La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Et nous voici dans le matin, déjà fourbus, mal démêlés du fil des rêves. Quelques paroles, quelques gestes,, le parfum d’une robe, un sein fantôme dans la brume, une douleur, et c’est le soir. La nuit tombe plus vite sur les tombes et le décembre du désir : tête tranchée dans la poussière parmi les ombres et les branches.
Allons ! sous la lampe déhanchée qui trébuche, traquons « le mot qui sauve », une musique, une métap*****, comme la flamme qui parfois au creux de cendre se ravive, ou comme l’oiseau, le rouge-gorge – est-ce toujours le même ? – dont l’hiver jette au jardin le feu léger, le sang. (Termites dans l’horloge. Un tuyau glousse. Derrière la cloison toussent les turcs. Est-ce un tambour dans l’escalier, une ruade ou la chute d’un ange ?) L’encre stagne, la main s’enlise. Des livres soulevés – une montagne – sortent les morts, les visiteurs voilés et taciturnes, soudain pesants, qui nous étouffent.
« Nuit terrible du doute et de l’enfantement. »
II
« But at my back from time to time I hear Time’s winged chariot drawning near. »
De notre corps bandé contre la roue qui broie le jour freinons l’élan du fer.
Un fouet siffle dans les nuages où brûlent les crinières et gronde au loin la voix de l’ogre.
Le cœur faiblit, les paumes s’ensanglantent.
« Une seconde au moins nous mettre hors du temps. »
Le temps, le temps qui est un autre nom de la mort.
III
Enfant, dans la forêt, j’erre parmi les ombres. Le corbeau crie, au loin sonne une hache. Que fait mon père dans l’au-delà des branches ? La neige efface la trace des pas.
Ah, père ombre parmi les ombres, dans le silence maintenant comment rejoindre ton visage et ton feu noir qui brûle sous la terre ?
IV
Si nous arrêtons les montres, les pendules et l’horloge (paysanne avec son balancement de faux)
alors le soleil-chien nous traque
Si nous fermons portes, fenêtres et rideaux, le trou de la serrure,
les cris du monde se glissent dans les fissures.
Si nous gagnons, dans le désert, une cave, une citerne, une grotte (matrice opaque, ténébreuses)
ah ! dans la nuit notre cœur bat plus fort, toujours plus fort. Nous n’entendons plus que lui maintenant.
V
Dans Paris soulevé, les insurgés tirent sur les horloges.
Chronos ensanglanté, tombe et mord la poussière,
Mais, rusé, se relève étincelant, tonne, tranche le sexe et la gorge des anges.
VI
Temps immobile de cette pierre blanche, si blanche, où le regard s’enfonce puis la main, le bras, tout le corps
jusqu’au cœur glacé du silence.
VII
Et toi, veilleur à la frontière où luttent embrassés l’ange et la bête, l’un de lumière et l’autre qui grimace, qu’as-tu saisi qui ne fût pas douleur ?
La vitre un peu se teinte de clarté mais c’est la nuit encore sur la terre, une nuit moins opaque à peine, qui défaille, et tu voudrais que cesse cette guerre et que la boue s’efface où la bête grogne.
N’as-tu pas douté, dans la nuit du cœur, que puisse à nouveau se pencher vers toi l’aube pacifiée d’un visage ?
Dans le vitrail que le premier soleil colore on dirait soudain que l’ange va sourire et que s’essouffle et bronche la bête.
VIII
Sur la buée, traçons du doigt un mot : amour ? lumière ? espérance ? éternité plutôt,
qu’un soleil bas de son premier rayon transperce
soudain rosace et brève gloire au bord du ciel
d’où s’éloigne la main mortelle laissant au froid le mot mortel.
IX
Dans le matin de rose et de vitrail, grâce soudain du mot sur notre bouche, souffle du sang, silence plein
et nous voici « debout dans la splendeur des feuilles. » (café, caresse, cigarette : bonté des choses fugitive !)
Dans l’oubli de la fange, la main renoue le signe, énonce l’arbre, éveille la forêt,
et tout à coup c’est un espace de musique où nous allons, vivants et morts réconciliés, puis confondus dans l’ineffable lumière.
Un roi lion plus fainéant qu’un monarque de référence se trainait, les pieds dans les savanes, un peu de morgue au né. assis sur sa chaise percée en se disant
« Chui-là je vais me le faire » il faut lui apprendre à faire la courbette
Bruit d’ailes
de la brousse monte une envolée
un oiseau genre albatros
décolle
il fait trois tours au-dessus du fauve et lâche une rafale de fiente en piqué en lui criant:
Mon Saigneur, j’ai prêté serment quand j’ai été initié, que jamais plus mon genou se mettrait en terre
Silence de nuit complète à cinq heures Janacek en quatuor à son dernier amour Debussy pour Chouchou fabrique un gollywooks J’ai le tome de Martin sur les genoux
De quoi hier ce lendemain était-il fait Dont ils ne savaient rien nous le savons Eux qui furent égaux dans cette nescience Nous fiers comme des rieuses de veillée Qui savons cela Tout cela de plus A la fin au moins cela qui n’est rien d’autre
Le gros caillou remonte Dans la nuit tombe et en tombant retombe Ils en sont à la fin d’aujourd’hui Nous bien sûr au début de ce jour Et eux là-bas hier encore à L.A là La faucheuse qui n’existe pas plus qu’un dieu Les fauche eux et euses
Ce qui échappe avec le mot qui échappe ce n’est pas seulement un autre mot mais ce que les mots de la phrase comme des doigts tressent en laissant fuir
Une houle rostrale d’espace pousse
Le spacieux mascaret du vide
Rien qu’inventive expansion de nébuleuses en proue
Ohh, tu as tellement, tellement, tellement Ohh, you’ve got so much, so much, so muchBeaucoup ai-je aimé, et plusieurs fois été mordu Many have I loved, and many times been bitten
Plusieurs fois j’ai regardé le long de la route ouverte Many times I’ve gazed along the open roadPlusieurs fois j’ai menti, et plusieurs fois j’ai écouté Many times I’ve lied, and many times I’ve listened
Plusieurs fois je me suis demandé combien il y avait à savoir Many times I’ve wondered how much there is to knowBeaucoup de rêves deviennent réalité, et certains ont des lueurs d’espoir Many dreams come true, and some have silver linings
Je vis pour mon rêve, et une poche pleine d’or I live for my dream, and a pocket full of goldMellow est l’homme qui sait ce qu’il a manqué Mellow is the man who knows what he’s been missing
Beaucoup, beaucoup d’hommes ne peuvent pas voir la route ouverte Many, many men can’t see the open roadBeaucoup est un mot qui ne laisse que deviner Many is a word that only leaves you guessing
Deviner une chose que tu devrais vraiment savoir, oh, oh, oh, oh Guessing ’bout a thing you really ought to know, oh, oh, oh, oh
Je devrais vraiment savoir (oh, oh, oh) Really ought to know (oh, oh, oh)
je devrais vraiment savoir I really ought to know
Oh Oh
Tu sais que je devrais, tu sais que je devrais, tu sais que je devrais, tu sais que je devrais You know I should, you know I should, you know I should, you know I should
TROIS FRAGMENTS DE L’HYMNE IMPOSSIBLE PAR PIERRE OSTER
La terre est un savoir ! D’où les eaux, d’où les rochers jaillissent. La nuit, la plaine et la mer fondent un savoir proche des murs. Et, là, là ! la, solitude aux couleurs de la nudité des choses, Le soleil gravit les collines… Il redescendra dans les champs, Dans les mares, dans l’herbe. Autant de mares, autant de portes Par où le ciel rejoint le chaume… Arbres meurtris, chemins détruits,
La campagne se tait. J’en conjure, en accepte la paix. Le silence Signifie-t-il que les talus… si hauts, face au dieu du Tout, Que les talus, de l’orbe des planètes au labyrinthe des plantes, Ferment sans cesse une prison ayant la forme d’un vallon ? D’un vallon protecteur. Et, grâce à l’humus, à quelque manne Humide, à la richesse de la rosée, au repos déjà solennel Du matin, je me voue à l’espace… À sa beauté je m’inféode Bien avant que les heures ne brillent… Ah ! je mesure à loisir Le petit jour… Sur l’horizon le soleil s’arrondit, s’exalte. La nuit le couronne… Ah ! le soleil nous dicte et nous Vole une réponse ! Alors la pluie, infime, élémentaire, Orne des traces qui m’enchantent, étouffe à présent le fanal Qui, augurai, fatal, à la surface, à l’intérieur des gouttes, Vacille et les épuise… Imagination, quête et création D’un royaume. Et je serre ou je lâche une poignée de brindilles. Je me veux serviteur, gardien, complice et tenant du poème épars Des sens. Serviteur des maisons dans leur sommeil. D’une
grange,
D’une charpente… Un édifice, un creuset… Le ciel pourvoit À notre besoin d’infini… Le temps compose et cohabite Avec les vagues ! Avec les vagues, avec les vagues. Avec Des sentiers que nul ne sonde ! Avec des carrières, des grottes Doucement désertes… Avec de nouveaux rochers sous la voûte
des écueils,
Héros de l’abîme ! Et le jour vient à les surprendre au niveau de
la mousse,
De l’écume. Audacieux, plus qu’audacieux, presque audacieux, Nous les interrogeons
Restons fidèles à la tendresse de la lymphe
Laissons-nous conduire à l’unité des fleurs. Unité abondante. Et
La règle est de croître… Du côté d’une frontière ou d’une ligne
d’îles,
La très chaste et très vénérable et redoutable Vénus Nous domine. À l’aplomb des toits les étoiles clignotent, La nuit s’en empare ! Ah ! me soumettre à la naissance du soleil, À sa plénitude… Avoir le désir d’accompagner pas à pas sa solitude.
Pur, précieux, facile embrasement des bâtiments de l’éther, De maints bassins monumentaux ! Le jour se relance et nous
drosse
Le long d’une plage… JJ vogue. Il abrite un port abrupt. J’en scrute et j’en occupe, en défends la grandeur. Je m’en inspire. J’ordonnerai, je retrouverai, dirai, surgeons, drageons. Surgeons ! détaillerai à souhait les mots d’un éloge des feuilles. Un baume se répand sur la blessure des bois. La lune au bout de
nos doigts
Varie et nous séduit. Nous devinons que le brouillard consume, De la tôle des hangars aux piliers du temple et de la base des
hangars
À la grange, allume et consume un absolu de transparence. Notre lot? Guetter, prudemment, Fépiphanie du feu. Épier le
retour
Du guide obscur… J’oublie, à fouler le sol, je rêve ou j’évoque La bataille des saisons. Je recherchç et m’attribue le butin Que l’automne pille. Et l’hiver le confie au matin. Les mois
commandent
De sauver la sève… Au gré d’une voix, d’un chant parfait. Immobile, immobile et mobile, encore immobile et mobile, Le soleil détecte une route, instaure un paradis de roseaux (dont La pointe nous frôle) et lui dispute la mer. La mer recule, Nous apprend l’orgueil du jusant. Le vent, le tisserand. Hisse une voile, la détisse… Appareillage ou naufrage En guise de message. Attentifs, actifs, sereins, captifs, Il nous échoit de saisir, de choisir la sainte poussière, D’épouser la fortune inégale !
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