BRIBES (XVII)


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BRIBES (XVII)

De la guérite de sa gorge les cordes vocalisent comme un instrument à vent de garde tutélaire

Il surveillait la dune de son torse, les hanches attelées aux aisselles, à peine un mouvement de ses lèvres, que le soutien-gorge ne palissait plus la retenue des coulées de sable qu’en imagination

NOUS nous n’aimons pas la neige elle ne nous glisse rien qui transporte, en revanche ouvrez le sentier de la pointe espagnole et vous verrez les chiots partir en fusée

Quand je serais grande, disait-elle, je n’abîmerai pas le silence des pierres alignées à leurs racines, encore debout de la veille ou couchées d’antan sans s’être lâchées la main

un gisant levant la tête reconnût les notes d’une marche nuptiale où un fifre appuyait sur la nacre pendant que les guitares claquaient du talon

gitane poussière d’un élan qui résiste aux tourments les dents prêtes à mordre

chiens-loups clignant du rai

Aux meules des foins porteurs de serpolets, comme aux gerbes des moissonneuses le bleuet dresse les pis pour que  le vin coule en étreintes qui vantent le travail, seule vraie noblesse de l’homme….

Niala-Loisobleu – 2 Décembre 2018

BRIBES (XI)


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BRIBES (XI)

Au violet d’un cardinal odorant

sans goût pillons ni moindre sabre

tout de blanc vétus queues et becs d’épi

les pies coms chants de blé ont du mot-peint dans l’Epoque

Visionnaires ?

Sans aucun doute parce que pas tournés du côté d’où vient le vent qui ment

droits devant

le taureau mis aux vaches

complices

le cheval de labour

araire

se tiennent nus en lacets

comme foetus à naître dans leur  bain-douche amniotique…

Niala-Loisobleu – 28/11/18

A L’IMMORTELLE


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A L’IMMORTELLE

Confondus en un seul

un nuit et jour

neigent en pluie blanche sur le déchaussé de l’écran

les fougères se teintent de rouille en penchant la tête hors de l’allée forestière

où le cheval a du passer plusieurs fois dans les brancards des ornières.

Le poids du fardeau s’y est enfoncé pour libérer l’appareillage au devant du pays d’épices

senteurs aux aisselles des palmeraies

transes de cordes montant les étages du patio

par les roses d’un fandango à la rauqueur d’un chant flamenco..

A l’appui l’une contre l’autre

les maisons blanches mettent un therme au noir du bassin sec

les robes à poids sont emportées par l’évent

sur la table de ferme les immortelles fraîches attendent les poutres du plafond…

Niala-Loisobleu – 24/09/18

 

 

NOTRE JARDIN BLEU –  HISTOIRE DE L’ENTRETEMPS


NOTRE JARDIN BLEU –

HISTOIRE DE L’ENTRETEMPS

 

Du matin ouvert, deux fois cinq doigts aiguillèrent petit trot, pointe de galop, cet ensemble de deux arts se voulant changeur du monde en artisan du Beau…ces mots de Toi Barbara, sont naturellement miens. Ainsi la main qui construit maison après maison des rues par lesquelles les villages s’épaulent face à une autre mer où nous avons envie de marcher la dernière nage les yeux riants de paysages sauvages parcourus nus, toujours nus. Ventres buissonnants à ventres fleurissants. Un levé d’amarre, un frôlement de guitares aux cordes libres d’un cou mordu de baisers. Oniriques chevauchées, à cru du crin éperonné au craint. Réel reflet d’un imaginaire se voulant procréateur par la magie de l’espoir de deux enfances mariées. Le monde restera mieux que ce que les destructeurs n’en auront pu détruire, arrosé et ensemencé de notre utopie vivant en permanence. Tous les discours à la corbeille, les mots jailliront clairs dans les coins les plus sombres du parcours. Notre Jardin Bleu ne se conte plus, il compte. Aux années les plus cruelles du tracé, j’ai retrouvé l’Espagne dressant la tête hors du fratricide, je peignais alors sur la toile un cadre pour dégager les formes encloses des serres du malheur, me voici revenu à cette libération en mettant l’oeuvre dans un cadre-peint-à-escalier.

L’Arbre à Soie est allumé.

La légende remonte à cheval, le chevalier reprend l’écharpe pour la nouer à l’Arbre de Vie.

Une cabane est partie, de l’éventré d’une autre sort le moulinet des queues de vaches comme moteur de traversée du marais vers le touché du salant. Ce que portent les étagères du ciel sont les pages blanches à remplir. L’entretemps est couleur des continents de l’Absolu, cosmogonie dans laquelle nous portons nos symboles…

Niala-Loisobleu – 16/09/18

 

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HISTOIRE DE L’ENTRETEMPS

En cet entretemps-là, celui de la légende et du mythe, l’écorce terrestre était en mouvement. Les derniers grands glaciers venaient de fondre, engloutissant leurs

mastodontes. Des volcans explosaient en chaîne, suscitant déluges, tremblements de terre, raz de marée dont parleraient plus tard tous les livres sacrés, du Popol Vuh à
la Genèse. L’écriture existant à peine, la légende précédait Y Histoire pour dire les combats terribles des géants contre les dieux, ceux-là mêmes
qui aideraient les hommes à bâtir leurs palais titanesques, leurs forts cyclopéens.

Atlas et Quetzalcoatl, frères jumeaux et barbus, soutenaient en commun le ciel sur chaque rive océane. Des forêts de Bretagne à celles d’Amérique les peuples adoraient
la pluie, la lune, le soleil, leur sacrifiant jeunes guerriers et vierges. Sur les parois des grottes, en Dordogne, en Espagne, les chasseurs dessinaient l’aurochs à transpercer. Lentement
prenait forme un monde terrorisé tandis qu’entre les continents resplendissait l’Atlantide aux dix rois, protégée de Neptune, avec ses vallées, ses lacs, ses rivières,
ses prairies couvertes de fleurs, ses légumes, ses fruits, ses forêts plantées de grands arbres, ses mines produisant orichal-que, étain, or; ses chantiers navals, ses
temples, ses statues, ses sources chaudes et froides qui ne tarissaient jamais, ses gymnases et son hippodrome.

Tel était ce pays dont la culture aurait ensemencé la terre entière et qui fut rayé de la carte en un jour et une nuit. Sous les mers, les sables, les glaces, gît
quelque part une Atlantide, berceau réel ou mythique de toutes nos civilisations. Mégalithes et cromlechs celtiques, pyramides aztèques et mayas, cités sacrées des
Incas, fresques du Haut-Atlas, géants de l’île de Pâques, palais de Crète et de Mycènes, ziggourats de Mésopotamie, temple de Zimbabwe sont peut-être
reliés par un fil mystérieux venu de cet âge d’or associé aux puissants Atlantes.

Nul n’a découvert l’Atlantide ; tous ont rêvé ce possible Éden où l’Homme délivré du temps aurait pu être Dieu.

Après avoir gravi avec moi les quatre degrés d’escaliers abrupts conduisant au sommet de la pyramide du Soleil, Ricardo, l’homme du Mexique, s’est immobilisé à l’aplomb
exact du centre de l’édifice. Très droit, les bras plaqués au corps, il a fermé les yeux un bref instant pour laisser monter en lui l’énergie cosmique accumulée
depuis des millénaires au cœur du sanctuaire: il renouait avec les dieux qui s’étaient sacrifiés par le feu sur cette esplanade entre terre et ciel afin que le soleil,
chaque matin, renaisse.

Quand nous redescendîmes il était midi. J’eus le sentiment que ce même soleil brillait d’un éclat plus vif, redonnant leurs couleurs aux têtes sculptées de
Quet-zalcoatl : gueule rouge, crocs blancs, plumes vertes. Sur les murs des maisons, les portiques des palais, sur la fresque des jaguars, réapparaissaient le bleu, l’ocre jaune et le
brun. Une fois encore le cinquième soleil de Teotihuacan triomphait des cendres nocturnes.

Ricardo, lui, savait que les quatre premiers étaient morts, balayés tour à tour par les grands carnassiers, les tempêtes de vent, les pluies de feu, les déluges. Il
savait qu’un tremblement de terre menaçait d’engloutir celui-là aussi, mais voulait croire au triomphe de l’énergie vitale sur les forces de destruction.

Quand nous reprîmes notre marche à travers la ville où les dieux furent créés, là où ils continuent de vivre dans l’harmonie des volcans, de la pluie, des
oiseaux de jade, je pus lire dans les yeux de mon ami — des yeux aux reflets d’obsidienne — une confiance nouvelle dont j’étais gagné à mon tour.

« Là-bas, me dit-il, dans les temples au bord de la mer, les Indiens parlent une langue que je ne comprends pas ; mais elle est si douce, si mélodieuse que l’espoir seul peut en
être la source ; l’espoir d’un avenir solaire que nulle mort ne saurait nourrir. »

Juché entre un ciel de glaciers et des abîmes de tropiques, Machu Picchu, le Vieux Pic, continue de flotter dans les nuages du temps. Fut-il forteresse contre les tribus d’Amazonie,
sanctuaire de l’Inca, lieu sacré des Vierges du Soleil? Tout à la fois peut-être ; nul n’a tranché.

Dans ses grottes, ses tombeaux, ses caches, quel peuple toujours le hante à l’état de momies caparaçonnées d’or, attendant le retour de l’astre-père? Si les toits se
sont effondrés — un rien les remettrait en place — le granité des murs n’a pas subi le moindre glissement après des siècles de séismes.

Le temple aux trois fenêtres en forme de trapèze d’où le regard se perd dans le bleuté des cordillères reste la caverne originelle qui engendra les fondateurs de la
dynastie. Sur son esplanade envahie d’herbe et dans ses jardins suspendus, plus audacieux, quand ils plongent dans F Urubamba, que ceux de Babylone, pousseront de nouveau le maïs, le coca
et les orchidées pour peu que les prêtres le veuillent.

Ces prêtres les voilà, au solstice d’été, qui montent en procession vers FIntihuatana, point culminant de la cité. Parvenu à la dernière plate-forme leur chef
entoure d’une chaîne en or la Pierre où l’on attache le soleil, empêchant celui-ci de s’enfuir au nord, ce qui condamnerait son peuple au froid mortel.

Suivront les réjouissances. La chicha coulera à flots tandis qu’ Achankaray, la plus belle des vierges solaires, distribuera l’herbe magique qui redonne vigueur et joie. Ainsi
rayonnait la ville aux trois mille marches quand le secret de son existence fut bvré par un Indien, pour quelques pièces, à l’explorateur américain Hiram Bing-ham. La vie
s’en retira d’un coup derrière le masque de la végétation.

Celui qui gravit les degrés de Machu Picchu rendus à la lumière ne visite qu’une apparence de ville à l’infinie patience. L’eau lustrale recommencera de couler dans les
fontaines, les orchidées de pousser sur les terrasses, le soleil d’indiquer sur le gnomon le moment de la récolte à l’instant même où l’intrus rejoindra le souvenir de
son inexistence.

Un autre lieu magique dans la légende de l’entre-temps est cette île de Pâques « qui est à la Polynésie, peut-être, ce qu’une Egypte encore enfouie dans le
limon original serait à une Grèce paresseuse et trop esclave de sa chair » (Elie Faure). Après une errance millénaire ils sont revenus dans leur île, seul vestige
du grand continent englouti.

D’abord ils furent sept, guides d’un peuple épars qui, génération après génération, avait rêvé le sanctuaire. Les autres suivirent sur leurs pirogues
à balanciers ou leurs radeaux de balsa. Ensemble ils réinventèrent dieux et ancêtres aux longues oreilles avant de les tailler dans le cratère du volcan. Telle est
l’origine de ces géants de pierre dont les Pascuans parsemèrent l’île et ses rivages.

Quand les sept guides eurent disparu, des effigies prirent leur place, visage face à l’océan qu’ils avaient su braver. Les autres statues représentant les sages après leur
mort tournaient le dos à la mer. Leurs yeux de corail blanc à la pupille de tuf rouge contemplaient, afin de l’assumer, une partie du monde dont l’île était le
nombril.

De chacune émanait la puissance, le flux vital qui donnait aux fidèles la force d’exister sur ce rocher d’exil. Dans du bois taillé en tablettes ils gravèrent leurs textes
sacrés que nul n’a déchiffrés. Des guerres de clans et l’arrivée de notre « civilisation » eurent vite raison des maîtres de l’île de Pâques.
Beaucoup de statues restèrent inachevées sur les flancs de la montagne ; la pluie et les embruns continuent d’en estomper le relief. Certaines s’écroulèrent ou furent
jetées bas. Dans les visages debout, les orbites profondes perdirent tout regard, comme si l’univers qu’elles avaient tenu en leur pouvoir s’était, lui aussi, vidé de sa
substance magique, réduisant leur rôle à néant.

Quand la brume, le soir, envahit Râpa Nui, elle masque une île semée d’aveugles figés dans un mystère sans objet.

Dans le Diwan-i-Khas, salle des audiences privées où le Grand Moghol trônait sur une colonne figurant le centre du monde, les enfants du village proche jouent aux osselets. Avec
les perroquets accrochés aux ciselures des corniches, les colombes roucoulant aux bords de bassins glauques et les petits lézards traversés de lumière, ces jeunes
garçons restent les seuls vivants de cette cité fantôme juchée sur une colline au nord de l’Inde: Fatehphur Sikrî.

Esplanades sans promeneurs, galeries sans courtisans, harems sans odalisques, caravansérails sans marchands, écuries sans éléphants, porches sans soldats, palais vides: tel
est le visage déserté de l’ancienne capitale d’Akbar. Née d’un désir de fertilité — il fallait un fils au descendant de Gengis Khan — Fatehpur Sikrî
fut délaissée quinze ans plus tard, quand l’eau cessa de couler; c’était il y a quatre siècles.

L’orgueilleuse ville de grès rouge et de marbre blanc ne retrouva jamais la vie, comme si la naissance enfin venue d’un prince héritier avait, par un effet contraire, condamné
son image à mort. Sur la porte de la mosquée, on peut lire cette inscription prémonitoire : « Le monde est un pont: passe sur lui mais n’y construis pas de maison. Qui
espère pendant une heure espère pour l’éternité. Le monde est une heure: passe-la en prière car ce qui suit est inconnu. »

Le crépuscule jette son ocre sur les clochetons et les dômes. Les enfants sont rentrés au village où le muezzin appelle aux dévotions du soir. Pour un festin, surtout
de pierre, l’heure des chacals approche.

Houmayoun, fils de Bâbour, lui-même descendant de Tamerlan et de Gengis Khan, fut ce guerrier terrible que mille éléphants de bataille et cinquante mille ennemis ne
pouvaient effrayer. Il sut reconstituer F Empire mog-hol des Indes et reconquérir un trône dont l’avait évincé le sultan Sher Shah. La guerre éteinte, ce prince
redevenait une homme de culture ; Houmayoun aimait surtout les livres.

Un an à peine après sa victoire, il faisait une chute mortelle dans l’escalier de sa bibliothèque, montrant par là que le calme des cabinets de lecture peut être plus
néfaste à un soldat que le fracas des champs de bataille. Sa veuve lui fit élever un admirable mausolée de marbre blanc et de grès rouge qui allait servir de
modèle aux tombeaux moghols à venir. La fin ridicule de ce fier souverain transforma en œuvres d’art d’autres morts qui, sans lui, eussent été banales.

Les Jardins de Lodi appartiennent aux frêles écureuils gris, aux corneilles, aux perroquets verts à la queue turquoise qui volètent gracieusement sur les ruines en
arabesques de la cité moghole. Lente errance hors du temps des bœufs à bosse, buffles, vaches privées de chair.

Allongés sur des sommiers en bois et cordes posés à même la poussière du chemin, des hommes lisent le journal. Autour d’eux le pépiement des enfants presque nus,
la présence des femmes qui savent se draper dignement de misère. Quand vient le soir on allume des braseros afin de mieux franchir la fraîcheur de la nuit.

Un dimanche pauvre et paisible à Delhi, capitale de l’Inde.

Mausolée du Tadj Mahall ou la mémoire blanche et lisse d’une mort non acceptée. Un Grand Moghol éprouvait tant d’amour pour son épouse légitime qu’à sa
disparition il éleva en souvenir d’elle ce tombeau.

Henri Michaux s’en moque avec humour: « Réunissez la matière apparente de la mie de pain blanc, du lait, de la poudre de talc et de l’eau, mélangez et faites de cela un
excessif mausolée. » Il est vrai que la perfection du marbre immaculé qui s’enfle en coupoles bulbeuses, s’élance en minarets, se creuse en niches marquetées avant de
s’étirer en pures esplanades, agace en émerveillant. Pièce montée de sucre candi peut-être, mais ô combien réussie!

Au-delà du monumental portique marquant l’entrée dans l’enceinte, s’ouvre la perspective, vers le mausolée, de miroirs d’eau en plans successifs que des jardins encadrent.
Soudain la gêne disparaît, à peine le regard a-t-il glissé jusqu’aux reflets des bassins : voici un autre Tadj Mahall en image inversée dont le marbre et les contours
frissonnent. L’âme de la princesse a déserté la nef pour mieux nous sourire aux margelles.

Au cœur de la Cité du Paradis à Sikandra, Akbar le Magnifique repose à la croisée de quatre jardins sous un mausolée en pyramide à cinq étages
coiffé d’un cénotaphe, l’esplanade du dernier étage ayant pour seule coupole un ciel toujours pur.

La tombe proprement dite, correspondant au cénotaphe, est enfouie dans les profondeurs de l’édifice, marquant l’opposition entre le corps promis aux ténèbres et l’âme
en quête d’illumination.

Celui qui entre à l’aube dans ces jardins, par un des quatre portails monumentaux marquetés de grès rouge et de marbre blanc, découvre les parterres de fleurs, les pelouses,
les fontaines, les arbres toujours verts. En leur feuillage vit un peuple de singes dont les jeux, les cabrioles, les mimiques, les cris joyeux ou agacés brisent à l’instant le
silence et l’austère majesté des lieux. Ne dirait-on pas que l’esprit du Grand Moghol, ayant compris la vanité de toutes choses, a décidé de rester présent au
visiteur sous l’enveloppe virevoltante de ces petits singes à l’âme si ténue mais à la vivacité si grande que nulle éternité ni pourrait les dissoudre en un
banal et frêle souvenir.

A Jaïpur sur une esplanade du palais, ces arcs semi-circulaires, hémisphères creux, triangles, cercles dont le marbre et le grès scintillent sous le soleil ne sont pas des
sculptures abstraites mais les appareils de visée d’un observatoire astronomique, agrandis cent fois d’après l’instrument manuel. L’observatoire fut édifié au XVIIIe
siècle par un maharadjah qui voulait prendre la mesure exacte du ciel. Avec des appareils de visée à cette échelle il pensait gagner en précision sur ses calculs
stellaires.

Sa tentative échoua: son rêve d’espace demeure. Astrolabes, sextants, gnomons, théodolites continuent, seuls, d’observer le ciel. Par les claires nuits du Rajas-than ces
constructions futuristes inventent un étonnant tracé d’ombres, images renversées d’une voûte céleste qui semble préférer, aux chiffres du cosmos, le
mystère lumineux des formes bleues sur les terrasses.

Calcutta. Une aire close de murs au bord de la rivière où les morts drapés de blanc et couverts de fleurs sont apportés sur des litières tenues haut par quatre hommes
qui fendent la foule d’un bon pas. Dans le sol en terre battue un trou est creusé aux dimensions d’un cercueil puis garni d’un lit de petites bûches sur lequel le cadavre est
étendu, son visage oint d’une huile sacrée, avant d’être recouvert de grosses branches. Parfois la tête et les pieds dépassent — le bois coûte cher et doit
être économisé. Ici on brûle des pauvres. Le responsable du bûcher y met le feu et, pendant plusieurs heures, le bas du visage couvert d’un mouchoir humide pour se
protéger de la fumée acre, il veillera à la bonne combustion de l’ensemble, réorganisant le brasier, rassemblant les morceaux du corps qui ont échappé à la
flamme, tels ces deux pieds encore intacts à l’extrémité de tibias calcinés.

La famille du disparu sera présente le temps de la crémation, visages apaisés, sereins; aucune tristesse apparente. Dans l’intervalle, des porteurs continuent d’arriver avec
d’autres corps ; de nouveaux trous seront creusés; le cérémonial recommence.

En leur incessant va-et-vient, mort et vie mêlent soleil et cendres.

Le pont de Howrah est une imposante arche métallique qui enjambe un affluent du Gange et relie la ville à son faubourg industriel. Chaque jour, un million de personnes le traversent,
traduisant l’activité laborieuse de cette métropole d’Asie. Par un puissant contraste, sous ce pont même, au bord du fleuve, l’Inde éternelle continue d’exister selon
l’antique tradition: hommes, femmes, enfants viennent se plonger dans l’eau fétide, moins pour être propres que pour être purs. Adeptes de Vishnou, de Shiva, sacrifient à
leurs dieux devant ces petits temples rustiques dressés sous les figuiers, à l’abri des poutrelles géantes. L’atmosphère est paisible ; les temples évoquent des
guinguettes où une communauté a trouvé refuge: vieillards en méditation, masseurs, marchands, sadhus (mendiants itinérants couverts de cendres), acrobates,
lutteurs.

Dans le grondement des véhicules qu’amplifie le tablier du pont, la vie pareille au fleuve coule et oublie le temps.

De l’autre côté de Howrah Bridge, il y a la gare de Calcutta dont Michaux, encore, écrit : « Entre toutes les gares du monde, la gare de Calcutta est prodigieuse. Elle les
écrase toutes. Elle seule est une gare. » S’il est vrai qu’une gare est un endroit où des gens attendent des trains, aucune autre en effet, parmi celles que je connais, ne peut
lui être comparée. Ils sont là des centaines, des milliers peut-être, sous les ventilateurs, assis ou couchés à même le sol vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, agglutinés autour de leur maigre bagage, qui attendent des trains dont on se demande s’ils arriveront jamais. Cette foule silencieuse et résignée, pour laquelle la
notion d’horaire est du domaine du songe, ignore qu’un temps humain existe. Après quelques-unes de nos minutes passées à les regarder, l’idée d’entretemps s’impose comme une
évidence, naturelle pour eux, difficile à concevoir pour la plupart d’entre nous.

Les orgueilleuses mansions construites par les Anglais au tournant de ce siècle sont devenues caravansérails croulant sous la crasse, dont les façades écaillées
dominent la paille rase d’anciens gazons. Dans les altiers vestibules halètent des ascenseurs en fer noir, cages de tortures prêtes à rendre l’âme entre deux étages.
Portes et parquets craquent à tout instant, peuplés de fantômes victoriens.

Hôpitaux du souvenir, ces grands immeubles se délitent, emportés pièce à pièce par la terrible et tourbillonnante vie de Calcutta, dans la chaleur humide, la
poussière. Pour les remplacer, d’un côté le verre, le béton, l’acier; de l’autre le torchis, la ferraille, les planches… ou rien; rien qu’un lambeau sans couleur tendu
entre deux piquets : la « maison » de cet homme, de cette ombre accroupie sur le trottoir et qui, pour une roupie, frappe de son moignon les cuisses des passants trop pressés qui
l’enjambent.

A Mahabalipuram, non loin de Madras, sept chars de procession sont alignés près du rivage selon le plan sacré du mandala. Oratoires mobiles, ils seront tirés par des
éléphants jusqu’au sanctuaire de la grotte du Tigre afin d’y honorer les dieux.

A gauche du char de tête, le taureau Nandi, monture de Shiva, est couché sur le sable. A droite, un des éléphants, debout, attend d’être attelé.

Sous un ciel très bleu mouchetée de palmiers, la grande fête des Pallavas est prête à commencer…

… Treize siècles plus tard, tout est en place au même endroit. La scène semble avoir été pétrifiée. Les chars, le taureau, l’éléphant, s’ils
n’étaient de granité, pourraient se mettre en mouvement… et dans le regard des enfants qui virevoltent alentour, comment ne pas lire cet espoir vague qu’une fête, même
noyée dans la pierre, a quelque chance, un jour, de resurgir.

Par la pluie diluvienne des moussons, par les coups d’océan que les typhons soulèvent, le Temple du Rivage posé depuis douze siècles au seuil même des vagues, sur la
côte de Coromandel, estompe doucement le relief de sa pyramide.

Ici est la Cité des Dieux que l’architecte dravidien voulut à l’image de l’Univers. Le granité rose des étages assemblés bloc à bloc sur le sable s’élevait
d’un monde temporel que la terre et l’eau se partagent vers une harmonie supérieure où tout se fond dans le divin.

Après son édification — que rien ne semblait pouvoir battre en brèche — sous le double signe de Brahma le Créateur et de Vishnou le Conservateur, commença
l’érosion des sculptures, jadis grouillantes de vie, puis celle des parois elles-mêmes où le grain de la pierre a presque disparu.

Cette usure du temps n’est-elle pas la volonté de Shiva, dieu destructeur et « Seigneur de la danse », venu pour nous désentraver du lien de l’illusion qu’un temple,
maintenant, sur ce rivage, existe?

Lors de mon enfance mâconnaise j’avais été intrigué par une reproduction en couleurs représentant le panorama d’une ville au bord de la mer, ouverte sur une baie que
surplombait un curieux pic rocheux appelé Pain de sucre. Cette ville, on l’aura deviné, était Rio de Janeiro, un des plus beaux paysages du monde, prétendaient mes parents.
Quand j’ai vu Rio pour la première fois, j’ai été tenté de leur donner raison. Les Cariocas en sont eux-même convaincus puisqu’un de leurs nombreux dictions affirme :
Dieu créa le monde en sept jours mais il en a mis au moins deux pour Rio.

La ville — ou plutôt ses différentes parties — s’inscrit dans un décor de collines pointues ou monos, dont la plus célèbre, avec le Pao de Açucar, est
celle du Corcovado qui, à sept cents mètres d’altitude, sert de socle à la statue monumentale — et laide, vue de près — du Christ protecteur.

Jeune ethnologue ébloui arrivant au Nouveau Monde en 1943, Lévi-Strauss écrira: « Rio est mordu par sa baie jusqu’au cœur; on débarque en plein centre, comme si
l’autre moitié, nouvelle Ys, avait été déjà dévorée par les flots. » L’image est belle mais date un peu puisque aujourd’hui de nombreux terrains, comme
la fameuse bande côtière de Copacabana, ont été conquis sur l’eau, gommant, au moins en partie, cette intrusion de l’océan dans la ville. Une autre intrusion, toute de
misère et de laideur cette fois, est celle des favellas accrochées aux flancs des collines; il semble qu’elles vont dégringoler vers la ville et la submerger.

A Rio comme à Mexico, Bombay ou Singapour, l’opulence côtoie la misère avec une arrogante brutalité. Ici le marbre, la moquette, l’acier; à côté la tôle,
le carton, la boue pour une survie au jour le jour, sans eau, sans électricité, sans égouts; honte de nos sociétés modernes. Quand le Pape vint en visite au Brésil
il manifesta le désir de se rendre dans l’un de ces bidonvilles. Quelques semaines avant son arrivée on le lui prépara sur mesure, en installant à la hâte le
téléphone et l’électricité après avoir ravaudé puis repeint quelques façades. A peine le Saint-Père eut-il tourné le dos, tout fut
démonté, ramené à l’état initial.

Sur un banc de Copacabana, un petit cireur de chaussures est couché en chien de fusil. Sans doute n’a-t-il pas d’autre lit que ce banc ; et puis qui dort dîne. Tels sont les deux
visages de Rio, ville de la beauté toujours blessée. Cela est vrai du pays tout entier.

Jean Orizet

MAISON-MER


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MAISON-MER

Les falaises d’ardoise craient au mépris des conventions, elles suivent la voie du coeur

Comme le plumeau de mes doigts se fout de la poussière ménagère je dessine les appels qui me viennent

Aux étoiles les araignées tissent des fils pour les pensées trapézistes, on est au-dessus du vide qui tisse sans nous interroger, la vie est un refus de donner tout est , à commencer par le peu, à gagner sur soi

Combien de sentes avons-nous roulé, des charrettes plaines d’herbe fraîche

Des meules de nuages liées par des moissons d’étreintes

Des odeurs de savon au sortir des tubs de l’été

A la douche, rincés des pliures des draps de nos horizontalités chaotiques

Rouges tatouages des poulpes aux tentaculaires jeux

Jaunes mûrissements céréaliers dans la plaie d’un cri ouvert

Mauves glissements de chanvre au bas de ta nuque

Ocres des roussilles des pisées aux marches des espaliers

Blancheurs de riz flamandées du rose écornant le noir du toro

Là où les tissus volent toutes les musiques pour faire chanter les chemises

A l’écart des poules hurlant danger les gitans rodent

N’éteins pas mon rêve, il t’écrit mon Coeur !

J’ai vu des cerceaux de couleurs courir à l’assaut des buttes

Par bonds et rebonds de montgolfières qui se laissent ascendées

Des gosses mal débarbouillés les embrassant de fraise et de mûres aux coing des gelées

La barbarie terrassée par un orgue, se tenant à l’ombre sous l’olivier

Les traînées des tortures maculeront toujours les poteaux aux yeux bandés

La souffrance est comme le cierge qui est toujours remplacé

Lueur pour s’orienter dans ses ténèbres

Lueur pour poursuivre dans ses doutes

Lueur pour armer l’espérance, sur les parvis

Lueur pour se souvenir qu’il faut vivre et franchir la porte basse

La forêt en colonnade jette ses troncs par la rosace dans l’envol d’une harmonie

Descendons au plus enfoui pour trouver l’utopie

Et remontons la jeter comme on jette une passerelle entre deux rives

On s’en balance du vide, nos bras sont ouverts

N’éteins pas mon rêve, il t’écrit mon Coeur !

Tu te souviens du jour où tu m’as tendu ton creux pour que j’y jette mon encre

La route n’a pas été mise à péage, mais ça ne l’a pas empêché de nous coûter cher

De larmes de joie et de souffrance nous avons rempli ses fossés

Le temps grenouille se la faisant vilain crapaud sans le moindre scrupule

Ne donnant pas que les bons coups à nos reins, mais aussi les courbatures de tous les manques

La frustration ordinaire au prix fort de la sublimation c’est le choix difficile de la sélection

Des écrans gazeux flottent entre les pages, comme une étamine filtrante

Faisant des greniers en étages, comme une ruche au coeur d’un lieu mystérieux

Un lieu très secret que nous tenons à l’écart des autres

La grotte, la caverne, l’antre, le ventre de notre absolue intimité

Où je t’écris des toiles, des tableaux, des histoires folles sans queue ni tête

Ponctuées d’incessants je t’aime en bleu jour et en nuits bleues

Un jardin suspendu aux courbes d’un arc-en-ciel, qui va de toi à moi en cerf-volant

La ficelle vagabonde, libre, dans une mutuelle tolérance ouverte à nos mains jointes

N’éteins pas mon rêve, les apparences et la foi sont paradoxales, le sable à lapin où les fondations craignent sont la tumeur maligne qui cherche à miner l’espoir de ce qui ne fut pas révélé par le hasard, rien de tout ce qui  veut détruire ne brise mon désir de construire la maison-flottante du bord d’ô…

Niala-Loisobleu – 3 Septembre 2018

 

HÔTE LISSE


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HÔTE LISSE

Je tapisse, le métier fait des hans. Par le chas de l’aiguille du peint le fil est sorti se mettre au frais dans le bleu cobalt d’un chemin lancé. L’onctuosité  va serpentant lascivement par la bouche du tube pressé. Les doigts comblent le trou de taire du pas causeux.

Les bornes additionnent et soustraient en même temps, pareil une histoire des sens, genre problème de robinet faisant partir deux trains à la même heure en sens contraire…fais pas chier tu vas me dire de te donner l’heure à laquelle y vont se croiser, mais couillon, c’était valable sous Jules Ferry ton problème. Avec la vapeur la SNCF a pas perdu la bataille du rail, c’est juste depuis qu’on a entré dans le marché commun qu’on déraille.

Où es-tu ? T’as franchi la Loire pas comme les arabes qui avaient été arrêtés à Poitiers…mais ça c’était avant qu’on sache plus comment s’y retrouver dans les paix de religions. Ma préférence de watt c’est la laïcité, en principe ça accepte toutes les couleurs de peaux.

Degré ou de force faudra qu’on lui ait la peau à c’te canicule, vivre renfermés dans la même pièce ça finit par sentir quelque soit l’heure.

Je tire mon lance-pierre avec ta fourche

c’est fou comme ça fait rire tes seins

y gigotent comme deux chiots que la lourdeur n’indispose

Je reste tremblant de créativité quand après avoir frotté les pierres un sésame ouvre la grotte à peindre une suite à l’histoire d’un commencement…

Niala-Loisobleu – 06/07/18

LA SEMAISON


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LA SEMAISON

 

 

 

I

Nous voudrions garder la pureté, le mal eût-il plus de réalité.

Nous voudrions ne pas porter de haine, bien que l’orage étourdisse les graines.

Qui sait combien les graines sont légères redouterait d’adorer le tonnerre.

II

Je suis la ligne indécise des arbres

où les pigeons de l’air battent des ailes :

toi qu’on caresse où naissent les cheveux…

Mais sous les doigts déçus par la distance, le soleil doux se casse comme paille.

III

La terre ici montre la corde.
Mais qu’il pleuve un seul jour, on devine à son humidité un trouble dont on sait qu’elle reviendra neuve.
La mort, pour un instant, a cet air de fraîcheur de la fleur perce-neige…

IV

Le jour se carre en moi comme un taureau : on serait près de croire qu’il est fort…

Si l’on pouvait lasser le torero

et retarder un peu la mise à mort!

V

L’hiver, l’arbre se recueille.

Puis le rire un jour bourdonne et le murmure des feuilles, ornement de nos jardins.

Pour qui n’aime plus personne,
La vie est toujours plus loin.

VI

ô premiers jours de printemps jouant dans la cour d’école entre deux classes de vent!

VII

Je m’impatiente et je suis soucieux :

qui sait les plaies et qui sait les trésors

qu’apporte une autre vie?
Un printemps peut

jaillir en joie ou souffler vers la mort.


Voici le merle.
Une fille timide

sort de chez soi.
L’aube est dans l’herbe humide.

VIII

A très grande distance,

je vois la rue avec ses arbres, ses maisons,

et le vent frais pour la saison

qui souvent change de sens.

Une charrette passe avec des meubles blancs

dans le sous-bois des ombres.

Les jours s’en vont devant,

ce qui me reste, en peu de temps je le dénombre.

IX

Les mille insectes de la pluie ont travaillé toute la nuit; les arbres sont fleuris de gouttes, l’averse fait le bruit d’un fouet lointain.
Le ciel est pourtant resté clair; dans les jardins, la cloche des outils sonne matines.

X

Cet air qu’on ne voit pas porte un oiseau lointain et les graines sans poids dont germera demain la lisière des bois.

Oh! le cours de la vie entêté vers en bas!

XI

Le fleuve craquelé se trouble.
Les eaux montent et lavent les pavés des berges.
Car le vent comme une barque sombre et haute est descendu de l’Océan, chargé d’un fret de graines jaunes.

Il flotte une odeur d’eau, lointaine et fade…
On

tremble, rien que d’avoir surpris des paupières qui s’ouvrent.

(Il y avait un canal miroitant qu’on suivait,

le canal de l’usine, on jetait une fleur

à la source, pour la retrouver dans la ville…)

Souvenir de l’enfance.
Les eaux jamais les mêmes,

ni les jours : celui qui prendrait l’eau dans ses mains…

Quelqu’un allume un feu de branches sur la rive.

XII

Tout ce vert ne s’amasse pas, mais tremble et brille, comme on voit le rideau ruisselant des fontaines sensible au moindre courant d’air; et tout en haut de l’arbre, il semble qu’un essaim se soit posé d’abeilles bourdonnant; paysage léger où des oiseaux jamais visibles nous appellent, des voix, déracinées comme des graines, et toi, avec tes mèches retombant sur des yeux clairs.

XIII

De ce dimanche un seul moment nous a rejoints, quand les vents avec notre fièvre sont tombés : et sous la lampe de la rue, les hannetons

s’allument, puis s’éteignent.
On dirait des lampions lointains au fond d’un parc, peut-être pour ta fête…
Moi aussi j’avais cru en toi, et ta lumière m’a fait brûler, puis m’a quitté.
Leur coque sèche craque en tombant dans la poussière.
D’autres

montent, d’autres flamboient, et moi je suis resté dans

l’ombre.

XIV

Tout m’a fait signe : les lilas pressés de vivre

et les enfants qui égaraient leurs balles dans

les parcs.
Puis, des carreaux qu’on retournait tout

près, en dénudant racine après racine, l’odeur de femme travaillée…
L’air tissait de ces riens une toile tremblante.
Et je la déchirais, à force d’être seul et de chercher des traces.

XV

Les lilas une fois de plus se sont ouverts (mais ce n’est plus une assurance pour personne), des rouges-queues fulgurent, et la voix de la bonne quand elle parle aux chiens s’adoucit.
Les abeilles travaillent dans le poirier.
Et toujours demeure, au fond de l’air, cette vibration de machines…

Philippe Jacottet

Chantier-Naval


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Chantier-Naval

 

Une charrette emporte quatre-saisons dans un bruit d’échappement de pluie

Et les pigeons se retiennent aux géraniums, entre un chat et la gouttière, pareils au souffle quand le feu passe à l’orange

Les antennes de toi avalées par des inspirateurs mirobolant  l’image s’est évanouie

Sur le zinc, des verres à moitié-vides boudent à côté de bouteilles à moitié-pleines

Une cloche sonne au lointain, les coqs se tournent la crête de l’autre côté de l’aube, l’aurore ne peut avoir d’heure fixe

L’horloge s’enfouit la mollesse dans le sable

Je repousse une douleur dorsale et son mal au coeur  par-dessus le bastingage

L’encre se crochète entre deux rochers qu’elle vient de trouver dessinés sur le papier-plié d’un bateau prêt à être lancé.

Niala-Loisobleu – 27/01/18

Proximité du Murmure


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Proximité du Murmure

 

Je pose mes diversions dans la fumée d’un rire éteint, une année est à la porte, mais la griserie « Champs-Elysées » ne me l’ouvre pas. En vérité, elle me laisse le gosier sec. J’ai fait bonne figure à la cantonade. Il suffit. L’avion d’Ô… z’a qu’à… continuer de taire les pantalonnades grossières et foutre serpentins et mirlitons dans la catégorie Trompe-l’Oeil. Dans l’an prochain, il n’y aura que ce que nous aurons réussi à mettre, pour le reste les bâtards continueront à se faire passer pour le Messie. Je vous souhaite le joyeux simple et la santé forte, qui regonflent sans ignorer le risque des clous jonchant la chaussée. Le bonheur n’est pas un droit, c’est un devoir. Je me battrais pour en avoir, afin de pouvoir en donner. Dans le droit fil de ce que la Poésie m’offre sans me faire mentir.

N-L  30/12/17

 

Proximite du Murmure

Comme il est appelé au soir en un lieu tel que les portes battant sans fin facilitent ou dénouent le tête-à-tête

hors de la crypte forestière il la traîne au grand jour, ou plutôt il lui parle

il la dénude parmi les rafales de vent

ou plutôt il commence à se taire

avec une telle fureur dans les rayons

ae la lumière verticale

une lelle émission de silence comme un jet de sang

qu’elle se montre nue dans sa parole même et c’est un corps de femme qui se fend

Par une allée d’iris et de boue écarlate descendant à la fontaine la tarir…

mais toute l’humidité antérieure

revêtait la roche comme si

nos lèvres s’étaient connues

jadis

sans le feu de la rosée qui monte,

sa dot, l’innombrable et l’évanouie..

transparence têtue elle flambe

elle environne de ses tresses

un pays qui reprend souffle et feu

N’être plus avec toi dès que tu balbuties

la sécheresse nous déborde

le cercle de tes bras ne s’entrouvre que pour mieux

ne rien dire

selon l’heure et le parfum

et quel parfum se déchire

vers le nord, l’issue dérobée…

peut-être ton visage contre le mien,

quand bien même tu me mènerais,

encapuchonné, sur ton poing,

comme aux premières chasses de l’enfer

Au-delà du crissement d’une sandale dans l’allée

soustraite au silence elle a glissé elle aussi à cet oubli de soi qui culmine

et s’inverse en un massif de roses calcinées

aveuglante énumération de ses haltes et de ses périls

réciprocité de dentelles entre son visage et la nuit

j’extrais demain

l’oubli persistant d’une rose

de la muraille éboulée et du cœur sans gisement

Plus lourde d’être nue

ses vocalises meurtrières son rire au fond de mes os

notre buisson quotidien les balafres de la lumière

A se tendre à se détendre sur les traces secourues

omis se dégager femme tout à fait du bestiaire indistinct qui la presse

parmi tant de pieux incantatoires fichés dans le matin roule et grossit le soliloque

de la noue

fade usurpatrice elle dort et me hait j’ai négligé son dénuement elle se tient un peu plus haut

ombre démesurée d’une roue de charrette sur le mur lourdement vivant

Nulle écorce pour fixer le tremblement

de la lumière

dont la nudité nous blesse, nous affame, imminente

et toujours différée, selon la ligne

presque droite d’un labour,

l’humide éclat de la terre ouverte…

étouffant dans ses serres l’angoisse du survol le vieux busard le renégat incrimine la transparence vire

et s’écrase à tes pieds

et la svelte fumée d’un feu de pêcheurs brise un horizon absolu

Sinon l’enveloppe déjà déchirée avec son précieux chargement

le heurt sous un angle stérile de la hanche qui luit

comme si l’étrave en était lisse sous la ligne de flottaison

mais
Je mouvement de la barque rendit

plus assurés l’écriture l’amour

tels un signe tracé par les oscillations du mât

au lieu des étoiles qui sombrent entre le rideau bruyant

et l’odeur de ses mains sur la mer

Sous le couvert la nuit venue mon territoire ta pâleur

de grands arbres se mouvant comme-un feu plus noir

et le dernier serpent qui veille en travers du dernier chemin

fraîcheur pourtant de la parole et de l’herbe comme un souille la vie durant

Ce qu’une autre m’écrivait

comme avec une herbe longue et suppliciante

toi, toute, en mon absence, là, dans le pur égarement d’un geste hostile au gerbier du sang, tu t’en délivres

tel un amour qui vire sur son ancre, chargé

de l’ombre nécessaire,

ici, mais plus bas, et criant

d’allégresse comme au premier jour

et toute la douleur de la terre

se contracte et se voûte

et surgit en une chaîne imprévisible

crêtée de foudre

et ruisselante de vigueur

Musique éclatée ciel sifflant dans un verre fraîcheur du soleil sous la brûlure de la peau

le même sifflement mais modulé jusqu’au silence qui sourd de tes plissements de granit, scintillante écriture le même sifflement

lance le tablier du pont sur ses piles de feu

où tombera-t-il noir le fruit méridien si je franchis le bras de mer

une pierre l’étreint et s’efface

le livre ouvert sur tes reins se consume avant d’être lu

Agrafes de l’idylle déjà exténuée pour que ce qui fut immergé respire à sa place, dans l’herbe, à nouveau,

et de la terre, toute, presque anéantie

ou comblée bord à bord

par l’enracinement de la foudre

sauf la respiration de cette pierre nocturne, le théâtre tel que je me vois, l’anticipation d’un brasier

sans son cadavre retourné

un autre traversera la passe

dans la mémoire de grandes étendues de neige

brillent

entre chaque massacre

Sorbes de la nuit d’été

étoiles enfantines

syllabes muettes du futur amour

quand les flammes progressent de poutre en poutre sous nos toits

exiguë

la définition du ciel

Nous dégageant, nous, de l’ancienne terreur

ou de cet enrouement par quoi les racines mêmes

s’expriment,- s’allégeant…

que ce soit le silence ce qui était présent, là, trop exposé depuis l’aube, sur le sol fraîchement retourné, l’ingratitude ou la légèreté des
hommes, avec le vent,

je me dresse dans l’étendue, seul, contre cette lumière qui décline, le bâillon rejeté

… que ce soit le silence lentement déployé qui règne déjà nécessaire, déjà opprimant

Par la déclivité du soir le secret mal gardé

je la blesse au défaut de sa lecture le vent répare les accrocs

enclume ou catafalque d’étincelles

avec ce qui naît et meurt au bord

de sa lèvre acide

ciel pourpre et montagne nue

elle se penche et je vois au-delà de la ligne de son épaule

mon enfance troglodyte

dans la paroi violette où le soleil couchant se brise comme un pain.

elle se penche je vois…

Jacques Dupin

FREMISSEMENT MATINAL


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FREMISSEMENT MATINAL

Le domaine dans lequel j’évolue reste différent de ceux qui l’entourent. Les paysages partent des mêmes ingrédients, enfin c’est ce qu’il me semble, mais à l’arrivée beaucoup de choses changent en eux. La vitesse de transformation s’accélère, beaucoup de mouvements aériens élèvent le point de segmentation. Un enfant marche à côté d’un univers qui ne lui ressemble pas. Il s’arrête souvent, lève la tête pour se mettre à la taille des choses sans pour autant avoir la moindre envie d’y associer sa stature et ses signes extérieurs. Ce qui le marginalise, reste en dehors de toute nécessité de remise à niveau. Le blanc d’une petite fille l’accompagne partout. Si ce n’était le rose de sa vue, l’immaculé prendrait place sur tout ce qui constitue le fond. Innocence, pureté, des vertus qui n’ont pas à être inventées, elles sont innées dans mon périmètre non enclos. Le rire moqueur qui naît spontanément derrière cet aveu, est laissé accroché à la chaîne de la niche où il stagne. La petite-fille a fait un mouvement de vague avec sa chevelure, des papillons bleus y sont venus danser. Un vieux cheval de bataille, relis ses cicatrices pendant que la Muse l’accompagne à la guitare.Certains mots comme rancoeur, n’ont aucune place où s’asseoir et encore moins tenir debout. En revanche tout ce qui frémit trouve sa peau de fourrure au pied de l’âtre sienne. Un lieu imbécile disent des troupeaux qui ne font que passer. Certainement vrai suivant la loi du nombre. Pourtant l’unique de l’être et le nombre s’annihilent. Au coeur d’une poche à cailloux, un vélo suit les odeurs laissées par les traces animales. Le corps vibrant des amours donne sa place au sexe de la vie sans élucubrations préparatoires et inclusions de colorants. La sexualité végétale minéralise des chutes d’eau ascensionnelles. Voyages renouvelés dans une m’aime transparence quotidienne. L’enfant double, fille et garçon, n’a pas à recevoir de messages d’orientation pour hâler son chemin vers la Lumière. Ne me demandez plus de consignes pour vous aider, j’ai compris que vous êtes les seuls à pouvoir pourvoir pour vous. Mes lèvres ne sont pas pétrifiées, elles sont justes fermées à ce qui nuit au silence.

Niala-Loisobleu – 29 Décembre 2017