ACCROCHE PAR LE FIL DE FAIRE


NIALA

ACCROCHE

PAR LE FIL DE FAIRE

C’est soleil au bout des clous

ces matins de tableaux

où les mots-peints sont venus dire

l’impossible faut y croire

parce que

c’est le rossignol qui se moque des serrures…

Niala-Loisobleu.

6 Février 2023

SERGE REGGIANI – SI C’ETAIT A RECOMMENCER


Si c’était à recommencer?
Si je devais refaire ma vie?
Je voudrais naître en Italie?
Au mois de mai?
Je voudrais être ce gamin?
Qui courait pieds nus au soleil
?Parmi les chèvres et les abeilles
Ne changez rien

Si c’était à recommencer
Dans un monde à feu et à sang
Je voudrais être l’émigrant
Que j’ai été
J’aim’rais repasser la frontière
Et sans capuche ni manteau
Redébarquer à Yvetot
Un soir d’hiver

Si c’était à recommencer
J’aim’rais un jour avoir vingt ans
Etre con et perdre mon temps
Dans les cafés
J’aimerais traîner mes illusions
Dans des décors de cinéma
Même s’il faut avoir l’estomac
Dans les talons

Si c’était à recommencer
J’aim’rais revoir tous mes amis
Même celui qui m’a trahi
C’est oublié
Je voudrais revivre ces heures
D’espérance et de désespoir
Ces nuits blanches et ces matins noirs
Un vrai bonheur

Si c’était à recommencer
J’aim’rais aimer les mêmes femmes
Je ne veux pas saouler mon âme
D’autres baisers
Je voudrais qu’il ne manque pas
Une larme, une déchirure
Au revers de mes aventures
Mea culpa

Si c’était à recommencer
J’aim’rais habiter le Midi
Y passer dix ans de ma vie
À tes côtés
Je voudrais avoir cinq enfants
Pas un de plus, pas un de moins
Et les revoir tous un à un
Prendre le vent

Si c’était à recommencer
Je suivrais le même chemin
Je manquerais les mêmes trains
Sans un regret
Je voudrais ne rien effacer
De mes joies, de mes solitudes
Qu’on n’oublie pas une virgule
À mon passé…

Source : LyricFind

Paroliers : Alain GORAGUER / Lebel Sylvain

Serge Reggiani – L’homme fossile


Serge Reggiani – L’homme fossile

V’là trois millions d’années que j’dormais dans la tourbe
Quand un méchant coup d’pioche me trancha net le col
Et me fit effectuer une gracieuse courbe
A la fin de laquelle je plongeai dans l’formol
D’abord on a voulu m’consolider la face
On se mit à m’brosser mâchoire et temporal
Suivit un shampooing au bichromat’ de potasse
Puis on noua un’ faveur autour d’mon pariétal

Du jour au lendemain je devins un’ vedette
Journeaux télévision y’en avait que pour moi
Tant et si bien du rest’ que les autres squelettes
Se jugeant délaissés me battaient un peu froid
Enfin les scientifiqu’s suivant coutumes et us
Voulant me baptiser de par un nom latin
M’ont appelé Pithécanthropus Erectus
Erectus ça m’va bien moi qu’étais chaud lapin

Et ces messieurs savants à bottin’s et pince-nez
Sur le vu d’un p’tit os ou d’une prémolaire
Comprirent que j’possédais de sacrées facultés
Qui me différenciaient des autres mammifères
Ils ont dit que j’étais un virtuos’ du gourdin
Qui assommait bisons aurochs et bonn’ fortune
Que j’étais drôl’ment doué pour les petits dessins
De Vénus callipyg’ aux tétons comm’ la lune

Ils ont dit que j’vivais jadis dans une grotte
Ils ont dit tell’ment d’choses tell’ment de trucs curieux
Qu’j’étais couvert de poils et qu’j’avais pas de culotte
Alors que j’habitais un pavillon d’banlieue
J’étais comm’ tout le mond’ pétri de bonn’s manières
Tous les dimanch’ matins je jouais au tiercé
Je portais des cols durs et des bandag’s herniaires
C’était avant la guerr’ avant qu’tout ait sauté

C’était voilà maint’nant bien trois millions d’années
Vous n’avez rien à craindre y a plus de retombées.

Le Vieux – Serge Reggiani


Le Vieux – Serge Reggiani

Il faisait des années supplémentaires
Sur terre
Il avait bu des océans cul-sec
Avec
Des moins ivrognes déjà morts
Des éternels changeurs de bord
Sûr qu’il prenait la bouteille au sérieux
Le vieux

C’était un philosophe de village
Sans âge
Qui réclamait en mai soixante-huit
La suite
Juste après les révolutions
Sur les pavés y a du goudron
Mais il n’a pas désarmé pour si peu
Le vieux

Il disait que tout s’allume
Mais encore faut-il qu’on le voie
Quand le doigt montre la lune
L’imbécile regarde le doigt

Il adorait toujours serrer des mains
D’humains
Sans ignorer qu’elles le montraient parfois
Du doigt
Il savait que la trahison
Construit au traître sa prison
Il apportait des oranges aux envieux
Le vieux

Il s’était perdu dans des Pearl-Harbour
D’amour
Mais il avait gardé comme un trésor
A bord
Une noyée de sentiments
Qui ne comptait que deux amants
Dont il était peut-être l’un des deux
Le vieux

Il disait que la coutume
Doit faire avancer l’avenir
Quand le fer frappe l’enclume
L’imbécile forge un souvenir

Il vieillissait avec une telle envie
De vie
Que sur son front il n’y avait pas d’idées
Ridées
Que sa patience et sa passion
Se mélangeaient à l’unisson
Devant le vide il avait comme un creux
Le vieux

Quand il est mort il avait bien cent ans
Pourtant
Son âme tendre disait à son corps
Encore
Quand il a débarqué là-haut
Entre un tonnerre et un tonneau
On ne sait pas s’il a rencontré Dieu
Le vieux

Il n’est pas mort pour des prunes
Car à chaque fois qu’il envoie
Ses messages de Saturne
L’idiot met l’anneau à son doigt

Il y a des ombres qui font la lumière
Sur terre…

J’ai pas d’regrets – Serge Reggiani/ Boris Vian


J’ai pas d’regrets

Serge Reggiani/ Boris Vian


J’ai pas d’regret
D’avoir fait c’que j’ai fait
Je pouvais plus vivre avec sa peine
Jetez-moi la pierre
Si vous n’avez jamais
Tant souffert comme moi je souffrais
Par grande misère
Elle avait oublié
Ce que c’est pour de vrai quand on s’aime
Mon soleil d’hiver
Mon eau fraîche en été
Ma Nelly… je l’aimais… je l’ai tuée
Emmenez-moi
Dans toutes vos prisons
Mettez-moi dans le fond d’un cachot
J’y vais pourrir
Et j’y pourrai mourir
Car je n’ai plus de goût pour le jour
Mais j’y r’verrai
Lorsque je serai seul
Mes premiers vrais cadeaux de mariage
Sa main dans la mienne
Et son corps dans mon lit
Et son souffle mêlé à ma vie

Couplet
Cette complainte que j’entends
C’est un air de limonaire
Qu’un invalide débonnaire
Me serine en passant
Fait divers sans apprêt
Tragédie élémentaire
Histoire éternelle et sommaire
De pauv’gens qui s’aimaient


Son coeur, mon coeur
Et l’espoir qui se meurt
Le travail peu à peu vous sépare
La nuit, le jour
On se cherche toujours
Et l’amour crève au fond d’une cour
Vous qui souffrez
Fallait pas vous aimer
Fallait pas écouter les poètes
Souffrir à deux
C’est pas plus merveilleux
Que d’souffrir sans personne et sans feu
Et vous gueulez
Et vous vous entêtez
Moi aussi, je veux rire à la fête
Emmenez-moi
Ne m’abandonnez pas
Je veux mordre au bon pain de la joie
On reste en plan, et l’amour fiche le camp
En tournant sur un air de manège
On reste là et l’on ne comprend pas
Et l’on pleure une vie qui s’en va…

Source : LyricFind

Paroliers : Benjamin WALTER / Boris VIAN

C’est après que ça se passe – Serge Reggiani (Guy Béart)


C’est après que ça se passe – Serge Reggiani (Guy Béart)

Ce n’est jamais, jamais, jamais pendant
C’est après que ça se passe
Les regrets vous entrent, rentrent dedans
Après que le fil se casse
Sur le moment on est abasourdi
On se dit « quoi? », on se dit, on se dit
« Je ne sais pas ce qui m’arrive à moi
J’ai trop chaud, j’ai froid
Qu’est-ce donc qui m’éveille ainsi autant
Et pourquoi soudain ce cœur battant? »
Je me retourne encore dans mon lit
Ta place a fait ce pli

Ce n’est jamais, jamais, jamais pendant
C’est après que ça se passe
Mon Dieu, que c’était, c’était imprudent
De changer ainsi de place

Ah, si l’on avait su, l’on avait su
On aurait gardé notre coin perdu
Tous ces voyages que l’on s’est permis
Et tous ces amis

Qui prenaient tant de mots, tant de regards
Et quand je t’ai conduit à la gare
On était libres tous deux, c’est sûr
Pourquoi cette blessure?

Ce n’est jamais, jamais, jamais pendant
C’est après que ça se passe
Qui est le vainqueur, qui est le perdant?
On en a perdu la trace
Qui est parti et parti le premier?
Qui a couru après dans l’escalier?
Qui a marché et qui est revenu?
Ça ne compte plus

Qui a fait mal et qui a trop souffert?
Que m’importe, tout va de travers
Et l’enfant, l’enfant que tu aimais
Qui n’arrivera jamais

Ce n’est jamais, jamais, jamais pendant
C’est après que ça se passe
L’amour, la vie, tout devient évident
La brûlure est là, vivace
On s’appelle, on se dit « allô, allô »
Souviens-toi du dimanche au bord de l’eau
De cette foire où tu as pris la fuite
Tout près du grand huit
Tu riais, tu riais aux grand éclats
Je regardais ailleurs ce jour-là
Et j’ai beau regarder aujourd’hui
Je ne vois que la nuit

Ce n’est jamais, jamais, jamais pendant
C’est après que ça se passe
On n’a rien senti pendant l’accident
Rien senti de la menace
On s’est dit au revoir en souriant
Copain-copain, tranquilles, insouciants
Je t’ai serrée un peu entre mes bras
On s’appellera
Ce prochain rendez-vous, manqué, grippé
Le veux-tu? On va le rattraper
Tout cela vient trop tard, vient trop tard
Il est minuit et quart

Raymond joue-moi du jazz – Serge Reggiani



Raymond joue-moi du jazz – Serge Reggiani

On vivait de presque rien
Trois mômes sur le tapin
Mon bar: Le petit join

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En Suisse un peu de bien
Tranquille
En cas de conjoncture
On f’sait de faux billets
Nos femmes et nos voitures
Etaient bien maquillées:
Le style
Et puis un p’tit hold-up
Une banque dans une ZUP
Sans vouloir faire des maths
Cinq cent petites patates anciennes
Ma bagnole tombe en panne
Je prends vingt ans d’cabane
Moins deux pour bonne conduite
Ca fait quand meme dix-huit
A Fresnes
Raymond, joue-moi du jazz
C’est bon entre deux phrases
Vas-y
Jazzy
Le petit joint
J’ai failli pas trouver
Dis, maintenant
Ca s’appelle «white and blue»
Incompréhensible
Et toi, la môme en jean
Sers-moi un autre Gin!
Merci, Josy
Vous auriez connu Raymond!
Monsieur Raymond, élégant
Des bagues à tous les doigts
Des vraies, des fausses.
Il jouait pas, il rayait le piano
Dis, un séducteur, des cheveux… ailes de corbeau
Plaqués sur les tempes
Un jour, c’est sa femme qui l’a plaqué
Maintenant, il veut plus parler, mais
Entendez-le jouer…
Enfin, je sors intact
Et j’arrive comme une fleurAu restau de Mado
Pour rel’ver mes compteurs
Tu vois.
Je contacte avec tact
Une belle femme, haut de gamme
Mais avant que j’fasse gaffe
Elle me retourne une baffe
A moi!
Mado, c’est un MacDo
Les frangines sont speakerines
Putain, j’ai plus la main
Je reconnais plus rien
J’me mine
J’fais des visites, j’hésite
On me conseille Marseille
Mais y a des aléas
J’aimerais mieux aller à
L’usine
(Je plaisante)
Raymond joue-moi du jazz
C’est bon entre deux phrases
Vas-y
Jazzy
(La banque dans la ZUP,
c’est devenu un musée d’art moderne
Un scandale! )
Et toi la môme en jean
Sers-moi encore un gin!
Mais si, merci
Maintenant il répond plus mais…
Quand il avait des bagues à tous les doigts
Il avait des blagues à tous les mots.
Des blagues et sa femme lui disait:
«Tu m’achètes jamais rien!». Il répondait:
«Et qu’est-ce que tu as à vendre? Hein?»
Raymond? Il répond plus
Il est comme le passé. Il est cassé.
Je m’en fous.
Paris: je mets une croix.
Marseille: idem
Je vais essayer Ajaccio.
La Corse, j’ai ouï-dire que c’était tranquille.
Tranquille, tranquille, la Corse

COMME ELLE EST LONGUE A MOURIR MA JEUNESSE – SERGE REGGIANI


COMME ELLE EST LONGUE A MOURIR MA JEUNESSE – SERGE REGGIANI

Comme elle est longue à mourir ma jeunesse,
Ma jeunesse dans mon coeur
Ne l’ai-je jamais trahie ma jeunesse
Qui me laisse à mon émoi
Et qui s’en va de moi
Comme elle est longue à mourir cette rose

Cette rose de la vie
La plus belle du jardin des folies
Une rose,
La dernière du jardin qu’on oublie

Comme ils sont lourds à porter dans l’automne…

RUE DE SCENE


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RUE DE SCENE

 

Le craquement passé les morceaux disjoints se séparent

le raisonnable a quitté depuis plus longtemps que moi la règle d’usage

Autour de la Table Ronde, Arthur eut à en découdre dans les premiers,  vu les faits rapportés

Rue de Seine

j’en frissonne des décennies après

Serge de sa voix prenante bloquait le passage d’un trottoir à l’autre, Jacques m’appris ce que Paroles signifient

Nous nous retrouvions à l’allumage des réverbères, entre deux « Caroline et Marguerite » promenées jusqu’à Montmartre avec la fanfare de l’Ecole. A t-elle finit par faire mon bonheur, ça c’est la réponse toujours à attendre

Tout vient s’opposer

la chaleur pourtant n’arrive pas à me défaire du haut de la sphère

la Lumière domine

j’ai le tableau fait dans la série qui s’annonce

la poésie devenue le pigment de mon encrier

je pousse le cri de naissance au-delà

mes bons maîtres plus vivants que vous en moi ça n’existe pas…

 

Niala-Loisobleu – 26 Juin 2019

 

RUE DE SEINE


RUE DE SEINE

 

Rue de
Seine dix heures et demie

le soir

au coin d’une autre rue

un homme titube… un homme jeune

avec un chapeau

un imperméable

une femme le secoue…

elle le secoue

et elle lui parle

et il secoue la tête

son chapeau est tout de travers

et le chapeau de la femme s’apprête à tomber en arrière

ils sont très pâles tous les deux

l’homme certainement a envie de partir…

de disparaître… de mourir…

mais la femme a une furieuse envie de vivre

et sa voix

sa voix qui chuchote

on ne peut pas ne pas l’entendre

c’est une plainte…

un ordre…

un cri…

tellement avide cette voix…

et triste

et vivante…

un nouveau-né malade qui grelotte sur une tombe

dans un cimetière l’hiver…

le cri d’un être les doigts pris dans la portière…

une chanson

une phrase

toujours la même

une phrase

répétée…

sans arrêt

sans réponse…

l’homme la regarde ses yeux tournent

il fait des gestes avec les bras

comme un noyé

et la phrase revient

rue de
Seine au coin d’une autre rue

la femme continue

sans se lasser…

continue sa question inquiète

plaie impossible à panser

Pierre dis-moi la vérité

Pierre dis-moi la vérité

je veux tout savoir

dis-moi la vérité…

le chapeau de la femme tombe

Pierre je veux tout savoir

dis-moi la vérité…

question stupide et grandiose

Pierre ne sait que répondre

il est perdu

celui qui s’appelle
Pierre…

a un sourire que peut-être il voudrait tendre

et répète

voyons calme-toi tu es folle

mais il ne croit pas si bien dire

mais il ne voit pas

il ne peut pas voir comment

sa bouche d’homme est tordue par son sourire

il étouffe

le monde se couche sur lui

et l’étouffé

il est prisonnier

coincé par ses promesses…

on lui demande des comptes…

en face de lui…

une machine à compter

une machine à écrire des lettres d’amour

une machine à souffrir

le saisit…

s’accroche à lui…

Pierre dis-moi la vérité.

 

Jacques Prévert