L’ATELIER


L’ATELIER

Au bord des merles les branches respirent le dernier moment de Mars

Nulle lassitude dans l’atmosphère tenue suspendue

A deux pas je sais les oiseaux-marins assurant la liaison entre le sel et l’humus

C’est bien un bout du bastingage qui longe cette vie où tout semble parti sans plus croire

Incontinent cet espace

À langer

Les enfants qui naîtront demain copuleront à leur tour comme une blague de poisson d’Avril afin de nourrir la mauvaise plaisanterie

Ainsi va…

Contre toute attente l’atelier termine l’émoi avec ce qui reste de bleu.

Niala-Loisobleu.

31 Mars 2023

INITIATION PAR FERNANDO PESSOA


NIALA

INITIATION

PAR

FERNANDO PESSOA

Tu ne dors pas sous les cyprès
car il n’est de sommeil en ce monde…
Le corps est l’ombre des vêtements
qui dissimulent ton être profond.

Vient cette nuit qu’est la mort,
et l’ombre s’achève sans avoir été.
Tu vas dans la nuit, simple silhouette,
Égal à toi contre ton gré.

Mais à l’Hôtellerie de l’Épouvante
les Anges t’arrachent ton manteau.
Tu poursuis sans manteau sur l’épaule
avec le peu qui te protège.

Lors les Archanges du Chemin
te dépouillent et te laissent nu.
Tu n’as plus ni vêtements ni rien :
tu n’as que ton corps, qui est toi.

Enfin, dans la profonde caverne,
les Dieux te dépouillent plus avant.
Cesse ton corps, âme externe,
Mais en eux tu vois tes égaux.

Le Sort n’a laissé parmi nous
que l’ombre de tes vêtements.
Tu n’es pas mort sous les cyprès.
Néophyte, il n’est point de mort.

Fernando Pessoa

COMME À L’APPUI D’UN VENT


COMME À L’APPUI D’UN VENT

Calé à ce qui passe, le doute prend appui sans laisser de place à l’analyse perspicace

Les formes généreuses du sourire en se crispant mettent l’équivoque en exergue

La plastique du corps disparaît

Le brouillard givrant qui prend l’humide du regard a cassé la glace de ce tain de certitude complice pour ne faire voir qu’une erreur de calcul

Dans l’échappée cavalière le cheval a raté son saut

Ce qui sort de son œil à la vue du coup de grâce est horrible

Tellement la fin d’un amour au corps à corps s’y détache d’un coup de vent…

Niala-Loisobleu.

31 Mars 2023

UNE FEMME M’ATTEND PAR WALT WHITMAN


PABLO PICASSO

UNE FEMME M’ATTEND

PAR

WALT WHITMAN

Une femme m’attend, elle contient tout, rien n’y manque;
Mais tout manquerait, si le sexe n’y était pas, et si pas la sève de l’homme qu’il faut.

Le sexe contient tout,
Corps, âmes, Idées, preuves, puretés, délicatesses, fins, diffusions,
Chants, commandements, santé, orgueil, le mystère de la maternité, le lait séminal,
Tous espoirs, bienfaisances, dispensations,
Toutes passions, amours, beautés, délices de la terre,
Tous gouvernements, juges, dieux, conducteurs de la terre,
C’est dans le sexe, comme autant de facultés du sexe, et toutes ses raisons d’être.

Sans douté, l’homme, tel que je l’aime, sait et avoue les délices de son sexe,
Sans doute, la femme, telle que je l’aime, sait et avoue les délices du sien.

Ainsi, je n’ai que faire des femmes insensibles,
Je veux aller avec celle qui m’attend, avec ces femmes qui ont le sang chaud et peuvent me faire face,
Je vois qu’elles me comprennent et ne se détournent pas.
Je vois qu’elles sont dignes de moi. C’est de ces femmes que je veux être le solide époux.

Elles ne sont pas moins que moi, en rien;
Elles ont la face tannée par les soleils radieux et les vents qui passent,
Leur chair a la vieille souplesse divine, le bon vieux ressort divin;
Elles savent nager, ramer, monter à cheval, lutter, chasser, courir, frapper, fuir et attaquer, résister, se défendre.
Elles sont extrêmes dans leur légitimité, – elles sont calmes, limpides, en parfaite possession d’elles-mêmes.

Je t’attire à moi, femme.
Je ne puis te laisser passer, je voudrais te faire un bien;
Je suis pour toi et tu es pour moi, non seulement pour l’amour de nous, mais pour l’amour d’autres encore,
En toi dorment de plus grands héros, de plus grands bardes.
Et ils refusent d’être éveillés par un autre homme que moi.

C’est moi, femme, je vois mon chemin;
Je suis austère, âpre, immense, inébranlable, mais je t’aime;
Allons, je ne te blesse pas plus qu’il ne te faut,
Je verse l’essence qui engendrera des garçons et des filles dignes de ces Etats-Unis; j’y vais d’un muscle rude et attentionné,
Et je m’enlace bien efficacement, et je n’écoute nulles supplications,
Et je ne puis me retirer avant d’avoir déposé ce qui s’est accumulé si longuement en moi.

A travers toi je lâche les fleuves endigués de mon être,
En toi je dépose un millier d’ans en avant,
Sur toi je greffe le plus cher de moi et de l’Amérique,
Les gouttes que je distille en toi grandiront en chaudes et puissantes filles, en artistes de demain, musiciens, bardes;
Les enfants que j’engendre en toi engendreront à leur tour,
Je demande que des hommes parfaits, des femmes parfaites sortent de mes frais amoureux;
Je les attends, qu’ils s’accouplent un jour avec d’autres, comme nous accouplons à cette heure,
Je compte sur les fruits de leurs arrosements jaillissants, comme je compte sur les fruits des arrosements jaillissants que je donne en cette heure.
Et je surveillerai les moissons d’amour, naissance, vie, mort, immortalité, que je sème en cette heure, si amoureusement.

Walt Whitman

Extrait de: 

 Feuilles d’Herbes, traduit par Jules Laforgue

D’UN DOUTE


D’UN DOUTE

Cette demande de croire mise sur mon épaule

tape à la porte de ce carré mis de côté

comme si sa chair était toujoursbien vivante

Je remonte le papillon vers le chant libre de ce tant

sans que rien de ce qui le faisait voler n’ait été coupé

un doute cependant me piquant la langue

En corps aimer, oui

mais sans interdits…

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Niala-Loisobleu.

30 Mars 2023

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enjambees MATINALES


ENJAMBEES MATINALES

 » « J’aime qui a écrit : j’aime d’un amour immuable et fidèle. J’aime dissiper le verbe aimer, j’aime jouer et plus infiniment regarder la mer… »

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En enjambées parfois incertaines

comme celles de l’enfant

qui doit apprendre à se tenir debout

je cueille les choix fauves des couleurs sauvages

qui bordent la déroute d’un rempart

Coquelicots insouciants

sel sur le pré

un agneau sort la tête de la mer

Pris dans la rosée du levé

la tomette s’échauffe pour le plaisir du chien au bout du doigt sur la poignée

Des doutes font corps

avec le col roulé qui cache les rotondités

J’ai une absence de faits mais pas de mémoire

du rouleau des jours

des odeurs s’imposent à la fadeur stérile d’un territoire essarté…

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Niala-Loisobleu.

30 Mars 2023

GRAND MENAGE


GRAND MENAGE

Du bout de l’oxygène rattaché

un tuyau respire dans les narines

le poumon plein d’eau remonte à la surface

je l’essore main tendue en l’aidant un par un par les doigts

Mes chéris

le peu de soleil qui passe entre les lèvres de ma pensée me fait penser à l’oiseau

qui sans connaître la mesure d’une branche à l’autre se lance

sans autre idée que celle d’atteindre malgré tout

En regardant ma vie je retire la conclusion que les fleurs

qui égaient et parfument la dureté de chaque jour

sont abstraites dans un figuratif décadent

C’est de l’art

de savoir vivre

Les belles choses ne sont pas accidentelles, les maladies paradoxalement peuvent en être l’artisan

Quand je doutais ce matin de la suite devant sa fatigue

je ne pouvais pas imaginer que je ferais des projets d’aménagement cet après-midi

mais la main ferme est ainsi faite

elle maçonne par réflexe de grand ménage.

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Niala-Loisobleu.

29 Mars 2023

arrangement


ARRANGEMENT

Du vide personnel que le lâché-prise physique atteint, reste plus qu’un deal avec soi-même pour pallier à

Sans savoir pas plus que se demander ce qui servirait à quoi

je m’en suis remis au jardin comme on sort sans se demander si on en reviendra

L’arrachage des mauvaises herbes porte symboliquement une énergie qui oublie les douleurs quelque soit leur provenance

mieux vaut repiquer des artichauts vivaces quimaginer quelles fleurs iraient sur la tombe

au bout du compte je me débloque de la paralysie comme je peux sans entrer dans un évènement, une situation

tant que ça vit toujours concrètement.

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Niala-Loisobleu.

28 Mars 2023

UNE TÂCHE DE COULEUR EN TRAVERSE


UNE TÂCHE DE COULEUR

EN TRAVERSE

Par la Porte d’Italie

entre un envol de pigeons et les miettes d’un jardin public

chercher à sortir du péage

C’est encore la grande plaine qui ceinture la capitale

D’un blé à des tonnes de betteraves

ceux qui se sucrent sont dans les parages

Le foin et ses meules

Mireille

le petit-chemin

ça m’imagine et dandine

en colonne d’oies

montant plus loin dans la campagne

Les iris sont au bord de la rivière

un chat étire

le bout de ruban rose qui toilette

Je déboutonne ma chemise au soleil…

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Niala-Loisobleu.

28 Mars 2023