JOUR DE MERDE


JOUR DE MERDE

Entre l’hôpital, la radio, le hall d’accueil pour attendre

et les urgences où on te fait entrer la personne que tu te demandes où elle est et dans quel état, la matinée s’est déroulée

Et vous vous allez où et comment ?

C’est un beau pays la France

Gardez-vous y

Heureusement j’ai de vrais amis

parce que de mon côté enfants c’est l’absence générale…

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Niala-Loisobleu.

3 Avril 2023

L’ESPRIT DE POÉSIE PAR MICHEL DEGUY


L’ESPRIT DE POÉSIE

PAR

MICHEL DEGUY

Toute figure est figure de pensée… Une figure est celle du dieu de poésie Qui se glisse dans la forme de cette figure En ressemblant à s’y méprendre à cet hôte
qui l’accueille Pour y féconder Alcmène la poésie

L’esprit de poésie : un défieur de dieux qui invoque : « qu’est-ce que vous attendez ? ! » Cette durée ne peut pas durer ! Il faut que l’interminable soit ponctué
; qu’il y ait de l’interruption, du contour, de l’apparition, de la finition ! Venez. J’expose la peau ocellée d’Argus, une cotte de synonymes : Protée, montre-toi que je te
reconnaisse multiple, que je t’épèle à grande vitesse !

L’esprit de poésie compare l’ogre égarant ses enfants à la «forêt obscure» où Dante commençait par se perdre; il perd les «significations
admises», tout ce qui s’énonçait vite, ne demandait qu’à être identifié (et sans doute vaudrait-il mieux être égaré par une puissance que prendre
les devants par jeu, mais enfin il faut bien que quelqu’un commence) ; l’affaire ordinaire, le patent, l’envoyé loyal, le message escompté, il s’en impatiente ! Le trompeur
authentique, le déguisé, le fourbe de comédie, celui que le public a démasqué d’entrée de jeu ne lui suffit pas. Mais où est le dieu ? Dans les
tragédies, le dieu ? Celui qui est autre qu’on croit, non par férocité mais parce qu’on ne pourrait l’accueillir, l’excessif, qui éclipserait. Ou alors il y aurait deux
dissimulations, et la première, sympathique et remédiable, pour nous préparer à l’autre, « tragique » ? Celui qui est et n’est pas — ce qu’il est.

Et les dieux ont appris aux hommes par les arts à recevoir, à pouvoir recevoir, toute chose comme un dieu, pour ce qu’elle est en étant autre (en excès, en
à-côté), autre que ce que c’est qui la comporte, dans quoi elle vient; en étant comme cela qui s’annonce, c’est-à-dire irréductible à cela qu’elle paraît
: masqué par son apparaître, par son être-vrai même. L’artiste apprend à ménager, d’un rapport indirect, le « dieu inconnu » en tout. Le dieu est ce qui
remplit la forme humaine, parfois trop humble comme Déméter, en retrait dans le visible, pour suggérer l’inégalité de la visibilité à l’être, la «
différence de l’être et de l’étant » ?

Ainsi est-ce l’épreuve par tout : reconnaître le dieu. Il s’agit de ce qui excéderait la vie dans la vie, le dieu amour, « promis à tous », en tout cas à toi,
à toi, à toi… C’est ton tour. Et si tu ne l’accueilles pas en quelque mode, tant pis pour toi, « tu auras vécu en vain ».

Même la comédie murmure «c’est votre affaire», de le reconnaître dans ce valet, ce double, cette erreur, cette coquette. Il n’est pas réservé aux Princes de
la tragédie ; il ne s’agit pas que de mourir.

Michel Deguy

JE T’AI BIEN EN NOTE


NIALA

JE T’AI BIEN EN NOTE

Là du bout de tes doigts

rien ne me gratte de ces histoires de réforme

je tiens la seule couleur qui garde ma raison de vivre

et du bout des miens j’en soupèse chacune de tes formes

dans le carnet

Tu vieillis

quel bonheur de te voir écrire de ce sang qui me fait peindre

Emoi aussi !

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Niala-Loisobleu.

1er Avril 2023

« Carnet »

Il y a beaucoup de morts dans le journal d’hier
Et beaucoup de misère mais partout
Beaucoup de gens qui restent indifférents
Le lendemain tout semble déjà moins grave

Je ne voudrais pas que tu vieillisses trop vite
Avant que nous ayons eu le temps de nous arrêter
Et de nous dire : nous sommes heureux
Que nous nous regardions encore une fois
Dans le miroir amoureux des sourires
Que je te trouve belle encore une fois
Je veux encore du temps pour offrir
Ton corps aux regards de passage
Gens de passage prenez cette femme
Possédez-la un jour elle ne sera plus rien
Montre-toi nue danse pour eux
Possédez-la qu’elle demeure
Et demeure l’empreinte de ses doigts dans le sol

Je sens maintenant que tout va un peu plus vite
Pourtant nous avons juste trente ans
Je m’arrête et je te regarde
Ai-je assez profité de toi?
J’arrête le monde et je regarde
Car il est plus que temps aujourd’hui de vivre
Je cherche à écrire de plus en plus simplement
Je me préoccupe moins des rimes et des rythmes
Car il est plus que temps aujourd’hui de vivre
De repousser la porte que quelqu’un ferme sur nous inéluctablement

Dans le journal d’hier beaucoup de morts
Et puis partout beaucoup de gens indifférents
Nous sommes peu nombreux à veiller
Nous tenons la lampe allumée
Nous repoussons de toutes nos forces le sommeil
Et la lampe nous fait les yeux brillants

Nous tenons la lampe allumée
Nous ne vieillissons pas

Jacques Bertin

Tant qu’à y être en corps..


Je

TANT QU’A Y ÊTRE EN CORPS..

Puisque la durée se compte aux caprices des mesures, j’aurais tort de ne pas peindre le côté floral me venant de tes rivages, Ma charnelle présente

Le musc que ma boîte de couleurs possède suffit à lui seul à donner le sens qui donne à vivre

Tes seins tombent à pic pour me redresser

Tu es le seul estran au ria toujours là, me rappelle la voix du phare…

Niala-Loisobleu.

1er Avril 2023

D’UN DOUTE


D’UN DOUTE

Cette demande de croire mise sur mon épaule

tape à la porte de ce carré mis de côté

comme si sa chair était toujoursbien vivante

Je remonte le papillon vers le chant libre de ce tant

sans que rien de ce qui le faisait voler n’ait été coupé

un doute cependant me piquant la langue

En corps aimer, oui

mais sans interdits…

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Niala-Loisobleu.

30 Mars 2023

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enjambees MATINALES


ENJAMBEES MATINALES

 » « J’aime qui a écrit : j’aime d’un amour immuable et fidèle. J’aime dissiper le verbe aimer, j’aime jouer et plus infiniment regarder la mer… »

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En enjambées parfois incertaines

comme celles de l’enfant

qui doit apprendre à se tenir debout

je cueille les choix fauves des couleurs sauvages

qui bordent la déroute d’un rempart

Coquelicots insouciants

sel sur le pré

un agneau sort la tête de la mer

Pris dans la rosée du levé

la tomette s’échauffe pour le plaisir du chien au bout du doigt sur la poignée

Des doutes font corps

avec le col roulé qui cache les rotondités

J’ai une absence de faits mais pas de mémoire

du rouleau des jours

des odeurs s’imposent à la fadeur stérile d’un territoire essarté…

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Niala-Loisobleu.

30 Mars 2023

QUAND LE CAILLOU RICOCHE


QUAND LE CAILLOU RICOCHE

Du filet d’eau que les grands herbes protègent des faux-castors

part le jet des ricochets de mon vide-poche

Derrière les barreaux de l’asile de St-Rémy

rien ne pourra jamais retenir les cris de Vincent

En iris de la famille tournesol il les réunit pour chaque printemps

sans recours au Conseil qui juge

Le bruit de galop des bisons vibre à la pierre pariétale des peintures…

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Niala-Loisobleu.

18 Mars 2023

DECOUSU DU MATIN


DECOUSU DU MATIN

Dans un alentour où chacun voit pas comme l’autre au point que ça finit par en brouiller le rapprochement

Les pierres posées dans un déploiement d’abeilles demeurent debout

Vincent ignoré domine

sa présence comme l’iris est d’une autre réalité qui éclot

La java des jours à venir peut tanguer au coin des rues

en coupant les derniers fils ce matin l’infirmière m’a conduit dans les plaines occitanes

bien décidé à tirer du cheval des ocres et des sanguines un printemps sans tricherie…

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Niala-Loisobleu.

17 Mars 2023

SAUT DE BARRIERE


SAUT DE BARRIERE

Les guerres ont des assauts qui déplacent l’avancée d’un sens à l’autre

cette contre offensive qui me veut du mal

approfondit ma tranchée de manière à pouvoir sauter l’obstacle

Tenir sur la base des positions de ce jour c’est comme faire pousser la couleur des fleurs

dans le sens du soleil en présence

sans lui enlever sa canne pour se déplacer…

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Niala-Loisobleu.

16 Mars 2023