Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo



« Je pleure sans raison que je pourrais vous dire, c’est comme une peine qui me traverse, il faut bien que quelqu’un pleure, c’est comme si c’était moi. » M. D.

Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo

23 DÉCEMBRE 2020

tags: Farsa (género imposible)Josep (film)Miguel HernándezSílvia Pérez CruzTodas las madres del mundo

Farsa (género imposible) [« Farce (genre impossible) »] est le dernier album de Sílvia Pérez Cruz, l’étincelante Catalane. C’est l’un de ses meilleurs. Prévu pour le printemps de cette exécrable année 2020, finalement publié en octobre, il est composé de travaux réalisés en liaison avec des œuvres tierces, de genres différents : cinéma, film documentaire, ballet, théâtre. On y retrouve par exemple Mañana, composée sur un poème d’Ana Maria Moix pour le film Ana María Moix, passió per la paraulaPlumita et les chansons du film La noche de 12 años d’Álvaro Brechner (2018) auquel elle participait en outre en tant qu’actrice, ou encore un extrait du ballet Grito pelao, dans lequel elle se produisait avec la danseuse de flamenco Rocío Molina.

On y entend aussi cette chanson, Todas las madres del mundo (« Toutes les mères du monde »), composée sur le poème Guerra (« Guerre ») de Miguel Hernández (1910-1942) pour le film d’animation Josep d’Aurel (France, 2020) où elle prête sa voix au personnage de Frida Kahlo.

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Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo. Miguel Hernández, paroles ; Sílvia Pérez Cruz, musique. Les paroles sont extraites du poème Guerra de Miguel Hernández, avec quelques modifications.
Sílvia Pérez Cruz, chant, guitare ; Mario Mas, luth espagnol ; Javier Mas, archiluth ; Carlos Montfort, violon ; Marina Sala, accordéon.
Extrait de la bande originale du film d’animation Josep (France, 2020). Aurel, réalisation ; Jean-Louis Milesi, scénario.
Extrait de l’album Farsa (género imposible) / Sílvia Pérez Cruz. Espagne, ℗ 2020.

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Todas las madres del mundo,
ocultan el vientre, tiemblan,
y quisieran retirarse,
a virginidades ciegas,
el origen solitario
y el pasado sin herencia.
Pálida, sobrecogida
la fecundidad [virginidad] se queda.
El mar tiene sed y tiene
sed de ser agua la tierra.

Toutes les mères du monde
cachent leur ventre, tremblent,
et voudraient retourner
à des virginités aveugles,
au commencement solitaire
et au passé sans héritage.
La fécondité [virginité] demeure
Dans la pâleur et dans l’effroi.
La mer a soif et
La terre a soif de devenir eau.

La sangre enarbola el cuerpo,
precipita la cabeza
y busca un hueco, una herida
por donde lanzarse afuera.

Le sang hisse le corps,
précipite la tête
et cherche un creux, une blessure
D’où fuser au-dehors.

La sangre recorre el mundo
enjaulada, insatisfecha.
Las flores se desvanecen
devoradas por la hierba.

Mis en cage, insatisfait
Le sang parcourt le monde.
Les fleurs se fanent,
Dévorées par l’herbe.

El corazón se revuelve,
se atorbellina, revienta.
Arroja contra los ojos
súbitas espumas negras.

Le cœur se retourne,
tourbillonne, éclate.
Il jette contre les yeux
De soudaines écumes noires.

Ansias de matar invaden
el fondo de la azucena.
Acoplarse con metales
todos los cuerpos anhelan:
desposarse, poseerse
de una terrible manera.

Des envies de tuer prennent possession
Du coeur du lis.
Tous les corps aspirent à
S’accoupler avec des métaux :
Avec eux se marier, se posséder
d’une manière terrible.

El mar tiene sed y tiene
sed de ser agua la tierra.

La mer a soif et
La terre a soif d’être eau.

Después, el silencio, mudo
de algodón, blanco de vendas,
cárdeno de cirugía,
mutilado de tristeza.
El silencio. Y el laurel
en un rincón de osamentas.
Y un tambor enamorado,
como un vientre tenso, suena
detrás del innumerable
muerto que jamás se aleja.

Et puis, le silence, muet
de coton, blanc de bandages
Bleu de blouses de chirurgiens,
mutilé de tristesse.
Le silence. Et le laurier
dans un coin parmi les ossements.
Et un tambour amoureux,
comme un ventre tendu, bat
derrière l’innombrable
homme mort qui jamais ne s’éloigne.
Miguel Hernández (1910-1942). Todas las madres del mundo, adaptation par Sílvia Pérez Cruz du poème Guerra, extrait de Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941).Miguel Hernández (1910-1942). Toutes les mères du monde, trad. par L. & L. de Todas las madres del mundo, adaptation par Sílvia Pérez Cruz du poème Guerra, extrait de Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941).

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MIGUEL HERNANDEZ


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MIGUEL HERNANDEZ

 

C’est du sang, pas de la grêle, 
ce qui fouette mes tempes.
Ce sont deux années de sang : 
ce sont deux inondations.
Sang d’acte solaire, 
tu viens dévorante,
jusqu’à laisser déserts 
et étranglés les balcons

Sang, qui est le plus précieux 
de tous les biens précieux.
Sang, qui thésaurisait 
pour l’amour ses dons.
Regardez-le troubler les mers, 
faire sauter les trains
décourageant les taureaux 
là où il encouragea les lions.

Le temps est sang. Le temps 
circule dans mes veines.
Et face à l’horloge et au temps 
je me sens plus que blessé,
et j’entends une collision de sangs 
de toutes les dimensions.

Sang dans lequel la mort 
peut à peine se baigner :
éclat émouvant 
qui n’a point pâli,
parce que l’ont recueilli 
mes yeux millénaires.

Miguel Hernandez

Traduction Jean-Marc Undriener

http://www.fibrillations.net/Miguel-Hernandez-Quelques-poemes

 

https://journals.openedition.org/babel/1061?lang=es