La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Enrique Noriega, traduit de l’espagnol (guatémaltèque) par Nicole Laurent-Catrice
Poète, éditeur et animateur d’ateliers d’écriture, notamment aux Etats-Unis, Enrique Noriega est né au Guatemala en 1949. Il a reçu plusieurs prix prestigieux tant au Mexique que dans son pays. Guastatoya qui donne son nom à un de ses récents recueils (2014) et dont sont extraits ces trois poèmes, est une petite ville au nord de Ciudad Guatemala, sans aucun signe particulier ni intérêt archéologique. Enrique Noriega jette sur son pays un regard nostalgique et sans concession.
Un soir (m’a raconté ma mère) est arrivé au village un homme qui demandait mon grand-père (il chevauchait un étalon au crin épais) bien sûr il fut traité avec l’hospitalité coutumière de guastatoya il dîna à la maison l’homme dit qu’il fuyait une querelle dans son pays et qu’on le poursuivait la nuit tombée ils s’enfermèrent (affaires d’hommes) pour négocier un fusil d’accord sur le prix à l’aube le fugitif demanda au grand-père de l’accompagner aux environs (au cas où il y aurait quelqu’un qui guetterait par là) sûr de lui ou téméraire le grand-père accepta les bêtes sellées ils partirent en silence l’un à côté de l’autre flanc contre flanc et quand la première lueur de l’aube éclata (dissipant et confondant tout ce qui existait) l’homme fit semblant d’avoir fait tomber quelque chose et sortit son pistolet le grand-père tira avec le sien avant (il le tenait serré dans la poche de sa veste) car depuis le début (dit-il) j’avais compris que la chose me concernait et je ne regrette pas de l’avoir fait car c’était un homme mauvais qui était de trop dans le monde témoin fidèle de ses paroles il laissa la veste sur le mur (accrochée à un clou) à force la grand-mère la reprisa car (il devint emphatique) cette histoire tu l’as déjà racontée romuald personne ne va plus te croire et comment sont les gens dans le village ensuite il s’est avéré que cet homme était la mort qu’un homme indomptable de guastatoya avait obligé à remettre sa tâche à plus tard
Una tarde (me contó mi madre) llegó al pueblo un hombre preguntando por mi abuelo (montaba un macho canelo de crin espesa) por supuesto fue tratado con la correspondiente hospitalidad guastatoyana cenó en casa el hombre dijo que huía de una reyerta en su tierra y que lo perseguían ya de noche se encerraron (asunto de varones) a negociar una escopeta acordado el precio hacia la madrugada el fugitivo le pidió al abuelo que lo acompañara a las afueras (por aquello de que hubiese alguien por ahí atalayando) seguro de sí mismo o temerario el abuelo concedió ensilladas las bestias se marcharon en silencio uno a la par del otro atentos a su flanco y cuando la primera luz del alba irrumpió (desvaneciendo y confundiendo lo existente) aquel hombre fingió que se le caía algo y sacó una pistola el abuelo disparó la suya antes (la traía empuñada en la bolsa de su saco) pues desde el inicio (dijo) entendí que la cosa era conmigo y no me pesa haberlo hecho puesto que ese era hombre de maldad que sobraba en el mundo testigo fiel de sus palabras en la pared (colgado de un clavo) dejó el saco al tiempo la abuela lo zurció porque (enfatizó) esa historia ya la contaste demasiado romuald nadie más te la va a creer y lo que es la gente en el pueblo luego se salió con que aquel hombre era la muerte a la que un guastatoyano de temple obligó a postergar su tarea
je suis sûr que personne ne va me dire maintenant qui furent beethoven et chopin (c’est arrivé il y a si longtemps) je pourrais même parier à coup sûr et personne ne gagnerait pourtant tu sais que dans ce monde il y a plus d’un monstre qui connaît son affaire surtout si c’est un bon navigateur sur internetmais (pour ne pas te faire languir) beethoven et chopin étaient une paire de petits lapins jolis et câlins qui accompagnaient l’enfance triste d’une fillette que j’ai connuesau-te mon lapi-not arrê-te tes o-reilles man-ge ton o-seille mon lapi-not à moi mon lapi-not à moileur chantait-elle avec douceur en les caressant si bien que ((il faut le dire)avec leur fourrure ils lui apprirent la tendresse à elle qui eut l’infortune de les voir dans la casserole tout rôtis un de ces trop nombreux jours de disette familiale
estoy seguro que nadie me va a decir ahora quiénes fueron beethoven y chopin (sucedió hace tanto tiempo) podría hacer incluso una apuesta con la certeza de que nadie me la gana y mira que en este mundo hay cada monstruo que sabe de su tema ante todo si es hábil navegador de internetpero (para no hacértela más larga) beethoven y chopin fueron un par de conejitos pulcros y cariñosos que acompañaron la infancia triste de une niña que conocísál-ta mi cone-ji-tó pá-ra tus ore-ji-tás có-me tu zaca-tí-o conejo mí-o conejo mí-oles cantaba ella con dulzura y los acariciaba de manera que (vale decir)con su afelpada piel le inauguraron la ternura a ella que tuvo el infortunio de verlos en la cacerola asados uno de tantos días de penurie familiar
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