LA PLAINE PAR JEAN ARP


LA PLAINE PAR JEAN ARP

Je me trouvais seul avec une chaise sur une plaine
qui se perdait dans un horizon vide.
La plaine était totalement asphaltée.
Rien mais alors rien du tout à part moi et la chaise se trouvaient sur elle.
Le ciel était continuellement bleu.
Aucun soleil ne l´animait.
Une lumière inexplicable et raisonnable illuminait la plaine infinie.
Ce jour éternel me paraissait
artificiellement projeté depuis une autre sphère.
Je n´avais jamais sommeil jamais faim jamais soif jamais chaud jamais froid.
Comme sur cette plaine il ne se passait rien et que rien ne changeait
le temps était un fantôme absurde.
Le temps vivait encore un peu en moi
et cela principalement à cause de la chaise.
Comme j´étais occupé avec elle je ne perdis pas
entièrement le sens du passé.
De temps en temps je m´étirais devant la chaise
comme si j´avais été un cheval
et allais au trot avec elle en cercle ou bien tout droit.
Est-ce que cela marcha je le suppose
si cela marcha je n´en sais rien
car il n´y avait rien autour
grâce auquel j´aurais pu contrôler mon mouvement.
Quand j´étais assis sur la chaise je me demandais l´air triste mais pas désespéré
pourquoi l´intérieur du monde irradiait une lumière noire pareille.

Jean Arp