La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
A la tombée de la nuit quand se sont refermées les grilles l’éléphant rêve à son grand troupeau le rhinocéros à ses troncs d’arbres l’hippopotame à des lacs clairs la girafe à des frondaisons de fougères le dromadaire à des oasis tintants le bison à un océan d’herbes le lion à des craquements dans les feuilles le tigre de Sibérie à des traces dans la neige l’ours polaire à des cascades poissonneuses la panthère à des pelages passant dans des rayons de lune le gorille à des bananiers croulant de leurs fleurs violettes l’aigle à des coups de vent dans des canyons de nuages le phoque aux archipels mouvants de la banquise disloquée les enfants du gardien à la plage Michel Butor
Les plaques de neige se fendillent pour laisser perler un torrent
Sur les phylactères des montagnes les anges calligraphient des runes indéchiffrables
C’est sur leur partition qu’ils improvisent mais nous n’entendons pas leur cantilène seulement la soufflerie des orgues
La nuit se fait plus indulgente il y a des aubes sans gelée blanche
Les étangs polissent leurs miroirs la roue des paons s’irise et se bronze
Les arcs-en-ciel proposent à la haute couture des prairies des nuanciers de satins et de gemmes
Les cols se rouvrent à la circulation
Une à une dans les stations de ski les remontées mécaniques se taisent
Les cascades par contre font éclater leurs fanfares
les arbres que l’on croyait encore emmitouflés de flocons nous surprennent par leurs bouquets
Après les pruniers les cerisiers après les poiriers les pommiers une avers de pétales sur le trottoir
Les pissenlits sont si nombreux qu’on ne voit plus le vert des prés sous leur brocart
les petites orchidées hissent leurs oriflammes les digitales font la haie
Un faon s’est égaré sur la route
Après les jonquilles les iris après les rhododendrons les hortensias
Les vaches sortent de leurs étables les chevaux se roulent dans l’herbe
Le virevoltement d’une pie d’un frêne à l’autre le cajolement d’un geai puisque c’est ainsi qu’il faut dire
Les anémones et les violettes l’œil des renoncules les petits œufs de la bruyère les ancolies et les arums
La nef de la hêtraie les arpèges de la sapinière
Des museaux humides au ras du sol
Les brouillards matinaux persistent dans les ravins
Glycines puis clématites d’énormes gouttes de rosée sur les parasols des capucines
Le tilleul répand ses effluves de calme
Au bout du rameau de l’épicéa de minuscules projets de cônes rougissant de leur audace
Le cognassier du Japon ajoute sa touche orange au jaune serein des cytises
Une vergue de plus aux mâts de la caravelle un échelon de plus à ses haubans
Un vent chaud se lève qui ramasse dans les paumes de ses mains toutes les productions pelucheuses des graminées pour les disséminer sur le plus hautes pentes ou au plus profond des crevasses
On fauche le trèfle et la luzerne une bouffée de parfum vous cloue sur place
Des aboiements de chiens de vallée en vallée
Le sentier a décidé de nous faire une surprise non seulement l’échappée sur des cimes encore neigeuses mais le faufilement d’une couleuvre
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Les jeunes filles entrouvent leurs manteaux les abandonnent sur les bancs des jardins publics puis dans les maisons
Nuages de duvets accrochés aux peupliers
Par leurs robes et leurs sourires elles rivalisent avec les lilas puis nous invitent à venir cueillir avec elles les premières baies savourer le fruit de l’arbre de la science du bleu et du blanc
Une première rose
L’éclusier fait descendre une péniche d’eau minérale
Voici déjà les groseilles les cassis et les menues fraises les myrtilles dans les sous-bois on astique les bassines de cuivre pour y transformer notre récolte en confitures
On trace son chemin dans une jungle d’herbes
Le grand-père ingénieur installe un petit moulin à aubes dans une rigole
Piéride du choux paon du jour tabac d’Espagne petit citron vanesse amiral Apollon
Une seconde rose
On prépare le bal du 14-juillet drapeaux et tribunes haut-parleurs et tréteaux
Les enfants ne sont pas encore bien sûrs d’être en vacances
Les têtards quittent leur queue pour se joindre au chœur des grenouilles
Quelques roses
On bourre les malles on bourre les coffres des voitures on oublie toujours quelque chose d’essentiel
A la recherche du maillot séducteur des lunettes inouïes de la serviette la plus moelleuse
Se dit la seconde vole mon cœur vole se dit la seconde j’attends mes amours
Des enfants se baignent dans le grand bassin
Des adolescent se construisent des cabanes ente les branches des amoureux dorment paisiblement sous les saules
Se dit la troisième vole mon cœur vole se dit la troisième j’aimerai toujours
Après avoir dîné dehors on regarde les étoiles s’allumer l’une après l’autre puis par paquets soudain c’est tout l’ensemble des constellations de la saison puis la Lune vient les effacer
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