La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Ce n’est pas le vent de la mer ni mes imprécations qui gonflent ses cheveux, qui l’ont jaillir hors de ses voiles un corps d’une beauté inavouable et qui se donne à tous, tous les jours, et ne se reprend pas.
Si tu l’affrontes, elle s’enlise. Si tu rampes à ses pieds, sa corolle se fend. Le venin gicle. La contrebande de dentelles s’achève en somnolences entre les lignes.
Les grands nuages, ses vassaux, s’appuient sur mon épaule qui éclate. Je n’ai plus la voix sèche des adolescents qui guettent les détonations.
Nos armes et nos liens ont jailli de la môme souche, à présent calcinée, éparpillée dans le ciel froid.
D’autres (leurs ont failli me perdre, d’autres talons d’argent me piétiner. J’ai repoussé cette aube anticipée du jour qui ne doit qu’à la nuit son accompagnement de flûtes et de nuées, son trouble, sa félicité…
Tellement j’ai tremblé que tu ne trembles plus, ma flamme à la proue, très bas, éclairant les filets.
Les astres sont anciens mais la nuit est nouvelle. 0 sa tyrannie d’enfant d’autrefois, son joug de rosée.
Il s’en faut d’un effondrement, d’une dérive souveraine
la surface du jeu, l’alternance et l’altération
c’est la peau du dehors qui se retourne et nous absorbe
analphabètes pour les feuilles, détachés de tout arriéré scintillant
qu’on expulse de soi avec la tourbe, les viscères
et les choses attisées, la nuit, et les hardes de couleurs
la loupe asphyxie son maître, la fenêtre donne sur le talion
Le sang sur le mur pour ne pas le voir
attenante aux travaux des confins l’hilarité comme sa pelle raclait le fond cassait le sens après l’incorporation de la marche à l’étendue œufs couvés par le sable et la peur comme si le désert intermittent l’aveuglait
au couperet de toute balance les éclats du linge et le sang contradictoire
Acquiesçant pour disparaître, ou revenir, défalqué de la somme
d’une seule coulée froide quand les parois se sont concertées
le corps traversé mûrit, le corps appliqué s’élève
comme si jouait la solidarité du crime
nous ne nous trompons pas écrivant, n’écrivant que
les otages jumeaux dont l’intervalle est un masque
le dur axiome du levain, ce que le soc soulève de futur
Détruire l’écriture de cet espace oppressif et se perdre en l’écrivant
pour l’indivision dans le feu contre la léthargie des sources la carrière
les miettes du festin sont debout sur la nappe irréprochable
mimant ce qui rend exemplaire son exécration, le je plural et harcelant, décimé
il se mêle à l’eau limoneuse des parcelles incorruptibles
dans la chambre coritiguë son sacrifice ou son sommeil, et le reflux
les blocs appareillés à leur suite, et soustraits à l’interprétation
Débarcadère de chaque chose et son hermétique fraîcheur
le tout-puissant affleurement dont tu assures la mobilité
l’aven comblé nous glissons jusqu’aux bords qui n’existent pas
une clarté vipérine une chaleur inachevée
nous sommes seuls, et nombreux, là, attestant une faiblesse de la langue
l’étalement de la question comme un champ de fleurs
nous errons dans le froid de plusieurs soleils
La traversée qui nous scande, la trajectoire qui nous mesure
glène, au fond de son enroulement, ce qui dormait, et brûle
depuis que les portes s’ouvrent à ce tremblement de l’air
exultant de n’être pas l’horizon fossilisé d’un livre
nous, la mesure de la traversée, la scansion de la trajectoire
notre discordance convoite une illisibililé clignotante
alentour il y a le feu qui fait rage et les choses dessinées
Précipitée du dehors, étant du dehors la force, ou la loi, fourvoyée
de la masse enchevêtrée des lignes le brusque arrachement qui nous apaise
dérapage lassitude sur l’anneau consumé nous rapprochant de la courbe déclive
même enlevé sur une hanche de déesse, même en configurations purifiées
dans l’espace retourné comme une glace vide véridique
un éparpillement de l’autre à l’infini jusqu’à l’adéquation du nombre au non-sens
et le vent qui renâcle et s’épuise dans l’élargissement de la nuit
Surgir de l’effacement d’une trace illégitime
nos corps échangés se taisent, grandir est indifférent
l’orage fraye un chemin parmi les violettes atroces
allégresse, crève-cœur, du recommencement
de la limite fractionnée que la perte de la vue transgresse
dans la vigne où nous commencions d’être ensemble
les yeux plissés devant une couture sans couleur
L’exclamation qui courbe la vitre favorise un dernier éclat
la vitre et le vide afin que leur proie se dessine
joueur à la lisière du soupçon pour accueillir toutes les versions du geste
et affilié à ce qui n’est encore que lambeaux d’une gomme anxieuse
éclairs de chaleur entropie figure au timbre de plus en plus las
le rocher qui obstrue le sens n’est qu’un nuage désœuvré qu’on traverse
les blés mûrissent en une nuit, le surcroît de la douleur
Jusqu’aux ongles jusqu’à leur niaise férocité
en deçà les courbes grandissent les lignes s’oblitèrent
dans la logique du récit la pierre désirable1 roule au torrent inintelligible
inscrite en faux dans le contexte harassé qui la broie
notre troupe aux termes d’un vieux pacte évaporé
simplement la terreur d’écrire malgré l’inflexion du soir
le signe, qui nous force à l’écouter hors de toute saisie
Fair. ou l’ouvrage persistant, de ses mains taciturnes, de ses mains torrentielles
il n’y a q u’une barrière .à renverser pour que le proverbe s’érige
sculpté par la foule, transpirant le vide qui la désaltère
le brin d’herbe ne dit rien de plus aux dents agacées que ce plus
qui suspend les hostilités pour jouir
du seul affleurement qui fonde — le futur, la monstruosité
tellement tendue que j’éclate
Sa naissance était de mots très simples et de coups de feu isolés
sommes-nous la part éloignée de son dénuement le givre furieux le sommeil
une peau si fine sur le monde qu’elle tient en échec le feu
s’inscrivant comme un don du soleil au cratère de sa blessure
la lame — encore qu’il n »y ait rien que l’obscurcissement du soleil
mais j’aime le goût de la terre en dessous et plus bas la voix féminine
réfractant la tendresse des hautes parois incohérentes, leur verte fragilité
Nous marchons avec discernement la bouche ensanglantée
c’est le (Ion de l’auvent qui déjà nous blesse, le feu qui nous chasse
si haute est la nuit que nous sommes dans l’ignorance
l’émerveillement comme à la frontière d’un territoire excessif
après l’incorporation de la marche à l’étendue
d’un feu désaltérant de souches la cendre est blanche à nos pieds
à peine la clarté que laisse la mer en se retirant.
Rien que pour toi, racine, pour toi, cyclone fourvoyé dans cette strate du langage, le poète a favorisé I’épaississement limoneux du sommeil où tu té ramifies. Le livre dont il est l’otage et le garant, le livre incompulsé, le livre intermittent, tourne sans hâte sur ses gonds dans la terre, et chaque page à ton attouchement prend feu, et sa substance se confond avec, le surcroît de ta sève, avec le progrès de son sang.
Perfectibilité du vide, racine de l’amour. Cette équation, je l’ai vaincue avec un océan de terre ameublie par mon souffle.
mais l’exultation de ceux qu’il trahit tonne dans sa blessure.
seconde source, ou encore quelque greffe contribuant à la nuit
Comme pour hâter la tombée du jour ma dislocation au cœur lisse
j’exulte avec le rocher
dont la face obscure est celle-là
que le soleil a frappé la dernière
tard venue mais du fond de la nuit
de lèvres mal fermées qui s’obstinent
la lumière dévore, ou son absence de limites,
un espace franchi pauvrement
si je sombre je sombre avec elle le mot duel au bord des lèvres donnant sa forme au silence comme une flûte inclinée
la même érudition stridente se détache de la paroi
et empierre une route inaccoutumée
Ouverte en peu de mots,
comme par un remous, dans quelque mur,
une embrasure, pas même une fenêtre
pour maintenir à bout de bras
cette contrée de nuit où le chemin se perd,
à bout de forces une parole nue
Les fleurs lorsqu’elles ne sont plus leur fraîcheur gravit d’autres montagnes d’air
et la volupté de respirer s’affine
entre les doigts qui tardent à se fermer
sur un outil impondérable
Là-bas c’est lui qui disparaît sillon rapide, à l’aube, avant leur blessure pour qu’elles s’ajoutent à d’autres liens, fleurs, jusqu’à l’obscurité
lui, venu du froid et tourné vers le froid comme toutes les routes qui surgissent…
Tant que ma parole est obscure i) respire
ses bras plongent dans l’eau glacée entre les algues vers d’autres proies glacées comme des lampes dans le jour
Si peu de réalité parvient au vivant qu’il fasse violence ou qu’il sème hardiment sur la pierre et les eaux
le ciel tendu la scansion des marteaux quelques-uns parmi nous sont entrés intercédant pour produite de nouveaux nuages
Il ignore où le porte ce souille
ou ce bras, les miens, et c’est le prix
de notre mésalliance
de notre effacement jusqu’à la l’ourche
où la lumière s’unifie
Pays indescriptible
quand le vent se lève et le démembre
il brille, je le vois,
chaque intervalle nous absorbe
chaque pas en retrait scintillant suspend et meurtrit l’imminence du sens
les tessons du mur mieux qu’une eau morte réfléchissent les étoiles
Sous la roche elle se tient, secrète, la source qui commande d’anticiper sur son jaillissement
jamais bêche inutile, amour muré, n’ont lui si loin, si durement
avant que la nuée ne se reforme
et saigne
sous les images dispersées
les fleurs accoururent bien que rudoyées le froid des fleurs ouvertes la nuit dont les tiges percent Ja liasse de nos vies antérieures, enfin visibles
jusqu’à Ja goutte d’eau, arrondie
par le songe avare
d’une montagne de granit et de nuit
Dans la chambre la nuit plonge une lame fraîche et puissante comme un aileron de requin
la nuit séparée des constellations
pendant que la montagne glisse les racines du feu
portent à l’incandescence la poussière du socle et le sang transpiré par le fer
Même si de son cadavre tout ce mâchefer est épris
sa mort a favorisé
l’élargissement d’une harpe de nerfs
la lenteur d’une épissure aux prises avec les ongles arrime le cri sous la bâche
j’invente le détour qui le rendrait vivant
et l’étendue du souffle
au-delà du harcèlement des limites
lattes rongées aspects du ciel
sporades d’un récit qui se perpétue entre le ressac et la lie
Malgré l’étoile fraîchement meurtrie qui bifurque
— c’est sa seule cruauté le battement de ma phrase qui s’obscurcit et se dénoue -il est encore capable, lui, de soutenir
la proximité du murmure
Loin des écluses loin
des nasses où agonisent les couleurs
toute cime dans nos poings s’emmure et resurgit
et se renouvelle ou épauche un excès d’éclat
qui sans nous l’étoufferait
sans le sang de cette anfractuosité mortelle, et le souffle infiniment ouvert à la faveur du bond qui nous disloque contre la pierre du cri fossilisé
toute cime perdue pour les étoiles est une torche ressaisie
comme une vie détruite à l’instant dont les mains qui la tordent expriment la lumière
La vague de calcaire et la blancheur du vent traversent la poitrine du dormeur
dont les nerfs inondés vibrent plus bas soutiennent les jardins en étages écartent les épines et prolongent les accords des instruments nocturnes vers la compréhension de la lumière — et de son brisement
sa passion bifurquée sur l’enclume
il respire
comme le tonnerre
sans vivres et sans venin parmi les genévriers
de la pente, et le ravin lui souffle
un air obscur
pour compenser la violence des liens
Je rac jetterais dehors
si c’était moi seul, cet amour compact,
tétions et mortaises,
dans le milieu du monde
arrêté,
toute sa force est dans le front bas et la corne enroulée du bélier, il charge, — comme si c’était moi sa prison, non la limite errante et la soif du ravin où je me jetterais
si son sang sa laine noire
s’agitaient au vent du roncier, se mêlaient
à l’eau du torrent soudain
Entre la diane du poème et son tarissement
par une brèche ouverte
dans le flanc tigré de la montagne
elle jaillit, l’amande du feu, la jeune nuit à jeun derrière la nuit démantelée
Comme il est appelé au soir en un lieu tel que les portes battant sans fin facilitent ou dénouent le tête-à-tête
hors de la crypte forestière il la traîne au grand jour, ou plutôt il lui parle
il la dénude parmi les rafales de vent
ou plutôt il commence à se taire
avec une telle fureur dans les rayons
ae la lumière verticale
une lelle émission de silence comme un jet de sang
qu’elle se montre nue dans sa parole même et c’est un corps de femme qui se fend
Par une allée d’iris et de boue écarlate descendant à la fontaine la tarir…
mais toute l’humidité antérieure
revêtait la roche comme si
nos lèvres s’étaient connues
jadis
sans le feu de la rosée qui monte,
sa dot, l’innombrable et l’évanouie..
transparence têtue elle flambe
elle environne de ses tresses
un pays qui reprend souffle et feu
N’être plus avec toi dès que tu balbuties
la sécheresse nous déborde
le cercle de tes bras ne s’entrouvre que pour mieux
ne rien dire
selon l’heure et le parfum
et quel parfum se déchire
vers le nord, l’issue dérobée…
peut-être ton visage contre le mien,
quand bien même tu me mènerais,
encapuchonné, sur ton poing,
comme aux premières chasses de l’enfer
Au-delà du crissement d’une sandale dans l’allée
soustraite au silence elle a glissé elle aussi à cet oubli de soi qui culmine
et s’inverse en un massif de roses calcinées
aveuglante énumération de ses haltes et de ses périls
réciprocité de dentelles entre son visage et la nuit
j’extrais demain
l’oubli persistant d’une rose
de la muraille éboulée et du cœur sans gisement
Plus lourde d’être nue
ses vocalises meurtrières son rire au fond de mes os
notre buisson quotidien les balafres de la lumière
A se tendre à se détendre sur les traces secourues
omis se dégager femme tout à fait du bestiaire indistinct qui la presse
parmi tant de pieux incantatoires fichés dans le matin roule et grossit le soliloque
de la noue
fade usurpatrice elle dort et me hait j’ai négligé son dénuement elle se tient un peu plus haut
ombre démesurée d’une roue de charrette sur le mur lourdement vivant
Nulle écorce pour fixer le tremblement
de la lumière
dont la nudité nous blesse, nous affame, imminente
et toujours différée, selon la ligne
presque droite d’un labour,
l’humide éclat de la terre ouverte…
étouffant dans ses serres l’angoisse du survol le vieux busard le renégat incrimine la transparence vire
et s’écrase à tes pieds
et la svelte fumée d’un feu de pêcheurs brise un horizon absolu
Sinon l’enveloppe déjà déchirée avec son précieux chargement
le heurt sous un angle stérile de la hanche qui luit
comme si l’étrave en était lisse sous la ligne de flottaison
mais Je mouvement de la barque rendit
plus assurés l’écriture l’amour
tels un signe tracé par les oscillations du mât
au lieu des étoiles qui sombrent entre le rideau bruyant
et l’odeur de ses mains sur la mer
Sous le couvert la nuit venue mon territoire ta pâleur
de grands arbres se mouvant comme-un feu plus noir
et le dernier serpent qui veille en travers du dernier chemin
fraîcheur pourtant de la parole et de l’herbe comme un souille la vie durant
Ce qu’une autre m’écrivait
comme avec une herbe longue et suppliciante
toi, toute, en mon absence, là, dans le pur égarement d’un geste hostile au gerbier du sang, tu t’en délivres
tel un amour qui vire sur son ancre, chargé
de l’ombre nécessaire,
ici, mais plus bas, et criant
d’allégresse comme au premier jour
et toute la douleur de la terre
se contracte et se voûte
et surgit en une chaîne imprévisible
crêtée de foudre
et ruisselante de vigueur
Musique éclatée ciel sifflant dans un verre fraîcheur du soleil sous la brûlure de la peau
le même sifflement mais modulé jusqu’au silence qui sourd de tes plissements de granit, scintillante écriture le même sifflement
lance le tablier du pont sur ses piles de feu
où tombera-t-il noir le fruit méridien si je franchis le bras de mer
une pierre l’étreint et s’efface
le livre ouvert sur tes reins se consume avant d’être lu
Agrafes de l’idylle déjà exténuée pour que ce qui fut immergé respire à sa place, dans l’herbe, à nouveau,
et de la terre, toute, presque anéantie
ou comblée bord à bord
par l’enracinement de la foudre
sauf la respiration de cette pierre nocturne, le théâtre tel que je me vois, l’anticipation d’un brasier
sans son cadavre retourné
un autre traversera la passe
dans la mémoire de grandes étendues de neige
brillent
entre chaque massacre
Sorbes de la nuit d’été
étoiles enfantines
syllabes muettes du futur amour
quand les flammes progressent de poutre en poutre sous nos toits
exiguë
la définition du ciel
Nous dégageant, nous, de l’ancienne terreur
ou de cet enrouement par quoi les racines mêmes
s’expriment,- s’allégeant…
que ce soit le silence ce qui était présent, là, trop exposé depuis l’aube, sur le sol fraîchement retourné, l’ingratitude ou la légèreté des hommes, avec le vent,
je me dresse dans l’étendue, seul, contre cette lumière qui décline, le bâillon rejeté
… que ce soit le silence lentement déployé qui règne déjà nécessaire, déjà opprimant
Par la déclivité du soir le secret mal gardé
je la blesse au défaut de sa lecture le vent répare les accrocs
enclume ou catafalque d’étincelles
avec ce qui naît et meurt au bord
de sa lèvre acide
ciel pourpre et montagne nue
elle se penche et je vois au-delà de la ligne de son épaule
mon enfance troglodyte
dans la paroi violette où le soleil couchant se brise comme un pain.
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