ATELIER DE CAMPAGNE


ATELIER DE CAMPAGNE

Sous la verrière d’une clairière

la forêt touffue arrose son jardin de revendications

Comme un zinc ça décolle d’une attente renouvelée sans que rien n’en sorte

Cette fois le paysan et la courge en a marre de la fable

il coupe la fontaine

Les lauriers sont coupés, il aboit…

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Niala-Loisobleu.

31 Janvier 2024

CHEVAL DE FRISE


CHEVAL DE FRISE

Notre-Dame a retrouvé son coq

mais la route, elle, s’arrête à la barricade du blocus

Fort Rungis est cerné

les tribus indiennes de nos provinces ont revêtu l’anti-rouille de leurs peintures de guerre

A la tribune le dernier fan, rescapé de Dalida entonne « PAROLES, PAROLES » debout sur la corniche suicidaire du Parlement

ménage nécessaire

le cheval-vapeur agricole entre son ballet dans les Ecuries d’Augias…

Niala-Loisobleu.

31 Janvier2024

TEMPS ET PASSAGE – BEATRICE PAILLER ET NIALA-LOISOBLEU


Temps libre sur pierre, l’eau s’écoule du bassin, ventre de la clepsydre. Verse un temps rond, un temps d’eau et de marne. Le temps stagne, la vie fructifie. Monte en graine le désir.

Refermé sur le soir : le temps, sa vigueur opiniâtre pareille au cri de la mésange. L’aigu d’un ongle s’enfonçant dans la paume. S’ouvre la corolle des doigts. Sur l’aile du cri, le temps florissant.

Le temps perdu a saveur de pain. Jamais sec tant la vie le nourrit. Alors la mésange viendra. Son temps n’est pas le nôtre, mais l’attente l’appelle. Elle viendra autour du pain et l’inquiète danse cessera.

Béatrice Pailler

PASSAGE
Bordé dans son jardin, de l’écume au flanc, le temps s’assoit sur la rive du lit. Chante un moulin dans les ailes de Pégase. Le feu n’est pas éteint, il crépite à la frontière d’aujourd’hui à demain. A bord des tiroirs des cales, de nouvelles semailles viennent de prendre billet.

Une nouvelle vie monte sur le marchepied du rez-de-chaussée, à l’appui du tracé punaisé dans la courbure du dos.

L’enfant reste du plus loin le départ du point. Comme la pesée du pain que le boulanger projetait de la bascule en symbole de cet équilibre à ne pas mentir. Avec le rouge-queue, un merle et un couple de mésanges, l’entrée du jardin avance hors de la cage. Les vitres tremblent, les rideaux les protègeront du froid. Il va te falloir franchir la porte du passé en dehors de la durée du temps.

Te voici à la veille de descendre l’escalier sans bagages pour te familiariser aux nouvelles senteurs en complète tolérance. Il y a eu assez de diligences pour finir ce qui reste à pied. L’oeuvre dans le branle transpire des veines de ton chevalet, laisse-le toujours pousser.

Niala-Loisobleu.

30 Janvier 2024

A PETITS PLATS


CHAÏM SOUTINE

A PETITS PLATS

Salle-à-manger universelle

un jour sans consulter l’heure où l’appétit manque

c’est le plat du jour où le fumet s’est dispersé dans la hotte

J’enfile la tenue du cuisinier

dans les poches une recette qui donne au né de quoi vagir

les arbres qui passent à la fenêtre sont aussi fades que la salade de l’information

j’ouvre le placard des épices

laisse le laurier trop malmené

tire de la sauge pour que le lapin sorte du terrier

quelques encouragements d’espelette

pour sortir le cheval des curies et de l’écran plat du soufflé

A se limer les ongles au lieu de rapports faute de libido

la réputation culinaire sort de table comme du lit

Un coin de plage loin du regard des voyeurs en hors-d’oeuvre

de l’ail autour du corail baigné dans la blondeur d’un cru gascon

pour que se débouchent des envies qui justifient la vie sans besoin de frime

Le rideau s’écarte de mon âme

la nappe met la table dans l’herbe

au bord du train qui passe, quelques vaches se partagent les belles images

Regarde l’échine de l’ô séant onduler !

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Niala-Loisobleu.

30 Janvier 2024

RENIFLAGE


RENIFLAGE

Entre les joints des barrages un chien renifleur de la brigade financière passe devant les porte-monnaie vides d’une journée de plus à protester

La légendaire ignorance du président ne s’oppose jamais, elle élude toute demande légitime

Est-ce qu’un puisatier pourrait forer un brin d’écoute, au lieu de claironner que le pays a besoin de bébés ?

Le maître-chien musèle le canin avant qu’il se dresse les oreilles…

.Niala-Loisobleu.

30 Janvier 2024

LE PASSAGE


LE PASSAGE

La vague est si longue qu’elle n’éclate qu’en se renouant à sa crête

Les odeurs sont aux couleurs indélébiles enracinées

Sensuel échange qui puise la phrase en dehors des maux

Ulysse et son voyage tricotent à l’endroit l’haleine de sa Pénélope en dépit des miroirs que les Gorgones posent en chemin

Ma

Ta langue mérite d’être soutenue par Île

En témoignage d’un réel archipel qui protège la salinité humaine…

Niala-Loisobleu.

29 Janvier 2024

UN PETALE SOUS LE SABLE


FRIDA KAHLO

UN PETALE SOUS LE SABLE

Sortie de l’absence d’eau dans le gravière, cette rugosité du matin pas encore rasé, cache sa générosité aux influenceurs d’une politique sans couleur et sans idéal. Les loups reviennent dans Paris chanter de leur voix sans tessiture, le risque pris à refuser d’éplucher leur partition. A la porte de ce seuil un autre à-pic balance son trapèze. Comme sa tendresse qu’un tramway roula dessus, la fleur du jour meurt dans la planche anatomique d’un herbier sourd. Au carré des paumes de taire la mayonnaise refuse de prendre. Un scorbut s’enroule autour du tendeur entre les poteaux de la vigne. Et la cressonnière refuse d’accompagner le mouton.

Les années passées à étendre les friches au profit du mépris de l’opinion, comme des mises en garde, vont subir le retour de manivelle des tracteurs. Paris toi qui aime tant la campagne pour venir t’y faire reluire, regarde ce qui reste dans ton frigo avant les prochaines vacances, cette foi ça craint.

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Niala-Loisobleu.

29 Janvier 2024

BEATRICE PAILLER – EXTRAITS DE L’AUTRE VERSANT


CANDIDO PORTINARI

BEATRICE PAILLER

EXTRAITS DE L’AUTRE VERSANT

Extraits de L’autre versant éditions Le Silence qui roule 2022

Fenêtres de Février (extraits)

L’ailleurs sans témoin s’invente d’un mot. Autre, il est autre, unique sous la paupière de l’heure. Aux portes de longue attente, premier pas du rêve, le poème pour viatique. Traversée sans nom, loin des fontaines, loin du pain, aveugle. La promesse est devant.

Un nom de terre, bois et buissons en semailles, un nom intouché, l’origine de chacun. Dans l’œil tatoué du lieu s’inscrit l’intime. Témoin de l’ailleurs, le marcheur va cherchant le lieu. Dans un retour à hier, images sauves du réel, il rejoint sa promise.

Des regards qui sont à lire, comme on sait écouter. Silence du souvenir. A-t-on manqué ? Pain blanc, pain noir, chaleur du ventre. A-t-on manqué ? Drap blanc, drap noir, pâleurs des voix. Peu de paroles, peu de gestes, toujours la main absente revient en mémoire.

Le sommet inaccessible. L’autre versant quel est- il ? L’oiseau s’y posera suivi du regard qui l’accompagne. Devançant l’espace, le neutralisant, l’œil gravit l’obstacle. L’ailleurs qu’il façonne le libère du réel. Un rêve à la mesure de l’infini.

Béatrice Pailler

DEVANT LA PALEUR DES JOUES


DEVANT LA PALEUR DES JOUES

Entre la promesse et la tante, Burgos leur semble le bout du monde

En hiver les vergers sont sur le point de fleurir entre deux chutes de neige

les champs attirent moins les tracteurs que les accès d’autoroutes

pendant que des enfants sèchent les cours pour se faire guetteurs d’écoulement de trafic de drogue

dans les fermes les agricultrices suppriment un repas sur deux pour régler leur pas sur le régime d’amaigrissement

La RN 10 mise en jachère, le long reptile des camions vers le Portugal ce cloud à la colère paysanne en regardant Paris avec des idées de siège

Les mannequins lambdas coupent les ficelles pour tendre le bras à la transfusion qui les sortirait de la mer morte

en entrant les engins agricoles au garage du Service d’Urgence…

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Niala-Loisobleu.

29 Janvier 2024