SCINTILLATION


0411fa15224fc07b787497dc29004d87

SCINTILLATION

 

Ce feu qui nous précède dans l’été, comme une route
déchirée. Et le froid brusque de l’orage.

Où je mène cette chaleur,
dehors, j’ai lié le vent.

La paille à laquelle nous restons adossés, la paille
après la faux.

Je départage l’air et les routes. Comme l’été, où le froid
de l’été passe. Tout a pris feu.

*

Le jour qui s’ouvre à cette déchirure, comme un feu
détonnant. Pour qui s’arrête auprès des lointains. Le
même lit, la même faux, le même vent.

André du Bouchet
Face de la chaleur, p. 89, Poésie /Gallimard

CE QUE PHILIPPE A DIT D’ANDRE


166_2

CE QUE PHILIPPE A DIT D’ANDRE

 

« Dès les premiers recueils de poèmes d’André du Bouchet (Air, chez Jean Aubier, 1951, et Sans couvercle, GLM, 1953), je me souviens d’avoir été à la fois attiré et tenu à distance, en respect, si j’ose dire, comme par quelque bloc hautain (qui me paru alors sans faille), éclairé par une lumière mobile et violente. […] André du Bouchet n’a pas traduit par hasard cette remarque de Pasternak :  » L’image est le produit naturel de la brièveté de la vie de l’homme et de l’immensité de la tâche qu’il s’est assignée. C’est cette incompatibilité qui le contraint à tout considérer de l’œil enveloppant de l’aigle, à traduire par brefs éclats son appréhension immédiate. Telle est l’essence de la poésie. »  […] Sa poésie traduit ce qu’il a dit de Baudelaire, que ce qui l’arrêtait était aussi ce qui le faisait avancer : sa limite est son moteur, implacable, même s’il a quelquefois le désir de s’arrêter, d’être aussi immobile que la terre (mais ne serait-ce pas la mort ?) :  » Cette chambre dont je vois déjà les gravats, comme une montagne blanche qui nous chasse de l’endroit où nous dormons.  » En un sens, la poésie d’André du Bouchet ne relate donc qu’une seule expérience (qui est le fond de toute expérience), la profondeur de la vie, c’est-à-dire le mouvement toujours dans le même sens, le risque perpétuel, l’obligation, la difficulté et la merveille d’avancer (autant dire de respirer, autant dire, pour le poète, d’écrire). […] Une telle poésie s’est installée d’un coup dans un site escarpé, dans un air, raréfié, rejetant, méprisant toute hésitation, toute faiblesse, toute douceur, comme elle refuse l’éloquence , le commentaire et les propos quotidiens. Nous sommes beaucoup, sans doute, à avoir entrevu ces limpides éclairs, ces légères cimes ; mais là où nous n’avançons qu’avec hésitation, encombrés et soutenus à la fois par les apparences les plus simples, toujours prêts à céder à la facilité d’une chanson, à l’enrobement par le chant, André du Bouchet va droit à l’éclair, à l’instant, au pied du mur, au risque d’en perdre le souffle et la parole. Pourra-t-il se maintenir dans cette aridité déchirée, dans cet air qui ressemble tant à un pierrier ? Ce heurt du regard et du pas contre une limite extrême peut-il se répéter indéfiniment ? Je n’irai pas aujourd’hui au delà de cette question : la lumière qu’elle répercute pour le moment me suffit. »

Philippe JACCOTTET

Extraits de « La poésie d’André du Bouchet »,  La NRF n° 59, 1957.

LA BLANCHEUR DES CHOSES


 

images

LA BLANCHEUR DES CHOSES

 

Chaque jour pose son journal, des fois on est en première page, d’autres rien et c’est mieux que de se trouver dans un encart nécrologique

Est-ce que ça monte chez toi, avec ce han de chaîne de vélo ?

En voyant le petit-chaperon-rouge à la fontaine tu sauras imaginer le plaisir que j’ai eu de penser qu’il avait bouffer le loup, la grand-mère est sauvée..

la profondeur de la pierre au jardin de Carnac est vertigineuse. L’art a tout de suite su ce qui resterait éternel de ce qui ne s’en approcherait jamais

Mystère pur qui témoigne de la beauté du coït à l’air libre en dehors des cimetières obscurs de l’amour par la pornographie

 

 

Toi ouverte en deux, le souffle entre les lèvres, dès la première vague tu m’apportes la barque à flots

Dresse la pierre en montagne pour une marche vers le haut.

 

Niala-Loisobleu – 14 Août 2019

 

UN CAILLOU DANS LA POCHE 11


P1050624

UN CAILLOU DANS LA POCHE 11

 

Cession

 Le vent,

              dans les terres sans eau de l’été, nous

           quitte sur une lame,

                                            ce qui subsiste du ciel.

En plusieurs fractures, la terre se précise. La terre demeure stable

dans le souffle qui nous dénude.

Ici, dans le monde immobile et bleu, j’ai presque atteint ce mur.

Le fond du jour est encore devant nous. Le fond embrasé de la

terre. Le fond de la surface du front,

                                                             aplani par le même souffle,

ce froid.

Je me recompose au pied de la façade comme l’air bleu au pied

des labours.

                                                           Rien ne désaltère mon pas.

André du Bouchet (Dans la chaleur vacante,Editions du Mercure de France, 1959)

 

La partie que j’ai du Nil dans le fond de ma poche, tremble au moindre. Jamais  au ramdam médiatique. Les footeux me gavent, connerie royale faite pour les gueux qui se  sentent l’érection venir au passage du carrosse, connerie tu fais l’écrasement du monde, la terre est plus ronde elle est cabossée.

Combien étiez-vous à suivre vraiment Barbara, je parle de l’Ô Z’où la source sourd. Je marchais dans son empreinte, j’ai pu compter. Comme à la veillée. Nous ne sommes rien de ces apôtres de l’intelligentsia qui se nourrit au champagne dans les bars à vain, histoire de se mesurer l’ombilic pour cause de biloutisme.

Pourtant par-dessus les murs on voit au loin sans que ça bouge.

Du Bouchet a tout dit, lisez-le. on vous regarde plein d’espoir.

Niala-Loisobleu – 12 Juin 2018

L’Avancée à reculons


905d173035d621ff79320eff5f464e42

L’Avancée à reculons

 

Je vois la route – entre nous la route et la part de soi

dont sans se séparer on doit se détacher encore comme entre nous

plus loin la route sans paupière.

André du Bouchet

 

Tellement proches à ne s’être jamais touchés, le fossé gauche déborde

tant de non-dits se jettent le rien contre l’autre

n’osez pas Josée fine, c’est très profond

un petit ben…

Niala-Loisobleu – 24 Janvier 2018

 

Hâlons, la vie nous fait signe !


John-Poppleton-black-light-2

Hâlons la vie nous fait signe !

Cession

Le vent,

  dans les terres sans eau de l’été, nous

  quitte sur une lame,

ce qui subsiste du ciel.

En plusieurs fractures, la terre se précise. La terre

demeure stable dans le souffle qui nous dénude.

Ici, dans le monde immobile et bleu, j’ai presque atteint

 ce mur.  Le fond du jour est encore devant nous.  Le

 fond embrasé de la terre. Le fond

et la surface du front,

  aplani par le même souffle,

ce froid.

je me recompose au pied de  la façade comme  l’air

bleu au pied des labours.

Rien ne désaltère mon pas.

Face de la chaleur Poésie /Gallimard page 106

Ce feu qui nous précède dans l’été, comme une route

déchirée. Et le froid brusque de l’orage.

Où je mène cette chaleur,

                   dehors, j’ai lié le vent.

La paille à laquelle nous restons adossés, la paille

après la faux.

Je départage l’air et les routes. Comme l’été, où le froid

de l’été passe. Tout a pris feu.

Le jour qui s’ouvre à cette déchirure, comme un feu

détonnant. Pour qui s’arrête auprès des lointains. Le

même lit, la même faux, le même vent.

 

André du Bouchet

(Face de la chaleur Poésie /Gallimard page 89)

Oubliant l’antan, des neiges d’apparence sont venues éteindre le feu de notre St-Jean. Dans les crues le courant en crise de démence peut casser les soudures et charrier le vide au coeur du trop-plein. Tout coula, des prés salés, branches et troncs, n’auraient dus restés que les pleurs des saules si l’osier n’avait tenu tressé le fond du pas nié dans le lit du chemin que nous avions percé. Qu’est-ce que la Beauté ricane l’atrocité du quotidien qui s’acharne à en découdre le bâti ? D’hier trop d’innocence gazée au sortir d’un wagon de marchandises, pour aujourd’hui d’asphyxie répétée en corps et en corps au tarin me demeurent pour ignorer le paradoxe humain qui tue au nom de la vie. La mort n’en demeure pas moins battue. Ce matin j’ai du souffle d’hier, la vraie couleur de mon encre aux creux de la veine. Aimer dans le clos d’une armoire demande la charge électrique de tes seins pour rebattre du coeur. Ouvre les cuisses j’ai les bras d’eau vive pleins de mains qui chantent.  Hâlons, la vie nous fait signe !

Niala-Loisobleu – 5 Avril 2017