MA FOUGUE DE VIVRE, JE TE LA DOIS


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MA FOUGUE DE VIVRE, JE TE LA DOIS

Radieuse comme soleil, à donner frissons la chaleur de tes -je t-aime,
Qu’importe ce que tu m’ écriras mon bel ange à l’endroit ou à l’envers,
La grâce de tes yeux, jolies perles au si doux feu vaut mille poèmes
Tes douces lèvres, ton parfum suave m’ écriront les plus beaux vers.

Convaincue bella Graziella qu ‘il y a mille et une façons d’écrire,
Ma tendresse, autant de manières d’exprimer ses idées ou ses rêves.
La poétesse avec sa plume, toi le plus fou, le plus beau des sourires.
Souvenir de trésors exhibés, art inné d’amoureuse au corps d’Eve.

Graziella mon cœur ne vit que pour toi, le tien mon printemps éternel.
Je ne dors plus sans toi,nos étreintes chaudes,nos douces caresses
Ma fougue de vivre ce bel amour, de toutes les fleurs la plus belle,
Je te les dois .Dans mes bras bercée, tu revivras ta sublime ivresse.

Sadek Belhamissi

LES VRILLES DE LA VIGNE


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LES VRILLES DE LA VIGNE

Autrefois, le rossignol ne chantait pas la nuit. Il avait un gentil filet de voix et s’en servait avec adresse du matin au soir, le printemps venu. Il se levait avec les camarades, dans l’aube grise et bleue, et leur éveil effarouché secouait les hannetons endormis à l’envers des feuilles de lilas.

Il se couchait sur le coup de sept heures, sept heures et demie, n’importe où, souvent dans les vignes en fleur qui sentent le réséda, et ne faisait qu’un somme jusqu’au lendemain.

Une nuit de printemps, le rossignol dormait debout sur un jeune sarment, le jabot en boule et la tête inclinée, comme avec un gracieux torticolis. Pendant son sommeil, les cornes de la vigne, ces vrilles cassantes et tenaces, dont l’acidité d’oseille fraîche irrite et désaltère, les vrilles de la vigne poussèrent si dru, cette nuit-là, que le rossignol s’éveilla ligoté, les pattes empêtrées de liens fourchus, les ailes impuissantes…

Il crut mourir, se débattit, ne s’évada qu’au prix de mille peines, et de tout le printemps se jura de ne plus dormir, tant que les vrilles de la vigne pousseraient.

Dès la nuit suivante, il chanta, pour se tenir éveillé :

Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…

Je ne dormirai plus !

Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…

Il varia son thème, l’enguirlanda de vocalises, s’éprit de sa voix, devint ce chanteur éperdu, enivré et haletant, qu’on écoute avec le désir insupportable de le voir chanter.

J’ai vu chanter un rossignol sous la lune, un rossignol libre et qui ne se savait pas épié. Il s’interrompt parfois, le col penché, comme pour écouter en lui le prolongement d’une note éteinte… Puis il reprend de toute sa force, gonflé, la gorge renversée, avec un air d’amoureux désespoir. Il chante pour chanter, il chante de si belles choses qu’il ne sait plus ce qu’elles veulent dire. Mais moi, j’entends encore à travers les notes d’or, les sons de flûte grave, les trilles tremblés et cristallins, les cris purs et vigoureux, j’entends encore le premier chant naïf et effrayé du rossignol pris aux vrilles de la vigne :

Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…

Cassantes, tenaces, les vrilles d’une vigne amère m’avaient liée, tandis que dans mon printemps je dormais d’un somme heureux et sans défiance. Mais j’ai rompu, d’un sursaut effrayé, tous ces fils tors qui déjà tenaient à ma chair, et j’ai fui… Quand la torpeur d’une nouvelle nuit de miel a pesé sur mes paupières, j’ai craint les vrilles de la vigne et j’ai jeté tout haut une plainte qui m’a révélé ma voix.

Toute seule, éveillée dans la nuit, je regarde à présent monter devant moi l’astre voluptueux et morose… Pour me défendre de retomber dans l’heureux sommeil, dans le printemps menteur où fleurit la vigne crochue, j’écoute le son de ma voix. Parfois, je crie fiévreusement ce qu’on a coutume de taire, ce qui se chuchote très bas, – puis ma voix languit jusqu’au murmure parce que je n’ose poursuivre…

Je voudrais dire, dire, dire tout ce que je sais, tout ce que je pense, tout ce que je devine, tout ce qui m’enchante et me blesse et m’étonne ; mais il y a toujours, vers l’aube de cette nuit sonore, une sage main fraîche qui se pose sur ma bouche, et mon cri, qui s’exaltait, redescend au verbiage modéré, à la volubilité de l’enfant qui parle haut pour se rassurer et s’étourdir…

Je ne connais plus le somme heureux, mais je ne crains plus les vrilles de la vigne.

 

Colette

VOICI 3 NOUVELLES PAGES A CE BLOG


 

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VOICI 3 NOUVELLES PAGES A CE BLOG

 

Je viens d’ouvrir trois nouvelles pages  et vous invite à les suivre en y laissant la trace de  ce qu’elles vous inspireront.

1 – AUTAN OCCITAN

Réunissant l’ensemble de la création commune de Barbara Auzou et moi-même.

 

https://alaindenefleditniala.wordpress.com/autan-occitan/

 

2 – LES JARDINS SUSPENDUS DE BARBARA AUZOU

Recueil de poèmes de Barbara Auzou.

 

https://alaindenefleditniala.wordpress.com/les-jardins-suspendus-de-barbara-auzou/

 

3 – L’EPOQUE 2018

Une série des dernières oeuvres de Niala

 

alaindenefleditniala.wordpress.com/lepoque-2018/

 

 

Les liens sont dans la barre du haut

 

Merci  d’avance et à bientôt…

 

Niala-Loisobleu – 14 Août 2018

 

 

 

QU’A TARD TÔT VIENNE


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QU’A TARD TÔT VIENNE

 

 

L’embrun refuse l’incarcération

les longs couloirs sans crête et sans coques

ce rai du jour d’un cul de base fausse que la feuillée ignore

A croupis

un saumâtre de vapeurs de soufre brûlant la poche de poitrine

pas plus qu’à genoux

voulons aimer bouches râpées

Non-émasculés des ocres sans gains nés des mots et des peints

serment gravé à l’âme qui ricoche de pierre en pierre sans gerçures

au pentu de la maison d’Autan Occitan tenue d’un chêne libre de fugue

 

Niala-Loisobleu – 25 Juillet 2018

 

MAIN MISE 1 – ANTONIN ARTAUD


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MAIN MISE 1 – ANTONIN ARTAUD

 

…Je vous l’ai dit, que je n’ai plus ma langue, ce n’est pas une raison pour que vous persistiez, pour que vous vous obstiniez dans la langue.

Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui font aujourd’hui ce que vous faîtes. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris à dénaturer mes poisons, on décèlera mes jeux d’âmes.

Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales, alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors on verra fumer les jointures des pierres, et d’arborescents bouquets d’yeux mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on verra choir des aérolithes de pierre, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans espaces, et on apprendra ce que c’est que la configuration de l’esprit, et on comprendra comment j’ai perdu l’esprit.

Alors on comprendra pourquoi mon esprit n’est pas là, alors on verra toutes les langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir, les figures humaines s’aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans l’air, cette membrane lubrifiante et caustique, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants, d’irrigations pénétrantes et vireuses,

alors tout ceci sera trouvé bien,

et je n’aurai plus besoin de parler.

Antonin Artaud – Le pèse nerf  extraits,1925

LA TOURNE


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LA TOURNE

— après cela (je commence, je commence toujours, mais c’est aussi toujours une suite), après cela j’avais essayé de quitter ma vie. Elle s’était en réalité
déjà séparée de moi, comme une maison rejette ses habitants à l’occasion d’un tremblement de terre. Bien sûr aucune maison ni cette vie ne m’avaient appartenu.
Cependant je restais pris sous les décombres. Il y avait dans cet écrasement encore de la protection et de la chaleur. J’aurais dû me tenir tranquille. Des événements
plus sourds se préparaient dehors. Insensiblement le temps s’était remis en marche dans sa poussière. Moi j’imaginais sans bouger un grand bond par-dessus ce désastre, ma
disparition d’un seul coup sur les rails où fonce une seule étoile déchiquetée. Mais tout s’accomplit à son heure, on décide peu. De nouveau j’entrepris des petits
voyages. Humbles, oui, et parfois de trois quatre kilomètres aux alentours (tous ces hérissons qui séchaient sur le bord de la route, transformés en galettes), puis d’autres
plus considérables mais guère différents pour le fond, renouant prudemment avec mon vieil espoir de le trouver à l’arrivée, l’autre aussitôt reconnu et qui
après un signe de connivence imperceptible (mais vu, compris), s’éloigne et je le suis jusque dans le couloir d’une sordide baraque à un étage où il faut faire vite :
un pas lourd au plafond ébranle des planches, précipite du plâtre, mais j’ai le temps d’apercevoir un vitrail de sureaux qui flambe sur les gravats. Alors il chuchote : C’est
vous ? — C’est moi.

Et nous échangeons ces pronoms comme des passeports volés à l’ambassade, avec les vrais tampons et le bleu brumeux de l’avenir dans chaque page, intact. Puis : les dernières
recommandations, les derniers vœux, l’accolade virile avant de nous perdre, chacun de son côté, dans la végétation déjà ténébreuse des rues. Jamais
rien de ce genre évidemment ne se produisait. Je tombais trop tard ou trop tôt dans d’immenses villes abandonnées. En général trop tard, par l’omnibus dont les
étapes à travers les banlieues divisaient à n’en plus finir la moitié de la moitié d’une distance obstruée par la nuit. Souvent, inexplicablement ou peut-être
à titre d’épreuve, on restait bloqué sur un pont, juste entre la rambarde et le souffle plein d’arrachements d’étincelles violettes des convois de sens inverse qui
cherchaient à nous culbuter, et je ne distinguais plus en bas qu’un remous pauvre aspirant le regard et l’espace avec l’eau du fleuve elle-même au fond du gouffre. Et j’avais peur, un
peu. Mais ne possédant pas de montre j’étais patient, surtout quand au lieu de la lune tirée comme un boulet incandescent par un silo ou une cheminée, luisait comme pour
soi, pour la pluie, l’écheveau des triages qui dans la plus compacte obscurité réfléchissent des bolides en proie sous l’horizon au silence dévastateur de leur vitesse.
Très loin brillait l’angle d’un mur.

Et contre, pour obéir à l’attraction du centre, dans un halo de ces becs de gaz les avenues encore indécises viraient en se prononçant pour l’équilibre, et rameutaient
ce troupeau de l’étendue bâtie vers son foyer. Mais un centre, à vrai dire (ce que moi j’appelais centre depuis qu’on m’avait expulsé du mien), les villes en ont un
rarement. Ou du moins elles le cachent, à la longue elles l’oublient, elles l’ont perdu ; et comment le découvrir sinon par hasard ou par chance ; et si ce que l’on trouve alors n’est
pas un simulacre, on le devine à la trouble douceur de déconvenue où s’étouffe le pressentiment : c’est un simple fragment qu’il faudrait combiner à d’autres (ces
pavés dans une arrière-cour, ces yeux qu’on a croisés et qui semblaient savoir, d’une science aussi ancienne et obtuse que celle des choses), pour obtenir enfin du désordre
apparent qu’on a remué de rue en rue la figure occulte et logique dont les lignes innombrables se recoupent en un seul point. J’explorais des périphéries.

Alerté puis déçu, puis appelé de nouveau comme si un cataclysme n’avait laissé debout que les ruines d’une volonté pareille à une phrase encore claire dans le
mot-à-mot, mais qui faute d’un verbe rétroactif maîtrisant l’émiettement du sens demeure intraduisible, ainsi je comprenais tour à tour la courbe en surplomb d’un
boulevard, du buis dans une impasse, la gaieté d’un sentier ; ailleurs un sous-sol sans maison rempli de cartons et de ferrailles, une façade sans immeuble, des moteurs au milieu d’un
pré ; ensuite un gros pneu dans un saule, deux enfants devant une affiche aux lions désabusés et, de chaque côté d’une usine éventrant par désœuvrement
ses carreaux au soleil puni, des maïs en papier jusqu’à de fulgurantes citernes. Et ensuite encore une rue, des maisons, plus de maisons, des jardins, plus de rue, plus personne, rien
que du ciel comme moi partout présent et partout égaré ; du ciel guettant le ciel sous des buissons, dans la profondeur des fenêtres ; du ciel dévalant au bas d’une
côte où vibrait le bord de l’horizon dans l’herbe comme un fil, puis sautant vers le ciel un instant fixe, vertical, avant de crouler avec la soudaineté d’une intuition nocturne
ou d’une bête. J’étais porté. Mais la loi qui le dirigeait renversait aussi bien le mouvement de cette fuite en spirale, et à certains indices (non, je n’avais jamais faim,
j’étais stimulé par la pluie), encore dans l’hésitation de la lumière qui gonfle sur les derniers chantiers, je savais qu’il me reconduisait vers l’intérieur, dans les
quartiers que la fin du jour saisit d’une puissante hébétude. Là des palais, des musées, des pelouses, des banques, des ministères délimitaient l’aire bientôt
déserte où je pensais que le centre en peine viendrait traîner peut-être avec la nuit. En tout cas je me reposais quand à force de marcher j’avais touché la pointe
anesthésique de la fatigue, et m’abandonnais sur un banc à l’inertie tournoyante de la planète et des corps des millions de dormeurs autour de moi qui veillais dans la cataracte
en suspens de tant de silence. Qu’est-ce que j’ai retenu? Sans grande passion pour l’histoire, observateur médiocre (ou je m’éprends une à une de toutes les briques d’un mur, ces
briques crues des temps qui tiennent juste au creux de la main avec le poids et l’or et la tiédeur d’un petit pain retournant par-delà des siècles à sa farine), seul et
sombre comme illettré dans les accords fondamentaux des musiques que font les langues, mais j’écoutais; confiant en d’absurdes systèmes établis sur les goûts des tabacs
(car une odeur autant qu’un lieu pouvait me livrer le centre — et les poches alors bourrées de dix variétés de cigarettes, les moins chères, celles qui sous de
naïfs emblèmes cosmopolites perpétuent la dérive de journées de chômage et de samedis de bals à tangos), je flottais avec ma fumée et n’en sortais que
comme une fine antenne promenée par la ville elle-même, une lanterne qu’elle portait en rêve au travers de sa propre masse pour en sonder l’énigme et l’épaisseur. Quant
au centre j’en parle, j’en parle, mais après coup. Je suivais une pente. Qu’elle m’ait aspiré jusqu’à lui, et je ne serais pas ici tranquillement à relever encore ses
traces, puisqu’il accordait cela du moins, traces ou signes par l’antenne aussitôt en éclair vers le cerveau pour y cristalliser la distraction en vigilance. Oui, tout cela prompt,
furtif, car si centre il y a, ce n’est rien que ravalement d’une indifférence féroce. Il m’aurait englouti. Par exemple je me souviens d’une porte : elle battait au fond d’un couloir
et j’ai vu beaucoup d’autres portes, mais c’était donc celle-là ; une autre fois, à Bologne, près d’une basilique en agglomérés de lune, un petit théâtre
d’ombre et de linge improvisait pour un buste d’Hermès aux yeux rongés, et c’était ce drame. Puis quand le soleil poussait du front sur les potagers aujourd’hui
défoncés en haut de Belleville; quand cette galerie qui obliquait encore à Prague entre des magasins se transformait en église et, pour finir, en square où des couples
muets déambulaient dans la chaleur, sous la lueur des globes exténuée d’avoir franchi les poussières du songe : c’était là, je ne bougerais plus, bien que ce ne
fût ni le but ni l’étape, mais cette déception en somme réconfortante d’avoir pour un moment trouvé l’enclos dont j’aurais pu, après tant d’heures usées
contre du vent, contre des pierres, devenir pierre et vent à mon tour le génie sans identité qui sous un ciel de glace, les rayons déclinants, allume entre l’inerte et les
yeux obscurcis une étincelle. Alors on connaît sans savoir. On connaît que des êtres passent, et que des événements s’infiltrent. Alors j’ai pénétré
des cœurs, entendu le déclic prémonitoire dans le retrait d’existences vouées à la désolation ou à la sauvagerie. Et de quel droit? Celui qui peut
connaître ainsi, malgré soi qui fracture, l’équité voudrait qu’il assiste ensuite : or lui s’en va. Je repartais, en effet, attiré de nouveau dans les faubourgs par
cette lampe qui de relais en relais au sommet des immeubles révèle et dérobe à la fois l’éclat du centre inaccessible. Et toujours cependant, à voix basse imitant
la mienne, quelqu’un me demandait d’attendre encore, encore un peu, mais il fallait que je m’en aille, amalgamant sans m’en douter quelque chose de ma substance à ces blocs d’inconnu.
Ensemble nous avons produit de l’angoisse et du danger, des lambeaux d’illusion qui puisent à mes dépens dans leur détresse de n’exister qu’à peine une sorte d’énergie.
Car en contrepartie la mienne s’amoindrissait. Et maintenant, comme moi j’avais erré à la recherche du centre, obsédées par l’oubli des mots qu’elles avaient voulu me dire,
que j’avais refusés (et qui étaient le passeport, peut-être, la formule de l’échange avec l’autre et notre délivrance), ces empreintes à moitié vivantes de
mon passage s’étaient mises à rôder. Comment faire pour les aider, et qu’elles me pardonnent ?

Souvent elles apparaissent, consternées au grand jour, sans arrêt, comme à coups de pelle, qui vient les déterrer, mais pour ne pas gêner, pour se donner l’air
hypocrite de tout le monde, elles vont manger une gaufre près de la consigne aux bagages, s’attarder sans motif dans les bazars où elles achètent n’importe quoi d’inutile pour
elles comme une lime à ongles et des savons, des savons. Elles ont honte, je sais, mais c’est ma honte qu’elles endurent, et la honte ou déjà la peur m’empêchaient de les
rejoindre quand j’étais sûr qu’elles m’avaient fait signe à cette façon de brandir là-bas la manche d’un manteau vide, au rideau qui bougeait derrière la vitre
d’un de ces vieux bistros confits dans les relents de la soupe et du pétrole. Je me méfiais. J’aimais mieux écrire des lettres et même les expédier, scrupuleusement
affranchies quoique sans adresse. Tant bien que mal essayant de me justifier. Mais ces explications me jetaient du haut en bas des pages comme dans des rues, et le virage automatique au bout de
la ligne m’abattait avec des pans de phrase entiers dans le brouillard. À cela aussi je renonçai. Puis il y eut une série d’incidents que je ne dois pas rapporter. Je n’osais
plus sortir ni décrocher le téléphone. Enfin, rassemblant mon courage avec ces objets modérés qui nous soutiennent quand nous lâche le reste — un seul livre,
la casquette, la brosse à dents — une fois de plus je résolus de partir. Où j’irais, peu importe. Mais là-bas tout recommencerait peut-être, et déjà
tout recommençait. Un train aux horaires fumeux montait vers la frontière, dans cette zone où les haltes en fin de journée se multiplient. La nuit aussi montait. Sous les
entablements obscurs, des rayons d’intelligence et d’amour touchaient le front des bêtes rencontrées. À chaque arrêt on voyait sourdre la lueur basse et puissante qui dort
au fond des murs. Les regards en étaient protégés par des visières, et les paupières des enfants qui ne cessaient de fumer sur les déblais restaient baissées.
Une averse, toujours devant, brassait dans l’odeur des lilas celle de la fumée et d’essences plus rares dont la vigueur, avec le cristal des appels, signifiait l’extrême altitude. La
gare où l’on s’attardait à présent était exactement semblable aux précédentes, peut-être plus foncée. Mais on avait monté encore, et rien
n’était changé dans l’intensité de camouflage de la lumière. Seule la pluie avait dû basculer vers des ravins ; un souffle par contrecoup achevait de s’épuiser en
gros tremblements de portes. Quelqu’un fit observer que les orages ne passaient jamais la frontière. D’autres phrases prononcées comme en rêvant flottèrent dans le wagon
— puis de nouveau le silence appuyé sur la vibration décroissante des vitres, les craquements des ressorts. Des sommets élevaient sur nous leur braise interminable.
Brusquement j’empoignai mon sac pour descendre, comme sans réfléchir. Le billet servirait plus tard, si je continuais ce voyage.

Personne, d’ailleurs, ne me le réclama. Les employés s’étaient tassés près du fourgon de tête, devant l’interruption du quai parmi des herbes dont luisaient les
tiges encore sensibles sous le vent. Ils formaient un groupe bien dense, bien noir, où de seconde en seconde un geste, qui semblait le dernier, éclatait saisissant comme le poing
plongé dans une eau trop limpide. Je les regardai longtemps. C’était une émeute immobile. J’allais comprendre quand la nuit tomba d’un seul coup. II y avait un hôtel en face
de la gare, juste au coin d’une rue qui allait se perdre vers des sapins. Du portier somnolent sur les pages de son registre, la voix ne me parvint qu’après avoir tâtonné dans
les chambres, cherchant celle où j’irais dormir. Mais j’avais le temps, tout le temps désormais plus lourd et plus stable que la montagne. Alors j’ai raccroché la clé
numéro 9 sur le tableau. J’escaladais maintenant cette rue qui décourage vite les maisons : au niveau des toits ce n’est plus qu’un sentier, après un coude abrupt
précipitant le village. La montagne allait devant moi, claire comme une pensée qui se sait condamnée et qui résiste. Au bord d’un ressaut étroit je me suis adossé
contre sa masse et, tout en bas, dans le train qui prenait la courbe vers la frontière, à trois reprises j’ai vu le compartiment que j’avais laissé vide s’éteindre, se
rallumer. J’ai dit doucement : bon voyage. Trois fois aussi le calme absolu de l’hôtel cette nuit m’a réveillé. Je sens le poids de la montagne. La lumière profonde a
disparu. Mais, sur la place, luit encore tout ce qui peut luire avec modestie et confiance : une étoile, l’anse d’un seau. Je recommence.

Jacques Réda

 

Je rentre. Vingt-deux-heures-dix

l’anse d’un saut, oui je recommence…tu es là,

pouls avenir bonheur dans ma barbe

N-L 16/06/18

Le Don des souffles


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Le Don des souffles

(…) Mais ininterrompue, que serait la poésie ? Le laisser-faire, le savoir-faire. C’est la fraîcheur que je souhaite maintenir pour qu’il n’y ait plus de hiérarchie entre tous les états d’une vie, poème ou non. Tout est plus modeste, presque banal, ou du moins peut l’être. On écrit, on  s’épuise.On n’écrit pas, on  se  ressource. J’aurais pu dire exactement l’inverse. La perte égale la  résurgence.  Ni  perte  ni  résurgence,  en  fait.  Je n’arrête rien, et dans ce permanent va-et-vient, cet équilibre instable, il n’y a que le présent qui se régénère. Je n’appelle pas autrement la poésie.

Quand je parle des vagues ou des branches, il est certain que je parle de moi : parlant de moi, je voudrais parler des vagues ou des branches.

Ce ne sont pas nos bras que pressent nos bras, ce ne sont pas nos mots que nos mots font entendre : le soleil lui-même, de qui est-il la lumière ?

 

Pierre Dhainaut

 

Des cases et des lettres beurk de nord mendie je t’attrape à plaine mains que c’est Beauce au moins là il y a pas l’ombre d’un arbre ils les ont tous coupés pour plus de quintal de fric au soleil non ne sont pas mes bras qui nagent c’est mon ventre qui gargouille…

Niala-Loisobleu – 10 Juin 2018

JE SUIS MAL D’UNE QUESTION DE PLACE


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D’UNE QUESTION DE BONNE PLACE

Un moment pour avoir envie de se poser les mains à côté. De se taire les yeux et dénouer les oreilles. Ce monde se mord la queue en adorant se poser les sempiternelles mêmes questions, qu’il ne règle jamais et remet sur le tapis comme une maladie chronique. Nos chers petits ne savent plus lire….Si ça c’est un scoop alors moi je me s’coupe l’aqueux pour devenir sec. Ainsi serais-je intégré. Je trouverai plus suspectes les flatteries qui ronflent comme un moteur surgonflé et en plein à côté du sujet. Si la poésie c’est qu’une valse de Vienne, genre Sissi et Danube bleu alors qu’elle aborde une réflexion surréaliste, une pensée métabolique, le chemin par le surhumain, alors je dis laisse tomber le jardin extraordinaire et cultive du navet et du chou-rave, tu verras combien ça rend. Merde si encore c’était chanson de rue genre Brel, Barbara, Ferré, Brassens, etc…mais y a même pas pas un piano à bretelles dans le compliment. J’ai la peur au ventre, un Jardin de Soi, est-ce un endroit ad hoc pour lui cet endroit ?

Niala-Loisobleu – 26 Avril 2018

MAT AIR MANNE


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MAT AIR MANNE

 

Peindre pareil que donner à son âme

le droit de représentation

en tous endroits

Mars  double stanee

d’acte et de pensée

par rapport au froid et au chaud de son poil

par le lieu que ses oreilles captent des yeux

par la spontanéité du geste mu de stimuli

de l’heur de son horloge interne

Devenir siamois du pigment

étreint du pinceau

buvant le médium

qui nargue le couteau

d’un désir d’empâtement

Matière de soi

née du quelque part d’autres

Sensualité affichée

par l’érection d’une forme

donnant l’orgasme à la composition

Peintre montre-toi nu

plus déshabillé que ton modèle

Dis ton combat pour trouver

ce que ton humilité doit taire

Couleur

tu es le teint du tant

dans l’humeur de ta souffrance du peu

Peindre avec l’alphabet de son écriture

du A comme je t’aime aujourd’hui

au Z comme en corps hier à deux mains

La peur unique au ventre

la peur qui crée

la peur qui stimule d’une poussée animale

la peur qui fait surmonter sa peur inadéquate

la peur qui veut que tu la lises espoir

Peindre alors m’aime au pire désarroi

un rond à remplir de jaune

souligné de bleu vertical

du mot venu sur le papier  écrit  à deux mat air manne

 

Niala-Loisobleu –  29 Mars 2018

 

ROUGE BAN BLEU TRIPLE BANC


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ROUGE BAN BLEU TRIPLE BANC

Stanilas était mieux versé dans les grilles

que dans la porte

Pourtant j’ai reçu un carton

d’un bleu banc

que la mer avait rempli de son sel

à l’apporte du soleil

le fils se faisant cygne

Je m’y suis assis les yeux fermés

banc de la Place du Forum

Pompidou marchant à son tour sur une grille

cette fois de métro

s’est soulevé jusqu’au ô

façon Marylin

T’as d’belles cuisses ai-je dit à ma Muse

en plongeant au bain de ses yeux

seins dans les seins

Notre-Dame n’ayant pas retrouvé son bourdon

et Rome toujours sous pape

il a fallut qu’une mouche débarque  en marie-salope

Eh l’Oiso je monte à bord

dans ta trière ya du bon suc de vigne

et les cales en jarres telles que mains tenant

la porte est double

et le bleu triple

sous les fées de l’Al cool

Les rameurs tenaient le marchand d’esclaves

par le fouet du tambour

et la chaîne galère vaine et ri hyene

par la peau des couilles

devenues si bleues

qu’on aurait dit la porte de vingt cènes

en position des tireurs couchés

 

Que du bonheur en bleu de chauffe

l’ô fourneau rallumé

les mines réjouies du géniteur et d’un de la progénitue

trois moins deux et je retiens un

trempant jusqu’au cou

dans l’encrier

pour peindre

en qu’aime et narre

la voie du bleu d’un triple ban

comme si un ange pouvait être haut-de-contre

Niala-Loisobleu – 14 Mars 2018

 

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