PAYS

PAYS

Seul trou dans le tissu
De silence et d’eau lente
Où rien n’osait bouger,

Au bord d’un bras de mer,
La mouette aux yeux frêles
Déchiquetait sa proie.

II

Un seul cri, mais, soleil, Évite-nous les tiens.

Un seul cri, c’est assez
Pour casser l’équilibre.

Tant d’amour a manqué
Qu’on ne s’y connaît plus.

III

L’eau a rêvé de toi,
Soleil, en ton absence.

Elle a rêvé de toi :
Tu viendrais sans crier.

Elle a rêvé de toi
Qui serais apaisé

D’avoir longtemps dormi
Près de l’ombre apparente.

IV

Sable et vase, en travail
Pour devenir de terre,

N’avoir plus cette soif
De mer et de marée

N’avoir plus la mouette
Comme éterneUe sur sa proie.

V

Il y a sacrifice,

On ne sait pas de qui,

A moins que ce ne soit
De celui qui régarde.

Eugène Guillevic

BERGERIES


BERGERIES

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Suppose

Que je vienne et te verse
Un peu d’eau dans la main

Et que je te demande
De la laisser couler

Goutte à goutte
Dans ma bouche.

Suppose

Que le vol d’un oiseau
Nous invite au voyage

Et que je te demande
De nous blottir en lui

Pour avec lui voler

A travers ta pénombre.

Suppose

Que près de toi mes jours
Aient un cours trop rapide

Et que je te demande
De faire de mon temps

Un temps de végétal
Pas pressé de fleurir.

Suppose

Que le bois de la table
Réclame ses racines

Et que je te demande
De nous y prendre ainsi

Qu’il ait surtout besoin
Du toucher de nos mains.

Suppose

Que la fleur soit si drue
Que c’est trop de défi

Et que je te demande

De m’apprendre à la voir

Sans penser que c’est nous
Que sa mort atteindra.

Suppose

Qu’un couple de mésanges
Cogne à notre fenêtre

Et que je te demande
De les laisser cogner

Jusqu’à ce qu’on nous parle
Un langage entendu.

Suppose

Que le ciel de la plaine
Soit jaloux de nous deux

Et que je te demande
Envers lui ce sourire

Qu’il attend de la terre
Depuis les origines.

Suppose

Que le chêne refuse

Nos corps contre son tronc

Et que je te demande
Que nous lui chantonnions

Le chœur de ses racines Étouffé dans ses feuilles.

Suppose

Que dans l’air chaud le blé
Parle encore de toi

Et que je te demande
D’aller lui rapporter

Que j’en sais davantage
Mais que j’aime écouter.

Suppose

Que tu m’ouvres les bras
Pour fêter le matin

Et que je te demande
De ne pas me garder

Tant que je ne sais pas
Cerner mes cauchemars.

Suppose

Que nous ne soyons pas
Si contents de nous-mêmes

Et que je te demande
De rappeler à nous

Ces moments où j’ai lu
La gloire dans tes yeux.

Suppose

Que le ciel soit trop près
De nos corps extasiés

Et que je te demande
De lui faire accepter

Que nous ne voulons pas
L’avoir comme témoin.

Suppose

Que la feuille du chêne
Te réclame auprès d’elle

Et que je te demande
D’y rester jusqu’au jour

Où ce sera mon tour
D’être appelé par elle.

Suppose

Que la rose ait envie
De devenir bluet

Et que je te demande
Que nous nous appliquions

A l’écœurer du bleu
Des mers azuréennes.

Suppose

Que je voie la pervenche
N’en pouvant plus d’attendre

Et que je te demande
De lui annoncer, toi,

Que ce n’est pas la peine,
Qu’il est déjà venu.

Suppose

Que les herbes grandissent
Plus haut que les terrils

Et que je te demande
Que nous sachions en rire

Comme si c’était nous
Qui prenions la revanche.

Suppose

Que la lune apparaisse
Quand nous ne voulons pas

Et que je te demande
De tout accepter d’elle

Pour qu’elle aille sa route
Et nous laisse à nous-mêmes.

Suppose

Que ce soit le rocher

Qui frappe à notre porte

Et que je te demande
De le laisser entrer

Si c’est pour nous conter
Le temps d’avant le temps.

Suppose

Que tout, sous nos regards,
Soit pris d’un tremblement

Et que je te demande
De garder notre calme,

Tout en faisant semblant
De trembler comme eux tous.

Suppose

Que je coupe la terre
En deux parties égales

Et que je te demande
Laquelle tu choisis,

Celle où je sombrerai,
Celle qui voguera.

Suppose

Que la nuit ait envie
De te prendre pour reine

Et que je te demande
De lui faire accepter

Qu’elle ait à se venger
Sur moi de ton refus.

Suppose

Que le feu te raconte
Sur moi des infamies

Et que je te demande
De croire ce qu’il dit

A moins que tu ne t’offres
A l’épreuve du feu.

Suppose

Que la montagne s’ouvre
En s’avançant sur nous

Et que je te demande
Que nous restions à rire

Du mal que l’on se donne
Rien que pour nous gober.

Suppose

Que nous soyons ensemble
A respecter le soir

Et que je te demande
De le couvrir du sang

De la bête qui vient
Nous humer dans la nuit.

Suppose

Que l’horloge s’arrête
En éclatant de rire

Et que je te demande
De lui dire que rien

N’est changé pour cela
A ce que fait le temps.

Suppose

Qu’un cuivre nettoyé

Se transforme en orchestre

Et que je te demande
De lui faire accepter

Que nous aimons bien mieux
L’accord de son silence.

Suppose

Que nos cailloux se mettent
A hurler tous ensemble

Et que je te demande
De les faire se battre

Et de chanter victoire
Avec le survivant.

Suppose

Que tout à coup le mur
S’effondre devant nous

Et que je te demande
De croire que c’est lui

Qui a voulu répondre
A notre vœu secret.

Suppose

Que sans raison la porte
Se fracasse à nos pieds

Et que je te demande
Si ta peur est plus grande

Depuis que le silence
A lâché sa menace.

Suppose

Que l’espace en courroux
Veuille nous séparer

Et que je te demande
De répéter mon nom,

De le crier toujours
Dans le tohu-bohu.

Suppose

Que la pluie te raconte
Qu’elle envahit la terre

Et que je te demande
De voir à travers moi

Que le soleil la gifle
Et la fait remonter.

Suppose

Que le train nous déverse
Dans quelque terrain vague

Et que je te demande
D’effacer de ce ciel

Ce qui se reproduit

Dans tant de cauchemars.

Suppose

Que je n’aie rien à faire
Que d’attendre la nuit

Et que je te demande
De vouloir qu’elle arrive

Avec tout le retard

Que l’on peut mettre à vivre.

Suppose

Que l’univers entier

Ne soit plus que terreur

Et que je te demande
D’user de tes regards

Pour qu’au moins la prairie
Cède à notre sourire.

Suppose

Que pour moi l’étendue
Soit de l’ordre du cri

Et que je te demande
De ramener son règne

A la plainte habitant
Le creux des coquillages.

Suppose

Que la mer ait envie
De nous voir de plus près

Et que je te demande
D’aller lui répéter

Que nous ne pouvons pas
L’empêcher d’être seule.

Suppose

Que près de nous la mer
Se mette à grommeler

Et que je te demande
De n’avoir d’autre peur

Que celle que nous donne
Son silence étranglé.

Suppose

Qu’il n’y ait que le vent
A rencontrer sur terre

Et que je te demande
De souffler à sa place

Et d’agir avec moi
Comme avec un trois-mâts.

Suppose

Que je me laisse un jour
Marcher sur l’océan

Et que je te demande
De m’appeler pour voir

Si ton cri peut changer
Mes rapports avec l’eau.

Suppose

Que la vague et le sable
Jurent de te dissoudre

Et que je te demande

De m’étreindre à ce point

Qu’on ne puisse te prendre
Et me laisser un corps.

Suppose

Que la nuit me rejette
Quand je suis sans refuge

Et que je te demande
De me garder à toi

Pour affronter le noir
Sans redouter sa haine.

Suppose

Qu’il parle trop ce chêne
Où nous avons appui

Et que je te demande
D’obtenir qu’il se charge

Tout seul de son secret,
Pas plus lourd que le nôtre.

Suppose

Que le soleil couchant
S’en aille satisfait

Et que je te demande
D’aller lui réclamer

Ce qu’il doit nous payer
Pour sa journée de gloire.

Suppose

Que cet arbre et ce mur
M’imposent de les voir

Et que je te demande
De me donner la force

De passer devant eux
En ne voyant que toi.

Suppose

Que le jour et la nuit
Confondent leurs horaires

Et que je te demande
De m’aider à trouver

Comment faire un matin
Quand il n’y en a pas.

Suppose

Que le soleil se mette
A envahir la terre

Et que je te demande
D’être avec moi la glèbe,

La mer et le soleil
Pour la dernière fois.

Suppose

Que s’ouvrent sous nos yeux
Tous les toits de la ville

Et que je te demande
De choisir la maison

Où, le toit refermé,
Tu aimeras la nuit.

Suppose

Que nous soyons devant
La bougie allumée

Et que je te demande
Si tu comprends pourquoi

Nous en avons besoin
Pour nous réinventer.

Suppose

Que le lit nous ramène
A nos trois dimensions

Et que je te demande
D’accepter avec moi

Que nous le reprenions
Comme aire de départ.

Suppose

Que je veuille épouser
La plaine et l’océan

Et que je te demande
Que cela se situe

Dans la complicité
De ton corps exaucé.

Suppose

Que je sois fatigué
D’avoir trop travaillé

Et que je te demande
De te pencher sur moi,

De regarder ailleurs
Et d’ouvrir ton corsage.

Suppose

Qu’un oiseau dans l’hiver
Chante comme on triomphe

Et que je te demande
D’accompagner la plaine,

De façon qu’elle aborde
Au niveau de ce chant.

Suppose

Qu’un ange rencontré
Nous offre un paradis

Et que je te demande
Que nous nous écartions

Et le laissions tout seul
Raconter son velours.

Eugène Guillevic

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BERGERIES

Suppose

Que je vienne et te verse
Un peu d’eau dans la main

Et que je te demande
De la laisser couler

Goutte à goutte
Dans ma bouche.

Suppose

Que le vol d’un oiseau
Nous invite au voyage

Et que je te demande
De nous blottir en lui

Pour avec lui voler

A travers ta pénombre.

Suppose

Que près de toi mes jours
Aient un cours trop rapide

Et que je te demande
De faire de mon temps

Un temps de végétal
Pas pressé de fleurir.

Suppose

Que le bois de la table
Réclame ses racines

Et que je te demande
De nous y prendre ainsi

Qu’il ait surtout besoin
Du toucher de nos mains.

Suppose

Que la fleur soit si drue
Que c’est trop de défi

Et que je te demande

De m’apprendre à la voir

Sans penser que c’est nous
Que sa mort atteindra.

Suppose

Qu’un couple de mésanges
Cogne à notre fenêtre

Et que je te demande
De les laisser cogner

Jusqu’à ce qu’on nous parle
Un langage entendu.

Suppose

Que le ciel de la plaine
Soit jaloux de nous deux

Et que je te demande
Envers lui ce sourire

Qu’il attend de la terre
Depuis les origines.

Suppose

Que le chêne refuse

Nos corps contre son tronc

Et que je te demande
Que nous lui chantonnions

Le chœur de ses racines Étouffé dans ses feuilles.

Suppose

Que dans l’air chaud le blé
Parle encore de toi

Et que je te demande
D’aller lui rapporter

Que j’en sais davantage
Mais que j’aime écouter.

Suppose

Que tu m’ouvres les bras
Pour fêter le matin

Et que je te demande
De ne pas me garder

Tant que je ne sais pas
Cerner mes cauchemars.

Suppose

Que nous ne soyons pas
Si contents de nous-mêmes

Et que je te demande
De rappeler à nous

Ces moments où j’ai lu
La gloire dans tes yeux.

Suppose

Que le ciel soit trop près
De nos corps extasiés

Et que je te demande
De lui faire accepter

Que nous ne voulons pas
L’avoir comme témoin.

Suppose

Que la feuille du chêne
Te réclame auprès d’elle

Et que je te demande
D’y rester jusqu’au jour

Où ce sera mon tour
D’être appelé par elle.

Suppose

Que la rose ait envie
De devenir bluet

Et que je te demande
Que nous nous appliquions

A l’écœurer du bleu
Des mers azuréennes.

Suppose

Que je voie la pervenche
N’en pouvant plus d’attendre

Et que je te demande
De lui annoncer, toi,

Que ce n’est pas la peine,
Qu’il est déjà venu.

Suppose

Que les herbes grandissent
Plus haut que les terrils

Et que je te demande
Que nous sachions en rire

Comme si c’était nous
Qui prenions la revanche.

Suppose

Que la lune apparaisse
Quand nous ne voulons pas

Et que je te demande
De tout accepter d’elle

Pour qu’elle aille sa route
Et nous laisse à nous-mêmes.

Suppose

Que ce soit le rocher

Qui frappe à notre porte

Et que je te demande
De le laisser entrer

Si c’est pour nous conter
Le temps d’avant le temps.

Suppose

Que tout, sous nos regards,
Soit pris d’un tremblement

Et que je te demande
De garder notre calme,

Tout en faisant semblant
De trembler comme eux tous.

Suppose

Que je coupe la terre
En deux parties égales

Et que je te demande
Laquelle tu choisis,

Celle où je sombrerai,
Celle qui voguera.

Suppose

Que la nuit ait envie
De te prendre pour reine

Et que je te demande
De lui faire accepter

Qu’elle ait à se venger
Sur moi de ton refus.

Suppose

Que le feu te raconte
Sur moi des infamies

Et que je te demande
De croire ce qu’il dit

A moins que tu ne t’offres
A l’épreuve du feu.

Suppose

Que la montagne s’ouvre
En s’avançant sur nous

Et que je te demande
Que nous restions à rire

Du mal que l’on se donne
Rien que pour nous gober.

Suppose

Que nous soyons ensemble
A respecter le soir

Et que je te demande
De le couvrir du sang

De la bête qui vient
Nous humer dans la nuit.

Suppose

Que l’horloge s’arrête
En éclatant de rire

Et que je te demande
De lui dire que rien

N’est changé pour cela
A ce que fait le temps.

Suppose

Qu’un cuivre nettoyé

Se transforme en orchestre

Et que je te demande
De lui faire accepter

Que nous aimons bien mieux
L’accord de son silence.

Suppose

Que nos cailloux se mettent
A hurler tous ensemble

Et que je te demande
De les faire se battre

Et de chanter victoire
Avec le survivant.

Suppose

Que tout à coup le mur
S’effondre devant nous

Et que je te demande
De croire que c’est lui

Qui a voulu répondre
A notre vœu secret.

Suppose

Que sans raison la porte
Se fracasse à nos pieds

Et que je te demande
Si ta peur est plus grande

Depuis que le silence
A lâché sa menace.

Suppose

Que l’espace en courroux
Veuille nous séparer

Et que je te demande
De répéter mon nom,

De le crier toujours
Dans le tohu-bohu.

Suppose

Que la pluie te raconte
Qu’elle envahit la terre

Et que je te demande
De voir à travers moi

Que le soleil la gifle
Et la fait remonter.

Suppose

Que le train nous déverse
Dans quelque terrain vague

Et que je te demande
D’effacer de ce ciel

Ce qui se reproduit

Dans tant de cauchemars.

Suppose

Que je n’aie rien à faire
Que d’attendre la nuit

Et que je te demande
De vouloir qu’elle arrive

Avec tout le retard

Que l’on peut mettre à vivre.

Suppose

Que l’univers entier

Ne soit plus que terreur

Et que je te demande
D’user de tes regards

Pour qu’au moins la prairie
Cède à notre sourire.

Suppose

Que pour moi l’étendue
Soit de l’ordre du cri

Et que je te demande
De ramener son règne

A la plainte habitant
Le creux des coquillages.

Suppose

Que la mer ait envie
De nous voir de plus près

Et que je te demande
D’aller lui répéter

Que nous ne pouvons pas
L’empêcher d’être seule.

Suppose

Que près de nous la mer
Se mette à grommeler

Et que je te demande
De n’avoir d’autre peur

Que celle que nous donne
Son silence étranglé.

Suppose

Qu’il n’y ait que le vent
A rencontrer sur terre

Et que je te demande
De souffler à sa place

Et d’agir avec moi
Comme avec un trois-mâts.

Suppose

Que je me laisse un jour
Marcher sur l’océan

Et que je te demande
De m’appeler pour voir

Si ton cri peut changer
Mes rapports avec l’eau.

Suppose

Que la vague et le sable
Jurent de te dissoudre

Et que je te demande

De m’étreindre à ce point

Qu’on ne puisse te prendre
Et me laisser un corps.

Suppose

Que la nuit me rejette
Quand je suis sans refuge

Et que je te demande
De me garder à toi

Pour affronter le noir
Sans redouter sa haine.

Suppose

Qu’il parle trop ce chêne
Où nous avons appui

Et que je te demande
D’obtenir qu’il se charge

Tout seul de son secret,
Pas plus lourd que le nôtre.

Suppose

Que le soleil couchant
S’en aille satisfait

Et que je te demande
D’aller lui réclamer

Ce qu’il doit nous payer
Pour sa journée de gloire.

Suppose

Que cet arbre et ce mur
M’imposent de les voir

Et que je te demande
De me donner la force

De passer devant eux
En ne voyant que toi.

Suppose

Que le jour et la nuit
Confondent leurs horaires

Et que je te demande
De m’aider à trouver

Comment faire un matin
Quand il n’y en a pas.

Suppose

Que le soleil se mette
A envahir la terre

Et que je te demande
D’être avec moi la glèbe,

La mer et le soleil
Pour la dernière fois.

Suppose

Que s’ouvrent sous nos yeux
Tous les toits de la ville

Et que je te demande
De choisir la maison

Où, le toit refermé,
Tu aimeras la nuit.

Suppose

Que nous soyons devant
La bougie allumée

Et que je te demande
Si tu comprends pourquoi

Nous en avons besoin
Pour nous réinventer.

Suppose

Que le lit nous ramène
A nos trois dimensions

Et que je te demande
D’accepter avec moi

Que nous le reprenions
Comme aire de départ.

Suppose

Que je veuille épouser
La plaine et l’océan

Et que je te demande
Que cela se situe

Dans la complicité
De ton corps exaucé.

Suppose

Que je sois fatigué
D’avoir trop travaillé

Et que je te demande
De te pencher sur moi,

De regarder ailleurs
Et d’ouvrir ton corsage.

Suppose

Qu’un oiseau dans l’hiver
Chante comme on triomphe

Et que je te demande
D’accompagner la plaine,

De façon qu’elle aborde
Au niveau de ce chant.

Suppose

Qu’un ange rencontré
Nous offre un paradis

Et que je te demande
Que nous nous écartions

Et le laissions tout seul
Raconter son velours..

Eugène Guillevic

TRAIN DE NUIT


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TRAIN DE NUIT

 

J’ai fait un rêve de voyage en train, assis en première dans un wagon de 3ème et devant le prince consort de la reine d’Angleterre. Sous sa casquette d’amiral de la Navy ses médailles restaient cachées sous le trench-coat de son incognito. Nous n’étions que tous les deux dans la voiture. Aucune suite n’accompagnait le monarque, c’est la raison pour laquelle je ne me suis pas étonné du côté incongru de mon rêve qui s’est arr^té sans que nous soyons en gare

RENCONTRE

Donc :

Une pierre grise,

Juste assez grande

Pour être tenue

Sans gêne dans la main.

Irrégulière, avec

Des angles, des rondeurs.

Plutôt granit
Qu’autre chose.

Venue du temps

Où elle n’avait qu’elle-même

Pour compagnie.

Pierre grise,

Caressée à la fois

Par des doigts et par du soleil.

La lumière

Toujours en train de naître.

*

Arrive un long moment
D’arrêt du temps
Et du mouvement.

Tous les malheurs comme suspendus, Évita blés.

L’univers en balance,

Immobile et posé sur une trajectoire.

Eugène Guillevic

 

Quand je me suis réveillé j’étais assis dans mon fauteuil et dans le noir. je ne pus donc  pas reconnaître l’endroit où cette rencontre a pu se faire un chemin en train. Tout étant calme je ne suis pas rendormi des fois que on ne sait jamais. Un train peut en cacher un autre.

 

Niala-Loisobleu — 6 Mars 2020

BERGERIES


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BERGERIES

Suppose

Que je vienne et te verse
Un peu d’eau dans la main

Et que je te demande
De la laisser couler

Goutte à goutte
Dans ma bouche.

Suppose

Que le vol d’un oiseau
Nous invite au voyage

Et que je te demande
De nous blottir en lui

Pour avec lui voler

A travers ta pénombre.

Suppose

Que près de toi mes jours
Aient un cours trop rapide

Et que je te demande
De faire de mon temps

Un temps de végétal
Pas pressé de fleurir.

Suppose

Que le bois de la table
Réclame ses racines

Et que je te demande
De nous y prendre ainsi

Qu’il ait surtout besoin
Du toucher de nos mains.

Suppose

Que la fleur soit si drue
Que c’est trop de défi

Et que je te demande

De m’apprendre à la voir

Sans penser que c’est nous
Que sa mort atteindra.

Suppose

Qu’un couple de mésanges
Cogne à notre fenêtre

Et que je te demande
De les laisser cogner

Jusqu’à ce qu’on nous parle
Un langage entendu.

Suppose

Que le ciel de la plaine
Soit jaloux de nous deux

Et que je te demande
Envers lui ce sourire

Qu’il attend de la terre
Depuis les origines.

Suppose

Que le chêne refuse

Nos corps contre son tronc

Et que je te demande
Que nous lui chantonnions

Le chœur de ses racines Étouffé dans ses feuilles.

Suppose

Que dans l’air chaud le blé
Parle encore de toi

Et que je te demande
D’aller lui rapporter

Que j’en sais davantage
Mais que j’aime écouter.

Suppose

Que tu m’ouvres les bras
Pour fêter le matin

Et que je te demande
De ne pas me garder

Tant que je ne sais pas
Cerner mes cauchemars.

Suppose

Que nous ne soyons pas
Si contents de nous-mêmes

Et que je te demande
De rappeler à nous

Ces moments où j’ai lu
La gloire dans tes yeux.

Suppose

Que le ciel soit trop près
De nos corps extasiés

Et que je te demande
De lui faire accepter

Que nous ne voulons pas
L’avoir comme témoin.

Suppose

Que la feuille du chêne
Te réclame auprès d’elle

Et que je te demande
D’y rester jusqu’au jour

Où ce sera mon tour
D’être appelé par elle.

Suppose

Que la rose ait envie
De devenir bluet

Et que je te demande
Que nous nous appliquions

A l’écœurer du bleu
Des mers azuréennes.

Suppose

Que je voie la pervenche
N’en pouvant plus d’attendre

Et que je te demande
De lui annoncer, toi,

Que ce n’est pas la peine,
Qu’il est déjà venu.

Suppose

Que les herbes grandissent
Plus haut que les terrils

Et que je te demande
Que nous sachions en rire

Comme si c’était nous
Qui prenions la revanche.

Suppose

Que la lune apparaisse
Quand nous ne voulons pas

Et que je te demande
De tout accepter d’elle

Pour qu’elle aille sa route
Et nous laisse à nous-mêmes.

Suppose

Que ce soit le rocher

Qui frappe à notre porte

Et que je te demande
De le laisser entrer

Si c’est pour nous conter
Le temps d’avant le temps.

Suppose

Que tout, sous nos regards,
Soit pris d’un tremblement

Et que je te demande
De garder notre calme,

Tout en faisant semblant
De trembler comme eux tous.

Suppose

Que je coupe la terre
En deux parties égales

Et que je te demande
Laquelle tu choisis,

Celle où je sombrerai,
Celle qui voguera.

Suppose

Que la nuit ait envie
De te prendre pour reine

Et que je te demande
De lui faire accepter

Qu’elle ait à se venger
Sur moi de ton refus.

Suppose

Que le feu te raconte
Sur moi des infamies

Et que je te demande
De croire ce qu’il dit

A moins que tu ne t’offres
A l’épreuve du feu.

Suppose

Que la montagne s’ouvre
En s’avançant sur nous

Et que je te demande
Que nous restions à rire

Du mal que l’on se donne
Rien que pour nous gober.

Suppose

Que nous soyons ensemble
A respecter le soir

Et que je te demande
De le couvrir du sang

De la bête qui vient
Nous humer dans la nuit.

Suppose

Que l’horloge s’arrête
En éclatant de rire

Et que je te demande
De lui dire que rien

N’est changé pour cela
A ce que fait le temps.

Suppose

Qu’un cuivre nettoyé

Se transforme en orchestre

Et que je te demande
De lui faire accepter

Que nous aimons bien mieux
L’accord de son silence.

Suppose

Que nos cailloux se mettent
A hurler tous ensemble

Et que je te demande
De les faire se battre

Et de chanter victoire
Avec le survivant.

Suppose

Que tout à coup le mur
S’effondre devant nous

Et que je te demande
De croire que c’est lui

Qui a voulu répondre
A notre vœu secret.

Suppose

Que sans raison la porte
Se fracasse à nos pieds

Et que je te demande
Si ta peur est plus grande

Depuis que le silence
A lâché sa menace.

Suppose

Que l’espace en courroux
Veuille nous séparer

Et que je te demande
De répéter mon nom,

De le crier toujours
Dans le tohu-bohu.

Suppose

Que la pluie te raconte
Qu’elle envahit la terre

Et que je te demande
De voir à travers moi

Que le soleil la gifle
Et la fait remonter.

Suppose

Que le train nous déverse
Dans quelque terrain vague

Et que je te demande
D’effacer de ce ciel

Ce qui se reproduit

Dans tant de cauchemars.

Suppose

Que je n’aie rien à faire
Que d’attendre la nuit

Et que je te demande
De vouloir qu’elle arrive

Avec tout le retard

Que l’on peut mettre à vivre.

Suppose

Que l’univers entier

Ne soit plus que terreur

Et que je te demande
D’user de tes regards

Pour qu’au moins la prairie
Cède à notre sourire.

Suppose

Que pour moi l’étendue
Soit de l’ordre du cri

Et que je te demande
De ramener son règne

A la plainte habitant
Le creux des coquillages.

Suppose

Que la mer ait envie
De nous voir de plus près

Et que je te demande
D’aller lui répéter

Que nous ne pouvons pas
L’empêcher d’être seule.

Suppose

Que près de nous la mer
Se mette à grommeler

Et que je te demande
De n’avoir d’autre peur

Que celle que nous donne
Son silence étranglé.

Suppose

Qu’il n’y ait que le vent
A rencontrer sur terre

Et que je te demande
De souffler à sa place

Et d’agir avec moi
Comme avec un trois-mâts.

Suppose

Que je me laisse un jour
Marcher sur l’océan

Et que je te demande
De m’appeler pour voir

Si ton cri peut changer
Mes rapports avec l’eau.

Suppose

Que la vague et le sable
Jurent de te dissoudre

Et que je te demande

De m’étreindre à ce point

Qu’on ne puisse te prendre
Et me laisser un corps.

Suppose

Que la nuit me rejette
Quand je suis sans refuge

Et que je te demande
De me garder à toi

Pour affronter le noir
Sans redouter sa haine.

Suppose

Qu’il parle trop ce chêne
Où nous avons appui

Et que je te demande
D’obtenir qu’il se charge

Tout seul de son secret,
Pas plus lourd que le nôtre.

Suppose

Que le soleil couchant
S’en aille satisfait

Et que je te demande
D’aller lui réclamer

Ce qu’il doit nous payer
Pour sa journée de gloire.

Suppose

Que cet arbre et ce mur
M’imposent de les voir

Et que je te demande
De me donner la force

De passer devant eux
En ne voyant que toi.

Suppose

Que le jour et la nuit
Confondent leurs horaires

Et que je te demande
De m’aider à trouver

Comment faire un matin
Quand il n’y en a pas.

Suppose

Que le soleil se mette
A envahir la terre

Et que je te demande
D’être avec moi la glèbe,

La mer et le soleil
Pour la dernière fois.

Suppose

Que s’ouvrent sous nos yeux
Tous les toits de la ville

Et que je te demande
De choisir la maison

Où, le toit refermé,
Tu aimeras la nuit.

Suppose

Que nous soyons devant
La bougie allumée

Et que je te demande
Si tu comprends pourquoi

Nous en avons besoin
Pour nous réinventer.

Suppose

Que le lit nous ramène
A nos trois dimensions

Et que je te demande
D’accepter avec moi

Que nous le reprenions
Comme aire de départ.

Suppose

Que je veuille épouser
La plaine et l’océan

Et que je te demande
Que cela se situe

Dans la complicité
De ton corps exaucé.

Suppose

Que je sois fatigué
D’avoir trop travaillé

Et que je te demande
De te pencher sur moi,

De regarder ailleurs
Et d’ouvrir ton corsage.

Suppose

Qu’un oiseau dans l’hiver
Chante comme on triomphe

Et que je te demande
D’accompagner la plaine,

De façon qu’elle aborde
Au niveau de ce chant.

Suppose

Qu’un ange rencontré
Nous offre un paradis

Et que je te demande
Que nous nous écartions

Et le laissions tout seul
Raconter son velours.

 

Eugène Guillevic

ENTRE TIEN EMOI 34


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ENTRE TIEN EMOI 34

Sortant le journal à la main et allant à la voiture, je n’avais pu prendre qu’un aperçu de ce Mardi. Ta recommandation toutefois en tête je partis vers mon Centre Mutuel Optique. Je pourrai dire que dans chaque instant du quotidien on vit tout et son contraire à chaque instant. A croire que la nécessité de ne pas croire l’affirmation reçue du premier spécialiste doit désormais s’appliquer. Arrivé au lieu-dit de mon déplacement j’avisais un visage inconnu dans ce lieu que je fréquente depuis 41 ans. Bonne tête, jeune, un débutant Il m’attire, un bonjour encore plus meilleur m’attendait. En quelques minutes il me résout le problème au-delà de mon espérance, Je repars avec un bien-être dans le corps et c’est à toi que je le dois. J’ai failli faire un saut périlleux en sortant, mais la quinzaine de marches m’a fait hésiter. Si je m’était fait mort j’aurai pas pu vivre cette joie. Ah du coup j’ai eu une envie de vivre inconnue jusqu’alors. C’est fou même ça se développe chez moi. Du coup tellement je jubile, j’en vins à faire le 22ème, un vrai lapin que je suis…

DE L’OISEAU

Je ne vois pas l’oiseau
Fort de sa cage ouverte
Et psalmodiant :

Je reste ici.
A bas l’espace.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui n’aurait pas confiance
Dans la teneur de l’air.

*

Je ne vois pas l’oiseau

Qui ne volerait pas

Kien que pour son plaisir.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui monterait sans fin
Jusqu’à n’en plus pouvoir.

*

Je ne vois pas l’oiseau

Qui franchirait

Les défenses du vent.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Qui viendrait vers moi
Pour chercher refuge.

*

Je ne vois pas l’oiseau

Qui refuserait de s’effaroucher.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui serait mon frère.

Non plus celui

Qui ne le serait pas.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui ne me donne envie
De voler mieux que lui.

Je ne vois pas l’oiseau

Qui me forcerait

A penser rien qu’à lui.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui s’acharnerait
D’abord sur lui-même.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Démolissant son nid
Avee jubilation.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Qui creuserait la glace
Avec ses pattes

Pour épargner son bec.

Je ne vois pas l’oiseau
Demeurant au désert

Rien que pour être seul.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Renonçant à siffler
Dans le labyrinthe.

Je ne vois pas l’oiseau
Venir m’interroger
Sur son identité.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui maudirait les sources.

Je ne vois pas l’oiseau
Voulant s’opposer
Au cours du ruisseau.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui ne puisse trouver
Son nid dans la foret.

*

Je ne vois pas l’oiseau
En train de recracher
Un morceau de lombric.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Refusant de chanter
Pour ne pas
Déranger la haie.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Chercher l’aventure
Pour se désennuyer.

*

Je ne vois pas l’oiseau
En vouloir au chêne
De perdre ses feuilles.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Qui ne sache alterner
Le silence et le chant.

Je ne vois pas l’oiseau
Pour qui le jour, la nuit
Seraient la même chose.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui ne rythmerait pas
L’avancée du soir.

Je ne vois pas l’oiseau
Que ça fatiguerait

D’assister chaque soir
Au baiser du soleil.

Je ne vois pas l’oiseau
En appeler au ciel
De s’être ensanglanté.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui s’acharnerait À griffer la nuit.

Je ne vois pas l’oiseau
Désirant se fracasser
Contre un mur de nuit.

Je ne vois pas l’oiseau
Qui jouerait au nuage,

Mais je vois le nuage
Qui jouerait à l’oiseau.

Je ne vois pas l’oiseau

Faire sa cour à la rose,

Mais je les vois tous deux
Faire ensemble la cour
Au soleil qui s’ébroue.

*

Je ne vois pas l’oiseau
Et je ne l’entends pas
Frôler l’éternité.

 

Eugène Guillevic

 

 

il me porte ce bonheur d’aimer, c’est vraiment la seule chose qui puisse dans ses péripéties rester l’espoir à l’état pur. Tant de promesses sont faites à tous les propos que le bonheur avance. L’idéal plus bafoué que le reste, partout c’est exercice du pouvoir. Le menteur qui gouverne le pays en étant le principal orchestrateur. Son amour c’est de nous qu’il dépend au premier-chef. Alors ?

 

Niala-Loisobleu – 19/03/19