et plonge tous les soirs à l’ouest
sous le drap bien tiré de l’horizon
poursuit son destin circulaire
cadre doré enchâssant le miroir où tremblent les reflets
d’hommes et de femmes jetés sur une ombre de terre
par l’ombre d’une main qui singe la puissance
O fusées
il y a trop longtemps que nous enchante
l’araignée solaire pendue au fil à plomb de l’heure
Echelon par échelon
la mort remonte de son puits
et la roue immobile révèle son squelette de rayons
Que toutes les pierres se fendent
et que les frondaisons se penchent
pour saluer cette
Vérité dépouillée jusqu’aux os
une figure se dresse
au-dessus de la margelle ronde qui auréole la profondeur
D’occident en orient
un voyageur marchait
serrant de très près l’équateur
et remontant en sens inverse la trajectoire solaire
Ses regards agrippés aux forêts
peignaient leurs sombres chevelures
et ses mains balancées selon le mouvement de ses pieds
caressaient les lueurs à rebrousse-poil
comme s’il avait entrepris de forcer le cours de son
destin d’heure en heure et de jour en jour en le prenant à contre-sens
De lieu en lieu
la nuit oisive le suivait
Au bruit de ses pensées
il la faisait danser ainsi que font les montreurs d’ours
et quand la bête lasse se couchait
hissée sur la boule du monde c’était l’aurore qui se
montrait nudité fine étincelante et blanche
De l’Atlantique à la mer
Rouge
fuyant l’Europe
le voyageur allait sans femme
autre que les idoles pour qui des cierges flambaient dans sa tête
et les sirènes imaginaires nageant dans l’eau obscure de ses yeux
Il y avait beau temps qu’était enterrée la douceur du clair de lune qui s’enroule autour de longs cheveux et que l’amour ne lui était que paillasse à terreur qu’on y dorme
tout seul ou qu’on y couche à deux
Le couperet des jours signait les aubes glauques d’un coup d’ongle fatal aux espoirs trop touchants et de leurs cous marqués jaillissait ta voix rauque guillotine du ciel qui tends tes
bras méchants
La foudre aventurait son sexe jusqu’en terre
Les blés couchés lui répondaient en soupirant poils d’or et les sillons amoureux du tonnerre déchirés de sanglots s’ouvraient à tous les vents
C’était la peste et la misère
Ombres et feux se poursuivant dans la cave du jour où pourrit la lumière lèpre si pâle au cou de l’univers mendiant
O tempête
Tes plis profonds ont pu rider ma bouche amère et lacérer ce cœur qui pend entre mes côtes tel un quartier de viande à l’étal d’un boucher de trop de passions mon
corps fut mauvais hôte pour qu’aujourd’hui je marche autrement qu’yeux baissés
Éternel humilié dont le désir ulule
piètre amant j’ai toujours été l’ours mal léché
et je porte pourtant ivrogne émerveillé
au creux de ma poitrine une rose qui brûle
Telle devant la niche où dort un saint de pierre fœtus rêvant de tout son crâne déplumé et muet dans l’utérus comme un mort dans sa terre coule une cire que
l’ardeur de sa flamme fait suer
Telle face au miroir qui quadruple la paire
de bergers s’embrassant entre les chandeliers
une veilleuse presque éteinte change en suaire
les draps du couple parental dont craque le sommier
Et l’enfant réveillé sent vivre le silence troublé par ce seul bruit émané du fumier des membres confondus grâce à la morne science de l’amour qui ahane un
jugement dernier
Il songe en écoutant son cœur battre trop fort
à l’horreur d’être adulte bien qu’il sente
se faufiler en lui ainsi qu’un filon d’or
cette flamme légère et toujours laminée
montant pour l’ex-voto ou le dessus de cheminée
Jeu des sexes bandés qui perpétue l’engeance
en flux et en reflux de pieuvres rejetées
j’ai toujours redouté l’abjecte effervescence
des corps secoués de soubresauts et des chairs hérissées
L’alcool a beau rouler dans mes veines hilares délire torrentiel sans arche de
Noé ni drogue ni plaisir n’apaisent mes dieux lares âpres au gain comme un soldat au sang versé
Je marche sous les cieux dont le désert est l’ombre et compose avec eux un triste sablier double cône où le temps est un bateau qui sombre au
Maelstrom engloutissant les passagers
Car il faut que la nuit succède au jour qui ente ses rameaux éclatants sur un sol torréfié il faut qu’après l’amour les corps suivent la pente mauvaise à toute
chose en mal d’éternité
Si les bolides choient les animaux s’endorment
Vues à distance les montagnes se déforment et son ventre chargé de futurs ossements fait de la femme pleine un sépulcre mouvant
Tout décroît
La pluie est l’agonie du nuage
Le disque de la lune s’amenuise en croissant
Le ciel se meurt en vent quand les eaux le ravagent
et ses rides se muent en longs sifflets stridents
Le vent meurt en haleine quand trop de bouches le
tettent
L’haleine expire en buée sur la vitre ternie quand l’espace la suce impalpable squelette qui pour seule règle de mesure a ses tibias blanchis
Ainsi la soif s’étanche
Ainsi la fleur se fane
Du zénith au nadir des passions assouvies vaincu le sexe tombe en astre tournoyant et l’unique immortelle est la rose-des-vents
Il disait
et sa voix se mêlait au bêlement des chèvres au cri des coqs au rire des filles dans les villages traversés
Derrière lui les pays se refermaient comme des lèvres ouvertes un instant pour la morsure ou le baiser
L’Afrique se dénudait
rejetant les bijoux qui tintaient entre ses seins proéminents
et des chants la secouaient toute entière
comme un vent de tornade
tandis que le sang lourd des sacrifices coulait entre
ses jambes suantes menstrues éternelles et violentes
Épiant les augures d’oiseaux
fidèle à sa boussole à la pointe bleu nuit
l’homme passait
et dédaignait les femmes qui lui offraient leurs statures musculeuses
leurs chairs gaufrées d’effigies ancestrales et parfumées d’un relent aigre malgré les fards dont leur peau était ointe
pareille à leur mémoire fardée d’un sédiment de mythes
Plus seul qu’un plomb de sonde
il courait l’univers
et partout son ombre le suivait
double de lui-même écrasé par la honte
de cette errance sans espoir dans une vie sans cœur
Loin vers le nord
dans un port de la
Méditerranée
au fond d’une taverne borgne
un homme aux vêtements fatigués
chantait la rose et le cristal
Sa voix rampait jusqu’à sa bouche hors de son cœur qui lui tirait les chairs
Tel le poids d’une balle dans le ventre l’amour le casse en deux quand il le touche
D’un geste bref s’il vide un verre de vin
je bois l’eau pure de ma mort
D’un coup de main si avant de chanter
il replace sa ceinture
la crasse de son veston lustré
est son unique lest sur terre
L’ombre pend au soleil comme une bannière à sa hampe comme un nouveau-né à la mamelle nourricière comme une amoureuse aux deux bras noueux qui prolongent un torse
L’homme pend ù son ombre comme une corde à la potence comme une charogne au nœud coulant comme un hibou au chambranle d’une porte
Ainsi l’homme pend au soleil comme un trophée à la muraille comme un été à son printemps comme une tête à ses cheveux
et quand le soleil de midi scalpe l’ombre l’ombre renaît au cœur de l’homme et quand le soleil descendu étouffe l’homme l’ombre renaît corps de la nuit
dont toutes les cuisses ouvertes pour l’amour sont les colonnes
Murs moisis j’aime les longues traces d’étoiles
que laissent les affiches déchirées les plâtras
la suie des cheminées et les papiers criblés de fleurs
dentelles aux dessous mal soignés d’une femme
Dans sa mémoire où les villes montaient toutes clignotantes de lumières et de frissons des marchés étalaient leurs denrées sur les places et la foule ondoyait
ainsi qu’une moisson
A pleins paniers les trafiquants offraient à tous les richesses du monde
claie d’osier où nos vies sont groupées en rosaces écailles froissées mimant l’asphyxie des poissons
Dans les hôtels meublés champignonnaient les râles
des amants accouplés ô huître en qui mûrit
la perle du plaisir sous la nacre du mâle
quand les flots radoteurs battent leurs vieux tapis
La ruelle s’éveillait pour les querelles de ménage cris et coups pleuvant dru après la pâmoison
L’enfant battu pleurait de ses yeux gros de nuages ocreux qui survolaient la fétide prison
Dans des chambres perdues de grises accoucheuses prenaient le bain de sang qu’il faut chaque matin à leurs mains délabrées — froides ensorceleuses qui fourgonnent les
chairs plus âprement que des putains
Aux vitres se posaient les maigres faces blêmes d’orphelins nourris d’os et vêtus de sarraux couleur de l’insoluble et mobile dilemme qu’imprimait sous leur front le givre des
carreaux
De grands oiseaux fuyant la terre bâtissaient des cercles que jugeait encore trop étroits le regard de l’enfant s’il heurtait la paroi du ciel grandi par la souffrance de son œil
comme un étang blessé par le jet d’une pierre
Enfant toujours perdu es-tu fils de ton ombre accrochée à tes pieds poulpe d’encre ou boulet du forçat qui mesure son destin au nombre des chaînons liés à lui
schéma de ce qu’il est
Es-tu né du soleil qui troue les robes claires dore le ventre et donne sa chaleur au lait ou bien ta mère est-elle une punaise de calvaire qui te mange le cœur et te sèvre
à jamais
Enfant tournant en rond au préau de misère en noir sur blanc ainsi qu’une cible apparaît as-tu fini de déchiffrer le syllabaire du trou de la serrure antre gras de
secrets?
A chaque étage des maisons la soupe fume
le mur suinte l’assiette mal blanchie s’écorche
le couvre-chef paternel pend à la patère
Dans les squares tout proches les nymphes de brume
se pétrifient
et la lune les change en torches
Au delà c’est la banlieue et ses chaînes d’usine
Au delà c’est la campagne
eau verte entourant les atolls charbonneux
et les baignant d’une écume de corolles
Au delà c’est la rosée de la terre entière
Fers ouvragés
Chrysalides sombres
Becs de gaz
au soir votre tête dérive et des flammes l’embrasent
brûlots lancés contre les galions des rues
par des corsaires en scaphandre de phosphore
Armures transparentes
une langue de feu pointe au centre
de votre heaume clair
De torrent en torrent de broussaille en broussaille il malmenait son cœur
le traînant après lui comme un chien qui rechigne loin de toute possibilité d’aventure confortable ou d’os propre au jeu par quoi l’on oublie la vie maligne
Les villes qu’il avait connues
(peu de villes et peu de femmes)
fondaient en une même flamme
son ouïe son goût son tact son odorat sa vue
Bruxelles au rire épais d’entrailles
Rotterdam à l’odeur de goudron
Amsterdam sec comme la pierre
Londres breuvage amer dans un silence ouaté
Le
Havre paupière ouverte sur la mer
et
Paris où je suis né
Berne où les ours fameux se promènent de long en large et me ressemblent
Mayence où
sans regarder le
Rhin
j’ai appris à désaimer
Marseille
où pour la première fois je me suis embarqué par un vent fou
Missolonghi
où rage dans un jardin la statue de
Byron près d’une mer couverte d’une croûte d’immondices qui m’a donné la fièvre
Milan
que j’ai traversée en proie au délire
souffrant du ventre et de la malaria
Barcelone
dont le quartier chaud s’appelle
barrio chino
bien qu’il n’ait rien de chinois
Foule lumières et fleurs font longuement la roue
devant les façades des maisons dont beaucoup
portent des traces de balles
en larges coups de dents brûlures ou éraflures
Le
Caire
où ma chambre encerclée de milans était comme une tour
Tandis que j’y habitais un assassin
Dario
Jacoël
revêtit la chemise rouge spéciale aux condamnés à mort
Je me demande si le supplice qu’il devait subir n’était
pas le garrot
Dans une nécropole poudreuse califes et mamelouks reposent au delà d’une montagne de détritus
Gondar
huttes de paille et de pierres
dans des ruines s’écroulant en morceaux
Des jours durant
j’y fus amoureux d’une
Abyssine
claire comme la paille
froide comme la pierre
Sa voix si pure me tordait bras et jambes
A sa vue
ma tête se lézardait
et mon cœur s’écroulait
lui aussi
comme une ruine
Djibouti
magma solaire
que la mer
Rouge ronge comme un acide
Les femmes y ont l’odeur du lait de chèvre et la saveur
du sel
Vorace chienne mon ombre infatigable m’y conduit aujourd’hui
Quand je mourrai à l’hôpital
en paquebot chez moi
ou bien au cours d’une boucherie militaire ce ne sera pas ma tête mais mon corps gui sera la fourmilière
Nœud gordien de mes entrailles la douleur te tranchera et la rouille des ferrailles amour te recouvrira
Plus de chemises de soie ni de cravates anglaises
Vieille crainte de l’enfance l’obscurité me mangera
Qu’on ne m’affuble pas d’un habit noir
ni d’un complet pure laine ou pas
Plus de chichis
Plus d’histoires
de tics ni de falbalas
je m’habillerai de terre et ma barbe poussera
Ce que j’aimerais le mieux c’est mourir en bateau pour que simplement on me donne à manger aux poissons
Le bateau mettra en panne et des mouettes voleront écrivant au ciel gui me damne
Mort pour la mort mots qui me suffiront
Car au centre de la mer
Rouge couche une femme au ventre avide aux yeux perdus signaux qui bougent pendus à sa face livide
Ses cheveux sont une fumée sa bouche suceuse est exsangue son cou est à jamais coupé mais ses deux bras sont une cangue
Juste image de l’enjôleuse dont j’ai rêvé presque au berceau j’irai vers ses lèvres neigeuses elle bâtira mon tombeau
cratère de ma peine immense comme le
Vésuve ou l’Etna et de mon âme aussi creuse que le gouffre de
Padirac où coule
parmi les alvéoles rocheuses une rivière si lente
Vagabond pourchassé fuyant sans rien comprendre tête lourde il allait mordu à chaque pas par l’angoisse couvant comme un feu sous la cendre et son ombre tenace à qui la nuit
tendait les bras
Au fin fond de la mer veillait les dents lucides et sa gorge fanée goudronnée de sanglots guettant les suppliciés la vieille néréide qu’on appelle
l’Amante-aux-reflets-de-couteau
mais que je nomme moi maudissant mes mains vides femelle de mon ombre et foudroyant pavot puisque je dormirai en elle jusqu’aux ides du mois vague où la terre ouvre grands ses
caveaux
De mer en mer j’ai traversé le continent palpant ses
lombes riches de fêtes et tendues plus que la peau du tambour mat qui accompagne vers sa tombe le conquérant croulant d’ennui et de drapeaux
Les vents ont décoché pour moi l’ardente flèche de l’avenir gavé d’espérance et de mots mais je suis prisonnier de cette ombre que lèche la gorgone qui n’a que les
os sous la peau
Je l’appelle
Ma mort
Menottes d’or luisantes
Cave d’alcool trop fort
Mère pas assez tendre
Lichen poussant sur les décombres qui me hantent
Reflet profond des yeux dont des pleurs vont descendre
Et je brûle
Et je vais sous le soleil que hausse le tourment perpétuel qui enfle mes poumons jusqu’au jour où les cieux et moi nous craquerons plus secs qu’un ongle ou qu’une dent qui se
déchausse
Il marcha vers la mer fouetté à tour de bras par le soleil qui déchirait dans tous ses pores la loque de son ombre soudée à ses pas comme un corps de cheval au torse
d’un centaure
En bas se lamentait et tournait dans sa geôle l’écume hoquetante au bout de ses souliers
En haut filait le jour qu’étayent les deux pôles parmi les nuées qui bâtissaient des marches d’escalier
Des filles affligées de pian ou d’écrouelles le coudoyèrent en riant aux éclats puis leur regard s’embua sous leurs tresses rebelles aux épingles d’argent qui
frémissaient comme des mâts
Les vagues palabraient en rejetant leurs plis de toges par-dessus les dauphins onduleuses épaules et comme un doigt pointé se figeait la boussole qu’il avait voulu prendre pour unique
horloge
Pistes acérées comme des ongles
Sentiers
Artères
Ponts
Rails
Sillage des avenues
Chemins qui défoncez l’espace à coups de pied désorbitez le temps
Et donnez-nous le sang du ciel bleui par des veinures inconnues à nos yeux fatigués de son lent tournoiement
Il se jeta à l’eau mais le flux le rejeta
car l’eau n’en voulait pas
Peut-être n’était-il pas assez gras mer
Rouge
ô bien nommée puisqu’une mer n’est que le pouli du monde
Seule
son ombre se noya
mais une autre repoussa
tandis qu’il repartait quêter les météores
plus cassé qu’un souverain dont le blason s’éraille
et dont le sceptre se dédore
Cheminées pointées droit vers le ciel un navire passa
Ce n’est pas ainsi que vous pointez
mais parallèlement à l’horizon
revolvers
aux tempes des suicidés
Longtemps la sirène siffla
et la vapeur monta plus longtemps encore
Fumée que recrachent les ports
l’ombre et la femme sous-marine avaient mêlé leurs bras
Paquebots
Remorqueurs
le vent secoue vos crinières noires quand vous faites l’amour
Est-ce ainsi que s’exhale ton venin écumeuse de la mer
Rouge
Est-ce ainsi que renaît votre haleine embrasée ombres des désespérés?
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