LE CORPS RAYONNANT
Moment où il semble qu’en nous le paysage tourne,
quand nous ne savons plus y trouver un chemin :
ni la vraie vie ni la mort mais la vie obstruée
par ce qui n’a ni forme ni visage et que l’on n’ose
attaquer crainte de se tromper de cible
– si la faiblesse n’est pas la seule cause
de cet accablement. (Je vois les toits ressuyer
après la pluie qui laisse le ciel aussi couvert
et dans la cour j’entends des bruits
de caisses que l’on déplace et je m’élance
– trop faiblement – vers une terre découverte
qui est cette femme nue dans la solitude
de sa chambre et qui rêve et ne sait pas
qu’elle est une goutte d’eau aux lèvres
dans le désert de celui qui ne la verra pas
– car il n’y a pas d’oeil qui la surprenne
– rien qui la surprenne, mais son corps rayonne
et au-delà des murs et des arbres qui gouttent
s’impose à l’inconnu qui est proche soudain
de surprendre un mystère reformé – la terre
ainsi parfois s’éclaire, se rembrunit la vie
d’un homme épouse ces moments peut-être malgré lui
– et ce sont leurs noces cependant.)
Paul de Roux
La Nouvelle Revue Française, N°443, Décembre 1989
Editions Gallimard, 1989
Le soir tombait à plein vent, décollant tout sur son passage.
Tu me vins un peu désespérée, apeurée, les mains accrochées à poignées. Un billet me disant que tu étais à J-P.R., autre poète disparu. J’ai remonté les limites de l’orage, passant dans ses ravages pour trouver. Chaque palpitation, remous, instant où le sein se reconnaît dans la glace, suffoque et reprend cours. Imprimé du tissu qui suit l’image à l’intérieur de son seul désir corporel. Les trains laissent les gares en course, ils vont d’enfer, non la vague refuse d’être stoppée. Au sol des pas s’additionnent. L’enfant sort du car un sourire en l’absence de paroles. Je monte à l’échelle du meunier pour libérer les ailes, le torse frappé de ta présence à deux poings. Tapie sur le lit que je viens de te découper dans le ciel tu regardes ce qui constitue un possible rayonnement. Le voile blanc qui t’a mené à l’autel est cargué de tout ton corps offert au long voyage qui dure à deux vies en une seule. Je te dessine alouette et brise les miroirs-menteurs. Ne te rhabille pas le vent-laveur est raton. Il tient la surface molle en pont-transbordeur. Pendant que l’armada se tient dans les starting-blocks pense aux moments où mourir est le passage à vivre. L’aube sera libératrice. Les premières corolles envahiront le ciel.
Niala-Loisobleu – 05/06/19
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