La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Aujourd’hui sur un pantalon à carreaux, une chemise à col Ma Ô ferait une grande fenêtre donnant sur le jardin que tu mettras nue devant
Les lauriers ont tellement de rejets que les tailler augmenterait encore la vanité endémique
Là où l’iris reste en fleur toute l’année c’est là où l’herbe est la plus fournie, la fraîcheur de l’étendoir de ton petit-linge tient tête aux grandes chaleurs. Comme quoi on peut sans aller chatouiller la lune, trouver son bonheur en demeurant sur terre
L’oiseau qui habite au bord de La Chaume se promène en marchant de couleurs. Térébenthine et huile de lin sont essence ciel. Du caillou minéral ou de la plante végétale si tu sais, tu sors de quoi déternir le ciel
Je n’arrive pas à me mettre à l’heure du noir. Le matin je me lève il fait nuit et le soir je me couche dans les réverbère qui durent plus que la nuit. On arrête pas que de parler de pénurie.
Qu’est-ce qu’on se goinfre de mots inutiles. Je me tais dans tes tétines et c’est curieux de voir qu’à mon âge je profite encore de pouvoir rêver.
Dans le désordre climatique les huluberlus eux-mêmes patinent
ceux qui sortent sans arrêt aux nouvelles vont rester longtemps couchés sur le trottoir
vois-tu bien qu’étant la seule à risquer pour faire ton devoir, te savoir revenue près de ton encrier avec du papier et ta plume ferait mon choix
Le corps dans l’haleine du chien et les yeux dans son ronflement au coin du feu
Je te mettrais des fleurs partout où c’est blanc pour colorer la peur de l’étouffement
Le temps que l’inutile finisse sa gourmandise boulimique y reste peu pour dormir et en corps moins pour lui faire plaisir
Alors peindre autre chose qui te fera rire te permettra de voir que sous le tapis extérieur t’as toutes affaires sans besoin d’aller ailleurs
J’ai parlé au cerisier dans la trompe de ses fleurs. Quelques mots chaleureux l’ont maintenu dans son projet de faire des fruits. On verra, je sais que cinq minutes après être entrés chez eux il y a des gens qui voient leur appartement partir d’un coup de canon. Les enfants arrivent même à chercher leurs parents sous la terre et les pierres
La relativité n’a jamais été aussi présente
Pense à ça et enfile ta langue dans le bleu de mon tableau. Je suis sûr que ça sortira tes jambes des bas et du porte-jarretelles.
« Je pleure sans raison que je pourrais vous dire, c’est comme une peine qui me traverse, il faut bien que quelqu’un pleure, c’est comme si c’était moi. » M. D.
Farsa (género imposible) [« Farce (genre impossible) »] est le dernier album de Sílvia Pérez Cruz, l’étincelante Catalane. C’est l’un de ses meilleurs. Prévu pour le printemps de cette exécrable année 2020, finalement publié en octobre, il est composé de travaux réalisés en liaison avec des œuvres tierces, de genres différents : cinéma, film documentaire, ballet, théâtre. On y retrouve par exemple Mañana, composée sur un poème d’Ana Maria Moix pour le film Ana María Moix, passió per la paraula, Plumita et les chansons du film La noche de 12 años d’Álvaro Brechner (2018) auquel elle participait en outre en tant qu’actrice, ou encore un extrait du ballet Grito pelao, dans lequel elle se produisait avec la danseuse de flamenco Rocío Molina.
On y entend aussi cette chanson, Todas las madres del mundo (« Toutes les mères du monde »), composée sur le poème Guerra (« Guerre ») de Miguel Hernández (1910-1942) pour le film d’animation Josep d’Aurel (France, 2020) où elle prête sa voix au personnage de Frida Kahlo.
………
Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo. Miguel Hernández, paroles ; Sílvia Pérez Cruz, musique. Les paroles sont extraites du poème Guerra de Miguel Hernández, avec quelques modifications. Sílvia Pérez Cruz, chant, guitare ; Mario Mas, luth espagnol ; Javier Mas, archiluth ; Carlos Montfort, violon ; Marina Sala, accordéon. Extrait de la bande originale du film d’animation Josep (France, 2020). Aurel, réalisation ; Jean-Louis Milesi, scénario. Extrait de l’album Farsa (género imposible) / Sílvia Pérez Cruz. Espagne, ℗ 2020.
………
Todas las madres del mundo, ocultan el vientre, tiemblan, y quisieran retirarse, a virginidades ciegas, el origen solitario y el pasado sin herencia. Pálida, sobrecogida la fecundidad [virginidad] se queda. El mar tiene sed y tiene sed de ser agua la tierra.
Toutes les mères du monde cachent leur ventre, tremblent, et voudraient retourner à des virginités aveugles, au commencement solitaire et au passé sans héritage. La fécondité [virginité] demeure Dans la pâleur et dans l’effroi. La mer a soif et La terre a soif de devenir eau.
La sangre enarbola el cuerpo, precipita la cabeza y busca un hueco, una herida por donde lanzarse afuera.
Le sang hisse le corps, précipite la tête et cherche un creux, une blessure D’où fuser au-dehors.
La sangre recorre el mundo enjaulada, insatisfecha. Las flores se desvanecen devoradas por la hierba.
Mis en cage, insatisfait Le sang parcourt le monde. Les fleurs se fanent, Dévorées par l’herbe.
El corazón se revuelve, se atorbellina, revienta. Arroja contra los ojos súbitas espumas negras.
Le cœur se retourne, tourbillonne, éclate. Il jette contre les yeux De soudaines écumes noires.
Ansias de matar invaden el fondo de la azucena. Acoplarse con metales todos los cuerpos anhelan: desposarse, poseerse de una terrible manera.
Des envies de tuer prennent possession Du coeur du lis. Tous les corps aspirent à S’accoupler avec des métaux : Avec eux se marier, se posséder d’une manière terrible.
El mar tiene sed y tiene sed de ser agua la tierra.
La mer a soif et La terre a soif d’être eau.
Después, el silencio, mudo de algodón, blanco de vendas, cárdeno de cirugía, mutilado de tristeza. El silencio. Y el laurel en un rincón de osamentas. Y un tambor enamorado, como un vientre tenso, suena detrás del innumerable muerto que jamás se aleja.
Et puis, le silence, muet de coton, blanc de bandages Bleu de blouses de chirurgiens, mutilé de tristesse. Le silence. Et le laurier dans un coin parmi les ossements. Et un tambour amoureux, comme un ventre tendu, bat derrière l’innombrable homme mort qui jamais ne s’éloigne.
Miguel Hernández (1910-1942). Todas las madres del mundo, adaptation par Sílvia Pérez Cruz du poème Guerra, extrait de Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941).
Miguel Hernández (1910-1942). Toutes les mères du monde, trad. par L. & L. de Todas las madres del mundo, adaptation par Sílvia Pérez Cruz du poème Guerra, extrait de Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941).
J’ai pas d’regret D’avoir fait c’que j’ai fait Je pouvais plus vivre avec sa peine Jetez-moi la pierre Si vous n’avez jamais Tant souffert comme moi je souffrais Par grande misère Elle avait oublié Ce que c’est pour de vrai quand on s’aime Mon soleil d’hiver Mon eau fraîche en été Ma Nelly… je l’aimais… je l’ai tuée Emmenez-moi Dans toutes vos prisons Mettez-moi dans le fond d’un cachot J’y vais pourrir Et j’y pourrai mourir Car je n’ai plus de goût pour le jour Mais j’y r’verrai Lorsque je serai seul Mes premiers vrais cadeaux de mariage Sa main dans la mienne Et son corps dans mon lit Et son souffle mêlé à ma vie
Couplet Cette complainte que j’entends C’est un air de limonaire Qu’un invalide débonnaire Me serine en passant Fait divers sans apprêt Tragédie élémentaire Histoire éternelle et sommaire De pauv’gens qui s’aimaient
Son coeur, mon coeur Et l’espoir qui se meurt Le travail peu à peu vous sépare La nuit, le jour On se cherche toujours Et l’amour crève au fond d’une cour Vous qui souffrez Fallait pas vous aimer Fallait pas écouter les poètes Souffrir à deux C’est pas plus merveilleux Que d’souffrir sans personne et sans feu Et vous gueulez Et vous vous entêtez Moi aussi, je veux rire à la fête Emmenez-moi Ne m’abandonnez pas Je veux mordre au bon pain de la joie On reste en plan, et l’amour fiche le camp En tournant sur un air de manège On reste là et l’on ne comprend pas Et l’on pleure une vie qui s’en va…
Du jour en début d’éveil sortent des manifestations qui se sont trempées dans le catalogue des Allégories. Façon propre à l’épiderme de sentir la rosée venue au pied de sa mise en marche
Le premier moulin tourne l’évent du premier galop
Sur le banc deux amoureux tête-bêche se donnent à boire sous la quille du bateau qui passe
Debout sur le trapèze prête à jeter les mots rebattus, la poétesse remonte depuis l’enfance pour donner au peintre matière à retenir le mouvement du pétale que la tige soulève du chant sec
Quelque chose est à se défaire de la pesanteur
la voile se détache du corps-mort au passage des oies-sauvages
Apparaissent les formes de ta nudité
tu découpes l’horizon
Bouche pleine de ta langue je pose tes odeurs intimes sur la palette.
J’étais solitaire chaque jour un peu plus. J’aimais me taire Je doutais de qui j’étais chaque jour un peu plus. Je guettais Sur les visages de mon âge la tristesse, ses sillons, La certitude aussi de la défaite intime. Nous traînions
Chacun le deuil d’un amour sans cadavre dans un sac trop lourd Les manigances de l’amour et la gifle de la hautaine Nos âmes fêlées par un simple mot comme des porcelaines Et ce qu’on n’ose pas crier à la hautaine dans les cours
L’abjecte société, l’un après l’autre, nous avait meurtris Bien des gens que j’aimais s’y sont, par ambition, laissés corrompre Ils sont perdus corps et biens comme vaisseaux dans l’opaque gris Ils suivaient comme au jeu, par orgueil : Ah, plutôt ramper que rompre!
Il me semblait pourtant savoir, et de mieux en mieux, où j’allais Je m’appliquais à travailler dans la mémoire de mon père Y cultivant ses idéaux perdus ainsi qu’en un jardin Pour que mon fils en fût encouragé à les transmettre au sien
Et quelque chose vive ainsi en aval de nous, s’il se peut Obscure foi qui me tenait! Qui j’étais ne sachant plus guère Comme un rêveur dans un grenier parlant tout seul, les jours qu’il pleut Ou bien aux anges dans un poulailler étrange dans la guerre
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.