CE QUI VA ET VIENT


Jean Tardieu

 

CE QUI VA ET VIENT

 

D’où (lentement) vient ce qui vient ?
D’où émerge ce qui s’élève ?
D’où sort vivement ce qui veut, ce qui veut être et veut être visible ?

J’assiste je ne sais pas

qui voit qui est vu qui gronde qui se tait

qui demeure qui se disperse

brille par ici s’éteint là-bas

Ce qui veut être

est-ce moi qui ne suis plus ?

Ce qui est tenu n’est pas entendu

Ce qui devait venir n’est pas venu

Ce peu de chose n’est rien.

Mais l’ombre et la lumière (que je connais bien)

tournent autour l’un de l’autre

formant au regard maints objets pleins

par exemple le silence d’une plante

par exemple le poids d’une pierre

ou un simple mouvement

qui va qui s’éloigne qui revient

pendant que je me tiens debout

Quelquefois je marche et ne dis rien.

 

Jean Tardieu

COMMENCEMENT ET FIN


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COMMENCEMENT ET FIN

 

Le commencement ne s’arrête pas et la fin ne cesse

Ton sang tu l’oublies, ce commencement.
Ce qui passe en toi et n’a pas de fin tu ne l’entends plus.

Au commencement torrents et volcans, à la fin des fins le ciel et la mer.

Si tu comprenais ?
Si tu commençais ?
Si c’était la fin ?

Tu crois que le monde vient de commencer tu crois que le temps n’aura pas de cesse

Admire la fin du commencement adore le jour adore la nuit qui t’ont dévoré.

 

Jean Tardieu

 

UN CHEMIN


UN CHEMIN

La lecture prend la couleur qui habite derrière le regard de chacun. La poésie y ajoute celle de l’esprit plus qu’en tout autre écrit.

La peinture présente les mêmes caractéristiques dès lors qu’elle n’est pas photographique du sujet qu’elle  a choisi.

On reconnait un poète à sa peinture comme un peintre à son écriture, ils ont une sensibilité commune faisant appel à une forme d’espoir permanent que d’aucuns trouvent insensé mais que leur lucidité aborde dans un absolu qui en fait diffèrer la forme.

Pour ma part depuis mon association avec Barbara Auzou, je sais la parallèle entre l’image écrite sur les mots et les mots mis sur l’image menant à cet absolu., bien des chemins parcourus m’ont conduit à celui-ci pour que je puis aujourd’hui le considérer comme majeur.

Niala-Loisobleu – 17 Novembre 2018

UN CHEMIN

 

Jean Tardieu

 

 

Un chemin qui est un chemin

sans être un chemin

porte ce qui passe

et aussi ce qui ne passe pas

Ce qui passe est déjà passé

au moment où je le dis

Ce qui passera

je ne l’attends plus je ne l’atteins pas

Je tremble de nommer les choses car chacune prend vie et meurt à l’instant même où je l’écris.

Moi-même je m’efface comme les choses que je dis dans un fort tumulte de bruits, de cris.

Jean Tardieu

LABEL LETTRES


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LABEL LETTRES

Dédicace à B.A. qui ce matin m’a soufflé le souvenir d’un mètre à panser

 

Si la porte n’avait pas entrebâillé son galop au virage d’Auteuil, j’aurais jamais su qu’il était de tempérament si gai. Un joueur d’échec en bois qui au réveil enfourchait son bidet en se prenant pour une autre.

Sur le dos du bureau le grand-boulevard plein d’encre éponge les nouvelles éculées comme celles qu’on invente faute d’avoir quelque chose à dire.

De sa bouche en cul-de-poule on aurait eu du mal à croire à la vérité, qu’elle faisait rosière dans la vie.

Il y eut soudain un étrange silence quand la diligence s’arrêta au relais avant les quatre-chevaux partis en premier.

L’amant dans le placard éternua avant l’étroit coup du gendarme quand de la tringle du rideau tomba  la femme du cornac en criant : « Je veux en corps mon ailé fan rose ».

Ainsi fond la frigide banquise à la rencontre du remonte-pente qui l’attire à elle comme l’officiel a plus court.

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Niala–Loisobleu – 11/10/18

LA CITE SOUTERRAINE


LA CITE SOUTERRAINE

Jean Tardieu

 

 

Les mains en avant à travers la nuit

Nous sommes tous descendus dans une cité souterraine

qui n’en finit pas de s’étendre

et nous nous cherchons les uns les autres

à tâtons sans jamais nous retrouver.

Parfois à la lueur faible qui tombe d’en haut

par un puits ou par une faille dans la roche

nous apercevons une trace

une image détruite

un écrit presque illisible une empreinte de pas

et le cœur soudain rempli d’une joie enfantine

nous nous dirigeons de ce côté croyant comprendre le

message mais notre espérance est toujours déçue.

Pourtant ceux que nous cherchons dans cette ville,

c’est eux qui nous avaient promis

de ne jamais nous abandonner :

ils nous avaient comblé les mains et la mémoire

de glorieux vestiges

de tous les dons qui ne s’achètent pas…

Nous avons tout gardé nous sommes fidèles

mais les parjures nous ont trahis

ils nous ont égarés dans le labyrinthe

sans nous laisser le plan ni le trajet ni la clé.

Ici où nous tournons sur nous-mêmes sans fin

la poussière a recouvert nos trésors plus rien ne brille.

C’est à peine bientôt si nous saurons

nous souvenir des promontoires

d’où l’on embrassait d’un seul coup d’œil

les mers les forêts les collines avec leurs villages,

où tout le monde se retrouvait dans le bruyant cortège

le long des routes bondées de charrois

et dans les rues illuminées

pleines de cris d’enfants.

 

Jean Tardieu

A la Belle Transhumance 3 (suivi de Nanderuvuvu)


A la Belle Transhumance 3

(suivi de Nanderuvuvu)

 

Paris-novembre-1997-avec-vue-sur-les-jardins-du-Palais-Royal

Nanderuvuvu

Familiers du

Déluge

nous sommes quelques-uns

je dis quelques milliards

sous nos chamarrures

(le jaune
Chenille

l’or
Scarabée le noir
Capricorne)

à faire trembler le globe dans nos os.

«
Si tu es
MALENFUNC qui se retourne dans son sommeil et chaque fois secoue le sol en attendant d’écraser le ciel, moi je suis
AUREPIK, le fils qui un certain jour, aussi sec vous mangera.

«
KAREÏ voleur de paradis fera de même

il est notre petit frère

et lui aussi lui surtout nanderuvuvu

que l’on n’aperçoit qu’en rêve

(la
Terre qui a honte

d’avoir dévoré tant de monde

implore son pardon).

«
Insectes-rois

insectes-dieux

couronnés de piques

de plantes vénéneuses

nous avons frappé frappé frappé.

Nos pattes palmées

martelaient la boue

pour en faire issir la moisson des vers

gracieux et fous porteurs de têtes

qui dansent éclairées du dedans.

«
Nourris de notre descendance barbouillés d’ocre et de craie de suie, de sang séché brandissant nos élytres nos rameaux nos sagaies nous avons dansé dansé
dansé la danse du
Sexe et du
Mourir.

«
Fils de moi-même enfin seul

interminable insecte

éphémère immortel

toujours tué et engendré

par
Celui qui se dresse entre mes jambes

je fertilise j’enlise

j’ensalive j’ensevelis

et je délivre

familier du
Déluge. »

Jean Tardieu

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Mais voilà

ras

nia

nia

Justice est fête, moi Jean d’Ormesson devenu Crayon, j’illumine, règle le veut, la docte ignorance  de mes yeux bleus  !

Niala-Loisobleu – 10 Décembre 2017

 

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Des chemins clairs qui figurent sur le plan, parfois des noms de rues s’effacent, se glissent alors des impasses aux fonds baptismaux induisant une erreur de naissance…


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Des chemins clairs qui figurent sur le plan, parfois des noms de rues s’effacent, se glissent alors des impasses aux fonds baptismaux induisant une erreur de naissance…

Me levant du ban de mon existence, je me souvins que j’avais abandonné mes clefs dans l’appartement avant d’en claquer la porte. La cage d’escalier ne laisse plus passer le moindre bruit de conversation. Lurette qu’aux paliers, DO NOT DISTURB, ça balance comme à pari à la ficelle de chaque poignée de porte. A qui demander « Où par là ça mène-t-il ? »

Nib de Gaston, pas plus qu’un autre pour répondre au téléfon.

Angoisse.

Entrant dans mon jardin secret, derrière le gros cerisier, je trouve le rossignol faisant passe pour tous mes tiroirs

Soudainement un bruit de roues sort du plafond de la cage, le câble des cordes vocales de l’ascenseur, en se tendant, perdait les zoos.

Je me dis, ouf ça va renaître

-Alors qu’est-ce qui t’arrive ? demande Aurore

Passé le frisson d’impression d’au-delà, je reprends conscience. La petite fille de la femme austère est devant moi, elle me tend son sourire. Puis tourne sur les pointes. »Salto tout l’monde »qu’elle dit en riant comme un petit rat dans ses grands égards… Pas Degas n’apparait de derrière les rideaux. Donc pas de vieux salaces dans l’entr’acte. Les lumières me montrent le plafond.

Un émerveillement !

Il est empli de Chagall. Je tremble, pleure, l’émotion me coule des tripes. Plus de fantôme de l’ô qui paiera comme l’injustice l’exige. Il s’est fait avaler par le trou du souffleur. L’instant d’après icelui-ci me dit « Remballe les films d’épouvante, remonte l’heur à la voile, hisse la trinquette et tire un bord, cap au large. On déhale des cons, on s’écarte des lises, des étocs, des naufrageurs, des-on-m’a-dit-que-vous-êtes-au-courant, on casse la mire de la télé-bobards, des émissions qui montrent les richards dépouilleurs d’îles désertes aux SDF, genre la Tessier & Nikos and co, merde à vos bans comme aurait dit Léo !

Aurore me saute au cou, son parfum de gosse me tourneboule. C’te môme à m’sort la barbe de l’attente de la toison d’or.

Le Petit-Prince, son frère Théo au ciel, la p’tite soeur Line agnelle, les roses, les épines, le serpent et le renard, le désert, la serpette et la belette gonflent les binious genre fez noz que ça gigue du talon dans les Monts d’Areu. Me v’là r’venu à Brocéliande. Merlin assis au centre de la ronde clairière me dit :

« Vas ton odyssée jusqu’au bout de la confiance, elle cédera pas, t’es assez un Pi pour muter croyant en ta foi ».

La mer sort de l’épave et remet taire à flots

Du château de sable un don jonc tresse la corbeille de la mariée.

Le matin referme les portes de la nuit

Je la chevauche à cru

J’tiens d’bout

Niala-Loisobleu – 26 Août 2016

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