LA VILLE SUR LE FIL EN PENSÉE


D’UN POÈME

PAR

MINOD ALAIN

LA VILLE SUR LE FIL EN PENSÉE

D’UN POÈME

PAR

MINOD ALAIN

Ces méandres où s’enfilent quelques mots
Ce sont pensées d’un fleuve de lumière
Jusque sur ses rives

Traçons-en une ligne
Qui avale aussi l’obscur
Et relève leur suspend comme
Dans des cendres redevenant boue
Où patauge un sens pour
Tous les sens

Ce sens livré à sa naissance
Comme par un cri
On le ferait
Exister :
Statue trempée au suc de la vie
Qui cheminerait nue sur
Des terres inconnues …

Saisie comme par un pacte avec l’enfance
Elle épouserait la faune
Des villes
Mais …

Rien de la pensée ne pourrait grimper
Dans le train des sensations urbaines
Si elle devait faire sienne
La guerre des illusions

Au plus grand tracas pour des places
La pensée s’effondrerait
En ne reconnaissant
Son chemin
Initial

Fendue … Elle serait fendue en son tréfonds
Ne saisissant plus de la ville
Qu’un ordre fixe
Dans la vitrine
De son mouvement …
Livrée à elle-même –
Elle serait elle-même pétrifiée …

Premier souffle – première lueur –
Ce serait au comble
De l’innocence
Et pour la questionner
Qu’on retournerait à soi
Comme à un abîme de nouveautés
A entendre … :

Relève d’un cœur hors de l’oubli de l’oubli
Relève d’un corps dans
La plus serrée des
Danses de l’amour

Là – ne gisant plus que dans la « docte ignorance »
On attrape le plus harnaché des savoirs
Pour le relancer au galop
De l’instant
Ainsi s’ouvrent les chaos urbains
Sur tous les assauts
De la lumière
Au creux des
Ombres

Un simple regard posé à l’insu
De tout silence qui
Se voudrait
Rédempteur
Entre dans la voix attractive
Pour tous ses sauts
Dans la vie

Nulle « toison d’or » pour habiller
La peau de ce qui naît
Sans-cesse
Nulle gueuse de mort entrée
Subrepticement dans
La chair des mots
Ne saurait
Niveler les cris modulés

Mais nous fouillons – nous creusons
Dans la nuit bardée de
Lumières et …
Nous y trouvons place et lieux
Où résistent – saison après saison
Les arborescences proches
De la Marianne
Nous la redécouvrons abandonnée
Au gouffre obscur de
La mémoire …

N’a-t-elle pas tant crié aux
Rendez-vous des
Lumières de
La ville ?

Et nous ne disons pas Adieu
Nous filons le coton
Assourdissant
Au creux
Des oreilles du silence
Nous filons et modulons le long
Hurlement de la vie
Absentée là
En écoutant les voix allègres
De l’amitié au bord à bord
Avec un monde
Qui semble
S’en aller

Et sans promesse autre
Que celle qui lie les amants
Nous n’attendons que l’insurrection
De la vie dont le poète
Est un enfant

Alain Minod

Il n’y a plus rien – Léo Ferré


Écoute, écoute
Dans le silence de la mer
Il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l’heure
Avec le sable qui se remonte un peu
Comme les vieilles putes qui remontent leur peau
Qui tirent la couverture
Immobile
L’immobilité, ça dérange le siècle
C’est un peu le sourire de la vitesse
Et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps
Les amants de la mer s’en vont en Bretagne ou à Tahiti
C’est vraiment con, les amants
Il n’y a plus rien

Camarade maudit, camarade misère
Misère, c’était le nom de ma chienne qui n’avait que trois pattes
L’autre, le destin la lui avait mise de côté
Pour les olympiades de la bouffe
Et des culs semestriels qu’elle accrochait dans les buissons
Pour y aller de sa progéniture
Elle est partie, Misère
Dans des cahots
Quelque part dans la nuit des chiens.
Camarade tranquille, camarade prospère
Quand tu rentreras chez toi
Pourquoi chez toi?

Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d’Alésia ou du Faubourg
Si tu trouves quelqu’un dans ton lit
Si tu y trouves quelqu’un qui dort
Alors va-t’en, dans le matin clairet
Seul, te marie pas
Si c’est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée
Fous-lui une baffe
Comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs…
Tu pourras lui dire
« Dis, t’as pas honte de t’assumer comme ça dans ta liquide sénescence?
Dis, t’as pas honte?
Alors qu’il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs?
Espèce de conne! » Et barre-toi!
Divorce-la, te marie pas!, Tu peux tout faire
T’empaqueter dans le désordre
Pour l’honneur, pour la conservation du titre
Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir!
Il n’y a plus rien

Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
Parce qu’il se fait chier à être blanc, ce nègre
Il en a marre qu’on lui dise: « Sale blanc! »
À Marseille, la Sardine qui bouche le port
Était bourrée d’héroïne
Et les hommes-grenouilles n’en sont pas revenu
Libérez les sardines
Et y aura plus de mareyeurs!

Si tu savais ce que je sais
On te montrerait du doigt dans la rue, alors
Il vaut mieux que tu ne saches rien
Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme, citoyen!

Tu as droit, citoyen, au minimum décent
À la publicité des enzymes et du charme
Au trafic des dollars et aux trafiquants d’armes
Qui traînent les journaux dans la boue et le sang

Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
Et si tu veux la prendre, elle te fera du charme
Avec le vent au cul et des sextants d’alarme
Et la mer reviendra sans toi, si tu es méchant

Les mots, toujours les mots, bien sûr!
Citoyens! Aux armes!
Aux pépées, citoyens! À l’amour, citoyens!
Nous entrerons dans la carrière
Quand nous aurons cassé la gueule à nos aînés!
Les préfectures sont des monuments en airain
Un coup d’aile d’oiseau ne les entame même pas, c’est vous dire!
Nous ne sommes même plus des Juifs allemands
Nous ne sommes plus rien
Il n’y a plus rien

Des futals bien coupés sur lesquels lorgnent les gosses, certes!
Des poitrines occupées, des ventres vacants
Arrange-toi avec ça!
Le sourire de ceux qui font chauffer leur gamelle
Sur les plages reconverties et démoustiquées
C’est-à-dire en enfer
Là où Dieu met ses lunettes noires
Pour ne pas risquer d’être reconnu par ses admirateurs
Dieu est une idole, aussi!
Sous les pavés, il n’y a plus la plage
Il y a l’enfer et la sécurité
Notre vraie vie n’est pas ailleurs, elle est ici
Nous sommes au monde, on nous l’a assez dit
N’en déplaise à la littérature
Les mots, nous leur mettons des masques, un bâillon sur la tronche
À l’encyclopédie, les mots!
Et nous partons avec nos cris! Et voilà!
Il n’y a plus rien, plus, plus rien
Je suis un chien? Perhaps!
Je suis un rat? Rien
Avec le cœur battant jusqu’à la dernière battue

Nous arrivons avec nos accessoires
Pour faire le ménage dans la tête des gens
Apprends donc à te coucher tout nu!
Fous en l’air tes pantoufles! Renverse tes chaises!
Mange debout! Assois-toi sur des tonnes d’inconvenances
Et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe
Si jamais tu t’aperçois que ta révolte s’encroûte
Et devient une habituelle révolte, alors
Sors, marche, crève, baise
Aime enfin les arbres, les bêtes
Et détourne-toi du conforme et de l’inconforme
Lâche ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien
Il n’y a plus rien…Plus, plus rien

Invente des formules de nuit, « cin, c’est la nuit! »
Même au soleil, surtout au soleil, c’est la nuit
Tu peux crever
Les gens ne retiendront même pas une de leurs inspirations
Ils canaliseront sur toi leur air vicié
En des regrets éternels puant le certificat d’étude
Et le catéchisme ombilical, c’est vraiment dégueulasse!
Ils te tairont, les gens, les gens taisent l’autre, toujours
Regarde, à table, quand ils mangent, ils s’engouffrent dans l’innommé
Ils se dépassent eux-mêmes et s’en vont vers l’ordure et le rot ponctuel!

La ponctuation de l’absurde, c’est bien ce renversement
Des réacteurs abdominaux, comme à l’atterrissage
On rote et on arrête le massacre
Sur les pistes de l’inconscient
Il y a des balises baveuses
Toujours un peu se souvenant du frichti, de l’organe, du repu
Mes plus beaux souvenirs sont d’une autre planète
Où les bouchers vendaient de l’homme à la criée

Moi, je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches
Si on ne mangeait pas les vaches, les moutons et les restes
Nous ne connaîtrions ni les vaches, ni les moutons, ni les restes
Au bout du compte, on nous élève pour nous becqueter
Alors, becquetons! Côte à l’os pour deux personnes, tu connais?

Heureusement il y a le lit, un parking!
Tu viens, mon amour?
Et puis, c’est comme à la roulette, on mise, on mise
Si la roulette n’avait qu’un trou, on nous ferait miser quand même
D’ailleurs, c’est ce qu’on fait!
Je comprends les joueurs
Ils ont trente-cinq chances de ne pas se faire mettre
Et ils mettent, ils mettent
Le drame, dans le couple, c’est qu’on est deux
Et qu’il n’y a qu’un trou dans la roulette

Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir!
Te marie pas, ne vote pas, sinon t’es coincé

Elle était belle comme la révolte
Nous l’avions dans les yeux
Dans les bras, dans nos futals
Elle s’appelait l’imagination
Elle dormait comme une morte, elle était comme morte
Elle sommeillait, on l’enterra de mémoire

Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit!
Transbahutez vos idées comme de la drogue. Tu risques rien à la frontière
Rien dans les mains, rien dans les poches, tTout dans la tronche!

Vous n’avez rien à déclarer? (Non)
Comment vous nommez-vous?
Karl Marx (allez, passez)
Nous partîmes. Nous étions une poignée
Nous nous retrouverons bientôt démunis, seuls, avec nos projets dans le passé
Écoutez-les, écoutez-les
Ça râpe comme le vin nouveau
Nous partîmes, nous étions une poignée
Bientôt ça débordera sur les trottoirs
La parlote, ça n’est pas un détonateur suffisant
Le silence armé, c’est bien, mais il faut bien fermer sa gueule
Toutes des concierges! Écoutez-les, il n’y a plus rien

Si les morts se levaient? Hein?
Nous étions combien? Ça ira!
La tristesse, toujours la tristesse
Ils chantaient, ils chantaient
Dans les rues, « te marie pas »
Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
Et ceux de Mexico, bras dessus, bras dessous
Bien accrochés au rêve, ne vote pas

Ô, DC-8 des pélicans
Cigognes qui partent à l’heure
Labrador, lèvres des bisons
J’invente en bas des rennes bleus
En habit rouge du couchant
Je vais à l’ouest de ma mémoire
Vers la clarté, vers la clarté

Je m’éclaire la nuit dans le noir de mes nerfs
Dans l’or de mes cheveux j’ai mis cent mille watts
Des circuits sont en panne dans le fond de ma viande
J’imagine le téléphone dans une lande
Celle où nous nous voyons, moi et moi
Dans cette brume obscène au crépuscule teint
Je ne suis qu’un voyant embarrassé de signes
Mes circuits déconnectent
Je ne suis qu’un binaire

Mon fils, il faut lever le camp comme lève la pâte
Il est tôt. Lève-toi. Prends du vin pour la route
Dégaine-toi du rêve anxieux des bien-assis
Roule, roule, mon fils, vers l’étoile idéale
Tu te rencontreras, tu te reconnaîtras
Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
La mue ça se fait à l’envers dans ce monde inventif
Tu reprendras ta voix de fille et chanteras demain
Retourne tes yeux au-dedans de toi
Quand tu auras passé le mur du mur
Quand tu auras outrepassé ta vision
Alors tu verras rien, il n’y a plus rien

Que les pères et les mères
Que ceux qui t’ont fait
Que ceux qui ont fait tous les autres
Que les « Monsieur », que les « Madame »
Que les assis dans les velours glacés, soumis, mollasses
Que ces horribles magasins roulants
Qui portent tout en devanture
Tous ceux à qui tu pourras dire
« Monsieur, Madame »

Laissez donc ces gens-là tranquilles
Ces courbettes imaginées que vous leur inventez
Ces désespoirs soumis
Toute cette tristesse qui se lève le matin
À heure fixe pour aller gagner vos sous
Avec les poumons resserrés
Les mains grandies par l’outrage et les bonnes mœurs
Les yeux défaits par les veilles soucieuses
Et vous comptez vos sous? Pardon, leurs sous!

Ce qui vous déshonore
C’est la propreté administrative
Écologique, dont vous tirez orgueil
Dans vos salles de bains climatisées
Dans vos bidets déserts, en vos miroirs menteurs

Vous faites mentir les miroirs!
Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes
Cravatés, envisonnés
Empapaoutés de morgue et d’ennui dans l’eau verte qui descend
Des montagnes et que vous vous êtes arrangés pour soumettre
À un point donné, à heure fixe
Pour vos narcissiques partouzes
Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus vous reconnaître
Tellement vous êtes beaux, et vous comptez vos sous
En long, en large
En marge de ces salaires que vous lâchez avec précision
Avec parcimonie, j’allais dire « en douce »
Comme ces aquilons avant-coureurs
Et qui racontent les exploits du bol alimentaire
Avec cet apparat vengeur et nivellateur
Qui empêche toute identification
Je veux dire que pour exploiter votre prochain
Vous êtes les champions de l’anonymat

Les révolutions? Parlons-en!
Je veux parler des révolutions qu’on peut encore montrer
Parce qu’elles vous servent, parce qu’elles vous ont toujours servi
Ces révolutions qui sont de « l’Histoire »
Parce que les « histoires » ça vous amuse, avant de vous intéresser
Et quand ça vous intéresse, il est trop tard
On vous dit qu’il s’en prépare une autre
Et lorsque quelque chose d’inédit vous choque et vous gêne
Vous vous arrangez la veille
Toujours la veille, pour retenir une place
Dans un palace d’exilés, dans un pays sûr
Entouré du prestige des déracinés
Les racines profondes de ce pays, c’est vous, paraît-il
Et quand on vous transbahute d’un désordre de la rue
Comme vous dites, à un ordre nouveau
Vous vous faites greffer au retour et on vous salue
Depuis deux cents ans, vous prenez des billets pour les révolutions.
Vous seriez même tentés d’y apporter votre petit panier
Pour n’en pas perdre une miette, n’est-ce-pas?
Et les vauriens qui vous amusent
Ces vauriens qui vous dérangent aussi
On les enveloppe dans un fait divers
Pendant que vous enveloppez les vôtres dans un drapeau

Vous vous croyez toujours, vous autres, dans un haras
La race ça vous tient debout dans ce monde que vous avez assis
Vous avez le style du pouvoir
Vous en arrivez même à vous parler à vous-mêmes
Comme si vous parliez à vos subordonnés
De peur de quitter votre stature, vos boursouflures
De peur qu’on vous montre du doigt, dans les corridors de l’ennui
Et qu’on se dise « tiens, il baisse »
« Il va finir par se plier, par ramper »
Soyez tranquilles! Pour la reptation, vous êtes imbattables
Seulement, vous ne vous la concédez que dans la métaphore
Vous voulez bien vous allonger, mais avec de l’allure
Cette « allure » que vous portez, Monsieur, à votre boutonnière
Et quand on sait ce qu’a pu vous coûter de silences aigres
De renvois mal aiguillés, de demi-sourires séchés comme des larmes

Ce ruban malheureux et rouge comme la honte
Dont vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage
Je me demande pourquoi la nature met
Tant d’entêtement, tant d’adresse
Et tant d’indifférence biologique
À faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères
Depuis les jupes de vos femmes matrimonières
Jusqu’aux salonnardes équivoques où vous les dressez à boire
Dans votre grand monde, à la coupe des bien-pensants
Moi, je suis un bâtard
Nous sommes tous des bâtards

Ce qui nous sépare, aujourd’hui
C’est que votre bâtardise à vous est sanctionnée par le code civil
Sur lequel, avec votre permission
Je me plais à cracher, avant de prendre congé
Soyez tranquilles, vous ne risquez rien!
Il n’y a plus rien
Et ce rien, on vous le laisse!
Foutez-vous-en jusque-là, si vous pouvez
Nous, on peut pas, un jour, dans dix mille ans
Quand vous ne serez plus là, nous aurons tout
Rien de vous, tout de nous

Nous aurons eu le temps d’inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse
Les larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles
Les bêtes enfin détraquées, la priorité à gauche, permettez!
Nous ne mourrons plus de rien, nous vivrons de tout
Et les microbes de la connerie
Que vous n’aurez pas manqué de nous léguer l’montant de vos fumures
De vos livres engrangés dans vos silothèques
De vos documents publics
De vos règlements d’administration pénitentiaire
De vos décrets, de vos prières, même
Tous ces microbes juridico-pantoufles, soyez tranquilles!
Nous avons déjà des machines pour les révoquer
Nous aurons tout
Dans dix mille ans!

LA PORTE – LEO FERRE / GUILLAUMEAPOLLINAIRE


FELICE CASORATI

LA PORTE

LEO FERRE / GUILLAUME APOLLINAIRE

La porte de l’hôtel sourit terriblement
Qu’est-ce que cela peut me faire ô ma maman
D’être cet employé pour qui seul rien n’existe
Pi-mus couples allant dans la profonde eau triste
Anges frais débarqués à Marseille hier matin
J’entends mourir et remourir un chant lointain
Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille

Enfant je t’ai donné ce que j’avais travaille

Guillaume Apollinaire, Alcools1913

TES SEINS VALANT TEINT


NIALA

TES SEINS VALANT TEINT

A te sentir à cru

sans prétexte d’un jour

bien ouverte aux demains

je cours pas les magasins pour ton cadeau

t’es pas à vendre et encore moins sous mise en vitrine

ma raison court à poil sans besoin d’emballage peau contre peau

que d’amour fou !

.

Niala-Loisobleu.

14 Février 2023

Léo Ferré – L’Amour Fou

La mer en vous comme un cadeau
Et dans vos vagues enveloppée
Tandis que de vos doigts glacés
Vous m’inventez sur un seul mot
Ô ma frégate des hauts-fonds
Petite frangine du mal
Remettez-vous de la passion
Venez, que je vous fasse mal
Je vous dirai des mots d’amour
Des mots de rien, de tous les jours
Les mots du pire et du meilleur
Et puis des mots venus d’ailleurs
Je vous dirai que je t’aimais
Tu me diras que vous m’aimez
Vous me ferez ce que tu peux
Je vous dirai ce que tu veux
Je vous dirai ce que tu veux

Je vous aime d’amour
Je vous aime d’amour

Si t’as seize ans et des poussières
À nous deux ça fait des années
Que je prépare ma galère
À te ramer à t’affoler
Voilà que tu cherches ton bien
Dans les vitrines de ma nuit
Achète-moi je ne vaux rien
Puisque l’amour n’a pas de prix
Comme une louve sous son loup
Quand je vous ferai des petits
Vous banderez vos yeux jaloux
Avec un loup de satin gris
Tout comme est gris le jour qui va
Petite sœur, écoutez-moi
Comme un bateau entre mes doigts
Vous coulerez, je vous le dois
Vous coulerez, je vous le dois

Je vous aime d’amour
Je vous aime d’amour
Je vous aime d’amour

Si la mort avait ton regard
Je meurs ce soir sans regarder
Et te demanderai ma part
Au bord du vide et des baisers
L’amour ça ne meurt que la nuit
Alors habille-toi en moi
Avec un peu de rouge aussi
J’aurai ta mort entre mes bras
Lorsque vous me mettrez en croix
Dans votre forêt bien apprise
Et que je boirai tout en bas
La sève tant et tant promise
Je vous engouffrerai de sang
Pendant que vous serez charmée
Et je vous donnerai l’enfant
Que vous n’avez jamais été
Que vous n’avez jamais été

Je vous aime d’amour
Je vous aime d’amour

Source : LyricFind

Paroliers : Léo Ferré

SORTIR DU LAS POUR ENTRER DANS LE LA


SORTIR DU LAS

POUR ENTRER DANS LE LA

Comme la poutre mise au cou de la vache pour la tenir dans la clôture, voici une année lourde et plus confinée que dans le virus qui vient de passer. Jamais vu autant le troupeau de moutons s’engager au précipice. C’est inimaginable de se laisser couler sans réagir de la sorte…

Les amours trompés et la nature escroquée, l’imposture politique, une économie de vie jouée à la roulette russe, la grande illusion remise entre les mains les plus malhonnêtes, cette nullité boostée par le camelotage du trottoir à putes, la défense du con sommateur

Non mais ce n’est pas possible

Où va-t-on ?

Je me serais laissé couler, dans l’à quoi bon, à mon âge

Mais je ne suis pas de ce grain à mettre au moulin, l’ART EST UNE ARME, qui veut vivre en guère, doit la trouver en opposition qui tient la route

L’abus qui est fait rejoint l’ignorance qu’on apprend aujourd’hui dans les écoles aux enfants

N’avoir de gueule que pour refuser de travailler plus longtemps, montre vraiment le pitoyable de sa conscience

Ah oui les vacances payées voilà qui ferait l’avenir de la société syndicale

A la tienne et à la vôtre…

Je déplace ma politique de maintenance

j’ai changé le chevalet de place, faut que ça déménage, mais d’abord chez moi, sans compter sur un autre pour le faire

Je peindrai en corps mon dernier baiser, comme sur la bouche de Marthe, me passant du silence de mes enfants

C’est le plus dangereusement vil que je connaisse mais chacun est libre de son choix

A toi tout seul, Alain de te tenir vivant en l’absence de prétextes – y compris ceux de l’âge – gardes-toi, loin du tout fout l’camp

Continue à dire que c’est beau la vie dans la peinture dans ton atelier de pro qui n’a rien confondu du savoir-faire et du bricolage…

Niala-Loisobleu.

18 Janvier 2023

Le bateau Espagnol par Léo Ferre

J’étais un grand bateau descendant la Garonne
Farci de contrebande et bourré d’Espagnols
Les gens qui regardaient saluaient la Madone
Que j’avais attachée en poupe par le col
Un jour je m’en irai très loin en Amérique
Donner des tonnes d’or aux nègres du coton
Je serai le bateau pensant et prophétique
Et Bordeaux croulera sous mes vastes pontons

Qu’il est long le chemin d’Amérique
Qu’il est long le chemin de l’amour
Le bonheur ça vient toujours après la peine
T’en fais pas mon ami je reviendrai
Puisque les voyages forment la jeunesse
T’en fais pas mon ami je vieillirai

Rassasié d’or ancien ployant sous les tropiques
Un jour m’en reviendrai les voiles en avant
Porteur de blés nouveaux avec mes coups de triques
Tout seul mieux qu’un marin je violerai le vent
Harnaché d’Espagnols remontant la Garonne
Je rentrerai chez nous éclatant de lueurs
Le gens s’écarteront saluant la Madone
En poupe par le col et d’une autre couleur

Qu’il est doux le chemin de l’Espagne
Qu’il est doux le chemin du retour
Le bonheur ça vient toujours après la peine
T’en fais pas mon ami je reviendrai
Puis les voyages forment la jeunesse
Je te dirai mon ami à ton tour
A ton tour…

Léo Ferré

Léo Ferré – La Solitude


Léo Ferré – La Solitude


Je suis d’un autre pays que le vôtre
D’une autre quartier
D’une autre solitude

Je m’invente aujourd’hui des chemins de traverse
Je ne suis plus de chez vous
J’attends des mutants

Biologiquement
Je m’arrange avec l’idée que je me fais de la biologie
Je pisse, j’éjacule, je pleure
Il est de toute première instance
Que nous façonnions nos idées
Comme s’il s’agissait d’objets manufacturés
Je suis prêt à vous procurer les moules

Mais, la solitude

La solitude

Les moules sont d’une texture nouvelle, je vous avertis
Ils ont été coulés demain matin
Si vous n’avez pas, dès ce jour
Le sentiment relatif de votre durée
Il est inutile de vous transmettre
Il est inutile de regarder devant vous car
Devant c’est derrière
La nuit c’est le jour, et

Ah, ah, ah
Ah, ah, ah, ah, ah, ah

La solitude
La solitude
La solitude

Il est de toute première instance que les laveries automatiques
Au coin des rues, soient aussi imperturbables que les feux d’arrêt
Ou de voie libre
Les flics du détersif
Vous indiqueront la case
Où il vous sera loisible de laver
Ce que vous croyez être votre conscience
Et qui n’est qu’une dépendance de l’ordinateur neurophile
Qui vous sert de cerveau
Et pourtant

La solitude
La solitude

Le désespoir est une forme supérieure de la critique
Pour le moment, nous l’appellerons « bonheur »
Les mots que vous employez n’étant plus « les mots »
Mais une sorte de conduit
À travers lequel les analphabètes se font bonne conscience

Mais, ma solitude
La solitude
La solitude, la solitude, la solitude
La solitude

Le Code Civil, nous en parlerons plus tard
Pour le moment, je voudrais codifier l’incodifiable
Je voudrais mesurer vos danaïdes démocraties
Je voudrais m’insérer dans le vide absolu
Et devenir le non-dit
Le non-avenu, le non-vierge
Par manque de lucidité
La lucidité se tient dans mon froc

Dans mon froc

Léo Ferré

DU FOND DE LA MERE, CE QUI TIENT


photo Niala

DU FOND DE LA MERE, CE QUI TIENT

La coquille baille

je m’éveille et m’accoude aux cavernes

Un banc est en Place de Furstenberg

escale

où se tient ma jeunesse

à marrées perpétuelles dans cette vieillesse terrestre

J’ai vu le bleu

Vincent d’un bout à l’autre

Grindel comme berger

Léo pour apprendre à chanter ce qui résonne au naturel

Tout fout l’camp

sauf ce qui tient en relais dans le ventre…

Niala-Loisobleu.

16 Janvier 2023

L’ARLEQUIN – LEO FERRE


L’arlequin

Léo Ferré

Ô ventre maternel où pourrissant de l’ombre
J’étais un catéchisme en style ombilical
Pathétique hasard de péchés en surnombre
Aqueuse déception forgée après le bal
C’est en forgeant très tard que l’on devient poète
En chemise à carreaux je joue à Carnaval
Tous les jours de mes mois je me fis une tête
A l’image de
Dieu… et n’ai rien inventé
Et le soir aux draps blancs plissant de goélette
Je m’en allais humant un peu d’éternité…
Ces rêves enlacés d’azur et de géhenne
Je les veux mêmement renaître de l’été
Lorsque les soleils pourpre(s) iront faire la chaîne
Et se dorer le cul au feu de ma chanson
Je leur tricoterai des pull-overs de laine
Les astres s’en iront sans rime ni raison
Déglinguant l’édifice encombré de mystère
Ce jour-là
Christ sera coiffé comme un garçon
Il se dira partout des messes adultères
Nos calices seront des pichets de bazars
Que rougiront les sangs glorieux de nos misères
Et nous verrons
Jésus faire le grand écart
Sur les tranches du ciel pelé comme une orange
Tout en fumant un calumet de trois dollars
Qu’il aura eu à
Chicago pour un bon change

Léo Ferré

MARGUERITE EN MUSIQUE DE CHAMBRE


MARGUERITE

EN

MUSIQUE DE CHAMBRE

2021

croise au large sa rupture d’amarre

plus un pétale ne retient la maison dans les arbres

marée-noire

où l’oiseau reste englué dans les ruines du naufrage

Le Peintre raciné à l’anémone protège la barrière de corail et cherche à rejoindre la côte

Remonte un appel du lointain dans les rugissants

un bateau-ivre

faisceau de lumière pure et sans fards qui balaie le ras d’eau

Portée par le vent hors des sirènes la voie ouvre en arrière sur l’avant

C’était Il était une Foi…

Niala-Loisobleu.

15 Novembre 2022

L’AMOUR – LEO FERRE


L’AMOUR – LEO FERRE

Quand y’a la mer et puis les ch’vaux
Qui font des tours comme au ciné
Mais qu’ dans tes bras c’est bien plus beau
Quand y’a la mer et puis les ch’vaux
Quand la raison n’a plus raison
Et qu’ nos yeux jouent à s’ renverser
Et qu’on n’ sait plus qui est
F patron
Quand la raison n’a plus raison
Quand on rat’rait la fin du monde
Et qu’on vendrait l’éternité
Pour cette éternelle seconde
Quand on rat’rait la fin du monde
Quand le diable nous voit pâlir
Quand y’a plus moyen d’ dessiner
La fleur d’amour qui va s’ouvrir
Quand le diable nous voit pâlir
Quand la machine a démarré
Quand on n’ sait plus bien où l’on est
Et qu’on attend c’ qui va s’ passer

Léo Ferré