LE BRUISSEMENT DES ARBRES, DANS LES PAGES DE GILLES BAUDRY – 2


LE BRUISSEMENT DES ARBRES, DANS LES PAGES DE GILLES BAUDRY – 2

« Gilles Baudry est-il ce poète « chrétien » dont on parle parfois ? Un homme tourné vers le Christ, sans doute aucun. Mais un « poète chrétien » ? Cela veut-il seulement dire quelque chose. Evidemment, non. Il n’existe aucun poète chrétien, cette façon de qualifier, si l’on ose employer un tel mot ainsi, est une hérésie, plus encore quand elle se veut regroupement « d’écrivains chrétiens ». On nous dit que cela existe et nous avons du mal à le croire. Comment une telle ânerie peut elle être ? Les temps sont bel et bien au règne de la quantité autrefois évoqué par René Guénon, en tous les domaines semble-t-il. Non, Gilles Baudry est un poète. C’est un état de l’être devenu ce qu’il est, on entendra cela en des lieux proches et je m’en réjouis. Que dit Baudry ? Des notes de vie prononcées dans ce « parler en langue des oiseaux ». La poésie, cela vient de loin, de l’origine même du Chant du monde, de ce monde renaissant de déluges en déluges. Et cela chante sans cesse. L’arbre de vie est une corde. Et cette corde nous enracine dans des univers de réalités dont nous peinons à avoir idée.

Ce parler fulgure souvent :

 

Le ciel est la moitié du paysage
l’autre moitié
 

la presqu’île cloîtrée
par les brumes d’opale
 

l’ombre portée de l’invisible
celle des choses à venir.

 

Fin de toutes les peurs, et ainsi de toutes les prétendues « protections » en forme de qualificatifs qui ne disent rien des êtres. Il y a des mondes qui viennent, et nous cheminons en dedans du présent. Nous sommes des mondes. Quoi d’autre ?

La poésie de Gilles Baudry en appelle au réel né de la « vraie mesure », ce que nous nommons ici Recours au Poème, et cela ne va pas sans cet « étonnement inouï d’être en vie ». Bien sûr, cela est évident, tellement il est absurde de ne pas vivre cette préoccupation à chaque instant.

La poésie de Baudry nous remet à l’ordre, en permanence devant le miracle d’être. Car c’est bien de miracle dont il s’agit lorsque l’on évoque la vie. La question n’est pas religieuse. Elle est celle de l’extraordinaire beauté de la vie, et de la sagesse architecturale à l’origine de ce qui est. Nous, et tout ce qui est.

 

Sans la nuit la plus noire
que seraient à nos yeux les étoiles
 

qu’attendre de l’apparition
d’une aube miraculée ?

 

Le poète (je veux dire l’état de l’être que l’on nomme poète) a ceci « d’embêtant » qu’il pose en chaque moment d’authentiques questions. Cela pourrait être épuisant. Et ça l’est. Comment pourrait-il en aller autrement, depuis l’intérieur même du Poème ? La poésie et la conscience du Poème, c’est être vivant. Lire Baudry, ce peut être, pour peu que ses univers parlent à ceux de son lecteur, demeurer en vie. N’est-ce pas que :

 

Il n’y aurait que les étoiles
à rêver tout haut en plein jour
et nous veilleurs

 

Alors Gilles Baudry évoque Ce que peut le poème : « rendre au silence couleur et naissance ». Il y a tellement d’importance dans ces quelques mots, que les saisir en devient presque douloureux. Parfois, la musique dira ce qui est, comme dans cet Ostinato :

 

Las, le temps réduit sa voilure
et dans l’ostinato des vagues
toute la mer se ride, mais
que veut le vent, que veut le vent ?

 

Clignotent, pianotent les étoiles
le braille de nos insomnies
sur un clavier pour quel nocturne, mais
que nie la nuit, que nie la nuit ?

 

La nuit est au bout de ses yeux
et la forêt se cache
derrière ses paupières, mais
que sait la sève, que sait la sève ?
 

Neige pétale par pétale,
cloche s’embrume et s’enveloppe
d’un linceul de silence, mais
que tait la terre, que tait la terre ?

 

La terre ? Cette part féminine de ce qui est devant nos yeux. Que tait cette terre là ? Nous voilà plongés en plein mystère. Et toute pensée en cette direction ne peut être qu’extérieure à ce que nous continuons à nommer « raison », un concept douteux.

La poésie de Gilles Baudry, dédiée :

 

à ce qui fait chanter
la sève humaine
sur fond de matinale

 

Une poésie qui sait « la montre inutile / au poignet de l’agonisant ». Alors, le volume se termine nécessairement sur L’opulence du peu pour « donner aux mots une présence ». Le corps entièrement empli de ces mots, l’on se prend à croire en la possibilité de vivre chaque instant en lien avec cette présence. »

Philippe Bétin

La cause du bonheur présent je la dois à Gilles Baudry. Voilà le poète qui fait l’Homme Universel. Vide de parti pris. Oui c’est Joie pour moi mécréant déclaré et reconnu de sentir l’égalité sans réserve avec lui. Il croit, je ne crois pas en dieu, nous croyons tous deux à l’amour. Intelligence pure et simple, dépouillé de la raison, l’humilité qui fait aller mains tendues en remplacement de la joue pour les claques. Les sens aiguisés, tout se reçoit, se comprend, peut établir l’acte. « Langage des oiseaux » ô puissante métaphore qui conduit à beaucoup d’autre au grand bonheur de la compréhension. Le débarras de l’ombre au profit de la lumière ouvre en perspective autrement que les dangereux discours de prétendants à toute forme de pouvoir.  Avec cet esprit, nous sommes dans la volonté humaine de faire au lieu de dire. L’exact contraire du discours itéré des deux candidats à l’élection présidentielle actuelle. Lourds de rien, pesants d’envie personnelle, assommants de redites jamais tenues, pauvres de bêtise, dangereux sans coup férir de par les manoeuvres qu’ils contiennent pour un futur assuré d’être incertain.

Surtout détourner sa marche de la raison avancée par des intérêts qui ne sont pas à nous.

Niala-Loisobleu – 28 Avril 2017

Henri Julien F_lix Rousseau - Happy Quartet

(Joyeux quartet – Peinture d’Henri Rousseau)

LE BRUISSEMENT DES ARBRES, DANS LES PAGES DE GILLES BAUDRY


LE BRUISSEMENT DES ARBRES, DANS LES PAGES DE GILLES BAUDRY – 1

Seul avec le silence bourdonnant d’abeilles
et la fenêtre en croix
sur l’absence habitée
 

le coquelicot de la lampe dans la nuit
 

seul  à traduire ce qu’on gagne
à vivre dans un lieu perdu
au bout du monde
où tout commence
 

où se penchent les ombres tutélaires
de Sérusier   de Max Jacob   de Ségalen
de Saint-Pol-Roux le Magnifique
 

seul avec tous
frère des choses
à écouter sans fin venir
les pas de Dieu
 

la plume à la fine pointe de l’âme
à mains nues
 

j’écris

 

Et cela se passe donc « où tout commence ».
Chaque poète crée chacun des mondes à chaque instant.
Quoi d’autre ?

Ceci :

l’envers du monde je le vois   j’entends
des pas de brume qui s’approchent

Gilles Baudry

Je ne suis pas de la même croyance,

pourtant

de l’absence habitée

nous sommes frères…

Nos pas vibrent au coeur des dalles d’un déambulatoire posé dans le ciel qu’un arbre caresse au gré du vent. Bateau du silence qui transporte nulle part et partout le sens des cris de l’origine humaine. Symbolique manifestation réglée sur le mouvement pendulaire des deux luminaires. Une femme au ventre ouvert me donnant l’amour à boire, pendant par l’ogive d’un vitrail sa lumière le pénètre. L’approche à l’infini. Les Maudits devenus radieux à l’intérieur du Cercle où le rayon de la couleur s’ajoute à la Roue. Monde naturel défait d’ambitieux. Le ver nettoie la tâche de vain. L’oiseau sème le noyau et les pépins. Que les doigts des racines propagent en médecine à l’écart des laboratoires de la chimie du fric. C’est quoi faire l’amour si ce n’est avant tout la fusion platonique de qui l’orgasme charnel pourra naître après que les âmes se seront mises à nu. Couleur d’une eau dont la source est ailleurs que dans les packs du commerce. Cette ornière, empreinte que nous suivons et répétons, à son point de départ dans les gènes de la première caverne. Rupestre BD qui créa la Poésie dans la sauvage proximité des monstres qui devait séparer et confondre à jamais l’Homme et la Bête. Lucide, je laisse aux regards perdus la cohorte des banderoles partisanes. Nous avons choisis d’aimer, dans le pire pour le meilleur.

Niala-Loisobleu – 27 Avril 2017

henri rousseau soir de carnaval via connaissancedesarts.com

(Soir de carnaval – Peinture d’Henri Rousseau)