
« La saison des herbes » par Andrée Chedid
L’air est libre
Les chemins sentent l’orangeLe soleil s’allonge en robe de safran
C’est la saison du rire et des herbes
Ô mon amour aux cent patiences
Ce soir tout est une première fois.
L’air est libre
Les chemins sentent l’orangeLe soleil s’allonge en robe de safran
C’est la saison du rire et des herbes
Ô mon amour aux cent patiences
Ce soir tout est une première fois.
Le
Matin
Muscla ses rayons
Et pourfendit l’écorce
Se déployant
sur villes et champs
Se faufilant
dans leurs ornières
Élargissant les cœurs
Aérant le souffle
Illuminant fenêtres et blé
Le
Matin en labeurs
Se proclama
matin!
Andrée Chedid
En quel lieu de ce corps en fonction
De ce sang qui déambule
Se fixe l’être
Bâti d’élans de songes de regards
Qui parle les langues du silence
Qui devance mots et pensées?
Qui prononce notre mort
Qui instaure notre vie
Qui présence ou absence
Dans la mêlée des vallées et des gouffres
Nous prodigue
Cette sarabande de rixes et de roses
Nous assigne
Ce pêle-mêle de discordes et d’harmonies?
Qui
tissant ensemble
tant de corps et tant d’âme
Nous imprègne de passé
Nous génère un avenir?
II
Plus loin que tes membres
Plus haut que ton front
Plus libre que racines
Tu t’émancipes de l’arbre de chair
Vers les récits du monde
Vers l’image inventée
Hors des marques quotidiennes
Où tu vécus fièvres et moissons
Soleils ou mélancolies
Tu t’élances
Une fois de plus
Débauchant l’espérance.
III
L’esprit s’aventure
Tandis qu’en sourdine
Le corps tout à sa trame
Poursuit de secrètes et mortelles visées
Spectateurs ahuris
Nous déchiffrons soudain
Sur nos peaux en nos charpentes
Les croquis de l’âge
Tout ce grené tout ce tracé
Tous ces naufrages
Que nous n’avons pas conduits
Ces mêmes érosions ces mêmes
Qu’aucune chair n’a jamais fuis
Le temps triomphe des temps
Soumis au projet sans failles
De l’impassible métronome
Le corps lentement se déconstruit
Tournant autour du pieu
Où s’embrochent nos destins
Il nous reste la parole
Faite d’argile et de souffles
Il nous reste le chant
Fortifié d’autres chants
Alluvions qui progressent
Vers l’horizon sans appel.
Andrée Chedid
Je ne cherche pas le bruit d’ailes, mon Arbre vit, sa respiration est audible.
Voici simplement un nouveau chapitre qui s’apprête à cogner
à la Porte de l’Histoire.
« Aux Jardins de mon Amour »
ayant sonné
son 12ème coup
une prochaine série va venir se greffer aux autres.
Greffes
1
Lames grises du réveil
Péninsules éteintes
Quotidiennes et courtes morts
Où se greffe le vide?
Les filaments du monde se défont sous tes doigts
La nasse de tes pensées assourdit chaque source
Les brumeuses cités de toi engloutissent ta face
Plus de fleuves déployés
Plus d’herbes à venir
Plus d’agir plus de fables
Plus de suite plus de surplomb
A l’arraché
comme on extirpe l’ortie
On étripe ce mal
Il tenaille
Il résiste.
2
Sur toutes les terres du monde
L’agneau a greffé
sa face doucement ravagée
Sur toutes les terres du monde
Le bourreau greffe
Son masque impérissable et clos.
3
Où s’assemble notre double
sa voix nommant d’autres voies?
Où se greffe son rameau qui démantèle les ombres qui ronge les murailles?
Surgi des houles de notre soif
Il vient
par triomphe d’images
par vannes par grains par grappes
par ruptures et fusion
Il parle il vient
Ce double
tranchant les ligatures du mot instaurant l’autre connivence.
4
Je descends de tout un peuple de morts des charnières et du plein de ces corps révolus
Nos trames s’entrecroisent leur chair soude la mienne
Leurs rumeurs s’attachent aux lacis de mon sang
Enfant de toutes ces fibres
J’émonde les liens moisis
et me greffe aux vivants
à leur souffle à leurs chutes
à leur risque d’horizons
Visage d’un temps
J’arbitre
Et progresse dans l’onde des jours vers la tenace issue.
5
Marée bue par les sables Éclat retombé en cendres
Gorgée de battements la
Vie s’est défilée escamotant nos soifs
Cette soif
greffe de nos jardins levain de nos éveils amorce du futur
Cri d’alouette
le long des routes exténuées.
6
La ville aux trousses
ne nous exilerait plus
Si greffant l’oiseau
au cœur du cœur des pierres
Le cœur imaginait
La ville aux trousses
ne nous lapiderait plus
Si multipliant ses graines
obstinément tirées vers le jour
Le cœur nous fécondait.
7
Du fond des nuits sans âtre
Ton double assiège encore
Il éclate et questionne
comme pour mieux te greffer
A toutes les pousses de vie!
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