plein midi. Tu es la délirante enfance de l’abeille, la force de l’épi, l’ivresse de la vague.

Mon cœur sombre pourtant te cherche, J’aime ton corps joyeux et ta voix libre et mince. Ô mon papillon brun, doux et définitif, tu es blés et soleil eau et coquelicot.

Pablo Neruda

Esta obra fue escrita por Pablo Neruda Publicada originalmente en Santiago de Chile por Editorial Nascimento © 1924 Pablo Neruda y Herederos de Pablo Neruda

 

J’ai un âge de trottoirs au caniveau, un seul suffit à faire fleuve comme le grand Mékong d’un delta qui en vit de toutes les couleurs. La craie et l’éponge une histoire de premier tableau pris en flagrant délit et condamné à ne plus demeurer noir. On peut avoir toutes les couleurs de peaux, sans qu’on estime que certaines doivent être éradiquées. J’ai envie d’un masque, oh surtout pas de citrouille j’aime pas Halloween, non celui qui noir ne déblanchirait pas ma barbe mais la parfumerait de Toi…

Niala-Loisobleu – 30 Octobre 2018

PRESENCE


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PRESENCE

Les flaques brillent comme des émasculations dispersées le long

Il y en reste de vent, de quoi mettre l’allumette à la cheminée

Quand entre deux portes le courant passe même les souris dans leurs trous sont réveillées par la lumière

L’amour se tend comme le seuil

Nous franchissons

C’est frissonnant chat

En remontant de la fosse poplitée je m’assieds en t’ailleurs, mon paysage est riche

Une révolte calme mes battements de tempe, mon épi se fait sage, il m’est venu comme l’odeur où le fauve à la saveur du chat qui vous passe entre les mollets

Un chiffon rose sort des lèvres et m’essuie

Toujours ce m’aime…

Niala-Loisobleu – 29/10/18

LA SEMAISON


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LA SEMAISON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous voudrions garder la pureté, le mal eût-il plus de réalité.

Nous voudrions ne pas porter de haine, bien que l’orage étourdisse les graines.

Qui sait combien les graines sont légères redouterait d’adorer le tonnerre.

II

Je suis la ligne indécise des arbres

où les pigeons de l’air battent des ailes :

toi qu’on caresse où naissent les cheveux…

Mais sous les doigts déçus par la distance, le soleil doux se casse comme paille.

III

La terre ici montre la corde.
Mais qu’il pleuve un seul jour, on devine à son humidité un trouble dont on sait qu’elle reviendra neuve.
La mort, pour un instant, a cet air de fraîcheur de la fleur perce-neige…

IV

Le jour se carre en moi comme un taureau : on serait près de croire qu’il est fort…

Si l’on pouvait lasser le torero

et retarder un peu la mise à mort!

V

L’hiver, l’arbre se recueille.

Puis le rire un jour bourdonne et le murmure des feuilles, ornement de nos jardins.

Pour qui n’aime plus personne,
La vie est toujours plus loin.

VI

ô premiers jours de printemps jouant dans la cour d’école entre deux classes de vent!

VII

Je m’impatiente et je suis soucieux :

qui sait les plaies et qui sait les trésors

qu’apporte une autre vie?
Un printemps peut

jaillir en joie ou souffler vers la mort.


Voici le merle.
Une fille timide

sort de chez soi.
L’aube est dans l’herbe humide.

VIII

A très grande distance,

je vois la rue avec ses arbres, ses maisons,

et le vent frais pour la saison

qui souvent change de sens.

Une charrette passe avec des meubles blancs

dans le sous-bois des ombres.

Les jours s’en vont devant,

ce qui me reste, en peu de temps je le dénombre.

IX

Les mille insectes de la pluie ont travaillé toute la nuit; les arbres sont fleuris de gouttes, l’averse fait le bruit d’un fouet lointain.
Le ciel est pourtant resté clair; dans les jardins, la cloche des outils sonne matines.

X

Cet air qu’on ne voit pas porte un oiseau lointain et les graines sans poids dont germera demain la lisière des bois.

Oh! le cours de la vie entêté vers en bas!

XI

Le fleuve craquelé se trouble.
Les eaux montent et lavent les pavés des berges.
Car le vent comme une barque sombre et haute est descendu de l’Océan, chargé d’un fret de graines jaunes.

Il flotte une odeur d’eau, lointaine et fade…
On

tremble, rien que d’avoir surpris des paupières qui s’ouvrent.

(Il y avait un canal miroitant qu’on suivait,

le canal de l’usine, on jetait une fleur

à la source, pour la retrouver dans la ville…)

Souvenir de l’enfance.
Les eaux jamais les mêmes,

ni les jours : celui qui prendrait l’eau dans ses mains…

Quelqu’un allume un feu de branches sur la rive.

XII

Tout ce vert ne s’amasse pas, mais tremble et brille, comme on voit le rideau ruisselant des fontaines sensible au moindre courant d’air; et tout en haut de l’arbre, il semble qu’un essaim se soit posé d’abeilles bourdonnant; paysage léger où des oiseaux jamais visibles nous appellent, des voix, déracinées comme des graines, et toi, avec tes mèches retombant sur des yeux clairs.

XIII

De ce dimanche un seul moment nous a rejoints, quand les vents avec notre fièvre sont tombés : et sous la lampe de la rue, les hannetons

s’allument, puis s’éteignent.
On dirait des lampions lointains au fond d’un parc, peut-être pour ta fête…
Moi aussi j’avais cru en toi, et ta lumière m’a fait brûler, puis m’a quitté.
Leur coque sèche craque en tombant dans la poussière.
D’autres

montent, d’autres flamboient, et moi je suis resté dans

l’ombre.

XIV

Tout m’a fait signe : les lilas pressés de vivre

et les enfants qui égaraient leurs balles dans

les parcs.
Puis, des carreaux qu’on retournait tout

près, en dénudant racine après racine, l’odeur de femme travaillée…
L’air tissait de ces riens une toile tremblante.
Et je la déchirais, à force d’être seul et de chercher des traces.

XV

Les lilas une fois de plus se sont ouverts (mais ce n’est plus une assurance pour personne), des rouges-queues fulgurent, et la voix de la bonne quand elle parle aux chiens s’adoucit.
Les abeilles travaillent dans le poirier.
Et toujours demeure, au fond de l’air, cette vibration de machines…

Philippe Jacottet

 

CE SOIR POUR TOI

Depuis ce lointain avant-hier que je marche voici le jour. Brel aux fenêtres, la Marquise au perron. Il pleut de plus à sot et contresens, la sécheresse ayant atteint l’homme avant de toucher taire.

La mer je l’ai vu avant d’en sortir, ça j’en suis sûr. Celui qui me demanderait pourquoi aurait pas l’ombre d’une lumière en retour. Et comme sur une plage où il n’y aurait que Toi émoi, la montagne se tremperait les pieds dans l’eau. Toujours avec le vent. Une relation entre la voile et la robe, quand on baisse la première on avance au sommet en remontant l’autre.

Les réverbères s’entendent bien avec les quais, l’eau les doublant dans le bon sens. Où vont la lumière, l’eau et le quai il s’avère que le voyage ramasse de la floraison des toiles. Et puis cette passerelle de devant l’Institut où l’Académie Française siège, regarde le Louvre droit dans le yeux, pas peur de lui reprocher des fautes de France en nombre. Mon quartier t’en fais partie. Histoire de lune qui colle l’autre au trône métallique, tendre comme la paille. La chambre de Vincent dans un coin de ban sociétal. On arrive pas à l’odeur par hasard, on passe pas à côté si on est nez pour vivre. Aisselle du mâtin, tu la connais ? L’arbre à soie c’est à peine à un écart  de la menthe sauvage.

Des enfants font leurs classes, la poésie reprend son air de mendiante.

Pendant que le pigment gagne la forêt, genre rocher de Fontainebleau, le minéral s’en paye, il n’y a plus qu’à emmancher du poil et t’as un pinceau qui peut te rejoindre où que tu sois, tu le fais écrire. Quand ça a commencé on avait le même coq pour lever le jour par les deux bouts, un peu bridé des yeux, mais sans les lèvres rabattantes d’un triste théâtre. L’origine quand le grain sait s’y prendre c’est aussi parallèle que le rail. Les vaches , un train et un Capitaine qui normande le décor est planté y a plus qu’à entrer en scène.

Les seins lots ça iroise comme une manche de set à rôle en garrot.

Absolu, le mot est tellement plein de tous les espoirs qu’on pouvait pas passer à côté. L’art s’y mêlant voilà de quoi tenir les plus grands vents. Surtout ceux qui forment les vagues scélérates en tempête. Ton prénom de chanteuse connait les ficelles de Pantin. Il était une foi, voilà ce qui résume tout. Etant donné que la notre c’est l’amour, c’est envers et contre tout ce qui s’y oppose: QUE DE LA  VIE.

Niala-Loisobleu – 28 Octobre 2018

Sentinelles de la nuit


Sentinelles de la nuit

Ce petit livre relève d’une sorte que j’aime particulièrement et qui fait le désespoir commercial des éditeurs: le fourre-tout, la compilation-macédoine, l’anthologie-salade de fruits, autrement dit les analectes, pandectes de tout et de rien qu’on appelle aussi spicilège. Soit d’après les lexicographes: « Recueil de notes, de documents, de textes. Synon. anthologie ». Évidemment on pense à Spicilège de Marcel Schwob (1896).
Ce livre posthume de Silvina Ocampo (1903-1993) relève de cet improbable catégorie littéraire aussi séduisante qu’indéfinissable. Ernesto Montequin qui en est l’ordonnateur a réuni quatre séries de fragments que l’on peut lire comme un « journal nocturne » (il semble que Silvina Ocampo fut une grande insomniaque). Le cahier central, intitulé Sentinelles de la nuit, écrit entre mai 1960 et janvier 1970 est dédié à la poétesse Alejandra Pizarnik. L’éditeur lui a adjoint deux autres séries de fragments: Inscriptions sur le sable (série composée entre 1950 et 1962) et Épigrammes (série composée entre 1980 et 1987), ainsi qu’Analectes, un choix de notes et de projets de nouvelles extraits des cahiers et des papiers de Silvina Ocampo. C’est le livre le plus personnel et le plus secret de l’écrivaine argentine dont on sait qu’elle fît de la brièveté un véritable credo littéraire. S’il me plaît tant est que, comme les livres de Marcel Schwob, il engage à réfléchir par l’imprévu du ton, l’impromptu des pensées, l’éclectisme des sujets… Il en émane un bruit de fond où l’on perçoit la rumeur inquiète qui monte  en chacun de nous.
Que trouve-t-on?
Des souvenirs d’enfance (pas toujours heureux), des ébauches de nouvelles plus ou moins travaillées (de deux à quinze lignes), les conseils d’un surmoi consolateur ou les admonestations de ce double (« mon je inaccessible » p. 115) qui se cache derrière tout « narrateur », des rêves (qui parfois livrent leur rapport énigmatique avec l’écriture), des visions nocturnes produites par l’insomnie, des prémonitions diurnes, et des questionnements, des peurs, des hantises, des phobies, des angoisses (sur la souffrance, la vieillesse, la mort)… Une citation de Kafka (sans commentaire) et de Baudelaire, quelques allusions à J. L. Borges, A. Bioy Casares, Julio Cortazar, Italo Calvino et Jules Supervielle.
D’emblée on est sous le charme de cette écriture si délicate et (sans sexisme) si féminine par son intelligence intuitive des choses de la vie. Quel art pour traduire en mots la fugacité des émotions, les mouvements les plus ténus de notre psychisme et les stratégies les plus retorses ou ridicules que nous imaginons pour faire de la vie un fleuve pas trop intranquille! Certes, il y a des éclairs et parfois de modestes scintillements. Diversité nécessaire à l’économie de la lecture: qui peut vivre sous des flashs continuels, sous d’incessants coups de canon? Il faut un peu d’ennui pour rendre la vie divertissante (p.67). Il y a donc des propos un peu obscurs, des observations triviales ou même de francs truismes… Demi-réussites qui ne rendent que plus fort le coup de fusil dans la nuit d’une pensée hors du commun. Ainsi d’une occurrence fragmentaire à l’autre naviguons-nous avec la fantaisie, l’humour caustique de Silvina Ocampo, sa fausse innocence pleine de sagacité, et surtout son acuité redoutable pour traquer les petitesses, travers, compromissions auxquels nous assujettit l’humaine condition.  
Bref, dans le choix du fragment comme arme légère pour échapper à la tyrannie du présentet du cliché, je me suis senti « chez moi ». Et c’est avec un extrême plaisir que j’ai lu ces noix d’or, les cassant et dégustant avec lenteur pour laisser retentir en moi les multiples échos que suscitent ces merveilles. Si l’on voulait à tout prix chercher les références illustres auxquelles fait penser la versatilité ocampienne, on pourrait avancer: La Rochefoucauld (morale), Antonio Porchia (métaphysique), Pessoa (nostalgie), Michaux (apophtegmes, bestiaire), Valéry (introspection).
« Mon Dieu, pardonne-moi d’avoir écrit tant de mots inutiles. J’ai juste voulu combler le silence que j’adore. » Quel écrivain ne voudrait « conclure » avec cette pépite?

Ce livre va rejoindre sur mon chevet Le livre des amis de Hugo von Hofmannsthal et quelques autres viatiques qui, tels des anges gardiens, sont prêts à me défendre des blancheurs de l’insomnie ou m’aider à boire le « Lait noir de l’aube ».

« Penser est-ce donc l’unique chose?… ce qui continuera à nous torturer, à susciter plaisir, peur ou paix. Est-ce Kafka ou Proust, est-ce Verlaine, est-ce Ronsard qui gravent ce qu’ils ont pensé en nous. Est-ce Ravel, Brahms, Schumann, Wagner qui ont laissé cette émotion? À quel moment?… Et puis tout cela pourrait aussi bien être la tortue de Biarritz, le jour de la tornade, qui fut la seule à avoir prévu le cataclysme. Elle, si lente d’habitude, traversait le jardin sans faire de halte, d’un bout à l’autre. Elle savait, prévoyante: sibylle, image du monde. » (p. 121)
Sentinelles de la nuit de Silvina Ocampo, traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Picard, avant-propos d’Ernesto Montequin, Editions Des Femmes Antoinette Fouque. LRSP (livre reçu en service de presse)

Signalons chez le même éditeur la parution de La Promesse de Silvina Ocampo lue par Florence Delay. Un chef-d’œuvre à écouter en CD MP3 (Texte intégral, 3h32, 22 €).

 

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