UN JARDIN LABYRINTHE |
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UN JARDIN LABYRINTHE |
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Écoutez-moi.
N’ayez pas peur.
Je dois
vous parler à travers quelque chose qui n’a pas de nom
dans la langue que j’ai connue, sinon justement quelque chose, sans étendue, sans profondeur, et qui ne fait jamais obstacle (mais tout
s’est affaibli).
Ecoutez-moi.
N’ayez pas peur.
Essayez, si je crie, de comprendre : celui qui parle entend sa voix dans sa tête fermée ; or comment je pourrais, moi qu’on vient de jeter dans l’ouverture et qui suis
décousu ?
II reste, vous voyez, encore la possibilité d’un peu de
comique, mais vraiment peu : je voudrais que vous m’écoutiez — sans savoir si je parle.
Aucune certitude.
Aucun contrôle.
Il me semble que
j’articule avec une véhémence grotesque et sans
doute inutile — et bientôt la fatigue,
ou ce qu’il faut nommer ainsi pour que vous compreniez
Mais si je parle (admettons que je parle), m’entendez-vous ; et si vous m’entendez, si cette voix déracinée entre chez vous avec un souffle
sous la porte, n’allez-vous pas être effrayée ?
C’est pourquoi je vous dis : n’ayez pas peur, écoutez-moi, puisque déjà ce n’est presque plus moi qui parle, qui vous
appelle du fond d’une exténuation dont vous n’avez aucune idée, et n’ayant pour vous que ces mots qui sont ma dernière
enveloppe en train de se dissoudre.
Cependant c’est sans importance :
si je souffrais, si j’avais peur…
Mais non.
Je peux vous dire
qu’on a beaucoup exagéré le malheur d’être ici,
de l’autre côté du passage — lui pénible je vous assure,
et même juste après dans la honte de tant d’emphase,
quand c’est fini.
(Pourtant rien ne s’achève ;
on croit avoir tout l’oubli devant soi comme une promesse
enfin tenue, et puis) — je ne sais plus
ce que je vous disais.
Ah oui, si je souffrais, si j’avais peur, ou si je vous aimais
encore,
alors vous pourriez redouter ces mots qui vous recherchent, qui rôdent jour et nuit.
Et je perçois autour de moi qui n’occupe plus aucun espace,
qui n’ai ni autour ni dedans, ni haut ni bas, comme une caisse
de planches démantelées avec ses clous tordus qui brillent,
je perçois en effet de grands claquements de bouches vides
peut-être redoutables.
Peut-être.
En tout cas moi c’est juste
un peu d’étonnement qui tient encore ensemble ce que je fus:
que tout n’ait pas cessé d’un coup me semble étrange,
et qu’une ombre du temps s’allonge à travers le passage
comme une eau faiblement insistante que boit du sable, ici.
Ou si je vous
aimais encore ; si
tant soit peu j’avais autrefois poussé dans la chaleur de votre corps quelques racines ; si
j’avais pu acquérir le savoir qu’enseigne la limite de l’autre
illimité soudain dans son amalgame de glandes ; si
j’avais fait mon creux dans la réalité organique de votre cœur
où le sang pompé noir jaillit avec l’allégresse du pourpre—
ainsi quelques instants roulé sous la rutilante fontaine,
il me resterait, je le crois, de votre humidité, de votre poids, de vos ténèbres,
assez pour flotter moins sans appui ni couleur dans le délabrement progressif de cette fumée.
Pourtant déjà quand j’approchais l’odorante auréole,
explorant sans bouger l’atmosphère de foudre errante et
de givre subit qui nimbe tout corps désiré, déjà n’était-ce pas dans la lenteur irrespirable autour et loin
que je me tenais en silence, n’ayant pour vous toucher que des constellations de
paroles, des girations de mondes barricadés par la distance et qui sur l’œuf en noir cristal massif où se résorbe leur
désastre ne sont plus que l’effleurement bref et musical d’une
touffe de plumes ?
Mais en ce temps autour et loin veillait la solitude.
Alors entre vous et l’espace étouffant qui m’a pris dans sa
glace, par la rue en dérive à longueur de nuit sur les confins le cœur enfin muet dans la profondeur insensible ayant cessé d’attendre et de vouloir pouvait descendre et
s’enfoncer toujours plus loin de la chaleur du centre :
quelqu’un veillait fidèlement de distance en distance, une main faisait signe peut-être à la fenêtre qui s’allume, s’éteint, se rallume la même un peu plus loin
comme cette ombre au coin toujours prête à surgir qui se dérobe — ombre,
passante, rien contre la nuit et le silence
qu’un nom, sous le vôtre affaibli, pour éclairer et retentir plus haut que le haut four à ciel à
Bologne des basiliques ou les toits du
Hradschin couvrant les combles obscurcis de la maison déserte où je vous poursuivais, l’Europe.
Et ce nom je pouvais l’épeler comme on insiste au
téléphone quand personne ne répond plus que le
Séparé, l’Obscur, le
Lourd, l’Inerte, le
Tué, le
Doux qui s’abandonne et se clôt froidement dans
l’espace de la muette — je disais solitude.
À présent plus d’autour puisque le centre a disparu, plus de lointain pour l’étendue nouée en travers de ma
gorge ; et son petit cœur chaud, la solitude, il a claqué sans qu’elle ait eu le temps d’éteindre la lampe et le
poste ; à présent je comprends qu’elle était morte — qu’elle est
morte.
II
Écoutez-moi pourtant :
quelqu’un doucement en chemin vers le plus-personne dit
je laisse tomber laisse peser laisse flotter mourir la pluie petite les montagnes les arbres les nuages ; où ici là partout quelqu’un a marché attendu tirant un fil invisible du
vide en mouvement de sa présence ;
Il poussait des portes, il se
foutait dans l’entrée en jurant contre la même armoire et pleurait dans son lit aux approches de quarante ans pour des choses de
Dieu, d’enfance ; avait un membre une âme un cœur de vrai polochon dans vos
bras théoriques de sœur comme un hôtel où la mémoire frappe de nuit ayant perdu presque tous ses bagages aux détours du grand collecteur qui nous avait
poussés de
ventre en ventre
et alors propulsés pourquoi vers ce confluent de gestes bloqués
d’adultère ou d’inceste, pourquoi
ce long cheminement par l’obscurité des matrices,
si c’était pour finir, au mur, sanglotant comme un con, laissant
les œufs glisser sur le carrelage de la cuisine,
par comprendre en voyant le ciel limer ses ongles sur les toits,
l’affreux soleil propager sa limite,
que la roue avait bien heurté la borne ultime du parcours
et n’avait plus qu’à valser dans le détraquement de la vitesse acquise ?
D est possible
que je vous cherche encore sans désir,
comme si quelque formalité là-bas n’avait jamais été
remplie ; possible
que là-bas je vous aie cherchée comme dans un couloir où l’on espère simplement l’autorisation de poursuivre le voyage au-delà par ces complications d’aéroports et
de
valises, et qu’ici vous, ce que je nommais vous en grand tremblement de tout
l’être, soyez ce plus rien vaporeux à neuf mille mètres d’altitude qui est le ciel inexprimé de tout désir.
Je me disais : que je meure, alors je serai la nourriture insubstantielle
de ses lèvres,
quelque chose de moi qui peine entrera dans la courbe de son nez
et plus profond même peut-être ; je priais :
prenez-moi dans la lunaison du sang, dans les pensées
qui passent de biais par éclats sous un crâne de femme, et dans
le linge au besoin prenez-moi, que baigne la chaleur de gloire.
Mais voilà
qu’ici je me contenterais d’une amitié de pierre
ou de la matérialité du vent qui chasse une lessive.
C’est triste.
Et non plus pas
très triste.
C’est.
Ou plutôt ça n’est guère.
Je voudrais me cogner à la fonte d’une chaudière et dire brûlez-moi,
m’égarer sous des murs de suie en ruines sans rien dire — égarez-moi — si l’on brûlait, si l’égareuse
pouvait enfin toucher mes poignets dressés dans la glace, mes genoux déboîtés par l’inutilité de la vitesse ou mes yeux devenus le dehors invisible de leurs
paupières.
Et encore je me disais que mort du moins glissant avec les caniveaux d’eau
pure, le granit des trottoirs, la lune aveugle sur les toits ; que mort sombrant avec la pente interminable de la rue où vous iriez à votre tour la nuit sans moi, perdue entre les
murs et les couloirs quand tout l’obscur remue et remonte pour respirer timide à la surface — au moindre signe réchappé de la profondeur décisive (une porte qui bat,
la lampe orange qui s’allume)
vous souririez songeant c’est lui comme autrefois qui m’appelle et qui m’accompagne.
J’ai disparu.
Non seulement de la surface où flotte et sombre vite
comme un sourire, mais de la profondeur de paix dans les pierres j’ai
disparu.
Ainsi l’eau quand se brisent le fond et les parois, le cœur, quand son noyau sous l’absence d’amour éclate, où le vide partout fait pente et perte se précipite —
écoutez-moi
parler encore un peu le cœur répandu dans ce vide qui gonfle comme un sac, se ferme comme un sac — au
sac les derniers débris de la voix, du cœur qu’on évacue.
III
On m’appelle.
On me tire.
Adieu.
N’écoutez plus.
Ma voix
comme un soir de vent radouci glisse vague mobile
et sans force de sable en travers de la route, sous la
canonnade liquide et l’herbe dans la bouche tremblante
de la pluie, et personne n’appelle et rien ne tire où s’accomplit le dernier tour du fil de la
bobine, et le vent radouci
comme un soir en travers ma voix dans la bouche liquide et sans force tremblant la canonnade de la pluie appelle et tire, et personne n’appelle et rien ne tire
adieu
jetez
la bobine quand tout le fil
aura cassé net sous les dents de la fileuse qui défile
et retrame le fil dans la voilure pour le souffle
en tous sens propulsant la masse du navire sans
écume ni rivage et presque sans
sans souffle mâts brisés pleins du crépitement tu
des signaux en arrière à rien — la soufflerie.
Adieu
n’écoutez plus.
On faisait autrefois des petites maisons pour que l’âme
des morts s’abrite en attendant la fin de la bobine,
des barques par l’extrémité du fil qui vibre encore
un peu vers la harpe du jour tirées
tirées entre les berges
les berges englouties
engloutis les roseaux et la face de l’estuaire
où flotte entre deux eaux comme au bout du film qui
s’achève un sourire pincé sur sa pauvre énigme.
Je sais, pour avoir si souvent dans les cabanes rituelles attendu près de vous la pluie étroite sur la toile, des moulins à prière autour suivant les derniers soubresauts du
son optique, je comprends maintenant que nous, vous et moi, nous des
autres je m’en doutais (mais pourquoi, mais comment, en quelle fausse profondeur d’écran perlé d’étoiles) n’aurons été là-bas que des doubles d’images
déjà
exténuées de copie en copie et disant vous, disant moi
ou si peu n’est-ce pas
mêlant ces lèvres d’émulsion sur une transparence inerte incombustible,
mais assez bien mimant le désir la douleur par bon cadrage, bonne lumière,
pour être au moins saisis du vertige de leur présence
ou d’un frisson de liberté dans l’emportement mécanique —
ainsi les personnages
des vieux films quelquefois protestent
comiquement
Je suis
sans conséquence,
et ces gestes ces cris bloqués vingt-quatre fois par virtuelle seconde,
à jamais pris dans la répétition nulle font signe aussi comme les astres,
supplient
du fond de l’impossible mort le temps
réel et déployé soyeux en nuages de les reprendre,
eux qui dans les ténèbres de cette lumière extérieure s’agitent,
se figent de nouveau hors des cercles de cercles où
toujours de nouveau comme en boucle au ralenti,
Dante reçoit le reçoit le premier salut de
Béatrice.
Disparu j’ai franchi.
Peu d’espace mais j’ai franchi
l’encerclement du révulsif
désir,
et la solitude à son tour je l’ai
franchie.
Ici
les images qui s’affaiblissent
cherchent l’œil sans foyer qui nous aura filmés dansant
sur la pente éternelle de la prairie avant
de nous projeter vous et moi dans l’épaisseur fictive.
Oh aidez-moi
à finir, aidez-moi,
que j’avance, que l’œil éclate et que je vous délivre
du temps lavé de moi comme une dalle où tremble encore votre image ;
que le ciel à portée de l’extrême impuissance de mes doigts
envahisse l’écran où vous demeurez prise — et paix,
paix comme avant que l’histoire n’ait commencé ;
crevaison, rebut du grand fond d’où sortirent nos souffles, nos visages ;
descente, déambulation dans la fin qui ne finit plus —
s’il vous plaît aidez-moi.
Attendez l’heure de la nuit
où l’œil juste avant l’aube un instant cligne et se renverse,
quand des pas, des voix, des ombres sans voix, sans pas, sans ombre glissent
par l’espace hors de l’espace enclos et déroulé —
alors n’ayez pas peur, écoutez-moi, glissez-vous, faites vite, mettez
simplement un peu d’air dans une boîte d’allumettes
et posez-la dans le courant
d’un ruisseau qui n’atteint la mer que noyé dans l’oubli,
dissous dans la force étrangère des fleuves,
et s’il vous plaît dites que c’est mon âme d’image qui vous aima
et qui morte s’égare entre les murs, contre l’oeil fixe, toujours plus loin de vous, de moi, de tout pour vous rejoindre.
Jacques Réda
Non l’inclinaison de la tige ne renseigne pas sur la couleur de la feuille à venir, il reste entre l’attente et la longueur de la part de ce que l’on ignore, l’énigme de la réalité. Dans laquelle en méli-mélo, nos envies et besoins, bien au chaud, montent constamment la garde, prêts pour toute éventualité qui leur ouvrirait un passage. Sur l’assise du vide le pont s’appuie de toutes ses jambes. Le vent porte d’Est bien plus loin que le coin de la rue du couché au moment où le feu passe du rouge à l’avance du vers la sortie du stationnement. Les deux trottoirs de nos rues n’ont pas la même exposition ce qui laisse à la chaussée le choix de la m’aime direction
Au bord de la fenêtre du toit tournent les moulins en celluloïd des grands pavois que le nombre de tours n’influence pas. Il y a du grain ente les pierres des balises comme on trouve heureusement de l’air sous le kiosque scaphandrier du grand bassin de la chanson des sources
Ne me demande pas as-tu mal de l’attendre puisqu’elle est là la présence, même si – parmi les prises en souhaits – ce soit pas celle qui était entrée en programmation.
Les eaux mortes laissent au bateau la vision libre du large, au repos des vagues des bulles prouvent la présence des poumons du sable, la plage suce le ciel sans nuages confiserie d’iode piquée sur un mât. A chacun ses pâques, les miennes ont eu plus que leurs oeufs. Surtout qu’aux sucreries je préfère le sel sans hésitations.
La cabane attendait une soeur qui a changé d’avis sur sa route, en m’aime tant que c’est un fils qui a fait « Coucou j’suis à Royan, peut-on passer te faire un bisou ? » qui est venu… A la surprise, totale, mais pas dans l’inattendu, dans le tant perdu rattrapé
Te savoir à mon souffle lié
mon Patou
me tient bien plus en l’haleine qui préserve du froid de la séparation
que dans la chaleur artificielle d’une présence simulée
ton coeur ventricule le mien de vibrations sanguines au pouls régulier
Les maisons blanches se serrent mieux aux cordes des guitares
qui vont faufiler par les venelles des cheminées
cette odeur particulière que la terre chaude exhale après l’ondée
au seuil des encres du lit des fontaines
Ô Cécile
t’es comme la chanson de Toulouse, devenue ma fille
cerise sur le gâteau tu y as mis Louison
Alors la vie de merde peut tartiner ses jours, y a que les cons qui demeurent sans comprendre le sens intrinsèque du sentiment, les Autres qui s’aiment ils surmonteront comme Pi, l’épreuve, de l’odyssée de la souffrance.
Niala-Loisobleu – 16 Avril 2017
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi
questa morte che ci accompagna
dal mattino alla sera, insonne,
sorda, come un vecchio rimorso
o un vizio assurdo. I tuoi occhi
saranno una vana parola,
un grido taciuto, un silenzio.
Cosi li vedi ogni mattina
quando su te sola ti pieghi
nello specchio. O cara speranza,
quel giorno sapremo anche noi
che sei la vita e sei il nulla.
Per tutti la morte ha uno sguardo
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.
Scenderemo nel gorgo muti.
La mort viendra et elle aura tes yeux –
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Ainsi les vois-tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. O chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.
La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre muets.
Cesare Pavese naît le 9 septembre 1908 à Santo Stefano Belbo, dans la région la plus sauvage du Piémont, les vastes collines des Langhe.
A six ans, Pavese devient orphelin de père. Il est élevé par une mère seule, autoritaire et puritaine. On peut ainsi comprendre l’origine de la blessure irréparable, due à cette absence d’un modèle viril et l’influence exclusive de la femme, qui marqua la vie de Cesare Pavese.
Il fit toutes ses études à Turin. Ses premières œuvres furent une thèse sur Walt Whitman (en 1930) et une traduction, tout de suite considérée comme exceptionnelle, de Moby Dick (1932), le livre de Melville. Pavese n’était pas inscrit au parti fasciste et n’aimait pas l’enseignement. Il enseigna de façon très irrégulière l’italien, le latin, la philosophie, et obtint, en 1936, le titre de professeur d’anglais. Sa passion était la traduction, ce qui lui permit d’accumuler une expérience critique qui se manifeste dès 1930 par sa collaboration à la revue « la Cultura » (ses articles ont été réunis, après sa mort, en 1951, sous le titre : « La littérature américaine et autres essais »).
En 1936 , Pavese publie chez Solaria son premier recueil de poèmes : Lavorare stanca (Travailler fatigue), de la poésie narrative qui passa inaperçue alors que Pavese fut arrêté et envoyé à Bancaleone, en Calabre, en résidence forcée. Ce n’est qu’en 1943, à la suite d’une réédition, que la critique pris pleine mesure de la valeur du recueil, réaction à l’hermétisme qui donnait à cette époque la poésie italienne.
La crise psychologique et artistique de Pavese, qui le poussa au concret et au spontané, date de son séjour forcé en Calabre. Cette période fut pour lui une époque de méditations sur son métier et le début de la rédaction de son Journal.
A peine de retour à Turin, il fonda avec Leone Ginzburg les éditions Einaudi qu’il allait diriger. Au début des années 1940, Pavese écrivit de nombreuses nouvelles, « simple recherche de style » (La spiaggia), ou mélange de narration et de méditation sur des thèmes de la mystique de l’enfance (Feria d’agosto).
Lors des vingt mois de guerre qui suivirent l’armistice du 8 septembre 1943, Cesare Pavese se retire à Serralunga di Cera, en Lombardie, où il se livra à des méditations solitaires.
Après la libération, Pavese vécut à Rome, puis à Milan, et revint à Turin mais sans jamais cesser de travailler pour la maison Einaudi. Tout en poursuivant son travail d’éditeur, il reprit ses études littéraires sur des thèmes longtemps médités : la campagne, dans son état primitif et sauvage, la banlieue, le Piémont des collines, le monde des paysans et des ouvriers, celui des bourgeois et des mondains où il se mouvait avec moins de sûreté, la tristesse des vies ratées, des espoirs déçus, et la cruauté de la mort. De 1945 à 1950, le travail créateur de l’auteur ne connait aucun répit avec : La Terre et la Mort ; Viendra la mort et elle aura tes yeux ; Dialogues avec Leuco’ ; Le Camarade ; Avant que le coq chante qui comprend La Maison sur la colline, La prison, Le bel été, Le diable sur les collines et Entre femmes seules, roman dans lequel vit le plus réel de ses personnages féminins, Clélia.
A l’automne de 1949, Pavese écrivit en deux mois La Lune et les Feux, souvenir de l’enfance et du monde, son chef-d’œuvre. Pavese est alors certain d’avoir clos son œuvre, d’avoir écrit une « saga complète », d’avoir mis fin au cycle historique de son temps. Et son Journal, publié en 1952 sous le titre : Le Métier de vivre, qui montre bien que Pavese était obsédé par le suicide depuis l’âge de 15 ans, porte à la date du 18 août 1950, cette ultime phrase : « Plus un mot. Un geste. Je n’écrirai plus. »
L’écrivain des collines piémontaises se donne la mort, le 26 août 1950 au soir, en absorbant un barbiturique. Pavese, l’écrivain torturé et auto-torturé, névrosé et angoissé surtout devant les femmes, clos ainsi son aventure intérieure déchirée entre la révolte impossible et la fascination de l’échec, entre la poursuite désespérée de l’amour et l’exaltation désabusée de la mort.
Bibliographie
Nous avions jeté l’encre
d’un pont entre deux-rives
qui use pas les
Je Nous
en traverse de boue
des lettres des lises
Antre le sort et l’hareng
ce bleu qui du blanc vacille au noir
résultat non venu
d’une analyse de sans
met deux seins en front tiers
en tirant à bout portant des gueuses
l’embu l’anse en crique…
Niala-Loisobleu – 22 Septembre 2016
Fort courant
ascensionnelle
plongée dans le feu
Le cheval d’art son
entre les cuisses
Elle mêle ses eaux intimes
à la semence du cheval marin
où sentant venir la tempête d’une autre rive
elle s’est mise à l’encre
La flamme de leurs mots
crépite de bois vert
de leurs deux mains
Trois petits poissons les regardent
chacun faisant de son Signe
un s’aima fort Bleu
menant au lointain
Niala-Loisobleu – 11 Septembre 2016
L’heure était à me glacer, dans ses sueurs froides, retenu sans défense aux draps froissés. Par le rayon du phare lunaire, les formes en s’agitant du dos sur le ventre, donnaient à la campagne un visage de remous du passé. Ces ombres, en même temps qu’elles me remettaient leurs images d’angoisse dans l’âge du présent,me faisaient entendre les hurlements de leurs instruments de torture. La nuit on perd plus facilement la victoire contre les assauts de ses mauvais souvenirs.
Quand le grincement des roues fige ses rayons dans l’ornière, tout semble s’enliser
le coeur saigne à ne rien trouver
seules les spectres de l’idée qui s’impose
occupent tout le terrain de la pensée
En même temps que le sentiment fort crie au menteur
le loup carnassier mord dans le charnu de la confiance
Quel jour était-il donc du malheur, qu’hier se conjuguait au présent, arborant sa fenêtre aux accents d’une musique militaire en état de guère ? Où suis-je, de quel cauchemar il me faut espérer pouvoir sortir me psalmodiaient ces années noires?
L’Amour tombé des nues
Un samedi du moyen âge
Une sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balai
Tomba par terre
Du haut des nuages
Ho ho ho madame la sorcière
Vous voilà tombée par terre
Ho ho ho sur votre derrière
Et les quatre fers en l’air
Vous tombez des nues
Toute nue
Par êtes vous venue
Sur le trottoir de l’avenue
Vous tombez des nues
Sorcière saugrenue
Vous tombez des nues
Vous tombez des nues
Sur la partie la plus charnue
De votre individu
Vous tombez des nues
On voulait la livrer aux flammes
Cette sorcière qui volait
Vers le sabbat sur son balais
Pour l’ascension
Quel beau programme
Ho ho ho voilà qu’la sorcière
A fait un grand rond par terre
Ho ho ho quel coup de tonnerre
Il tomba d’l’eau à flots
Et l’eau tombe des nues
Toute nue
Éteint les flammes tenues
Et rafraîchi la détenue
L’eau tombe des nues
Averse bienvenue
L’eau tombe des nues
L’eau tombe des nues
Et la sorcière se lave nue
Oui mais dans l’avenue
L’eau tombe des nues
Qu’elle était belle la sorcière
Les présidents du châtelet
Les gendarmes et leurs valets
La regardaient
Dans la lumière
… et un éclair qui brille
Et c’est vos yeux qui scintillent
… et votre cœur pétille
Nous sommes sourds d’amour
Et nous tombons des nues
Elle est nue
Oui mais notre âme est chenue
Nous avons de la retenue
Nous tombons des nues
Sorcière saugrenue
Nous tombons des nues
Nous tombons des nues
Qu’on relaxe la prévenue
Elle nous exténue
Nous tombons des nues
Et je…
Mais tombe des nues
Tu tombes des nues
Le monde entier tombe des nues
L’amour tombe des nues
Et vive les femmes nues !
Robert DESNOS (Recueil : « Les Voix intérieures »)
Voilà un Autre Jour entrant par mon oeil droit, il se promet de l’ordre dans le flou. Posant les pieds hors de la tranchée du front où s’était déroulé mon combat intérieur, je vois chauffer l’ô hors de la boue noire.
Entre la mie du peint et les fruits encore pendus à ta poitrine, je sentis en premier la vue du bleu avant que me parvienne concrètement l’odeur des autres couleurs qui font l’harmonie.
Que s’est-il donc passé ?
Simplement la vie avec son amour à côté du coeur.
De ce retour d’exil du chemin tracé, le soleil en se levant mains tenant, ne veut pas retenir la blessure pour seule enseigne.
Niala- Loisobleu – 4 Septembre 2016
Où les poings qui se desserrent
confient aux ongles la plaie profonde de pleurer tout le sang qui reste
C’est long un désert de 47 ans à traverser
J’ai cherché mes trois fils dans un couloir éteint
A l’autre bout
le dernier enfant d’un de mes enfants dit à ses parents:
Pour mes 18 ans
le seul cadeau que je demande c’est mon arrière-grand-père présent…
Les jours d’Août en devenant Septembre me coupent les jambes, hier soir j’a lâché la rambarde. C’est suffocant 47 étages à descendre en chute libre.Tout défile supersonique et impossibilité de courir comme dans le ralenti du cauchemar de quand j’étais tout môme…Je tourne et roule, m’affale, lâche tout en vomi, en me tirant la tripe d’un cri du fond de la gorge dans l’affaissement des épaules repoussant orgueil, vanité, colère, douleurs, injustice et tout le toutim d’une rancune qui n’a jamais été et qu’il faut absolument empêcher de montrer sa sale gueule. Taisez-vous les diseurs de conscience, allez vendre votre méchanceté ailleurs. L’amour c’est comme un gène qui prend son tant qu’il veut pour ressortir des profondeurs.
Ma voix cherche un morceau d’épave où se raccrocher, combien de temps je me suis avalé la tasse de mes larmes, que j’en suffoquais à rien pouvoir ni dire ni écrire.
Juste une histoire d’amour qui gonfle ses lettres à la loupe, cette foi est là qui zoom, vas-y mon Alain pleure sans le cacher.Arrache de ton dos le mal de ton oeil et la rage de dents. Aime, aime, aime et peins-le bleu, laisse Goya à Fuentès étaler sa misère au Prado, reviens, l’Amour t’attends plus Bleu que Bleu comme jamais. !
Niala-Loisobleu – 3 Septembre 2016
Nous l’appellerons Noé-tiré-des-Os Deux ans comme des décennies après qu’ont-ils eu d’être, tout court, mes étés ? Eléphantesque gestation canicule et déluge confondus en fin qui accouche Au terme de longs, longs, longs jour d’attente L’olivier peut vivre des milliers d’années en marquant sa douleur dans les torsions de son ventre qui vont […]
Entre braise et fumée reste l’ocre clair de la pierre à feu
mon vélo ne s’est jamais senti de changer de braquet
plutôt que de tomber
j’ai monté à pieds le long du minéral couloir de sève
et du murmure lointain de ta gorge
me suis réhydraté à ta langue
Le barrage qu’un cas tort avait tenté dans les méandres
n’avait pu résister au fil de nôtre amour
L’écluse qui a son chemin de peupliers
a d’abord su qu’il fallait apprendre à nager au canal
avant de construire les premières marches des échelles à poissons
contre toute logique les petits rhésus essaiment les images de communion perdues d’avance
priez pour rien
fête pour tous
Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n’existent pas
ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leur corps.
Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi
pèse sur le plateau vide de la balance.
Roberto Juarroz
Au matin d’un rêve poursuivi
la corde à linge n’a pas pris la robe blanche au collet
elle flotte bien au devant de l’haveneau qui ratisse la première vague
le plancton de service les deux bras tendus à Jonas
ne baleine pas la poitrine de l’air libre
laissant chaque pli de l’accordéon danser au bout de chaque téton durci
L’enfant-Lumière de la hune de son grand arbre sent venir l’amour
sans livre de bord
sans notice de montage
hors d’emploi du temps
en toute absence de tant de cuisson
Sa force vient du vide
mémoire du silence
où les marteaux forgent la roue primordiale du Centre du Cercle
Aujourd’hui je n’ai rien fait
mais tu m’es apparue de tant de bras noués
qu’à mes racines des bourgeons sont sortis
Niala-Loisobleu – 26 Août 2016
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