LA RÉALITE EST UNE NICHE…JACQUES PREVERT


PAR JACQUES PRÉVERT

Jacques Prévert

LA REALITE EST UNE NICHE …

JACQUES PREVERT

La réalité est une niche

où rêve un grand chien triste et fou

devant un bocal d’air liquide

où crève un vieux poisson volant

qui se métamorphose dans le vide

en Alexandre le Grand

ou en cure-dent

Et c’est bien autre chose encore pour les gens de mauvaise humeur pour les gens du mauvais amour qui se baladent dans tous les sens et sauf dans celui de l’humour D’ailleurs

dans l’argot des croque-morts on appelle le cimetière le Cirque

c’est-à-dire la place des Augustes

dans la critique d’art la poésie paroissiale la marine de

guerre la peinture à voile et autres entreprises de

futilité de sénilité et de calamités publiques sans

parler des expéditions coloniales

Et c’est pourquoi Félix Labisse a chez lui dans une

vitrine une collection de pipes en terre cuite qui sont

en réalité

de véritables pies panthères crues

De là aussi son goût pour les grands tableaux d’histoire naturelle où la démente religieuse et la chenille processionnaire dévorent frénétiquement la
Bête à bon dieu devant le maître autel du crime dans la grande névroserie de la Place Saint-Sulpice sixième arrondissement Paris

Et c’est pourquoi comme Détaille le grand peintre de la réalité militaire qui voyait les hussards les dragons la garde dans le rêve réglementaire du fantassin
couché Félix Labisse peint d’après nature et il faut le voir sur l’esplanade quand la fête des invalides bat son plein et qu’il s’arrête devant le grand musée
où l’armée est enfermée et qu’il donne un tour de clé supplémentaire afin de pouvoir peindre en paix et qu’il installe son chevalet devant la baraque du musée
Dupuytren là où sont enfermés les Apollons du Belvédère dévorés par le mauvais venin Deibler la Vénus hottentote Bernadette dans sa grotte le
Général Boulanger qui met fin à ses jours à Ixelles d’un coup de pistolet avec son chapeau par terre et des tas de fleurs fanées toute une famille bien unie
enlevée par une pieuvre en pleines vacances de Pâques l’inventeur du papier tue-mouches le concierge de Pasteur enfant mordu par un chien enragé le pétomane en habit rouge
l’exécution de Caserio un cul-de-jatte grandeur nature sanglotant le nez contre la glace de la boutique d’un pédicure un brave territorial attaqué dans une tranchée en
quatorze par des rats et des pompiers la nuit cherchant en amont du port de Bougival le corps d’un membre de l’Institut Médico-Légal atteint subitement de déformation
professionnelle et d’aliénation mentale qui se prenant pour l’Inconnue de la Seine s’est jeté en aval et déguisé en femme

Mais ce n est pas ces modèles grouillants de vie familière dans un univers de vase et de verres à dents ébré-chés que Labisse attend amoureusement devant le
Musée

Mais la fugitive la belle échappée nue la douce écorchée vive aux yeux de chatte aux cheveux à la chien la fille de cire perdue qu’il a un jour aperçue

Dehors

entre la dernière seconde de l’hiver et la première seconde du printemps

dans les bras de son homme de neige

Et les deux fondaient en même temps

Jacques Prévert

UN SOIR DE MAI – PIA COLOMBO/ MAURICE FANON


UN SOIR DE MAI – PIA COLOMBO/ MAURICE FANON

Je me souviens
D’un soir de mai
Pas bien longtemps
Que j’avais mis
Mes chaussons dans les tiens
Et ton lit dans le mien
Un soir de mai
Déjà couchés
Fini d’aimer
Et dans tes bras
Comme une herbe mouillée
Je me balançais

Deux messieurs
Sont entrés dans la chambre
Deux messieurs
Le chapeau de travers
Deux messieurs
Sans frapper ils entrèrent
La botte la première
La police et son clerc
Deux messieurs
Je crois qu’ils te frappèrent

Pis Colombo

Paroles et Musique de Maurice Fanon. Extrait de l’album « Un soir de mai » (1965)

L’ART A L’ECOUTE


L’Art a l’Ecoute – Frida Khalo

L’ART A L’ECOUTE

Tirant la barrière sur le caquetage assommant j’étends l’aire au rivage distrait de toute forme de conquête de pouvoir

Frida plongée dans la pensée profonde des mots venus du ventre dans la couleur exotique qu’un ara déploie sans violer l’espace vierge

à deux mains contre la peau sortie de tortures

Une maison bleue pour couchage à bord du respect individuel

Evasion d’une escorte de frissons que tes mots trouvent en gardant le regard dans ton jardin sans intrusion

Mes lèvres soufflent sur ton herbe afin d’en tirer le plus sauvage musc qui provient du bien-être venu de l’abandon floral

Pour civiliser cette invasion je laisse ma langue s’évader au fil de la rivière pour te rejoindre en ton ailleurs.

Niala-Loisobleu – 28 Mai 2022

A L’EMPLACEMENT DE NOS INITIALES


A L’EMPLACEMENT DE NOS INITIALES

Le pont traversé je me trouvais devant le cerisier qu’aucune construction n’avait menacé durant tout ce temps

m’approchant je vis nos initiales percées d’une branche neuve de vert tendre

et pas de serpent ne sortit du trou quand je laissais ma joue se remplir l’oreille des ondes qui secouaient le tronc de ses cordes vocales

au point que je suis resté tard jusqu’à la nuit pour tout entendre pousser de cette envie de mûrir tracée au couteau.

Niala-Loisobleu – 28 Mai 2022

AU FAÎTE DE LA MER


AU FAÎTE DE LA MER

Emporté par la vague je me laisse aller à l’éclat

Rire avec toi vaut un voyage aux îles

En couleur de plumes vives

Ce matin j’ai traîné entre les weekandiers de passage

Pour m’approvisionner de gaîté en pensant à t’écarter de la mère démontée

Et me voici plus joyeux qu’un retour qui s’annonce encombré…

Niala-Loisobleu – 28 Mai 2022

DU GOÛT DES LÈVRES


DU GOÛT DES LÈVRES

En touches comme en brassées, de mes doigts au sein de l’arc-en-ciel sentir venir la langue de la vie remuer mes jambes jusqu’à l’érection créative, toi tu en connais l’art

Sur le bout des lèvres

Me dit le regard que je laisse se balader sur toi…

Niala-Loisobleu – 27 Mai 2022

LE COSMOS VIVANT


LE COSMOS VIVANT

Symbole de la vie en perpétuelle évolution, montant de la terre vers le ciel en prière naturelle

Porte-parole du caractère cyclique de l’évolution cosmique dans la réunion des deux sexes

du souterrain actif qui élabore à partir de ses premières branches

jusqu’au fruit de son sperme « SA ROSEE CELESTE »

Axe du Monde autour duquel la lutte pour la vie reste constante

Notre unique témoin d’un paradis réel dépollué de tout déisme

Voilà la maison ouverte à tous les oiseaux en chemin d’étapes sans atteintes à la Libre Pensée

Niala-Loisobleu – 27 Mai 2022

LE MENHIR PAR MICHEL DEGUY


LE MENHIR PAR MICHEL DEGUY

Mais que faites-vous de l’imprévisible ? — du chant grégorien, des ronds de buis, des cloîtres, des poèmes à Vittoria Colonna, des serments sur l’honneur et des fêtes, des alliances de viandes et. de vins, de l’artifice du feu, des fleurs inventées, des défis et des morts sérieuses.Car il reste la brusquerie de la croissance ; une même manière de se redresser; les assomp-lions tenaces de la psalmodie ; une même manière de monter sous le ciel, de tendre les paumes de l’amour, de s’arracher sur la terre jusqu’au faite gothique ; cette création discontinuée ; tout ce que la mémoire ne peut que conserver tel quel, comme autant de chefs, élévations différentes, mais toutes de naissance mystérieuse.Que faites-vous de ces témoignages erratiques, absolus; de la pure érection des menhirs; des autels au dieu inconnu; de l’entêtement sacerdotal; de l’exhaussement de signes lapidaires uniques sur le désert; du fait de l’immense existence ?De ce luxe, de ces cabrements solennels ; des semonces obstinées de l’homme fulgurateur qui frappe à coups redoublés sur ce monde renfermé ?
Michel Deguy

TENIR SA PLACE


TENIR SA PLACE

Faut monter sur une chaise pour voir la mer au-dessus des voitures à l’arrêt contre les terrasses bloquant les rues

Tout le monde est sorti de chez lui

Depuis les promesses du roi le Pays s’installe dans l’absence de responsabilités. Pourtant tout augmente

sans que ça pose problème

la nature est seule à prendre des mesures pour réduire le nombre de noyades en mettent le soleil à l’ombre

Rien d’anormal au dysfonctionnement le Garde des Sceaux tiré d’affaire par l’épouse du Roi et ce dernier à Brégançon occupé a faire du scooter sur la mer ont d’autres chats à fouetter…

Niala-Loisobleu -27 Mai 2022

« INTERIORITE » (Le Peintre 5) – NIALA 2022 – ACRYLIQUE S/CONTRECOLLE S/ VERRE 40X50


NIALA

« INTERIORITE »

(Le Peintre 5)

NIALA 2022

ACRYLIQUE S/CONTRECOLLE

S/VERRE 40X50

DE PORTE EN PORTE EMPORTER L’UNIVERS INFINI

Votre porte claque –
Vous êtes à l’extérieur :
Vous y êtes enfermés

Vous êtes à l’intérieur :
Pas de dommage…

La clef est votre chance
Mais de l’intérieur :
Nul besoin d’elle…

Ainsi les courants d’air
Appellent de l’extérieur : la clef
Il faut être prudent
Avec eux

Mais de l’intérieur : vous ouvrez..
Et c’est l’accueil ou
Avec la clef…
Vous sortez
Vers…Le grand monde

Il est une porte qui semble
Vous interdire les deux…
C’est celle de
La prison
Or le grand monde
Peut être dans
Les songes…
Nul besoin de clef…
Ainsi échappe-t-on à l’univers clos :
De l’intérieur des âmes
Par la porte des
Songes…

Qui prétend en découvrir la clef
Sans être à l’intérieur
S’en voit refuser
L’entrée
Il s’agit là d’ouvrir son désir
De toucher un fil dans un
Courant d’air…
Écrire cette fulgurance
Pour ouvrir un
Horizon

Et qui a déjà rêvé à la porte de l’horizon
Où la mer se confond avec le ciel
Où la mer est allée avec
Le soleil couchant –
Peut s’abandonner à un grand
Air fugace

Mais…Ah ! Passer les portes et les murs
Sans chercher à les ouvrir…
On ne le peut que
Comme Alice ou
Marcel Aymé
En inventant – réinventant
Un monde merveilleux
Qui est derrière
La clôture

La liberté va jusque dans les portes des villes…
Si elles sont ouvertes
On peut rentrer et
Accueillir ce
Qui pointe à
L’horizon…
Le jour pointe ou la nuit tombe
On entre au jour par
Des points d’azur
Rougeoyants ou
Par les nuées
On entre dans la nuit
Par l’horizon étoilé
Par les phares
Les réverbères ou les enseignes
Au bout d’une avenue

Mais – en aucun cas – on ne saurait ouvrir
Les portes du monde sans en faire
De même avec nos songes et
Sans nous donner
Un horizon

Et si le passé nous est fermé
Il faut entendre battre
Le cœur de
La mémoire avec nos désirs
Illimités…
Cela vaut pour toutes les portes
Si nous voulons les ouvrir
A nos amis et à
L’amour
Sinon nous les fermons
A tout partage et à
Toute fidélité

Et toujours s’enquérir des bruits et
Des voix du monde – implique
Qu’on se les remémore
Sinon on se lie
Aux chaînes
De l’oubli
De l’oubli
Sinon ce n’est que le travail
Pour lequel s’il ne
Nous plaît pas
On aimerait peut-être mieux
Rêver et désirer
Quitte à se calfeutrer chez soi
Comme en un cocon dont
On attendrait des
Métamorphoses

Ouvrir – fermer des portes
C’est encore le courant d’air des désirs
Qu’il faut peut-être
Laisser entrer
Dans l’instant d’une décision
Pour lâcher prise à
Notre plaisir…
La tristesse et l’angoisse nous guette
Et nous ne pensons plus
Ni à l’ouverture ni
A la fermeture ?…
Or la renaissance de nos êtres
Se fait dans le soin
Que nous accordons à l’accueil
Et au partage dans ce
Monde global
D’empires et de communautés fermées

Notre intériorité nous pousserait
A tout fermer que nous
Ne nous nous y
Reconnaîtrions plus
Sauf à lâcher prise
A tous courants
D’air
Vivifiants et salvateurs
Y passant au travers
Ainsi claquer
La porte au monde nous transforme
Nous-mêmes en
Courants d’air devant
L’univers infini !…

Alain Minod