Dénonciation du Corps – Elégie par Jacques Izoard


WILLEM DE KOONING

Dénonciation du Corps

Elégie

par

Jacques Izoard

Corps où les doigts, les femmes laissent, blanches, cent empreintes, où le goût du thé longe l’empire de la jambe, où tu vins, comme un laitier sans cri, sans nervures, libérer mon jade, mon corsaire.
Nous fûmes ce que nous fûmes.
Ton récit de trains et de roses, je le suivais, neutre et attentif.
Apparut nu celui qui parle, et glissent en moi l’arbre colorié, la haine alanguie, l’étui fourré de menthe; rêve en moi l’encre possessive (et ses fragments, ses incertitudes, ses continents, ses fracas, ses contemplations mates); je serre ton corps, qu’importe, le vois de la jambe à la jambe, le sais là de tous ses os, de toutes ses vieilleries, de tous ses organes sans nom, évanouis, essentiels pourtant.
Rompre, et pampre, ou pourpre.
Et pourquoi ce clair-obscur?
Pourquoi ce mouvement de la main qui écrit quand hurle celui qui naît ailleurs?
Et parole.
Et parole enfermée.
Tu bouges dans ta peau sans savoir l’aventure du corps.
Tu viens vers moi.
J’essaye de le croire, de l’écrire, de le dire, de le lire.
Ville enfoncée dans les maisons, dans les carcasses.
Tu casses le sang.
Avide, te voici lépreux sous les bras.
Que disions-nous de celle qui nous enveloppe, nous trompe ?
Fardeau de citrons et de socs, ton corps vers l’hiver déchire les linges oubliés, les turbans tachés de rouille, et le sang se répand sous la peau, plus vite, inondation nocturne, où le meurtre est vain, où les oiseaux plats filent ventre à terre, comme de folles guillotines.
Avare, tu parles, tu touches toi-même le papier, la peau, l’œil.
Et c’est une lenteur de terre fraîche, de tissu mouillé.
L’obstination mûre des sueurs, le calvaire sec du sang, la jactance insensée des prunelles ; tu tournes vers moi un visage qui n’est pas le tien; les poignets près des cuisses, les tuiles rouges où des gardiens battent des voleurs…
Dans mon bras, ton poing serre des touffes et des aisselles, des blocs de houille, des seins de neige.
Estaminet sans peuplade ou chambre de chaleur.
Jacques Izoard

LANGUE D’OCRES


Niala . Paysage en cours (31 Mai 2022)

LANGUE D’OCRES

Alors qu’en sa diagonale la langue remonte les saillies de l’anatomie des collines de mauves ouvertures poussent l’herbe folle à s’enhardir

Chemins blancs de sentes où quelques chèvres font leurs cornes

Sans s’inquiéter de la clôture naturelle des buissons qui retient l’éboulis d’une étreinte derrière la maison

quelques oiseaux tissent des couleurs pour tenir à l’abri de toute attente

Au chant du rabot l’ébéniste tire un meuble des restes de l’ormeau, pendant que l’enfant espiègle se penche sur la vue des cuisses ouvertes de la rivière

Trois vaches broutent le tapis vert du billard à trous laissé le long du film muet du chemin-de-fer

On entend le train se râcler la gorge dans la montée au tunnel qui débouche sur la corniche

Les bûcherons rendront les troncs.

Niala-Loisobleu – 31 Mai 2022

Peindre en dedans


Accroché au soleil l’ombre pédale perdue dans le fossé

La colline aspire à plein -ciel le bord de mer sans chichis avec naturisme

de l’enfant de coeur

Sous la pierre une cathédrale jette la messe dans l’aube baptismale

Monte du sol une idée folle…

Niala-Loisobleu – 31 Moi 2022

VOL À L’ATTIRE


VOL À L’ATTIRE

Les étals braillent en langue aveugle de leurs appels de phares

Il y a tant de pièges dans l’approche de la côte qu’il n’est pas permis d’ignorer l’attente des naufrageurs

Prépare ton ex-voto et radoube ta barque. L’île n’est pas sortie de l’archipel.

Niala-Loisobleu – 31 Mai 2022