ERNEST HEMINGWAY
LETTRES CHOISIES
1917-1961
Présentées et annotées par Carlos Baker / Traduites de l’anglais par Michel Arnaud
GALLIMARD
Page 332
À PAULINE HEMINGWAY, en mer 1, vers le 28 mars 1928
Chère Miss Pfeiffer ou puis-je vous appeler « Mrs. Hemingway » ?
Nous en sommes à cinq ou six jours de notre voyage direction Cuba qui promet de s’étendre indéfiniment dans l’avenir. Je me suis souvent demandé ce que je devrais faire du restant de ma vie et maintenant je le sais – j’essaierai d’arriver à Cuba.
Il est certainement bigrement difficile d’essayer d’écrire. Toi tu es si belle et si talentueuse et tu n’as jamais mal à la gorge et tu ne dis jamais « Peut-être Mr. Hemingway mon mari ne peut-il pas jouer assez bien pour mériter votre intérêt. »
Mais on ne peut pas empêcher ce foutu bateau de tanguer. Seule Mothersills le pourrait et cela pas longtemps.
J’ai lu la documentation concernant les agréments des autres paquebots – l’Orcoman, l’Orita, l’Oroya etc…et ils ont tous des gymnases et des lits et des lits à deux personnes et des nurseries pour les enfants qui en résulteront mais notre bateau a des petites cellules à 250 dollars pièce et on aurait tout aussi bien pu payer 250 dollars à un bon ordre monastique (si ledit ordre pouvait se contenter de si peu).
J’ai découvert ce qui donne cet air furtif à notre ami indien – il a le cou si court qu’il doit tourner les épaules quand il regarde autour de lui. Toi d’autre part tu n’as aucun défaut mais ce bateau est le Royal Mail Steam Packet et je n’ai pas de [un mot illisible] à part ce quelque chose qui s’est pris à cette plume (peut-être l’un de tes cils) et qui maintenant a disparu et que peut faire un gars.
De toute manière je t’aime et si tu me pardonnes cette lettre vaseuse je t’en écrirai une belle un de ces jours. Seulement dépêchons-nous d’arriver à La Havane et à Key West et puis de ne plus bouger et de ne plus prendre les paquebots de cette ligne. La fin est faible mais Papa l’est aussi.
Affectueusement,
Papa
1- A bord du RMS Orita, parti de la Rochelle direction La Havane.
De là,
où mon oreille s’est arrêtée
j’ai gardé aux yeux l’image d’un monde humain
Un voyage
commencé il y a bien longtemps et qui n’en finit pas
tenu par la main de grands hommes
si humbles que la foule est toujours passée à côté
Ne troublant rien de la Beauté
qui
avec la perfection n’existent que grâce aux défauts
Cuba retint Ernest pendant plus de 25 ans
Je l’ai vu partout dans les rues
à l’intérieur des maisons logeant la musique
souffle des hommes qui aiment
souffle de la douleur
organe du bonheur
Liberté que la Révolution n’ pas volé
Niala-Loisobleu
30 Juin 2015
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