La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Temps libre sur pierre, l’eau s’écoule du bassin, ventre de la clepsydre. Verse un temps rond, un temps d’eau et de marne. Le temps stagne, la vie fructifie. Monte en graine le désir.
Refermé sur le soir : le temps, sa vigueur opiniâtre pareille au cri de la mésange. L’aigu d’un ongle s’enfonçant dans la paume. S’ouvre la corolle des doigts. Sur l’aile du cri, le temps florissant.
Le temps perdu a saveur de pain. Jamais sec tant la vie le nourrit. Alors la mésange viendra. Son temps n’est pas le nôtre, mais l’attente l’appelle. Elle viendra autour du pain et l’inquiète danse cessera.
Béatrice Pailler
PASSAGE Bordé dans son jardin, de l’écume au flanc, le temps s’assoit sur la rive du lit. Chante un moulin dans les ailes de Pégase. Le feu n’est pas éteint, il crépite à la frontière d’aujourd’hui à demain. A bord des tiroirs des cales, de nouvelles semailles viennent de prendre billet.
Une nouvelle vie monte sur le marchepied du rez-de-chaussée, à l’appui du tracé punaisé dans la courbure du dos.
L’enfant reste du plus loin le départ du point. Comme la pesée du pain que le boulanger projetait de la bascule en symbole de cet équilibre à ne pas mentir. Avec le rouge-queue, un merle et un couple de mésanges, l’entrée du jardin avance hors de la cage. Les vitres tremblent, les rideaux les protègeront du froid. Il va te falloir franchir la porte du passé en dehors de la durée du temps.
Te voici à la veille de descendre l’escalier sans bagages pour te familiariser aux nouvelles senteurs en complète tolérance. Il y a eu assez de diligences pour finir ce qui reste à pied. L’oeuvre dans le branle transpire des veines de ton chevalet, laisse-le toujours pousser.
Sortie de l’absence d’eau dans le gravière, cette rugosité du matin pas encore rasé, cache sa générosité aux influenceurs d’une politique sans couleur et sans idéal. Les loups reviennent dans Paris chanter de leur voix sans tessiture, le risque pris à refuser d’éplucher leur partition. A la porte de ce seuil un autre à-pic balance son trapèze. Comme sa tendresse qu’un tramway roula dessus, la fleur du jour meurt dans la planche anatomique d’un herbier sourd. Au carré des paumes de taire la mayonnaise refuse de prendre. Un scorbut s’enroule autour du tendeur entre les poteaux de la vigne. Et la cressonnière refuse d’accompagner le mouton.
Les années passées à étendre les friches au profit du mépris de l’opinion, comme des mises en garde, vont subir le retour de manivelle des tracteurs. Paris toi qui aime tant la campagne pour venir t’y faire reluire, regarde ce qui reste dans ton frigo avant les prochaines vacances, cette foi ça craint.
Extraits de L’autre versant éditions Le Silence qui roule 2022
Fenêtres de Février (extraits)
L’ailleurs sans témoin s’invente d’un mot. Autre, il est autre, unique sous la paupière de l’heure. Aux portes de longue attente, premier pas du rêve, le poème pour viatique. Traversée sans nom, loin des fontaines, loin du pain, aveugle. La promesse est devant.
Un nom de terre, bois et buissons en semailles, un nom intouché, l’origine de chacun. Dans l’œil tatoué du lieu s’inscrit l’intime. Témoin de l’ailleurs, le marcheur va cherchant le lieu. Dans un retour à hier, images sauves du réel, il rejoint sa promise.
Des regards qui sont à lire, comme on sait écouter. Silence du souvenir. A-t-on manqué ? Pain blanc, pain noir, chaleur du ventre. A-t-on manqué ? Drap blanc, drap noir, pâleurs des voix. Peu de paroles, peu de gestes, toujours la main absente revient en mémoire.
Le sommet inaccessible. L’autre versant quel est- il ? L’oiseau s’y posera suivi du regard qui l’accompagne. Devançant l’espace, le neutralisant, l’œil gravit l’obstacle. L’ailleurs qu’il façonne le libère du réel. Un rêve à la mesure de l’infini.
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