
L’AVEU DANS L’OBSCURITE PAR PHILIPPE JACCOTTET
Les mouvements et les travaux du jour cachent le
jour.
Que cette nuit s’approche et dévoile donc nos visages.
Une porte a peut-être été poussée en ces parages, une étendue offerte en silence à notre séjour.
Parle, amour, maintenant.
Parle, qui n’avais plus
parlé depuis des ans d’inattention ou d’insolence.
Emprunte à la légère obscurité sa patience et dis ceci, telle une haleine dans les peupliers :
«
Une douceur ardente en ce lieu me fut accordée, nul ne m’en disjoindra qu’il ne m’arrache aussi la
main, je n’ai pas d’autre guide qui me guide en ce chemin, sa fraîcheur et ses feux brillent tour à tour sur les
haies… »
Mais que reste caché ce qui fait notre compagnie, amour : c’est le plus sombre de la nuit qui est clarté, innommable est la source de nos gestes entêtés, au plus bas de la
terre est le vol ombreux de nos vies.
Dis encor, seulement : «
Cire brûlant sous d’autres
cires, conduis-moi, je te prie, vers cette vitre à l’horizon, pousse avec moi cette légère et coupante cloison, vois comme nous passons sans peiner dans l’obscur
empire… »
Puis rends grâce brûlante à la voisine de la nuit.
Philippe Jaccottet
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