JACQUES DUPIN – LA HERSE


JACQUES DUPIN

LA HERSE

L’océan rendait ses noyés, les débris de ses barques… J’interrogeais pour deux le délabrement emphatique du ciel au bout du promontoire. Les algues sur ton corps el le
scintillement du sel te disaient complice du turnulle el sœur du silence qui s’édifiait au fond de lui. Mon amour, le vent n’était pas plus rapide au milieu de la mer qu’à
la surface de ton ongle. Mais le vent s’est couché, les oiseaux ne sont plus. Et leurs ailes jonchent la mer. Leurs ailes, leurs griefs : nos impatiences déroutées… Je ne sais
rien de nous, excepté peut-être ce rivage qui s’éloigne dans le matin, excepté cette barque qui n’a pas sombré.

Jacques Dupin

l’urne par jacques dupin


L’URNE PAR JACQUES DUPIN

Sans fin regarder poindre une seconde nuit

A travers cet inerte bûcher lucide

Que ne tempère aucune production de cendres.

Mais la bouche à la fin, la bouche pleine de terre

Et de fureur,

Se souvient que c’est elle qui brûle

Et guide les berceaux sur le fleuve.

Jacques Dupin

LA DÉESSE PAR EXCELLENCE PAR JACQUES DUPIN


LA DÉESSE PAR EXCELLENCE PAR JACQUES DUPIN

PAR JACQUES DUPIN

Ce n’est pas le vent de la mer ni mes imprécations qui gonflent ses cheveux, qui l’ont jaillir hors de ses voiles un corps d’une beauté inavouable et qui se donne à tous, tous
les jours, et ne se reprend pas.

Si tu l’affrontes, elle s’enlise. Si tu rampes à ses pieds, sa corolle se fend. Le venin gicle. La contrebande de dentelles s’achève en somnolences entre les lignes.

Les grands nuages, ses vassaux, s’appuient sur mon épaule qui éclate. Je n’ai plus la voix sèche des adolescents qui guettent les détonations.

Jacques Dupin

FIDÉLITÉ PAR JACQUES DUPIN


FIDÉLITÉ PAR JACQUES DUPIN

Nos armes et nos liens ont jailli de la môme souche, à présent calcinée, éparpillée dans le ciel froid.

D’autres (leurs ont failli me perdre, d’autres talons d’argent me piétiner. J’ai repoussé cette aube anticipée du jour qui ne doit qu’à la nuit son accompagnement de
flûtes et de nuées, son trouble, sa félicité…

Tellement j’ai tremblé que tu ne trembles plus, ma flamme à la proue, très bas, éclairant les filets.

Les astres sont anciens mais la nuit est nouvelle. 0 sa tyrannie d’enfant d’autrefois, son joug de rosée.

Jacques Dupin

LA LIGNE DE RUPTURE PAR JACQUES DUPIN


LA LIGNE DE RUPTURE PAR JACQUES DUPIN

Il s’en faut d’un effondrement, d’une dérive souveraine

la surface du jeu, l’alternance et l’altération

c’est la peau du dehors qui se retourne et nous absorbe

analphabètes pour les feuilles, détachés de tout arriéré scintillant

qu’on expulse de soi avec la tourbe, les viscères

et les choses attisées, la nuit, et les hardes de couleurs

la loupe asphyxie son maître, la fenêtre donne sur le talion

Le sang sur le mur pour ne pas le voir

attenante aux travaux des confins l’hilarité comme sa pelle raclait le fond cassait le sens après l’incorporation de la marche à l’étendue œufs couvés par le sable
et la peur comme si le désert intermittent l’aveuglait

au couperet de toute balance les éclats du linge et le sang contradictoire

Acquiesçant pour disparaître, ou revenir, défalqué de la somme

d’une seule coulée froide quand les parois se sont concertées

le corps traversé mûrit, le corps appliqué s’élève

comme si jouait la solidarité du crime

nous ne nous trompons pas écrivant, n’écrivant que

les otages jumeaux dont l’intervalle est un masque

le dur axiome du levain, ce que le soc soulève de futur

Détruire l’écriture de cet espace oppressif et se perdre en l’écrivant

pour l’indivision dans le feu contre la léthargie des sources la carrière

les miettes du festin sont debout sur la nappe irréprochable

mimant ce qui rend exemplaire son exécration, le je plural et harcelant, décimé

il se mêle à l’eau limoneuse des parcelles incorruptibles

dans la chambre coritiguë son sacrifice ou son sommeil, et le reflux

les blocs appareillés à leur suite, et soustraits à l’interprétation

Débarcadère de chaque chose et son hermétique fraîcheur

le tout-puissant affleurement dont tu assures la mobilité

l’aven comblé nous glissons jusqu’aux bords qui n’existent pas

une clarté vipérine une chaleur inachevée

nous sommes seuls, et nombreux, là, attestant une faiblesse de la langue

l’étalement de la question comme un champ de fleurs

nous errons dans le froid de plusieurs soleils

La traversée qui nous scande, la trajectoire qui nous mesure

glène, au fond de son enroulement, ce qui dormait, et brûle

depuis que les portes s’ouvrent à ce tremblement de l’air

exultant de n’être pas l’horizon fossilisé d’un livre

nous, la mesure de la traversée, la scansion de la trajectoire

notre discordance convoite une illisibililé clignotante

alentour il y a le feu qui fait rage et les choses dessinées

Précipitée du dehors, étant du dehors la force, ou la loi, fourvoyée

de la masse enchevêtrée des lignes le brusque arrachement qui nous apaise

dérapage lassitude sur l’anneau consumé nous rapprochant de la courbe déclive

même enlevé sur une hanche de déesse, même en configurations purifiées

dans l’espace retourné comme une glace vide véridique

un éparpillement de l’autre à l’infini jusqu’à l’adéquation du nombre au non-sens

et le vent qui renâcle et s’épuise dans l’élargissement de la nuit

Surgir de l’effacement d’une trace illégitime

nos corps échangés se taisent, grandir est indifférent

l’orage fraye un chemin parmi les violettes atroces

allégresse, crève-cœur, du recommencement

de la limite fractionnée que la perte de la vue transgresse

dans la vigne où nous commencions d’être ensemble

les yeux plissés devant une couture sans couleur

L’exclamation qui courbe la vitre favorise un dernier éclat

la vitre et le vide afin que leur proie se dessine

joueur à la lisière du soupçon pour accueillir toutes les versions du geste

et affilié à ce qui n’est encore que lambeaux d’une gomme anxieuse

éclairs de chaleur entropie figure au timbre de plus en plus las

le rocher qui obstrue le sens n’est qu’un nuage désœuvré qu’on traverse

les blés mûrissent en une nuit, le surcroît de la douleur

Jusqu’aux ongles jusqu’à leur niaise férocité

en deçà les courbes grandissent les lignes s’oblitèrent

dans la logique du récit la pierre désirable1 roule au torrent inintelligible

inscrite en faux dans le contexte harassé qui la broie

notre troupe aux termes d’un vieux pacte évaporé

simplement la terreur d’écrire malgré l’inflexion du soir

le signe, qui nous force à l’écouter hors de toute saisie

Fair. ou l’ouvrage persistant, de ses mains taciturnes, de ses mains torrentielles

il n’y a q u’une barrière .à renverser pour que le proverbe s’érige

sculpté par la foule, transpirant le vide qui la désaltère

le brin d’herbe ne dit rien de plus aux dents agacées que ce plus

qui suspend les hostilités pour jouir

du seul affleurement qui fonde — le futur, la monstruosité

tellement tendue que j’éclate

Sa naissance était de mots très simples et de coups de feu isolés

sommes-nous la part éloignée de son dénuement le givre furieux le sommeil

une peau si fine sur le monde qu’elle tient en échec le feu

s’inscrivant comme un don du soleil au cratère de sa blessure

la lame — encore qu’il n »y ait rien que l’obscurcissement du soleil

mais j’aime le goût de la terre en dessous et plus bas la voix féminine

réfractant la tendresse des hautes parois incohérentes, leur verte fragilité

Nous marchons avec discernement la bouche ensanglantée

c’est le (Ion de l’auvent qui déjà nous blesse, le feu qui nous chasse

si haute est la nuit que nous sommes dans l’ignorance

l’émerveillement comme à la frontière d’un territoire excessif

après l’incorporation de la marche à l’étendue

d’un feu désaltérant de souches la cendre est blanche à nos pieds

à peine la clarté que laisse la mer en se retirant.

Jacques Dupin

LA LUMIÈRE N’EST PAS CONÇUE PAR JACQUES DUPIN


LA LUMIÈRE N’EST PAS CONÇUE PAR JACQUES DUPIN

Rien que pour toi, racine, pour toi, cyclone fourvoyé dans cette strate du langage, le poète a favorisé I’épaississement limoneux du sommeil où tu té ramifies. Le
livre dont il est l’otage et le garant, le livre incompulsé, le livre intermittent, tourne sans hâte sur ses gonds dans la terre, et chaque page à ton attouchement prend feu, et
sa substance se confond avec, le surcroît de ta sève, avec le progrès de son sang.

Perfectibilité du vide, racine de l’amour. Cette équation, je l’ai vaincue avec un océan de terre ameublie par mon souffle.

Jacques Dupin

LA RÉPÉTITION PAR JACQUES DUPIN


LA RÉPÉTITION PAR JACQUES DUPIN

Cela qui dans la parole scintille et se tait,
La nuit roule sur cet essieu,

Singulièrement la présence

Et la distance de cela qui nous rive

A sa quelconque effigie frauduleuse

Et s’exaspère dans les fleurs
Loin des piliers et des trombes…

A peine une leçon de choses obscures
Un viatique de poussières
Et sa dissipation…

Jacques Dupin

LE CHEMIN FRUGAL PAR JACQUES DUPIN


LE CHEMIN FRUGAL PAR JACQUES DUPIN

C’est le calme, le chemin frugal,
Le malheur qui n’a plus de nom.
C’est ma soif échancrée :
La sorcellerie, l’ingénuité.

Chassez-moi, suivez-moi.

Mais innombrable et ressemblant,

Tel que je serai.

Déjà les étoiles.

Déjà les cailloux, le torrent…

Chaque pas visible
Est un monde perdu,
Un arbre brûlé.
Chaque pas aveugle
Reconstruit la ville.
A travers nos larmes.
Dans l’air déchiré.

Si l’absence des dieux, leur fumée,

Ce fragment de quartz la contient toute,

Tu dois t’évader.

Mais dans le nombre et la ressemblance,

Blanche écriture tendue

Au-dessus d’un abîme approximatif.

Si la balle d’un mot te touche

Au moment voulu,

Toi, tu prends corps,

Surcroît des orages,

A la place où j’ai disparu.

Et l’indicible instrumental
Monte comme un feu fragile
D’un double corps anéanti
Par la nuit légère
Ou cet autre amour.

C’est le calme, le chemin frugal,
Le malheur qui n’a plus de nom.
C’est ma soif échancrée :
La sorcellerie, l’ingénuité.

Jacques Dupin

LA NUIT GRANDISSANTE


LA NUIT GRANDISSANTE

De retour parmi vous

le dépôt dont j’ai la garde

est-il visible dans son tourbillon?

Parmi vous, et ne servant à rien qu’au désordre,

qu’aux semailles…

lafligeant aux siens

l’adoption d’une autre source

— et d’une autre ligature —

il se blesse, la fatalité du retour le blesse

le retranche.

mais l’exultation de ceux qu’il trahit tonne dans sa blessure.

seconde source, ou encore quelque greffe contribuant à la nuit

Comme pour hâter la tombée du jour ma dislocation au cœur lisse

j’exulte avec le rocher

dont la face obscure est celle-là

que le soleil a frappé la dernière

tard venue mais du fond de la nuit

de lèvres mal fermées qui s’obstinent

la lumière dévore, ou son absence de limites,

un espace franchi pauvrement

si je sombre je sombre avec elle le mot duel au bord des lèvres donnant sa forme au silence comme une flûte inclinée

la même érudition stridente se détache de la paroi

et empierre une route inaccoutumée

Ouverte en peu de mots,

comme par un remous, dans quelque mur,

une embrasure, pas même une fenêtre

pour maintenir à bout de bras

cette contrée de nuit où le chemin se perd,

à bout de forces une parole nue

Les fleurs lorsqu’elles ne sont plus leur fraîcheur gravit d’autres montagnes d’air

et la volupté de respirer s’affine

entre les doigts qui tardent à se fermer

sur un outil impondérable

Là-bas c’est lui qui disparaît sillon rapide, à l’aube, avant leur blessure pour qu’elles s’ajoutent à d’autres liens, fleurs, jusqu’à l’obscurité

lui, venu du froid et tourné vers le froid comme toutes les routes qui surgissent…

Tant que ma parole est obscure i) respire

ses bras plongent dans l’eau glacée entre les algues vers d’autres proies glacées comme des lampes dans le jour

Si peu de réalité parvient au vivant qu’il fasse violence ou qu’il sème hardiment sur la pierre et les eaux

le ciel tendu la scansion des marteaux quelques-uns parmi nous sont entrés intercédant pour produite de nouveaux nuages

Il ignore où le porte ce souille

ou ce bras, les miens, et c’est le prix

de notre mésalliance

de notre effacement jusqu’à la l’ourche

où la lumière s’unifie

Pays indescriptible

quand le vent se lève et le démembre

il brille, je le vois,

chaque intervalle nous absorbe

chaque pas en retrait scintillant suspend et meurtrit l’imminence du sens

les tessons du mur mieux qu’une eau morte réfléchissent les étoiles

Sous la roche elle se tient, secrète, la source qui commande d’anticiper sur son jaillissement

jamais bêche inutile, amour muré, n’ont lui si loin, si durement

avant que la nuée ne se reforme

et saigne

sous les images dispersées

les fleurs accoururent bien que rudoyées le froid des fleurs ouvertes la nuit dont les tiges percent
Ja liasse de nos vies antérieures, enfin visibles

jusqu’à
Ja goutte d’eau, arrondie

par le songe avare

d’une montagne de granit et de nuit

Dans la chambre la nuit plonge une lame fraîche et puissante comme un aileron de requin

la nuit séparée des constellations

pendant que la montagne glisse les racines du feu

portent à l’incandescence la poussière du socle et le sang transpiré par le fer

Même si de son cadavre tout ce mâchefer est épris

sa mort a favorisé

l’élargissement d’une harpe de nerfs

la lenteur d’une épissure aux prises avec les ongles arrime le cri sous la bâche

j’invente le détour qui le rendrait vivant

et l’étendue du souffle

au-delà du harcèlement des limites

lattes rongées aspects du ciel

sporades d’un récit qui se perpétue entre le ressac et la lie

Malgré l’étoile fraîchement meurtrie qui bifurque

— c’est sa seule cruauté le battement de ma phrase qui s’obscurcit et se dénoue -il est encore capable, lui, de soutenir

la proximité du murmure

Loin des écluses loin

des nasses où agonisent les couleurs

toute cime dans nos poings s’emmure et resurgit

et se renouvelle ou épauche un excès d’éclat

qui sans nous l’étoufferait

sans le sang de cette anfractuosité mortelle, et le souffle infiniment ouvert à la faveur du bond qui nous disloque contre la pierre du cri fossilisé

toute cime perdue pour les étoiles est une torche ressaisie

comme une vie détruite à l’instant dont les mains qui la tordent expriment la lumière

La vague de calcaire et la blancheur du vent traversent la poitrine du dormeur

dont les nerfs inondés vibrent plus bas soutiennent les jardins en étages écartent les épines et prolongent les accords des instruments nocturnes vers la compréhension
de la lumière — et de son brisement

sa passion bifurquée sur l’enclume

il respire

comme le tonnerre

sans vivres et sans venin parmi les genévriers

de la pente, et le ravin lui souffle

un air obscur

pour compenser la violence des liens

Je rac jetterais dehors

si c’était moi seul, cet amour compact,

tétions et mortaises,

dans le milieu du monde

arrêté,

toute sa force est dans le front bas et la corne enroulée du bélier, il charge, — comme si c’était moi sa prison, non la limite errante et la soif du ravin où je me
jetterais

si son sang sa laine noire

s’agitaient au vent du roncier, se mêlaient

à l’eau du torrent soudain

Entre la diane du poème et son tarissement

par une brèche ouverte

dans le flanc tigré de la montagne

elle jaillit, l’amande du feu, la jeune nuit à jeun derrière la nuit démantelée

comme elle se doit elle se donne

et brûle

avec de froides précautions

l’ouragan fait souche un éclair unit

la nuit à la nuit

Jacques Dupin

Proximite du murmure – Poéme


Proximite du murmure – Poéme

Comme il est appelé au soir en un lieu tel que les portes battant sans fin facilitent ou dénouent le tête-à-tête

hors de la crypte forestière il la traîne au grand jour, ou plutôt il lui parle

il la dénude parmi les rafales de vent

ou plutôt il commence à se taire

avec une telle fureur dans les rayons

ae la lumière verticale

une lelle émission de silence comme un jet de sang

qu’elle se montre nue dans sa parole même et c’est un corps de femme qui se fend

Par une allée d’iris et de boue écarlate descendant à la fontaine la tarir…

mais toute l’humidité antérieure

revêtait la roche comme si

nos lèvres s’étaient connues

jadis

sans le feu de la rosée qui monte,

sa dot, l’innombrable et l’évanouie..

transparence têtue elle flambe

elle environne de ses tresses

un pays qui reprend souffle et feu



N’être plus avec toi dès que tu balbuties

la sécheresse nous déborde

le cercle de tes bras ne s’entrouvre que pour mieux

ne rien dire

selon l’heure et le parfum

et quel parfum se déchire

vers le nord, l’issue dérobée…

peut-être ton visage contre le mien,

quand bien même tu me mènerais,

encapuchonné, sur ton poing,

comme aux premières chasses de l’enfer



Au-delà du crissement d’une sandale dans l’allée

soustraite au silence elle a glissé elle aussi à cet oubli de soi qui culmine

et s’inverse en un massif de roses calcinées

aveuglante énumération de ses haltes et de ses périls

réciprocité de dentelles entre son visage et la nuit

j’extrais demain

l’oubli persistant d’une rose

de la muraille éboulée et du cœur sans gisement



Plus lourde d’être nue

ses vocalises meurtrières son rire au fond de mes os

notre buisson quotidien les balafres de la lumière



A se tendre à se détendre sur les traces secourues

omis se dégager femme tout à fait du bestiaire indistinct qui la presse

parmi tant de pieux incantatoires fichés dans le matin roule et grossit le soliloque

de la noue

fade usurpatrice elle dort et me hait j’ai négligé son dénuement elle se tient un peu plus haut

ombre démesurée d’une roue de charrette sur le mur lourdement vivant



Nulle écorce pour fixer le tremblement

de la lumière

dont la nudité nous blesse, nous affame, imminente

et toujours différée, selon la ligne

presque droite d’un labour,

l’humide éclat de la terre ouverte…

étouffant dans ses serres l’angoisse du survol le vieux busard le renégat incrimine la transparence vire

et s’écrase à tes pieds

et la svelte fumée d’un feu de pêcheurs brise un horizon absolu

Sinon l’enveloppe déjà déchirée avec son précieux chargement

le heurt sous un angle stérile de la hanche qui luit

comme si l’étrave en était lisse sous la ligne de flottaison

mais
Je mouvement de la barque rendit

plus assurés l’écriture l’amour

tels un signe tracé par les oscillations du mât

au lieu des étoiles qui sombrent entre le rideau bruyant

et l’odeur de ses mains sur la mer



Sous le couvert la nuit venue mon territoire ta pâleur

de grands arbres se mouvant comme-un feu plus noir

et le dernier serpent qui veille en travers du dernier chemin

fraîcheur pourtant de la parole et de l’herbe comme un souille la vie durant



Ce qu’une autre m’écrivait

comme avec une herbe longue et suppliciante

toi, toute, en mon absence, là, dans le pur égarement d’un geste hostile au gerbier du sang, tu t’en délivres

tel un amour qui vire sur son ancre, chargé

de l’ombre nécessaire,

ici, mais plus bas, et criant

d’allégresse comme au premier jour

et toute la douleur de la terre

se contracte et se voûte

et surgit en une chaîne imprévisible

crêtée de foudre

et ruisselante de vigueur



Musique éclatée ciel sifflant dans un verre fraîcheur du soleil sous la brûlure de la peau

le même sifflement mais modulé jusqu’au silence qui sourd de tes plissements de granit, scintillante écriture le même sifflement

lance le tablier du pont sur ses piles de feu

où tombera-t-il noir le fruit méridien si je franchis le bras de mer

une pierre l’étreint et s’efface

le livre ouvert sur tes reins se consume avant d’être lu



Agrafes de l’idylle déjà exténuée pour que ce qui fut immergé respire à sa place, dans l’herbe, à nouveau,

et de la terre, toute, presque anéantie

ou comblée bord à bord

par l’enracinement de la foudre

sauf la respiration de cette pierre nocturne, le théâtre tel que je me vois, l’anticipation d’un brasier

sans son cadavre retourné

un autre traversera la passe

dans la mémoire de grandes étendues de neige

brillent

entre chaque massacre



Sorbes de la nuit d’été

étoiles enfantines

syllabes muettes du futur amour

quand les flammes progressent de poutre en poutre sous nos toits

exiguë

la définition du ciel

Nous dégageant, nous, de l’ancienne terreur

ou de cet enrouement par quoi les racines mêmes

s’expriment,- s’allégeant…

que ce soit le silence ce qui était présent, là, trop exposé depuis l’aube, sur le sol fraîchement retourné, l’ingratitude ou la légèreté des hommes, avec le vent,

je me dresse dans l’étendue, seul, contre cette lumière qui décline, le bâillon rejeté

… que ce soit le silence lentement déployé qui règne déjà nécessaire, déjà opprimant



Par la déclivité du soir le secret mal gardé

je la blesse au défaut de sa lecture le vent répare les accrocs

enclume ou catafalque d’étincelles

avec ce qui naît et meurt au bord

de sa lèvre acide

ciel pourpre et montagne nue

elle se penche et je vois au-delà de la ligne de son épaule

mon enfance troglodyte

dans la paroi violette où le soleil couchant se brise comme un pain.

elle se penche je vois…

Jacques Dupin