La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Tu viens de quitter la fonderie de l’état caniculaire et ses cloches conduisant au glas. Il pleut pour de vrai, L’agapanthe blessée au bord des marches a eu un mouvement des doigts qui lui restent. A ton maillot trempé tes seins collent des demains qui vont au bord de la rivière par le passage entre les deux vallons.
Le cheval a couru au gué faire des ricochets.
Cette voie d’eau conduit aux pores pour l’escale des Fêtes de la Mère
Les yeux se coupent quelques fleurs dans ce coin épargné par les brûlures
un rêve comme une voix sortant d’une laryngite du chant clos
Aux nuages porteurs d’eau que le vent transporte les collines bondissent du décolleté
ne parlons pas de l’herbe rasée par la canicule qui se déculotte pour avaler sans interdiction
Des cantonniers avisés nettoient sous peine de réaction d’insoumis, les avaloirs stratégiques d’égouts, obstrués de saloperies
Dans le gâchis à venir la crue prendrait la place du feu, histoire d’éteindre ce qu’on a pas besoin, que ça n’étonnerait qu’un porte-paroles de la vision actuelle.
Si je venais vers toi sans yeux, Sans te retrouver blonde ou brune, Voudrais-tu de ma nuit sans lune ? Voudrais-tu bien de ce fardeau, Des mains aveugles sur ta peau, Si je venais vers toi sans yeux, Comme d’autres sont revenus de la guerre, M’aimerais-tu ? M’aimerais-tu, mon immortelle, Si je venais vers toi fidèle, Mais sans regard… M’aimerais-tu ?
Si je venais vers toi sans mains, Sans pouvoir effleurer encore, Les monts, les vallées de ton corps, Voudrais-tu de mes bras en deuil, De ces branches sans fleurs, sans feuilles Si je venais vers toi sans mains, Comme d’autres sont revenus de la guerre, M’aimerais-tu ? M’aimerais-tu, mon immortelle, Si je venais vers toi fidèle, Mais sans toucher… M’aimerais-tu ?
Si je venais vers toi sans pieds, Traînant mes deux genoux à terre, Comme les mendiants de naguère, Voudrais-tu de mes promenades, Sans courses, sans jeux, sans baignades, Si je venais vers toi sans pieds, Comme d’autres sont revenus de la guerre, M’aimerais-tu ? M’aimerais-tu, mon immortelle, Si je venais vers toi fidèle, Mais sans marcher… M’aimerais-tu ?
Si je reviens vers toi sans cœur, A force de l’avoir fait taire, Là où je suis, c’est la misère, Voudras-tu de mes jours sans rires, De mon passé sans souvenirs, Si je reviens vers toi sans cœur, Comme d’autres sont revenus de leur guerre, M’en voudras-tu ? M’en voudras-tu, mon immortelle, Si je reviens vers toi fidèle, Mais sans âme… M’aimeras-tu ?
Sans grande cérémonie à terre Près de ceux qui gardent leur équilibre Sur cette misère de tout repos Tout près de la bonne voie Dans la poussière du sérieux J’établis des rapports entre l’homme et la femme Entre les fontes du soleil et le sac à bourdons Entre les grottes enchantées et l’avalanche Entre les yeux cernés et le rire aux abois Entre la merlette héraldique et l’étoile de l’ail Entre le fil à plomb et le bruit du vent Entre la fontaine aux fourmis et la culture des framboises Entre le fer à cheval et le bout des doigts Entre la calcédoine et l’hiver en épingles Entre l’arbre à prunelles et le mimétisme constaté Entre la carotide et le spectre du sel Entre l’araucaria et la tête d’un nain Entre les rails aux embranchements et la colombe rousse Entre l’homme et la femme Entre ma solitude et toi. Paul Eluard
Araucaria ou désespoir des singes, je reverdis la tête d’un géant au promontoire des terres brûlées
par un simple passage venu de très loin
en apprenant qu’à partir de dire à un enfant à propos du cheval qu’il venait de dessiner
et qu’il craignait de devoir le peindre en brun
« le cheval est toujours de la couleur qu’on lui donne, mets la tienne sans aucune autre »
L’amour est pareil d’une couleur si sienne que rien des orages et vents contraires ne saurait lui imposer de disparaître quelque soit le motif
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