LES LEVRES BLEUES (Jacques Bertin)


Anja_Princesse

LES LEVRES BLEUES (Jacques Bertin)

Tes lèvres bleues, j’ai dit, comme un lagon tes lèvres peintes
Ouvrant ciel sur une prairie de nacre veinée de ruisseaux
Tes seins, j’ai dit, j’ai voulu peints méticuleusement, ô sainte
Couleur pierre et lune et marquée ton épaule avec becs d’oiseaux

Un pendentif descendant, lourd, par un fil de ton ventre
Comme à la façade du temple aussi l’homme qu’on égorgea
Rappelle-toi, et dont le sang faisait tapis sur l’aube errante
Tu le buvais, un adolescent sans visage t’observa

Des voix, milliers de voix te liaient, te lisaient malfaisante et fière
Tu retrouvais des mots sacrés perdus, germés, la nuit tournait
Sur son socle jusqu’à ce que ton prix fixé. Moi, j’en tremblais
De fièvre dans la porte sombre, à minuit sonne la lumière

Un motif aux chevaux cabrés laqué sur l’intérieur des jambes
Débridées, les cuisses je veux cueillies comme chacune un pleur
Et tu piétines, mors aux dents, ahanant, la langue violente
La danse où la haine lance. Je veux des perles de sueur

Tes poignets sont tenus à tes reins, ce château
C’est celui que l’on détruisit, la hache dans la hanche
Et ton regard dernier dans le marbre comme un couteau
Se brisa et la lame est une aile dans la campagne blanche

J’ai rampé dans les nefs sombrées, la forêt d’écume où deux fauves
Col mouillé contre col, poussèrent la tapisserie ouvrant
La caverne des pluies infiniment où l’or est veuf. Le temps
S’arrête en entendant ton rire qui est neuf, et d’un enfant

Je t’aime ainsi qu’un pauvre revenant des guerres saintes
La tête nue et quémandant aux fermes un peu de pain
Et chaque ferme est un trésor, c’est vrai, posé dans une main
Je t’aime ainsi. Me restent, au-dessus des fermes dorées, tes lèvres peintes

Tes lèvres bleues comme un lagon, j’ai dit, tes lèvres peintes

Jacques Bertin

Illustration: Anja, la princesse aux lèvres bleues – Huille s/toile 55×46 – Nicole Salpetrier

https://getpocket.com/a/read/2410722113

LIBRE A CORDE


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LIBRE A CORDE

Pesanteur défaite

détachée d’entraves

ô comme tu sautes

gracieuse

volubile taiseuse

à jambes que veux-tu

olé toro

renifle l’été

et capture les crans de l’onde

au lasso !

N-L – 21/06/18

 

 

SEXOPHONE


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SEXOPHONE

 

En râles tuyau à musique sur lequel les doigts vont et viennent

Tu montes et tu descends

Ondulant de la hanche

Lascive et rauque

Qui roule, presse et pice le bouton magique

Musique qui vit le jour en Afrique

J’ai les oreilles dans les cris

De ton ventre qui se tord

Sous mes deux mains

Le long des secousses courbes

Lançant ses ors en éclairs

Sexophone tu me rends fou

Les feulements jazz

De notre étreinte te font

Sexe saxophone

Vaginal instrument

Qui pleure par la corolle

Que je mord

A ras bord

De tribord à bâbord

Jusqu’au port de Don Byas

Où expire en chorus exalté

Le chant qui fleurit le soir monotone

D’une musique sauvage couronnant

Une ardente féminité.

 

Niala-Loisobleu- 10 Mars 2018

Illustration: Etude – Niala

HYMNE A LA DÉESSE


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HYMNE A LA DÉESSE

A présent seulement, ô Très-Grande!

A présent désespérément oui je vois

Ta distance absolue ta Beauté

A travers celle faussement proche des femmes

Qui est leur manière de se rendre infinies

D’être chacune ta projection singulière

En tes innombrables inconciliables aspects

Comme autant d’images en miroir en vertige

Différentes moins que Toi-même de Toi.

Impossible de déchiffrer ces images.

Les femmes s’en font de nouvelles sans fin

En jouant des cils.

Qu’en chacune Tu en sois aussi la contraire

Est leur profondeur.

Tu es en toute femme ce qui

D’elle-même d’autant plus lui échappe

Qu’elle scrute ses traits de plus près

Pour Py saisir Toi.

Ton éternité qui leur manque est en elles

Ce que l’homme y voit.

Une jeunesse, une genèse qui s’ouvre

Un regard sans fin.

Un masque de soleil dont les trous

Dardent le vent des gouffres

Et cet aigle sans paupière qui plane Sur l’arcane du front.

Les femmes se fardent les prunelles de foudre

Mieux que la Raison.

Nues comme elle, leur nudité a pour voile

Le velours de leur peau.

Qui a jamais perçu la tendresse

De la Raison?

Indistinct de la caresse, intouchable

Son éclat m’électrise les doigts

M’éblouit du poli de l’idole

Que de très longs cils me renvoient.

Science inexhaustible, intarissable nescience

Féminité qui avant les temps

Es l’éternelle latence des mondes

De cercle en cercle T’élargissant n’aspirant

Qu’à leur ouvrir immensément ton Néant !

Vierge féconde

Mère de tout ce qui est et sera

Mère de ce qui jamais ne sera

Qui toujours enfantes et demeures bréhaigne,

Ascétique plus que le sel tanné du désert

Lascive plus que les palmeraies

Forme parfaite que ta plénitude défait

En myriades de formes sans cesse

Changeantes plus que l’iris de mes yeux

Qui Te fixent Toi l’immuable

En flux perpétuel,

Veuille sur moi ton fidèle

Que déferlent lentement tes lointains,

Que ruissellent de la tête des Tes cheveux sur mon front Comme sur un galet. O Très-Grande ! donne-moi à jamais Chaque fois que m’aura submergé Cette lame géante leur
âme Indivise comme la mer ou la nuit D’y voir les yeux clos tout au fond Le croissant de lune

Tu es la porte indistincte du mur Jour après jour de toutes mes forces J’y bute du front dans l’espoir Que résonne le vide derrière Pour être enfin sûr que Tu es La
porte et pas seulement Le mur aussi long que ma vie Parallèle au mur

Tu es la porte close du Non

Toutes celles du Oui sont ouvertes

Inutilement puisque tout

Est de part et d’autre le même

Que le seuil ne peut être franchi

Puisqu’il n’existe pas

Tu es la seule qui aies deux côtés

Porte condamnée

Par les portes béantes du Oui

Les gens vont et viennent sans cesse

Sans bouger d’ici

Je suis le seul dont les pas se piétinent

De partout en tout point

Toujours face à Toi où qu’il soit

C’est moi le seuil et ta porte du Nom

Comme Tu es la mienne

Deux portes closes se dressant sans chambranle

Dans le gris infini

Entre elles immense et nulle grandit

Leur distance la cendre

Aucune ne s’ouvrira que la lune

D’elle d’eux ne filtre à la fois

Alors à leur travers se verra

Comme nous fûmes proches

Alors notre double et même ombre Unira l’effigie De l’est à l’ouest

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Mère après tant de nuits blanchies à lutter contre l’insomnie A forcer ce néant sans tain et sans revers ma conscience A tenter d’éteindre ces nerfs dédaléens
électrisés Par ma hâte de tous côtés pour les calmer courant la mèche Après tant de sommations enjointes et reçues par moi De ne plus faire obstacle en
moi à mon ordre de passer outre Inquisiteur insomniaque enfin ma question me rompt Je m’arrache au suprême aveu qui m’éveille comme d’un rêve De cette vie dont rien de moi
ne me rappelle qu’elle est moi

Me voici donc le corps vacant au bord du lit réglementaire Sans me lever je puis toucher les quatre murs et le plafond De ma mémoire où mort vivant je ne sais plus loger ensemble
Mes instants qui ne furent pas et se disjoignent avant moi Ma vie usée est mon linceul dont le gris est tout ce qui reste De la cendre de tant de jours que personne n’aura vécus
Mère c’est les deux pieds devant que pour naître je me présente Ayant passé ma longue mort à vouloir Te distendre en vain Même de Toi je n’attends rien et m’en
remets à ma béance

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Pour atteindre à Toi, passer outre ! Pour m’unir à Toi, lutte à mort corps à corps!

Assez, ô guerrière, de tes lisses blandices! des pudeurs piégées, des

traîtrises de proie! C’est l’homme, dis-Tu, qui Te rêve semblable. Mais Toi, la Tout

Autre, Tu Te fais ce qu’il veut. L’homme Te veut vierge pour Te violer, et mère pour que Tu le

conçoives deux fois. Et Toi, conquérante, Tu Te fais sa conquête. Et Toi, abyssale, Tu es

ronde et emplie. C’est ainsi que ton être alternant vierge et mère est réduit à mimer

leur double image pour lui. C’est ainsi que le juge T’a couchée dans ses codes, dans les siens le

prêtre, dans son lit ton mari. C’est ainsi que Toi-même Tu T’imprimes en tes filles, que tes fils

T’aimeront dans leur femme à leur tour. Moi je hais cette image car elle est la muraille que je longe en aveugle la tâtant des deux mains. Mur sempiternel dont je sais que
Toi-même du côté opposé Tu le

tâtes en vain. Nos doigts en s’ignorant mais presque à se toucher effleurent dans

le vide notre cécité Qui tout en nous soudant l’un l’autre sans visage aux bords de son

désert nous maintient séparés. Ce désert cependant soit l’osmose effaçant tout ce qui nous limite et

qui nous définit

Soit le vent aux yeux creux de notre nuit commune englobant toute borne et crevant l’infini.

Je me trace vers Toi sans guide que l’absence partout et nulle part

emmêlant ses chemins Une route en moi-même à travers les entrailles de ce rêve où sans

forme Tu brasses les destins. Y perdant toute idée de mon être à mesure que je vais plus au fond

de mon être sans moi De mes ombres sans mains j’édifie mon abîme cité ou bien statue

pélagienne de Toi. Ville aux temples touffus dont les marches s’engluent jusqu’à cet

ombilic où tout naît et finit Autel creux où survit ce rite du sépulcre que l’âme immémoriale en

sa nuit accomplit. Pour en finir de se succéder éternelle qu’elle ait comme en deçà le

ventre du chaos Qu’elle entre sans frémir dans la ville abyssale où ne subsiste rien

ni du bas ni du haut. Dans la ville inversant sous terre ses étoiles une foule giclant de mes

plaies se répand Comme le sang jaillit du taureau qu’on égorge sur moi qui sous

l’autel suis ce taureau mourant.

La cité écartant écarlate les cuisses est la fille fardée au néon étagée

Tel un mal aux couleurs monstrueuses en grappes entonne sa cuvée aux couloirs des meublés.

L’odeur de mâle sort par bouffées des boutiques peintes en rose obscène et dont le seuil offert

Est un rideau fendu comme de grandes lèvres sur les dévotions de chapelains d’enfer.

Leur hantise de Toi est l’anneau labyrinthe encerclant l’origine avant l’aube des temps.

Tu n’es que l’oeil dément qu’entoure la spirale du délire lové qui sommeille, serpent.

Dérouler son horreur c’est dégager la source non point de tes menstrues mais d’un sang baptismal

Où naissant l’un de l’autre immolés l’un à l’autre nous ne formons qu’un seul sacrifice final.

Quelle compassion pour ces hommes que mène un désir croirait-on si tristement banal

Et qui pourtant leur vient de la mère sans borne où spores ils flottaient dans l’amour prénatal !

Peu parviendront hélas à traverser sans ombre ce lieu d’ombre obsédant à la plupart fatal

Dédale dont tout point est le centre et digère le vertige annelé sur son œil abyssal

Sur l’affreux leurre informe aux formes innombrables qui les livre aux abois de l’antre primordial.

Noire noire Tu es et mille fois mortelle tant que l’homme s’acharne à Te multiplier

Noire et mortelle tant que fut-ce en une seule en dehors de lui seul il vit de Te chercher.

Le voyage infernal la descente nuptiale ô Très-Grande consens que je les fasse en moi

Qu’en toute autre que Toi renonçant à Toi-même en moi je touche à Toi comme à mon au-delà.

Au-delà tout au fond que je touche à mon centre où la source jaillit d’un cœur dont je ne sais

Qu’à l’instant d’y capter l’aube de ma naissance qu’il fut le mien du temps où sans lui je n’étais.

5

La Mort est de toujours la mère aux yeux d’argile Tournés vers le dedans de l’extrême lointain Son regard me poursuit par les rues de la ville Où tant d’autres pour moi
s’allument mais en vain

Me poursuit et me guide au cœur du labyrinthe Dont le centre et l’issue coïncident en moi Ce moi-même absolu dont mon âme est enceinte Cest quand je la rendrai qu’elle
l’enfantera

J’avance entre deux rangs de femmes qui se figent Aussitôt que mon ombre arrive à leur hauteur Saisie dans toutes les postures du vertige C’est la même vivant chaque instant des
douleurs

Se relayant dans ton effort pour que je naisse Aucune jusqu’ici ne m’a donné le jour Aucune cependant qui ne soit ô Déesse Un reflet différent de ton unique amour

Celle qui me prendra la main dans le passage C’est elle par-delà les mers qui me conçut Pour retourner en elle à ce premier rivage Dois-je redevenir le germe que je fus

N’ai-je cherché à travers toutes que le ventre Dont bien avant qu’elles ne fussent j’étais né Hanté de ce besoin d’engendrer où que j’entre L’enfant-moi qui mourut
sitôt abandonné

Mère, pitié! délivre-moi de tes figures Accepte que je sois ton aveugle miroir Laisse-moi me semer néant dans ta nature Pour que tu veuilles de ce rien me concevoir

L’homme qui contemple Le plaisir de la femme Sous lui

Est comme une barque Ancrée au port Quand le temps grossit Aspiré arraché Labouré par l’écume Embarquant à se rompre Les coups de mer Mais sûr de son ancre
Tout au fond

Tellement qu’il l’oublie Jusqu’à ne plus être Que Cela

Ce Jeu dont la règle Se passe de lui Cet abîme à l’assaut De soi-même à la crête Où ses cris de mouette . Becquettent l’infini

Pourtant dans l’œil à pic II règne une paix glauque Elle fixe l’homme

Depuis le Fond Parfois à cet instant L’homme T’invoque Mais c’est en vain Le Fond est au-delà Même de Toi De Toi l’Être sans fond A perte d’être

Le vert la transparence Adviennent sans que rien Eût-ce été homme ou femme En soit distinct Tant qu’il y a quelqu’un là Ce n’est personne

7

Mourir et naître étant l’avers et le revers d’un Acte unique Ce monde-ci est-il l’avers ou bien quelque autre nul ne sait Étant mort à ce côté-ci vit-on en
même temps de l’autre Ou bien l’autre ne serait-il que le dedans de cet ici L’un et l’autre ne forment-ils qu’un seul et même paysage Que grand soleil et noire nuit tous deux
emplissent sans partage Pour qui vaque les yeux ouverts comme obturés de leur éclat Pour qui voit tout sans le savoir par le regard sans fond de l’Être Lequel rend neuve toute
chose en faisant d’elle ce qu’elle est

Tu n’es Toi-même rien de plus que cette simple transparence Ni rien de moins que l’absolu de part et d’autre qui S’y voit Lorsque le cerisier en fleur trace des signes dans la brise
L’âme derrière la croisée est cette brise qui écrit Bien qu’en deux mondes séparés l’âme et l’arbre se correspondent Entre eux la vitre qu’est la Mort
n’existe pas pour le regard O Vacuité que l’âme un jour en ta membrane sans limite Soit pure osmose et n’ait désir d’entrer en Toi ni d’en sortir Pure Présence n’ayant lieu
ni de naître ni de mourir

Que le sage en chemin vers Toi gravisse abrupte la montagne Ou qu’il T’oublie en s’oubliant dans ce qu’il fait au jour le jour Rien ne compte de ses journées que la poussière à
ses semelles Il est cette poussière usée que soulève le vent vers Toi Qui fus pour lui voilà longtemps ce sourire de la mémoire Poignant le cœur lorsque les traits
de l’amante se sont brouillés

Toi qui en lui es maintenant l’arrière-bleu du ciel qui s’ouvre Par tous les temps bien qu’il l’ignore au chœur des mondes agités Auquel son sein d’un rythme égal s’accorde
avec humilité

8

Toute-lointaine ! sanctifie du don des larmes Ceux que la grâce du visage féminin Emplit de telle nostalgie que le trop-plein En est l’abîme désirant qui les sépare De
la Beauté passant en elle tout désir Nostalgie par les yeux dans les leurs d’une femme Dont ceux qu’elle éblouit perdent incontinent Leur âme dans l’excès de ce
ravissement Mais dont ceux qu’elle point savent que c’est leur âme Qui d’aussi loin que Toi leur intime un Amour Tel un gouffre à l’emporte-cœur trouant les jours.

Cet Amour à l’étroit dans le vide des sphères

La face humaine est l’infini qui lui convient

En miroir double des principes qu’il conjoint

L’homme s’y éprenant de son ombre lunaire

La femme y pressentant sous ses traits le rocher

Chacun devine là qu’il est l’autre en abîme

Et que l’autre est le gouffre en lui de l’unité

Le gouffre et tout au fond la source enfin captée

L’inaccessible devenant la tout intime

Où les regards ne font qu’une âme aux yeux fermés

Dans l’extase du don des larmes partagées.

Quand le désir n’est plus de rien que de ces larmes La face de la terre en est renouvelée

Tout semble contempler son essence voilée

Les yeux s’illuminant de pleurs voient l’innombrable

Dans l’Un comme scintille au soleil leur rosée

Sagesse! rien n’est plus qui ne soit tout l’ensemble

Tout et l’Autre du Tout le rose du couchant

Sur l’abrupt et la rose assoupie d’un sourire

Sur le visage clos de l’homme méditant

Et ce regard qui pèse aussi peu sur les choses

Que la caresse de la paume d’un enfant.

9

Méditer sur cette chose neuve que nulle main n’a façonnée. Contempler, intacte, l’Idée qui prit chair au sein d’une femme Puis naquit pour que cette chair devienne
Idée. La voici : parfaite est sa forme. Et son souffle si doucement régulier Que même une aigrette de dent-de-lion ne bougerait sous sa narine. Tel aussi est le rythme du
cœur. Méditer sur cette haleine, ce rythme. Que s’y accordent le cœur,

les poumons. Que les yeux se ferment sans battre des cils pour imiter ce lisse visage Souriant à l’inconnaissable Dedans.

Méditer, contempler la distance. Vitre d’éther, transparence scellée. Méditer, dans l’aube gélive, la respiration sans buée De la pure beauté qui s’ignore.
Qui ne se fait nulle image de soi, ni en miroir, ni. dans les

yeux d’autrui. Qui, simplement, est. Et son âme comme la lune bleue sans pensée Immobile, invisiblement se déplace.

La virginité, qu’est-ce là pour un homme? Ce vocable femelle, cette peau à crever.

Fille sans hymen serait fille sans preuve, comme l’est aussi de lui-même l’époux

Que n’atteste le descellement de la source.

Vierge doit s’entendre : rompre, passer outre. Ce dont l’homme s’assure par le viol nuptial

Est qu’il soit à jamais le Premier à forcer cette entrée d’un secret qui en soi ne subsiste

Que le temps qu’il faut pour le violer.

La virginité de la fille déclose est à l’homme pennon de virilité. S’il ne peut lever telle marque de gloire, il répudiera à la face des siens La femme dans la
honte de l’aube.

Sa virilité, qu’est-ce là pour un homme? Ce dont le symbole est le

sang de l’hymen. Sa réponse au défi primordial par lequel l’origine scellée dont le Rien

est le sceau Somme d’être pour qu’elle soit l’orgueil mâle. Cet orgueil qui se rue de plus loin que la Vie est semblable à l’ivresse

s’emparant d’une armée Au moment qu’elle éventre les grandes portes du temple plein

d’enfants et de femmes faits pour être égorgés Au cœur de la Cité haute interdite. Car l’autel et la vierge sont voués de toujours à ce sacrilège que
leur

mystère suscite Et dont les fureurs faussement aveugles sont le culte vrai que

l’homme lui rend Ne pouvant que le transgresser pour l’atteindre.

Méditer, méditer sur l’absence de vitre. Sur le fait que de vitre il n’y

a point là. Et pourtant l’esprit qui ne voit que lumière croit que c’est une vitre

entre lui et sa vue Qu’en lui devant lui rien n’arrête. Tel est bien le visage auquel n’adhère aucun mot. Ni plein, ni vide,

ni clos, ni ouvert. Ni lointain, ni proche, ni secret, ni visible, ni rond, ni sans bords,

ni regard, ni miroir, Bien qu’en chaque mot il ait forme.

Et, là-devant, l’homme. Interdit. En arrêt. Lui qui n’est de sa masse entière que sexe

Tellement pesant à cet instant même que son poids se porte vers sa

corne, taureau Bandé, bloqué par le Rien qui fait face. Qu’ainsi se conçoive la naissance des mondes. Provocation par le

Néant pur

D’une force qui fonce et qui freine aussitôt de sentir son absence

bâiller là sans mesure La piégeant à s’y mesurer.

Contempler sans ciller l’absolu cercle blanc qui obture l’issue et

pourtant est l’issue A l’extrême horizon de ce cône vivant qui sur lui se resserre en des

spasmes de sang Vagues membraneuses, montagnes. Ce côté du disque est le monde peut-être et peut-être le monde n’a

que ce côté

Quand bien même le temps et l’espace sans fin sembleraient d’ici-bas converger en abîme

Par une contraction sans répit.

Or plus l’oeil de l’esprit sur le cercle se fixe, et plus celui-ci lui paraît à la fois

Ou sa propre cornée ou la nuit sans pupille, vide opacité d’un atone au-delà

Ou paroi d’un en deçà qui le mure.

Tel à l’homme aveuglé apparaît le visage qu’une pure absence de traits rend parfait.

Homme à Rien affronté et obscur d’autant plus qu’il ne sait si l’obstacle est en lui ou bien hors

Qui le scelle autant que la vierge.

Car la vierge témoigne de la part virginale qu’est l’âme de cet homme d’elle-même ignorée.

Jamais homme s’est-il avoué qu’il fût vierge tant ce mot fait vergogne fût-il dit en secret

L’ignorance de l’avoir été semble intacte.

Et vierge faite femme qu’apprend-elle en dedans dont jamais aucun

mâle n’a saigné la science N’a vécu la rupture extatique le don qui de haut en bas déchire

ouvre conçoit L’autre monde dont cette femme est la brèche?

Méditer, méditer sur l’essence, ineffable état virginal

Non point tant d’une femme ou d’un homme distincts que de l’Être indivis de Soi-même

Sans besoin d’être le Même ou l’Autre étant l’Un.

Le visage de la jeune fille, c’est l’Un d’autant mieux caché qu’il est vu.

Et lui aussi, ce jeune homme vierge, il a le visage d’une jeune fille :

Innombrable est le seuil unique de l’Un.

Ainsi donc émanant de la face limpide la clarté sans limite ne se porte vers rien

Cest plutôt qu’un regard une lune impalpable un éther antérieur de toujours à ce jour

Que l’appel à y retourner en fit naître.

L’Etre avant la pensée y jouit de son aube que ne verra nul œil prédateur de pensées

De son aube non née cette opale miellée substance en qui est tout et dont rien n’est formé

Dorant de son Néant ces yeux vierges.

Voici l’homme et la femme en regard l’un de l’autre dès l’aube originelle en tous les univers.

Dans l’orbe de l’atome et l’ellipse de l’astre, dans le noir immuable ému de sa buée

Dans l’acier de l’épée flamboyante.

Avant l’homme premier et la première femme il y a de toujours ce chiffre Deux en Un

Il y a ce frisson résonnant à soi-même tel un soleil rasant fait

vibrer l’océan Il y a l’Être qui soudain rêve d’être. Conscience sans bords identique à son Ombre comme la vue peut

l’être à l’éblouissement Comme un homme ébloui d’une femme est pour elle seulement cet

éclat que projette sur lui Sa beauté dont lui-même il s’aveugle.

Ce que la femme voit dans le regard de l’homme c’est qu’elle est le

foyer en lui de sa clarté Ce que la femme voit d’elle au regard de l’homme est ce reflet de

l’Un qui la fait exister Absolue entre l’absolu et cet homme. C’est lorsque leurs regards l’un en l’autre s’effacent que la distance

entre eux s’éveille firmament. Le clivage de l’Un en miroir recommence dans l’hésitation de

l’émerveillement : Que faire? et les années-lumière s’éloignent.

Que faire ? la plus haute amplitude est atteinte. Le regard désormais

va refluer, laisser Un monde à découvert de choses désirables comme autant de jalons

de cet éloignement Mutuel des amants l’un vers l’autre. Jamais ils ne mettront entre eux assez de champ pour l’étroit corps

à corps qui les fend en avant Chacun s’ouvrant à l’autre ensemble et le forçant jusqu’à ne plus

savoir lequel est homme ou femme Soudés en Un ! mais l’univers est leur mêlée. Car partout furieusement l’un contre l’autre se compénètrent les

principes séparés Multipliant amplifiant éternisant jusqu’à l’épuisement de l’Un dans

son Néant Le déchirant duel des créatures.

Méditer, Déesse! méditer l’extinction de tout désir par un plus

haut désir Et du plus haut désir qui est de Rien par le Rien même sans désir Par l’effacement graduel du sourire. Les yeux fermés rendent l’espace virginal à ce
regard qui n’est posé

sur rien Mais trace sur les eaux d’En Haut l’envergure la signature du Vide Aigle immuable dont la pupille est en tout point.

Contempler, vénérer, Déesse! le fond de l’être où l’âme doucement s’éteint

Contre la rive comme un pli de l’eau quand elle oublie même le vide

Laissé par la face effacée.

Révérence, Révérence, Déesse! à la virginité non pour l’idée qu’en ont les hommes

Mais pour l’instant au bord de l’âme où ne font qu’un le regard et le courant

Et tout au fond ce galet bleu jaune, la lune.

Ma maison est plongée dans la nuit Ma raison est plongée dans la nuit Mais au seuil je veille. Fascinante, ô nourrice d’effroi Ta douceur laiteuse menteuse Carnassier ton silence
aux dents blanches Mortelles tes gelées.

Adossé à mon ombre je veille L’oreille à tes lointains. L’oreille tendue vers mon âme Dont le nom n’est plus l’âme Depuis que nul n’y croit. Tu es la frontière
intérieure Entre cette âme et moi.

Tu règnes sur trois royaumes :

Le jour, la nuit, le dedans.

Tu estompes le bleu des montagnes

Tu luis sous les traits lisses des femmes

Comme au fond d’un lac.

L’homme qui dort nu à ta face

Peut en perdre le sens.

Je ne vois de toi que le voile Que te fait ta clarté

Dont la transparence me cache

Son opacité.

Ta procession dans la nuit

Hiératiquement lente

Est révérée des loups.

Les pupilles des loups sont des astres

Qui rouges ne se lèvent jamais

Du bas de l’horizon.

Astres d’un envers de ce monde

Qui est ce monde point par point vu d’en bas

Où ta danse férocement écarlate

Laisse blanc ton œil blanc.

Très blanche de peau et très noire

Vierge à faire trembler

Je respire par-dessus ton épaule

Cette autre qui est toi.

L’odeur fauve touffue, tiède et moite

Qu’un parfum nacré alanguit

Me dilate les pores.

Lune n’exhalant sans haleine Qu’immuable froidure à minuit Sous la bure nocturne tu es Plus lascive qu’une oasis de l’Egypte Qu’épice le vent des palmiers. Dans tes cheveux et ton cou
Des chaleurs s’évaporent

Qui te fixe les yeux en dehors Ce regard est son suaire de pierre Lui-même il est sa borne partout En vue s’interdisant son entrée Avoir du flair le rendrait si honteux Que sa raison
a les narines pincées Une équerre inodore.

Qui te contemple l’oeil clos en dedans

Hume de tout son corps l’invisible.

Le couvert de tes fortes aisselles

A l’odeur de rousse étoilée.

Là-haut quant tu lèves les bras

Elle m’instruit des constellations qui gouvernent

Ton jumeau ton envers.

C’est lui que je veux atteindre !

Les hommes sans flair, les fauteurs de droites

Le nomment enfer.

Ceux dont tu es la taie, les aveugles,

Soleil, pour s’y brûler.

Pour qu’ils sentent par leurs brûlures

Ce qu’ils ne peuvent voir.

Depuis qu’elle sait le nommer

Je sais que j’ai une âme.

Elle est, il est le Feu.

Toi plus en moi que moi-même

Vierge mère du Feu

Mets-le bas au plus bas au plus froid

De la folie calculatrice le monde.

De tous les calculs possibles de l’homme

La somme est le chaos.

Tout savoir en cette cendre s’achève.

Le zéro enfin absolu

Est l’Œuf de l’éternelle Naissance

Où toute chose advient de toujours

Avant qu’aucune ait encore commencé.

Contraire de l’ordre, ô Sagesse!

Feu au plus noir de l’hiver

Quand le cœur est un cristal de ténèbre,

Désir concentré en néant

A ton point de rupture

Sois enfin, propage tout être

En un seul incendie!

Quand l’homme allume la femme

Tel un soleil la mer

Que jusqu’à l’incandescence

Jouisse en eux l’univers.

Que l’égarement soit leur guide

Et les flammes qu’ils propagent la Voie

Les menant à Toi.

 

Pierre Emmanuel

A TRAVERS CHAMPS


A TRAVERS CHAMPS

Qu’est cet horizon dont la branche serait séparée de sa racine ?

Un sein qu’on refuse au baiser

un ventre tondu du frisson de l’approche ?

Oh non le chant des oiseaux ne se tient pas en cage

il harmonise ses couleurs

aux rencontres de plumes aux habits dégrafés dans le vers libre d’un envol spirituel…

 

N-L – 25/02/18

 

En ce tant là


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En ce tant là

Nous ne partions que pour nous rejoindre. A peine avais-tu la nuque à l’angle de la rue, que mes pieds descendaient les marches du métro à Pyramides. Du sable venu de la rue du Bac, en corps collé à la redingote, je levais le nez sur ce vol de ballons que le bec des colombes n’agressait pas, rien que du sans-soucis à la boutonnière. Peut-être, certainement, oui bien sûr, nous aimions-nous d’une incapacité à ne pas être ensemble ? L’aube durait jusqu’au soir et m’aime vice et versa. Les rubans du chapeau que tu ne portais jamais retenaient tes seins fous que pour sauter la rivière. Un ricochet, c’était nous. Quand l’été fut fini, l’automne te fit plus feuille qu’herbe montante. Je parlerai de l’hiver avec la plus extrême réserve.

A quoi r’aile…pourtant le manque d’ô n’a pas à être mis en cause.

Nous n’avons pas retiré nos allées des venues. Elles ont juste été mises en quarantaine par la maladie du quotidien, ces trucs à tousser, la gorge sèche, le poumon éteint. Sur la Charente à part un cygne de temps à autre, les canards se cachent. Crois-tu qu’on leur avait parlé de la mer promise ?

Sur le chantier un bateau à qui manque les jambes, est hissé de toute sa voilure. Je n’en parle plus à personne vu que j’en ai assez de dire que ça n’a rien d’étrange. Tu devrais voir la bouteille à proximité de ton rivage, le sel m’en monte aux yeux.

Les lumières d’un jour qui passe La vie en rose, me trottent dans le coeur.

Niala-Loisobleu – 21 Janvier 2018

 

Femmes sur la Plage – Constellation


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 Femmes sur la Plage – Constellation

Le sable dit au liège : «

Comme le lit de sa plus belle nuit je moule ses formes qui suspendent en leur centre la navette de la mer.
Je la flatte comme un chat, à la démembrer vers tous ses pôles.
Je la tourne vers l’ambre, d’où fusent en tous sens les
Broadways électriques.
Je la prends comme la balle au bond, je l’étends sur un fil. j’évapore jusqu’à la dernière bulle ses lingeries et, de ses membres jetés, je lui fais faire la roue de la
seule ivresse d’être. »
Et le liège dit au sable : «
Je suis la palette de son grain, je creuse le même vertige à la caresse.
Je l’abîme et je la sublime, ainsi les yeux mi-clos jusqu’à l’effigie de la déité immémoriale au long du sillage des pierres levées et je vaux ce que pour son
amant, la première fois qu’elle s’abandonne, elle pèse dans ses bras. »

 André Breton
Illustration Peinture sans titre – Dora Maar
https://www.youtube.com/watch?v=1B2tXs8CX6I
Comme un pirate revenu à Vallières, le jour me débarque en arrière. C’est matin à St-Georges-de-Didonne, avant que je ne fasse le Ras d’Eau à Royan avec le précieux coquillage emporté dans mes bagages. Beaucoup sont depuis morts, mais ceux qui s’en souviennent  n’ont pas quitté la chaleur du sable. Il est un autre jour, Paris s’endort, les boulangers vont pouvoir dormir. Du sable de l’estuaire un piano monte.  Les chemins de vélo sont toujours une surprise. Breton a tout dit: « Je suis la palette de mon grain ». Mon Coeur ta caresse est à marée. D’écume j’ai les yeux qui Boris de tes seins. Un voleur de bicyclette en 2017 a perturbé la voix de la cabane, mais ce n’est pas en dissimulant le phare que l’on éteint la lumière. Les allumettes traversent ma mémoire intacte. Pas besoin de les gratter. Ce que l’on aime se mène à terme. C’est vrai que je suis de ces hommes capables d’enfanter. Mon bonheur est d’être jardinier.
Niala-Loisobleu – 7 Janvier 2018
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Lopin Clopant 2


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Lopin Clopant 2

 

Il est vrai que le ressenti d’hier portait bien son germe. Ce ne sont pas les sceptiques qui pourront en faire annuler l’impression, en dehors de ce qui est télécommandé par un tireur de ficelles, ils sont hermétiques à tout. Les siècles ont suffisamment démontré cette vérité pour sortir du doute. L’Homme est fils de taupe ou de lynx. Le reste est bâtard. Je ne sais pas le nom de l’instrument qui donne tant de possibilité au vent. Sans doute y en a-t-il plusieurs en un seul. La bouche à air est parolière du muet comme de l’écrit. En dehors des cas dont je suis, qui s’accordent à reconnaître la multiplicité des endroits qui parlent dans un corps, personne n’y entrave le premier signe. Chacun d’eux à sa sonorité. Mon oreille plaquée à ton aisselle ne me barbe pas, j’ai tout ce qu’il faut comme poils à barbe. En revanche la conque de ton bas-ventre me laisse accroché comme une encre-flottante s’étant assurée une protection contre la venue de la tempête. Les messages captés-là, l’emportent, me ramènent, me posent au mouillage, me font repartir en cabotage, puis à nouveau droit sur une hauturière destination.Traversé d’éclairs de couleurs fulgurants, venus de poissons aux écailles de néons, tes émetteurs deviennent une fête de rue comme il y en avait au Moyen-Âge avant que l’automobile ait pourri l’air de ses chevaux-vapeurs. Tu sais les grandes trompes des hérauts, enrubannées d’oriflammes, eh ben je les retrouve chatoyant tout comme annonciateurs quand sautant du lit tu lâches les chiens de ta poitrine.. Il y a dans l’amour un spectacle antique qui tient du drame comme des jeux olympiques. Mis en gradins je te jure sans mentir que tu es l’arène à Toi toute seule.

Niala-Loisobleu – 29 Novembre 2017

Vois les feux


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Vois les feux

Les saules mettent la main aux tresses des vanneries pendant que tu noues la laine au métier. J’aperçois des chevaux revenus de croisades. Je me demande s’ils vont vouloir bénir l’abreuvoir avant de laisser les conteurs dire l’odyssée. La palme bat le vent à tour de bras, si une branche point à l’Orient ce sera le signe du désir d’allumer les étoiles. Dans les mots du ciel, les pensées courtoises sont restées vierges dans le harnais. Elles vont pouvoir décadenasser. Ce soir laisse ta fenêtre ouverte, le cracheur de feu que tu tiens en sommeil entre tes cuisses sera rejoint par le faiseur de ripailles. Au milieu de la clairière, la terre est initiée au rite solaire. Le gardien de la forêt ouvrira la danse. Le polythéisme restant au profond des campagnes pourra taper du pied jusqu’à l’aube.

Niala-Loisobleu – 22 Novembre 2017

 

IL Y A TOI


 

Il y a le parfum de la terre juste après le coucher de soleil, le grincement du volet le soir quand on le ferme. Il y a l’odeur des vieux livres dans la bibliothèque, une petite couleuvre dans l’ombre des capucines. Il y a une mouche prisonnière qui frappe à la vitre pour sortir, le […]

via Bruno Ruiz / Toi — Bruno Ruiz dans le désordre