LA BATAILLE DE NOËL


LA BATAILLE DE NOËL

Autour des reins cette serinette qui secoue ses boules sans parvenir à faire naître, dans l’invention d’une étable-utérus où l’haleine dans sa jazz-session pousse un boeuf pour enfanter le mythe, bat son plein

Face à face, flanc contre flanc, les vaisseaux de l’armada du business enrôle la family, les sabords ouverts des tiroirs-caisses

Un temps de cartes de voeux prétend mettre du soleil sur les plaines inondées

Remplissant trains et routes comme pour un rencart à la Mecque

Mais putain, moi peintre, jure n’avoir jamais vu de rouge aussi gris, M. le Président

D’un fond de caverne, une horde joyeuse bouscule et renverse le fauteuil où on vient se faire prendre en photo avec le profiteur

Je repeins, une grande-toile (100×73) pour renouer avec le bon motif. Voilà quelques jours que j’étais tenu en dehors de l’atelier pour cause d’emballage. Mais le papier-cadeau me gonfle à souhait pour me ramener sur mes bases et servir la cause. Les gens sont devenus fous, on risque de se faire piétiner pour s’approcher d’une gondole n’ayant rien de Venise, à part le masque qui la caractérise

Il faut que je purifie l’embrouille

Peindre le dernier qui lui rendra hommage, à Jacqueline, l’âme droite, debout, pas à genoux en pensant comme l’a écris Grindel à Joë, qu’on ne doit pas enfariner les enfants pour les racoler dans un système de piratage…

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Niala-Loisobleu.

23 Décembre 2023

LETTRE DE PAUL ELUARD A JOË BOUSQUET


LETTRE DE PAUL ELUARD

A

JOË BOUSQUET

20 décembre 1928

Mon cher ami,

Noël ? Je hais Noël, la pire des fêtes, celle qui veut faire croire aux hommes « qu’il y a quelque chose DE MIEUX sur la terre », toute la cochonnerie des divins enfants, des messes de suif, de stuc et de fumier, des congratulations réciproques, des embrassades des poux à sang froid sous le gui. Je hais les marchands de cochon et d’hosties, leur charcuterie, leur mine réjouie. La neige de ce jour-là est un mensonge, la musique des cloches est crasseuse, bonne au cou des vaches. Je hais toutes les fêtes parce qu’elles m’ont obligé à sourire sans conviction, à rire comme un singe, à ne pas croire, à ne pas croire possible la joie constante de ceux que j’aime. Le bonheur leur est une surprise.

Et puis, votre lettre me désole. Comment n’avez-vous pas pu vous procurer les disques que je vous indiquais. N’importe quelle maison un peu moderne de disques de Marseille, de Paris, vous les procureraient [sic] en quelques jours. Et j’y tenais tant. Enfin, dites-moi tout de suite si je dois vous les faire envoyer par des amis ? Si votre gros Dumont s’adresse à ses fournisseurs habituels, il est peu probable qu’on les lui procure. Il y a partout, dans les Cahiers du Sud, N.R.F., Variétés, etc., des annonces de marchands « à la page », comme on dit.

Mais je dois avoir ces jours-ci la visite d’une amie très au courant de ce genre de recherches et qui m’est très dévouée. Elle sera sûrement très heureuse de vous les trouver tous. Et très vite. Sinon, vous allez vous ruiner en achats au petit bonheur. Tous les petits marchands à la Dumont tiennent à se débarrasser de leur stock et laissent en panne, intentionnellement, les nouvelles commandes.

J’ai eu la visite ces jours-ci de Arp et de Max Ernst. Entendu pour votre tableau. Nelli m’a écrit. Il fait un froid solide.

Vous ne me dites pas si vous avez Les Malheurs des Immortels. Chantiers est bien long à paraître. J’en suis fort curieux.

Croyez-moi très affectueusement vôtre,

Paul ELUARD.

[En marge de la première page] :

Pourquoi faut-il que la joie des enfants soit pour ce jour-là et souvent ce jour-là seulement et souvent jamais.

(Source Des Lettres)

LEDA PAR PAUL ELUARD


LEDA

PAR PAUL ELUARD

Je dormais couchée sur le ventre
J’avais conscience de mon ventre

Le ciel pesant coulait en moi
Par mille graines de blé vif

Par mille oiseaux exténués
Et qui se cachent pour mourir.

Le bruit l’odeur le feu venait fermer leurs ailes
Dans ma gorge écrasée dans le puits de mes mains

Le feu le froid l’azur rassemblaient mes épaules
La verdure tremblait dans mon sang prisonnier

J’étouffais de soleil j’étais noyée d’air pur
L’abus du coeur et de la chair m’anéantit.

Bientôt je limitai le ciel je me fermai
Profonde je souffris de la boue et des pierres

Tout encombrée de mes racines infinies
Je retrouvai le dur labeur de mon passé

Ma cécité mon ignorance de l’espace
L’inavouable progrès des murs multipliés.

Mes beaux yeux séparés du monde
Où sont les morts suis-je vivante

Je voudrais répéter le monde
Et non plus être ombre d’une ombre

Mes beaux yeux rendez-moi visible
Je ne veux pas finir en moi.

Paul Eluard

delvaux_leda

Illustration: Paul Delvaux

Eluard le coeur égorgé relève en corps le défi de respirer  Nush,

ultime souffrance au-delà de la mort

COMME DEUX GOUTTES D’EAU PAR PAUL ELUARD


PIERRE BONNARD

COMME DEUX GOUTTES D’EAU

PAR

PAUL ELUARD

On a brisé le globe alpestre

Où le couple erotique semblait rêver

Une petite fille était figurée

Sur ses flancs pâles

Elle riait d’un mariage ridicule

D’une vie enviable

Deux yeux deux fois deux yeux
Ne sont jamais deux fois semblables
La femme était toujours tournée
Vers le plus sombre du sombre
Protée
Qui fuyait les hommes

Jeunesse à ne savoir quand elle prendrait fin

Sourires dessinés par des caresses

Douleur déchirée par des caresses

Les jours n’étaient mauvais que pour les autres

femmes
Ils brûlaient d’un grand feu aveugle
Et ne reconnaissaient rien.

En cherchant des salamandres

Des flammes vertes

Des flammes noires

Un été pâle

A réduire un grand chagrin

Pendant les vacances

Buvant du lait

Dans les prairies

Comme un enfant

Mourra la nuit

Pour s’en passer
Que faut-il dire
Cristal de roche
Fauve éventé
Bonds des collines
Ma belle en liberté
Eparpille des herbes
Des moires de parfums
Des bêtes trébuchantes
Des prunelles gelées

Éblouissante et nue
A la cuisse une abeille
Rires peur de la peur
Dans les bras d’un frisson
En plein jour le corail
Borde l’écume des forêts
Un buisson de neige s’envole
Je n’ai pas d’ombre à t’opposer
Sous ton masque de larmes
Tu n’es que plus visible
Sur leurs plages de perles
Tes yeux sont plus beaux

L’œuf de l’aube lâche ses oiseaux

Fils des reptiles au cœur de marbre

Aux yeux de griffes

Que faut-il taire

Pour t’écouter

Chaîne des ponts

Comme une paille

Tremblante d’air

Le corps très frais les cheveux tièdes

Le front lustré

Tu tournes au beau temps

Et quand le soleil s’oriente

Dans le ciel du matin

Tu souris dans mes plaintes.

L’homme

Ses bizarres idées de bonheur l’avaient abandonné

Il imposait sa voix inquiète

A la chevelure dénouée

Il cherchait cette chance de cristal

L’oreille blonde acquise aux vérités

Il offrait un ciel terne à des regards lucides

Leviers sensibles de la vie

Il n’attendait plus rien de sa mémoire qui s’ensablait

L’amour unique tendait tous les pièges du prisme

Des sources mêlées à des sources

Un clavier de neige dans la nuit

Tour à tour frissonnant et monotone

Une fuite un retour nul n’était parti

Tout menait au tourment

Tout menait au repos

De longs jours étoiles de colères

Pour de longs jours aux nervures de baisers

L’enfance à travers l’automne d’un instant

Pour épuiser l’avenir

Et cent femmes innocentes ignorées ignorantes
Pour préférer celle qui resta seule
Une nuit de métamorphoses
Avec des plaintes des grimaces
Et des rancunes à se pendre.

Installez ici les gradins les estrades

Les lampes des musiciens

Gravez partout des personnages ridicules

D’un trait pur d’un trait vif

Enviable

Accrochez les fleurs les grands oiseaux

Tout près des danseuses polies

Et de leurs robes creuses

Tout près des seins aux étranges vertus

Aux maladresses nonchalantes

Jetez des brassées de statues fragiles

Sur de grandes pierres sûres d’elles-mêmes

Pour déchaîner la gaieté

Pour composer un monde involontaire

Tendre et solide

On y trébuche en plein jour

Où suis-je j’y voudrais rester

La moindre ligne blanche
Près d’une tache noire
Une lampe pour un voyant

Un albinos

Sous les baisers des couleurs

Découvre son regard traqué

Sa candeur

Une couronne diaprée

De violettes roses
De boutons d’or fanés

II a le goût d’autres décors
D’une clarté moins rassurante
Plusieurs petites mains rapprochées
Sous un arbuste pâle
Carrelage de paumes innocentes

Touche aux mains pour toucher à tout
Sans laisser de traces

Pourquoi tant d’égards
Fouillez les gouttes d’eau
Les graines en haillons
Fouillez les mains prodigues
La prudence n’est qu’un jeu
Sur la table d’un enfant

Les arabesques lentes des poitrines et des lèvres

Les rides de l’écho

Derniers sentiers de la parole

Parmi les bruits de la campagne

Soir sans allure
Grand laboureur de ruines
Bourreau descendu des îles solitaires
Avec le vent dans la poussière
De mille vieillesses craquantes

Terre exécrable

Aux grimaces décolorées

Inextricable nœud d’horizons

Ma colère comme un sanglot la fin de tout
Puis dans le noir interminable
L’abandon d’un regard
Dont tout avait le goût

Ses paupières sont prises dans la cire de l’ombre

Et n’y retrouvent rien

Ni la tendresse ni la vie même l’ancienne

Qui n’était pas la nôtre

Pas plus la solitude que l’oubli.

De tout ce que j’ai dit de moi que reste-t-il

J’ai conservé de faux trésors dans des armoires vides

Un navire inutile joint mon enfance à mon ennui

Mes jeux à la fatigue

Un départ à mes chimères

La tempête à l’arceau des nuits où je
Suis seul

Une île sans animaux aux animaux que j’aime

Une femme abandonnée à la femme toujours nouvelle

En veine de beauté

La seule femme réelle

Ici ailleurs

Donnant des rêves aux absents

Sa main tendue vers moi

Se reflète dans la mienne

Je dis bonjour en souriant

On ne pense pas à l’ignorance

Et l’ignorance règne

Oui j’ai tout espéré

Et j’ai désespéré de tout

De la vie de l’amour de l’oubli du sommeil

Des forces des faiblesses

On ne me connaît plus

Mon nom mon ombre sont des loups.

Filles de rien prêtes à tout

Sœurs des fleurs sans racines

Sœurs des enfants rebelles

Minuscules

Indifférentes

Réduites à l’intelligence

A la raison à en mourir

Réduites dans vos secrets

Etrangères délaissées

Mes lointaines compagnes

Aux chairs sentimentales

Belles à peine belles mais toujours belles

Plus simples que le malheur

Plus précieuses que la beauté

De vos lèvres abattues

De votre sourire effondré

Vous me confiez vos poisons

O mithridatisées

Et j’oppose à l’amour
Des images toutes faites
Au lieu d’images à faire.

Paul Eluard

Le droit le devoir de vivre – paul eluard


Le droit le devoir de vivre

paul eluard

Il n’y aurait rien
Pas un insecte bourdonnant
Pas une feuille frissonnante
Pas un animal léchant ou hurlant
Rien de chaud rien de fleuri
Rien de givré rien de brillant rien d’odorant
Pas une ombre léchée par la fleur de l’été
Pas un arbre portant des fourrures de neige
Pas une joue fardée par un baiser joyeux
Pas une aile prudente ou hardie dans le vent
Pas un coin de chair fine pas un bras chantant
Rien de libre ni de gagner ni de gâcher
Ni de s’éparpiller ni de se réunir
Pour le bien pour le mal
Pas une nuit armée d’amour ou de repos
Pas une voix d’aplomb pas une bouche émue
Pas un sein dévoilé pas une main ouverte
Pas de misère et pas de satiété
Rien d’opaque rien de visible
Rien de lourd rien de léger
Rien de mortel rien d’éternel
Il y aurait un homme
N’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien.

Paul Eluard

DU FOND DE LA MERE, CE QUI TIENT


photo Niala

DU FOND DE LA MERE, CE QUI TIENT

La coquille baille

je m’éveille et m’accoude aux cavernes

Un banc est en Place de Furstenberg

escale

où se tient ma jeunesse

à marrées perpétuelles dans cette vieillesse terrestre

J’ai vu le bleu

Vincent d’un bout à l’autre

Grindel comme berger

Léo pour apprendre à chanter ce qui résonne au naturel

Tout fout l’camp

sauf ce qui tient en relais dans le ventre…

Niala-Loisobleu.

16 Janvier 2023

Passé la ligne…


Passé la ligne…

Barbara

s’annonce comme ce qu’il faut savoir et surtout distinguer entre le fond et l’apparence

Me voici visible à l’Ecluse

mis à niveau pour le passage

Ce monde à plusieurs faces est un épouvantail redoutant l’oiseau par-dessus tout

aussi il affute son hypocrisie pour le tromper

Par la voie du silence les jours sont baladés en émettant leurs fumées

ruses d’indiens égarant de la seule destination

La poussée du volet libérant la lumière individuelle

Celle d’un Grindel, m’est parvenue au début de l’adolescence

Le matin en quittant la ruche Verneuil, mes pas allaient à sa poésie sans retenue

Visionnaire il m’initia au Surréalisme

Seule ouverture sans limite sur la Muse

Découverte de l’Absolu

De quoi ôter au voeu son machiavélique usage

Et ouvrir sans rien vouloir dénaturer, au mystique dans toute la force de la vérité

L’amour intègre passe par l’inévitable corruption du quotidien

Je peins pour dire autrement

Elle m’entend

Barbara a toujours su la racine

le dernier tableau lui est entièrement dédié

Je lui donne en bonne année comme pour lui dire, je suis là, je tiens sans me retenir autrement qu’au chevalet, La Chaume fertile, la couleur poétique, cet enfant silencieux là, ce sein de sel, plus loin que l’infinité du chien noir, l’Autre-Monde bien réel à la plume de ses vers.

Regarde-le, Barbara, je vis dans son tissage.

Niala-Loisobleu.

1er Janvier 2023

LA TÊTE CONTRE LES MURS PAR PAUL ELUARD


LA TÊTE CONTRE LES MURS

PAR

PAUL ELUARD

Ils n’étaient que quelques-uns

Sur toute la terre

Chacun se croyait seul

Ils chantaient ils avaient raison

De chanter

Mais ils chantaient comme on saccage

Comme on se tue

Nuit humide râpée

Allons-nous te supporter

Plus longtemps

N’allons-nous pas secouer

Ton évidence de cloaque

Nous n’attendrons pas un matin

Fait sur mesure

Nous voulions voir clair dans les yeux des autres
Leurs nuits d’amour épuisées

Ils ne rêvent que de mourir
Leurs belles chairs s’oublient
Pavanes en tournecœur
Abeilles prises dans leur miel
Ils ignorent la vie

Et nous en avons mal partout

Toits rouges fondez sous la langue

Canicule dans les lits pleins

Viens vider tes sacs de sang frais

Il y a encore une ombre ici

Un morceau d’imbécile là

Au vent leurs masques leurs défroques

Dans du plomb leurs pièges leurs chaînes

Et leurs gestes prudents d’aveugles

II y a du feu sous roche

Pour qui éteint le feu

Prenez-y garde nous avons
Malgré la nuit qu’il couve
Plus de force que le ventre
De vos sœurs et de vos femmes
Et nous nous reproduirons
Sans elles mais à coups de hache
Dans vos prisons

Torrents de pierre labours d’écume

Où flottent des yeux sans rancune

Des yeux justes sans espoir

Qui vous connaissent

Et que vous auriez dû crever

Plutôt que de les ignorer

D’un hameçon plus habile que vos potences
Nous prendrons notre bien où nous voulons qu’il soit.

Paul Eluard

« DESIR ESTHETIQUE DE NOVEMBRE » – NIALA 2022 – ACRYLIQUE S/TOILE 65×54


 » –

« DESIR ESTHETIQUE DE NOVEMBRE »

NIALA 2022

ACRYLIQUE S/TOILE 65×54

Dans la pose le sujet va prendre sa vraie dimension sur la toile

qui est le moyen d’expression intime

du Peintre

le modèle donne réalité à l’entité qu’il inspire à l’artiste

chaque élément qui en sort exprime son exclusivité

les raisins sont visibles dans les vignes

mais ce qu’ils montrent est le fruit de l’assemblage qui en sera fait

L’Esprit prévaut

le corps en dépend mais sans rien pouvoir en défaire

Voilà la source arrivée à l’estuaire bouche grande ouverte

pour sublimer les ramifications qui en découlent

connaissance extraterrestre de ce qui dépend de l’Univers

Des froideurs et grisailles de Novembre

j’ai retiré les promesses de fécondation propres à l’automne

le voilà mon Absolu

la Muse décrite par Eluard

sens de la vie avec tous ses avatars

Le temps n’a plus de sens commun, les calendes fleurissent autrement

le nombre d’ans qui me donne rendez-vous la semaine prochaine

pour plus loin encore

a trié l’insuffisance, la nullité, l’abandon, le désespoir, la vanité, l’orgueil, la propension à refuser de reconnaître ses torts,

l’injustice au profit de l’égocentrisme

Sensuelle sensation que ma peinture rend tactilement gustative à la jouissance à la carte

Niala-Loisobleu

20 Novembre 2022

Cailloux du Chemin


Cailloux du Chemin

Echappée des coulées de boue la Muse marque l’essence ciel

Grindel

m’a initié à ce fondamental voyage

Musique de différents pays qui flotte en jardin

des senteurs velues mexicaines aux rondeurs normandes protégées par les falaises

Dans les embruns du rose des lèvres lippues s’hissant au-dessus des palisses pour se joindre à l’écume

Sous l’oreille la cerise va-et-vient contre l’arbre au creux de l’aisselle

Exotique effigie de la mémoire-vive

que le temps aussi cruel qu’il puisse être n’avale pas.

Niala-Loisobleu.

18 Novembre 2022