Tu avais beau faire et beau dire – Marc Ogeret/louis Aragon


NIALA

Tu avais beau faire et beau dire

Marc Ogeret/Louis Aragon

Tu avais beau faire et beau dire

Tu avais beau faire et beau dire

Je fus cette ombre qui te suit

Le temps par tes doigts qui s’enfuit

Comme le sable noir des nuits

Le soleil brisé dans la pluie

Tu avais beau faire et beau dire

Je fus là l’hiver et l’été

Un air dans la tête resté

D’avoir été sans fin chanté

Ou simplement d’avoir été

Tu avais beau faire et beau dire

Sur tes pas où tu vas je veux

Être ce bruit que fait le feu

Cet écho qui semble un aveu

L’Ave du vent dans tes cheveux

Tu avais beau faire et beau dire

Tu ne te parvins démêler

De ce qui fut ou m’a semblé

De ce amour dont j’ai tremblé

De ce bonheur que j’ai volé

Tu avais beau faire et beau dire

Te fermer à ce que je dis

Jurer Dieu que j’en ai menti

Détourner tes yeux vers l’oubli

Nier mon cœur et ma folie

Tu avais beau faire et beau dire

Voici venu les jours sans nous

Et pour les gens de n’importe où

Je demeure sur tes genoux

Comme un bouquet qui se dénoue

Tu avais beau faire et beau dire

Louis Aragon

MAINTENANT QUE LA JEUNESSE – MARC OGERET/ LOUIS ARAGON


NIALA

Marc Ogeret
MAINTENANT QUE LA JEUNESSE
Louis Aragon, musique: Lino Leonardi, 1948

Maintenant que la jeunesse
S’éteint au carreau bleui
Maintenant que la jeunesse
Machinale m’a trahi
Maintenant que la jeunesse
T’en souviens tu souviens-t’en
Maintenant que la jeunesse
Chante à d’autres le printemps
Maintenant que la jeunesse
Détourne ses yeux lilas

Maintenant que la jeunesse
N’est plus ici n’est plus là
Maintenant que la jeunesse
Vers d’autres chemins légers
Maintenant que la jeunesse
Suit un nuage étranger
Maintenant que la jeunesse
A fui, voleur généreux
Me laissant mon droit d’aînesse
Et l’argent de mes cheveux

Il fait beau à n’y pas croire
Il fait beau comme jamais
Quel temps quel temps sans mémoire
On ne sait plus comment voir
Ni se lever ni s’asseoir
Il fait beau comme jamais
C’est un temps contre nature
Comme le ciel des peintures
Comme l’oubli des tortures
Il fait beau comme jamais

Frais comme l’eau sous la rame
Un temps fort comme une femme
Un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais
Un temps à rire et courir
Un temps à ne pas mourir
Un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais.

Louis Aragon

QUI DE NOUS DEUX – MARC OGERET


QUI DE NOUS DEUX – MARC OGERET

Je suis là, près de toi,

Et j’ai le coeur serré,

Je fais semblant de lire un livre un peu fané,

Toi, tu rêves à demi,

Je t’entends respirer,

Je voudrais te parler,

Je voudrais oublier

Qui de nous deux,

Partira le premier,

Qui de nous deux,

Ira vers les cyprès,

Dormir près du soleil

Entre les oliviers

Qui de nous deux,

Restera le dernier

A regarder le ciel,

Tout au long des années,

Entre les oliviers

Les enfants, au jardin,

S’amusent avec l’été,

Il y a Frédéric,

Nicolas et Zoé,

On les entend courir

On les entend crier

Je voudrais les rejoindre,

Je voudrais oublier

Qui de nous deux,

Partira le premier,

Qui de nous deux,

Ira vers les cyprès,

Dormir près du soleil

Entre les oliviers

Qui de nous deux,

Restera le dernier

A regarder le ciel,

Tout au long des années,

Entre les oliviers

Chaque jour un peu plus,

Moi, j’apprends à t’aimer,

Chaque nuit, un peu plus,

Vient nous réinventer,

Le temps te fait si belle,

Si douce, les années,

Je voudrais te le dire,

Je voudrais oublier

Qui de nous deux,

Partira le premier,

Qui de nous deux,

Ira vers les cyprès,

Dormir près du soleil

Entre les oliviers,

Qui de nous deux,

Restera le dernier

A regarder le ciel,

Tout au long des années,

Entre les oliviers

Marc Ogeret

Si je venais vers toi fidèle – Marc Ogeret


ODILON REDON

Si je venais vers toi fidèle – Marc Ogeret

Si je venais vers toi sans yeux,
Sans te retrouver blonde ou brune,
Voudrais-tu de ma nuit sans lune ?
Voudrais-tu bien de ce fardeau,
Des mains aveugles sur ta peau,
Si je venais vers toi sans yeux,
Comme d’autres sont revenus de la guerre,
M’aimerais-tu ?
M’aimerais-tu, mon immortelle,
Si je venais vers toi fidèle, 
Mais sans regard…
M’aimerais-tu ?

Si je venais vers toi sans mains,
Sans pouvoir effleurer encore,
Les monts, les vallées de ton corps,
Voudrais-tu de mes bras en deuil,
De ces branches sans fleurs, sans feuilles
Si je venais vers toi sans mains,
Comme d’autres sont revenus de la guerre,
M’aimerais-tu ?
M’aimerais-tu, mon immortelle,
Si je venais vers toi fidèle,
Mais sans toucher…
M’aimerais-tu ?

Si je venais vers toi sans pieds,
Traînant mes deux genoux à terre,
Comme les mendiants de naguère,
Voudrais-tu de mes promenades,
Sans courses, sans jeux, sans baignades,
Si je venais vers toi sans pieds,
Comme d’autres sont revenus de la guerre,
M’aimerais-tu ?
M’aimerais-tu, mon immortelle,
Si je venais vers toi fidèle,
Mais sans marcher…
M’aimerais-tu ?

Si je reviens vers toi sans cœur,
A force de l’avoir fait taire,
Là où je suis, c’est la misère,
Voudras-tu de mes jours sans rires,
De mon passé sans souvenirs,
Si je reviens vers toi sans cœur,
Comme d’autres sont revenus de leur guerre,
M’en voudras-tu ?
M’en voudras-tu, mon immortelle,
Si je reviens vers toi fidèle,
Mais sans âme…
M’aimeras-tu ?

Marc Ogeret

LE FEU – ARAGON/ MARC OGERET


LE FEU – ARAGON/ MARC OGERET

Mon Dieu, mon Dieu, cela ne s’éteint pas
Toute ma forêt, je suis là qui brûle
J’avais pris ce feu pour le crépuscule
Je croyais mon cœur à son dernier pas.
J’attendais toujours le jour d’être cendre
Je lisais vieillir où brise l’osier
Je guettais l’instant d’après le brasier
J’écoutais le chant des cendres, descendre.

J’étais du couteau, de l’âge égorgé
Je portais mes doigts où vivre me saigne
Mesurant ainsi la fin de mon règne
Le peu qu’il me reste et le rien que j’ai.
Mais puisqu’il faut bien que douleur s’achève
Parfois j’y prenais mon contentement
Pariant sur l’ombre et sur le moment
Où la porte ouvrant, déchire le rêve.

Mais j’ai beau vouloir en avoir fini
Chercher dans ce corps l’alarme et l’alerte
L’absence et la nuit, l’abîme et la perte
J’en porte dans moi le profond déni.
Il s’y lève un vent qui tient du prodige
L’approche de toi qui me fait printemps
Je n’ai jamais eu de ma vie autant
Même entre tes bras, aujourd’hui vertige.
Le souffrir d’aimer flamme perpétue
En moi l’incendie étend ses ravages
A rien n’a servi, ni le temps, ni l’âge
Mon âme, mon âme, où m’entraînes-tu ?
Où m’entraînes-tu ?

Louis Aragon

LANGUE DE SEL


Instagram photo by Alex Kanevsky • Jan 4, 2015 at 7:43 PM

LANGUE DE SEL

Seule à des kilomètres la maison sur la mer souffle un autre air au fond des yeux. La première vue rassemble les angles esquissés des passages clandestins de la frontière surveillée. Quand les palmiers sortent d’une trouée de bougainvilliers le potier redresse le col de son amphore pour tendre à la fraîcheur des heures épargnées aux troubles du confinement. L’ouïe tendue tente une sortie. Le brouillage d’une misérable connexion crécelle plus qu’un bruit désagréable. La chambre sent la montée du kidnapping d’affinités , trop de sandales abandonnées à la porte lui confèrent un côté Mecque. J’ai demandé à l’âne de remplir son autorisation de sortir du relevage des seaux à la noria. Qu’il nous conduise entre les villages blancs, les torils et le chant des fontaines au bord d’un quelconque quartier de lune. Je désire te lécher des flammes d’un feu sur la plage, en t’arrosant de grappes pressées et de fruits pulpeux. L’excitation rauque du pouls pris à témoin par les guitares assises contre les chiens au bord des roues du chemin. Un passage fendu entre les murs à se toucher les grilles aux fenêtres, toi pour patio voilà ce qui m’obsède à briser l’état d’enlisement. Ton profil pastèque entre les dents.

Niala- Loisobleu – 11 Avril 2020

MARC OGERET – SI JE VENAIS VERS TOI


P1050591

MARC OGERET – SI JE VENAIS VERS TOI

 

Si je venais vers toi sans yeux,
Sans te retrouver blonde ou brune,
Voudrais-tu de ma nuit sans lune ?
Voudrais-tu bien de ce fardeau,
Des mains aveugles sur ta peau,
Si je venais vers toi sans yeux,
Comme d’autres sont revenus de la guerre,
M’aimerais-tu ?
M’aimerais-tu, mon immortelle,
Si je venais vers toi fidèle,
Mais sans regard…
M’aimerais-tu ?

Si je venais vers toi sans mains,
Sans pouvoir effleurer encore,
Les monts, les vallées de ton corps,
Voudrais-tu de mes bras en deuil,
De ces branches sans fleurs, sans feuilles
Si je venais vers toi sans mains,
Comme d’autres sont revenus de la guerre,
M’aimerais-tu ?
M’aimerais-tu, mon immortelle,
Si je venais vers toi fidèle,
Mais sans toucher…
M’aimerais-tu ?

Si je venais vers toi sans pieds,
Traînant mes deux genoux à terre,
Comme les mendiants de naguère,
Voudrais-tu de mes promenades,
Sans courses, sans jeux, sans baignades,
Si je venais vers toi sans pieds,
Comme d’autres sont revenus de la guerre,
M’aimerais-tu ?
M’aimerais-tu, mon immortelle,
Si je venais vers toi fidèle,
Mais sans marcher…
M’aimerais-tu ?

Si je reviens vers toi sans cœur,
A force de l’avoir fait taire,
Là où je suis, c’est la misère,
Voudras-tu de mes jours sans rires,
De mon passé sans souvenirs,
Si je reviens vers toi sans cœur,
Comme d’autres sont revenus de leur guerre,
M’en voudras-tu ?
M’en voudras-tu, mon immortelle,
Si je reviens vers toi fidèle,
Mais sans âme…
M’aimeras-tu ?