La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Malheureux peut-être l’homme, mais heureux l’artiste que le désir déchire !
Je brûle de peindre celle qui m’est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu’elle a disparu !
Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante. En elle le noir abonde ; et tout ce qu’elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l’éclair : c’est une explosion dans les ténèbres.
Je la comparerais à un soleil noir, si l’on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l’a marquée de sa redoutable influence; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d’une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessa-liennes contraignent durement à danser sur l’herbe terrifiée !
Dans son petit front habitent la volonté tenace et l’amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l’inconnu et l’impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d’une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d’une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.
Les Métamorphoses du vampire
Léo Ferré – Baudelaire
La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu’un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissant couler ces mots tout imprégnés de musc :
– » Moi, j’ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d’un lit l’antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fait rire les vieux du rire des enfants,
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j’étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j’abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d’émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! « …
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme,
Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l’aurore ;
Tu répands des parfums comme un soir orageux ;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu ?
De Satan ou de Dieu, qu’importe ? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, – fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds ?
Si j’étais poète selon mon cœur je chanterais les pierres le soleil et les fées.
D’un seul souffle sur les sables
je tiendrais embrassées
la migration des corps
et la vie adorable
et la vie éphémère
des sources de lumière
des sources indomptables.
« À mes yeux qui rêvent quand ils voient
cette absence brûlée,
je donne une aube blanche
et le goût du mystère,
ce goût de lèvres fendues
aux rives du désert
où l’ombre seule qui passe
est le linceul troué
que la mort a banni
par grand-peur de midi
par grand-peur de la buée trop sèche
qui renaît dans un cri. »
Si j’étais dans la vacance de l’infini selon mon cœur je chanterais les pierres le soleil et les fées.
Nous n’avons pour amie que la nuit.
Nous adorons le soleil
et l’alchimie de sa lumière
qui change voix en parole,
mais une lumière se lève aussi
des promesses nocturnes
dont le cœur seul sait la mesure.
L’haleine de la terre va du gouffre aux étoiles,
naufrage ascendant et qui porte
la barque d’ombre, le nautonnier,
le chant heurté des devins,
et qui porte à l’outre-peur
sur la rive d’un fleuve qui n’existe pas
tandis qu’il traverse notre nuit,
tandis qu’il bat contre nos dents.
Au fond de l’antre ravivant son tumulte
l’oracle n’est pas de tout repos.
Il est sans rien de trop
comme mot à mot
Apollon
éveille la raison sublime dans le noir :
«J’ordonne que l’on médite
et l’écoute du sourd
et la vue de l’aveugle. »
L’injonction résonne d’âge en âge.
On dirait que le mirage est incurable qui toujours monte aux paupières dans la note tenue du monde.
Qui entend la musique des sphères?
Qui découvre le bivouac de l’infini?
Nous avons éveillé nos yeux et nos oreilles au seul écho d’un pleur d’enfant.
La nuit dira nos solitudes.
La lune n’est pas femme mais tout juste pubère, entre fillette et fille.
Elle a le teint
en lame de couteau,
reflet d’un feu lointain
qui approche,
et fièvre qui n’est que l’aube
de la fièvre.
La lune se voile et se creuse, enfant qui joue de ses reins pour saisir l’envers de son corps ou pour séduire sa peur.
Elle a treize ans.
J’avance au-dedans de moi et me voilà très au-delà,
déjà largué plus loin que la mémoire, plus loin que ce que je vois
comme un amnésique aux yeux éblouis qui filerait droit en dansant
sur la ligne d’infini où la peau et les os s’accordent un vrai baiser de sable.
Ce n’est pas rien d’être ce mouvement violent aux lèvres du néant,
pas rien de changer le requiem de l’âme en murmure d’or et de poussière,
en facéties d’atomes, en feulement d’herbes, de flammes ou de pierres,
pas rien d’échapper au corps du grand repos.
(Tout est ici maintenant et dans la suite des âges intensité de cri naissant,
ferveur et étreinte, ciel et fusion, tension d’amant, partage secret de l’impossible…
Tout est cette mort qui s’efface
quand vient un amour face à face.)
Je suis dans l’éternelle errance avec ce qui restera toujours de lumière,
de source de feu toujours
et de fille cavalière.
Je suis dans l’éternel présent, dans l’offrande du sol, des nerfs, des caresses,
dans l’éloge des visages égarés, transparents,
dans le rire à pleines dents d’une vertu cannibale bien plus que cardinale,
dans la beauté du réel absolu qui fut soif des songes
et dans le midi du monde.
Je me trouve quand je me perds,
quand je vis sur le départ, l’arête vive du premier pas, l’envol de l’éphémère.
Je ne balance pas, je bascule,
je plonge dans le lait de l’aube, sous les braises du soir, avec la même impatience de jour ou de nuit.
(Tout m’est éclat et éclair, archipel et steppe immense, bris de clôtures, bris d’épaves, bris de brisures…
J’assemble ce qui me disperse, je sème ce qui ne donnera pas de fruit,
je veux jouir d’une eau aride, d’une terre sans freins ni frontières
jouer de la vitesse de mes visions
en connaissant l’extase douce
d’un cavalier qui ralentit l’allure
à mesure que monte le soleil face à face.)
Je suis dans le souffle du vent d’Est mêlé aux migrations des chants,
je suis dans le souffle du
Levant
et parle ma langue, et rêve mes rêves, mes désirs féroces, mes abattements,
et parle ce que ma bouche a éprouvé, les accents et les tempes, les sexes et la buée,
la saveur des voyelles comme des filles
de voyous bien balancés,
le goût des feuilles sèches
et les reins déclinés,
et parle ce qui s’inscrit avec les dents sur la chair pourrie de l’époque.
Je suis plus que celui qui nie.
Je n’ai pas signé le pacte que tous ont signé.
Je regarde mes mains sans prier
et voudrais qu’elles soient énormes.
(Toute la morale que l’on nous vend,
avec ses longs cils de bébé-phoque, avec son rot d’évêque analysé, avec sa camisole de farce télévisée,
toute la morale que l’on nous vend est un neuroleptique.
tisane du piètre, tison mourant, théine éventée et atone qui changent le sang en cendre, la passion en passoire et le jus des couilles en gomme pasteurisée.)
Je n’attends plus, ne reviens plus, je suis dans le décalage de l’éternel retour dans la spirale qui creuse le regard et le cœur qui creuse les tombeaux de l’espèce,
tombeaux de vieille agonie où je ne veux plus penser où je ne veux plus passer ni mourir ni entendre de mélopée indiciaire et molle, de profession de foi, d’engagement pour
l’avenir, de contrat de confiance, de charte inaliénable…
Car la loi est le leurre suprême,
le social châtiment à perpétuité au voisinage de la norme,
mitoyenneté entre persécutés, entre persécuteurs, mitoyenneté entre prisonniers et gardiens de prison.
Les hommes se reproduisent plus vite que leurs ombres
mais beaucoup moins que leur volonté d’impuissance, mais beaucoup moins que les chiens et les rats.
Les hommes adoptent un profil bas,
et le
Livre des livres n’existe pas.
Il n’est plus temps que de se jeter à jamais
à l’assaut de soi
et partout sur les routes.
J’avance au-dedans de moi et me voilà très au-delà,
déjà vivant plus loin que la mémoire, plus loin que ce que je vois
comme un archer aux yeux très clairs qui suivrait sa flèche en dansant
dans la lumière, dans la lumière.
Ô
Voyageur, ô mon ami qui va par le minuit du monde,
où est le sens qui nous anime, qui nous alarme et nous ouvre la route
et quel est le mystère de cet acharnement?
Tu as dit la ruine des cités, l’effondrement des hommes, le règne renaissant des tyrans,
tu as dit la douleur qui creuse sous les blessures, la souffrance de l’âme, le miroir du désert,
tu as dit l’errance d’une légende vraie,
parole de poussière et d’orage qui ne veut ni preuves ni traces
mais chute libre, oubli de soi, rire d’amant.
Secrètement tu avais le destin en horreur, le dieu unique te semblait injure à l’unité,
tu gardais ce goût mortel d’une lumière en désespoir de cause,
lumière si étroite, si obscure
qu’elle n’obéissait plus aux sillons du soleil.
(La vie, les étoiles, les sphères invisibles,
toutes choses créées
en chair, en os, en actes, en pensées
ne font pas sens,
non plus que ne saurait faire sens
la recherche d’un sens…)
Les prophètes se jettent sur l’avenir comme ces chiens couverts de bave qui aboient aux basques de l’aube,
rien que des fantômes à mordre, des outres de sel où se désaltérer,
rien que des gestes pieux vers de faux infinis, de blêmes transcendances, de lourdes paraboles,
rien que du sang dans les voiles, du sang semé et moissonné, de la haine en certitude.
On amuse les tapis de prière avec de grands soupirs,
les clés du paradis pendent au cou des enfants qui jouent à la guerre sainte,
il y a de sombres brutes près des guichets du ciel.
Celui qui va par le chaos du monde on dirait qu’il traverse les décombres de son cœur, on dirait qu’il affronte ce qu’il porte et torture tout au fond de lui-même
autant que le
Dragon de la ville asservie, autant que les ténèbres qui régissent le jour.
(Car l’ennemi est au plus proche comme une ombre cousue sur le dos, un reflet noir dessous la peau, un œil retaillé au couteau.)
Voyageur à la barque fragile, tu veux gravir les remous du torrent,
tu veux rejoindre la source dans les pierres, tu veux te défaire de toi,
effacer également victoire et défaite, privilège, infortune, gloire ou famine,
quitter ce héros toujours à l’attaque qui s’acharne à colporter ton nom…
Le sens est bien au-delà des combats, des conquêtes, il accompagne raison et folie réconciliées, raison et folie embrassées tout au bord de l’immense ébou-lement
des âges.
L’arpenteur s’est mis à danser, le soufi répare des transistors, et si le but est sans but
et si le soleil se lève encore plus à l’Est de la plus incessante marche,
il est un éblouissement simple, une intense ferveur de l’être allié à l’inconnu
qui se donne à l’amour et qui aime.
Tu as laissé tes équipages,
l’exil t’a fixé le rendez-vous que tu avais prévu,
tu as ouvert les deux battants de la porte.
Chaque corps est un soleil qui brûle les doigts, les lèvres, et assèche nos nuits.
J’aime ce passage où le feu ne laisse aucune cendre mais perdu sur la peau un baiser de lumière.
(Le désir n’est-il pas
l’ami intime des âmes insolées,
l’ami fatal?)
On ne sait jamais dans l’amour ce qui se brise de soif et d’ombre.
Tu as du sable plein les cheveux.
L’amour dans toutes les positions ne change que l’emplacement du lit dans la chambre allouée. L’ô riant express met en lévitation, sleeping tapis-volant ondulant au-dessus des cheminées de fées. Quelques secondes, passe la petite-mort dans son absence de maux. Puis arrêt illimité sur la voie. Les trains électriques n’empêchent pas les escarbilles qui piquent la belle image des paysages découverts à vélo, d’un couloir faisant tunnel sur le jour. Le remblai du quai tient l’embarcadère à l’amarre sous les visages alternatifs des estrans. La crevette et le coquillage accueillant toujours les grandes marées touristiques avec le m’aime mensonge au menu. Le terre-neuva passe et repasse le Cap de Bonne Espérance. Du cas billot. Ex-voto.
L’Albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
Il y des vils d’ô
on ne peut pas en avoir cure.
Maudit ne soit plus le poète. Paria, seul à croire. Si le lointain ne se rapproche pas de la ligne en tirant à tort le bouchon, l’hameçon-mitraillette n’abattra plus en salves les poissons-volants. Les amoureux garderont leurs bancs publics sous les arbres des places de Peynet. Qu’un air d’oyats fera salin par la voix de Brel. Tandis qu’au vent des baleines porteuses de Jonas, les sentiers conduiront les vélos, un caillou dans la poche, aux clairières du Bois d’Amour. Je hais les péris en mère.
Dans une étouffante lourdeur la soirée de ce Samedi soir, buttait aux cadenas du manque d’humanité. Soudain une énorme poussée d’air fit sauter la mauvaise foi, d’un tonitruant: « Marre, j’en ai marre, d’être traité comme une bête ».
Les sept vieillards
A Victor Hugo
Fourmillante cité, cité pleine de rêves, Où le spectre en plein jour raccroche le passant ! Les mystères partout coulent comme des sèves Dans les canaux étroits du colosse puissant.
Un matin, cependant que dans la triste rue Les maisons, dont la brume allongeait la hauteur, Simulaient les deux quais d’une rivière accrue, Et que, décor semblable à l’âme de l’acteur,
Un brouillard sale et jaune inondait tout l’espace, Je suivais, roidissant mes nerfs comme un héros Et discutant avec mon âme déjà lasse, Le faubourg secoué par les lourds tombereaux.
Tout à coup, un vieillard dont les guenilles jaunes, Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux, Et dont l’aspect aurait fait pleuvoir les aumônes, Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,
M’apparut. On eût dit sa prunelle trempée Dans le fiel ; son regard aiguisait les frimas, Et sa barbe à longs poils, roide comme une épée, Se projetait, pareille à celle de Judas.
Il n’était pas voûté, mais cassé, son échine Faisant avec sa jambe un parfait angle droit, Si bien que son bâton, parachevant sa mine, Lui donnait la tournure et le pas maladroit
D’un quadrupède infirme ou d’un juif à trois pattes. Dans la neige et la boue il allait s’empêtrant, Comme s’il écrasait des morts sous ses savates, Hostile à l’univers plutôt qu’indifférent.
Son pareil le suivait : barbe, oeil, dos, bâton, loques, Nul trait ne distinguait, du même enfer venu, Ce jumeau centenaire, et ces spectres baroques Marchaient du même pas vers un but inconnu.
A quel complot infâme étais-je donc en butte, Ou quel méchant hasard ainsi m’humiliait ? Car je comptai sept fois, de minute en minute, Ce sinistre vieillard qui se multipliait !
Que celui-là qui rit de mon inquiétude, Et qui n’est pas saisi d’un frisson fraternel, Songe bien que malgré tant de décrépitude Ces sept monstres hideux avaient l’air éternel !
Aurais-je, sans mourir, contemplé le huitième. Sosie inexorable, ironique et fatal, Dégoûtant Phénix, fils et père de lui-même ? – Mais je tournai le dos au cortège infernal.
Exaspéré comme un ivrogne qui voit double, Je rentrai, je fermai ma porte, épouvanté, Malade et morfondu, l’esprit fiévreux et trouble, Blessé par le mystère et par l’absurdité !
Vainement ma raison voulait prendre la barre ; La tempête en jouant déroutait ses efforts, Et mon âme dansait, dansait, vieille gabarre Sans mâts, sur une mer monstrueuse et sans bords !
Charles Baudelaire
Où était donc passé le bon côté de la mer, celui qui transporte l’écume et sa baleine sous la main sûre de Jonas ? J’étouffais la gorge pleine, les yeux noyés, les deux mains avalées par le requin borgne. Le pot-au-feu de l’amer n’était plus qu’un tourbillon dans lequel se débattait les hauts-le-coeur. Non l’injuste vision ne peut donner seule son itinéraire pour le mépris. Debout sur le plat-bord, j’attrapais le filet pour lui mordre les mailles. Libération.Le maudit Dick capitaine doit se démordre lui-même de sa vision paranoïaque. On ne poursuit pas une fausse idée constructive à bord d’une grue de démolition. Marie, mon ange, en ce moment en Espagne, sentant le mauvais coup, m’envoya de Cadix, sa belle figure. de proue: « Papou je t’aime tiens le coup, me dit-elle. »
Au bois taillé des crayons de couleur tu fais ce qu’il te plaît au nom d’une liberté que tu as construite en tribu au coeur du racisme. Bohémien, tu ne te maquille pas d’aimer. Un trait noir épile côté face tes mouvements ascensionnels d’une haine ancestrale qui te poursuit en deux parties inégales. Parti du désert du Thar dans le Rajasthan, il y a des millénaires, tu seras toujours un errant.
Pour dételer ton cheval tu dois franchir le gendarme
En rase campagne les pierres ont besoin de la barbe de l’herbe sous les caresses du soleil se levant à rosée. Prise au seuil de ta roulotte, la grosse pierre barre toujours le cadre de l’huis par où mettre le couvert. Les enfants avalent la poussière en gardant les dents blanches des chiens qui mordent la vie. Cette lumière qui monte au-dessus des plus fortes rampes, ces matins sans dates, soulève les longues jupes des femmes par les cordes des guitares.
Dormir la lune dans un oeil et le soleil dans l’autre
Un amour dans la bouche un bel oiseau dans les cheveux
Parée comme les champs les bois les routes et la mer
Belle et parée comme le tour du monde
Puis à travers le paysage
Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent
Jambes de pierre aux bas de sable
Prise à la taille à tous les muscles de rivière
Et le dernier souci sur un visage transformé.
Paul Eluard
Dressés un à un aux fondations du ciel, tu repousses les murs à se toucher des quatre éléments, réunis au sein des quatre saisons dans un roulement de vouloirs plus coriaces que la loi du plus fort.
Attelé à quatre chevaux ailés, tu as ignoré Pégase, les cordes de l’arc-en-ciel tendues d’humidité accouchant du sel. Aux vagues des Saintes rompant les amarres emprisonnant la voie. Cap du fond de ses cales, le désir d’être érige sa volonté dans l’envol d’un oiseau peignant bleu comme on embrasse de vie. Les feux de ta liberté, Bohémien, brûlent l’indécision des tons rabattus de ces malheureux nantis d’une humanité qui se plaint toujours de toi et de tout.
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