Muet parmi les mots


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Muet parmi les mots

Assis au banc de chaume, je rends d’un oeil ouvert, ses tisanes au tilleul. Nous voici dans une semaine humide, enfin pas en corps comme j’aime, non, au bord d’une pleine lune de lessive du soleil. Grand barbotage, les quais sont en travaux pour des mois, on aura du mal à se voir les canards et moi.En pleine devanture d’une crise ça doit être incontournable de faire des frais somptuaires.

Manche à air, ya go ?

Non, le traître peut rentrer dans sa loge, la diva se repoudrer l’accorte vocale et le librettiste ranger ses portes-plumes dans l’étui à violon. Comme l’ultime poésie.je vais ouvrir la Grand’ Place au marché aux puces. on dit que l’écarte électronique se met à la gratte. Rock attitude du laver à la St-Marc pour les pigeons. C’est le vivant par réel effaceur de fausse existence. La réalité vivante  l’a défini la 13° Verticale:

Muet parmi les mots,

presque aveugle parmi les regards,

au-delà du coude de la vie,

sous l’emprise d’un dieu qui est absence pure,

je déplace l’erreur d’être un homme

et corrige avec patience cette erreur.

Ainsi je ferme à demi les fenêtres du jour,

j’ouvre les portes de la nuit,

je creuse les visages jusqu’à l’os,

je sors le silence de sa caverne,

j’inverse chaque chose

et je m’assieds de dos à l’ensemble.

Je ne cherche désormais ni ne trouve,

je ne suis ici ni ailleurs,

je me refais au-delà du souci,

je me consacre aux marges de l’homme

et cultive en un fond qui n’existe pas

l’infime tendresse de ne pas être.

Roberto Juarroz

De ce qui balance au-dessus des herbes sauvages, seuls les seins m’intéressent, sans qu’il soit besoin d’amarrer un pompon au proéminent des aréoles. L’nichon fête foraine, paumes de pis, étrenne de barbe à papa, poupée ruse, train fantôme et grand-huit où tu m’fais tunnel pour une cravate. Pourquoi j’irais écouter les prédictions d’une Irma Douce heure, quand tout l’à venir tient dans ces deux globes tournant au plafond du bal du ça m’dit seoir, ouvert le dimanche et chaque jour de la s’maine 24h s/24. La matinée sera bientôt écoulé, le mal d’amour comme vient de me dire mon dentiste ça se détartre pas tout seul. Faut monter au crée n’ô…le bon vouloir de l’Autre faut pas le laisser roupiller, Faut astiquer la guitare, olé, olé, por el ultimo momento  !
Niala-Loisobleu – 10 Janvier 2017

 

 

 

 

 

 

PERCEE BLEUE DE TON OEIL VERS


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PERCEE BLEUE DE TON OEIL VERS

Pour te trouver

tendre la main ne donne rien

il y a l’être là

tout entier

plus vivant

que le rasséréné donné par l’objet présent

Au-delà du calme bousculé

que les pas écrasent du trop pressé

collée à dermes

toi tu es

où que je sois

Au banc des phoques d’une sortie en mer

au carrefour du monde dans une rue du Luxembourg

au parvis d’un forum des halles

aux soupirs des gondoles

propres à la place St-Marc

Et en corps juché sur le rocher

battu par un vent rapprochant

aux oliviers de Filitosa

Ton odeur longe les pierres

grimpe

en se frottant aux marques humaines

froissant la graine à l’ouvrir

pour aller au bord de la rivière boire le ponton

embarcadère de l’estuaire

Qui mieux que toi

saurait extraire le goût du fond de la chair

dans la souillure du sédiment

et m’en enduire

couchée à plat-ventre

à chacun de mes pores

Qui sauf toi

ne laverait pas les draps de nos ébats

pour garder sous les yeux le cerne de leur bleu

et les plis de leurs écumes

Je te garde loin

pour t’avoir en tout

intégrale en moi

plus près

marquée des lignes de mes mains

peintes à l’aquarelle de ton désir

sur mon châssis tendu de lin

Réalité-vraie

de la fission cellulaire d’un noyau

toujours en germe

en dépit des apparences d’une fausse notion du sentiment vif

de l’absolu

Tu es la porte d’une cabane suspendue

où l’énergie bâtit la rampe de l’escalier

Eternité transcendantale

que la mort incorpore sic

sans éteindre les feux

du Tout

que nous sommes devenus

par notre seule volonté

de nous tenir près loin

pour nous rejoindre au plus vite

Niala-Loisobleu – 9 Janvier 2017

MOTS BATEAU-A-VOILES


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MOTS BATEAU-A-VOILES

Bilboquet des mots

les virgules cloutent les passages en silence

Le sol ne craque plus sous le pied, chaque feuille

épèle d’un murmure étalonné à la goutte

retient des yeux l’exclamation avalée

Les animaux ont abandonné

le marquage d’un territoire qui s’est borné de lui-même

fade d’odeur, lapin en peluche tombé du pompon d’un marin de la Royale

détourné de la Jeanne

Une machine écrit en images sépia

le périmètre d’un carton à chaussures, dans l’album

commandé par la mémoire d’une sauvegarde logée dans les pots d’épices

On stérilise

les cuillères en bois au confiturier touillent les fraises du dentiste

engrenage

poulie

réa

animation

Crac

un cuir vient de craqueler la syntaxe

Mais non mon Coeur

c’est pas toi, as pas peur qu’a cassé la vapeur

les carreaux du marais, vois comment ils gardent le ciel dans leur vitrage

tous ces visages qui marchent

mais bien sûr

que c’est des nuages

le ciel est vivant

et

il joue à joue

tout gonflé par le chalumeau du marchand de ballons

plein d’oiseaux blancs au bout des ficelles de ses cerfs-volants

J’ai tellement rêvé que je l’ai peint réveillé

en bleu-rose

bateau-à-voiles

entouré d’une attitude aux couleurs rabattues

laissées au port

à se tirer sur leur l’amarre

Niala-Loisobleu – 8 Janvier 2017

 

Les Blessures/Bruno Ruiz/ Mon quattrocento


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Dessin : Etude de Signorelli Luca (1450-1523)

Les Blessures/Bruno Ruiz/ Mon quattrocento

Les blessures font partie des vivants, elles habitent leur vie comme une ligne d’infra basse dans la soute des machines, elles nous accompagnent dans nos rires, s’accrochent aux branches de nos arbres les plus paisibles. Elles dansent sur les houles de l’incommensurable peine des hommes, rejoignent les fantômes innombrables de l’absence, de nos erreurs et de nos lâchetés. Et je les porte en moi comme un sac de larmes sur les épaules, cheminant vers des sources légères, dans la cicatrice des mémoires et la trêve de sanglots lancinants. Un jour, un jour sans doute, je serai aérien dans l’étreinte sereine de l’univers, et rien ne pèsera sur mes pas. Il n’y aura plus d’ombre sur la joie de vous savoir si semblables.

Bruno Ruiz, 2017

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Morsure d’amour-propre, buisson épineux poussant sans prévenir sur la pelouse venant d’être tondue. Deux oiseaux jouent au badminton. Le cerf-volant s’envole, la main sournoise du semeur d’embrouilles sort du brouillard où elle réside et perche l’accessoire sur l’inaccessible.

Air glacé, la gerçure se saisit des lèvres.Adios sourire.On devra attendre. La commissure rogatoire autorisant une perquisition saura-t-elle hein ma soeur Anne ?

Je saigne très bien qu’au fond de moi rien n’envenimera la cicatrice de nos poignets nuptiaux. D’aucuns n’y auraient vu que l’image ex-voto du péri en mer. La blessure- notre est une sorte de troisième oeil, veillant sur Nous. L’ange à Nous, ne quittant pas un seul de nos mouvements. L’oreille à nos mots malheureux, nos tons faux, dérapage, sans qui nous n’aurions pas vraiment pouvoir pu prétendre au savoir lire de l’Autre. Le froid rend la graine vivace pendant son sommeil. Oiseau du pouls, animant la pompe du m’aime sang.

Je reste l’Enfant qui apprend la minute présente mon Coeur, Toi, étant en quelque sorte mon éternel quattrocento.

Niala-Loisobleu – 8 Janvier 2017

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Le jeune Ciceron lisant-1454-Vincento Fappa

L’APERITIF / Aleph(Paulo Coelho)


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L’Apéritif

Aleph

(Paulo Coelho)

Dans le levé du jour laisser les traces d’habits qui n’allaient pas, quelque chose, m’a-t-il semblé au terme d’une nuit froide, blanche, tiens, oui c’est ça, de gel. Prendre le chemin de la cabane, une vraie toilette, en ce moment où elle est seule et ne s’attend pas à me voir.

Glacée dans sa robe de givre, mais le sourire sur la porte, à peine m’a-t-elle aperçu. Voilà qui réchauffe d’un autre quelque part., laissé pendu à son suspend d’interrogation.

Au retour fin d’après-midi, l’impression d’un trouble ne me quitte pas. Etrange, pas innocent mais spontané, j’ai senti la nécessité d’entrer dans la parenthèse. Ton vieil instinct animal mon P’tit-Gars. La purge. Comme dab, je refuse de faire un compromis avec le flou qui couvre une histoire qu’on a pas voulu dire dans son contexte vrai.Le tort ou à raison, empêche tellement l’existence de la simplicité. Sans l’avoir prémédité, toujours à partir d’une maladresse naît une erreur. Et la suite s’embourbe…

18 h, la nuit se remet en place, une Suze à l’eau…oui c’est moi, comment tu vas ?

Niala-Loisobleu – 7 Janvier 2017

ALEPH

Résumé

Ici commence un nouveau chapitre de votre vie. Décider. Changer. Se réinventer. Agir. Expérimenter. Réussir. Oser. Rêver. Gagner. Découvrir. Exiger. S engager.Penser. Croire. Grandir. Appartenir. S éveiller.

Nous avons parfois besoin de retrouver un sens à notre vie, de lui redonner souffle et équilibre.Et si un livre avait le pouvoir de vous faire découvrir un monde nouveau ?Et si, grâce à la magie des mots et d une histoire, vous commenciez un nouveau chapitre de votre vie ?Aleph est ce livre. Aleph est un voyage qui pourrait bien changer votre existence.

(Source Babelio)

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TAXIDERMIE


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TAXIDERMIE

D’un nuage qui passait par là, plongea une image dans l’eau de là

Les vents malins joueraient-ils aux aiguilleurs du ciel durant la descente ?

Ma foi la question est grande ouverte, vu le nombre de transformations opérées entre le départ et l’arrivée.

Ce qui se pose sur le miroir d’eau a pris une autre forme, on dirait…

On dirait tout ce qu’on voudra

Dire et que dire c’est pas faire

Et loin de faire l’affaire.

Hier servi sauce promesse

Aujourd’hui sauce relâche

Pour demain sauce remaniée.

C’est toujours le même plat réchauffé.

L’incapacité des moyens couplée à l’inaptitude du metteur-en-scène et à la médiocrité des acteurs.

N’ont y compris pour les croyants durs comme fer

Qu’être mets créant c’est pas savoir la sauce pire

Aucune chance de renverser la tendance

La musique est mauvaise

Et le chanteur n’est que le maître atone hic d’un pétard mouillé

L’écran de fumée du mariage pour tous a perdu son pouvoir magique

L’état des lieux bien que très gay est d’une tristesse qui fait peur

Mensonges et abus en tous genres ça porte qu’un seul et unique nom.

Imposture

Vivre la tromperie à titre personnel est au programme de la vie de tous les individus.

Être abusé collectivement sans distinction d’appartenance ou de neutralité par les représentants de l’ordre au plus haut niveau c’est un crime contre l’humanité

L’usage permanent du coup de pied de l’âne se doublant le sens dans le même mot

Les poursuites, les calomnies, scandales carnavalesques dans le déroulement d’une vaste partouze où fais-moi jouir que je te baise à mon tour, forment la chaîne des emmanchés sous la bannière du retour à la morale dépassent le cadre de l’indécence pour aborder celui de la trahison.

M. le Président levez la main droite et dites enfin toute la vérité : « Je suis parjure !

Niala-Loisobleu – 7 Janvier 2017

 

PLUS QU’HIER A LA M’AIME HEURE


 

PLUS QU’HIER A LA M’AIME HEURE

Je n’ai volontairement ouvert que mes volets intérieurs, choisissant de laisser ceux de l’extérieur en dehors. Pourquoi me demandes-tu de cette Voix-Toi, de jet mots,   qui me chamboule à chaque fois ? Oh pour plusieurs raisons, qui dans le fond sont la même, te réponds-je.Tu sais les traces des dessous que tu ne portes jamais, se mettent par tout comme un territoire que tu m’as mis en partage. Je suis en brossage dedans, mijotant, à la nage, ta peinture aux doigts où que je sois. Le jour où je, qu’on s’est Nous, l’un des émois qui m’a intensément traversé c’est ton côté animal. Tu sens par les vertus phénoménales du poil laissé librement occuper ses jardins ouvriers. Tes seins ne supportent pas plus que moi d’être tenus en cage comme des serins. C’est d’ailleurs ce que je vois sur la jetée du bout des pores en venant voir les marées. T’es une criée retour petit-bateau. T’as l’écaille rose en corps ruisselante. Les voix qui accompagnent tes diverses apparitions  ne galèrent pas sous le fouet.Elles sont chansons de marin tirant sur les écoutes en carguant la toile. J’tire un bord, tu viens à la gîte, rase-motte le dessalage. Toute façon comme tu dis t’as déjà vu ma quille, question safran t’épices et tiens bon la barre. J’attends pas les printemps pour t’avoir au nid de ma façade mon Hirondelle. Quand me sachant mécréant tu viens m’évangéliser,  en communiant  dans ma bouche ton hostie, c’est qui qui part le premier en encens voluptueux ? Au  bastingage de tes hanches j’crains rien du coup de tabac. Un coup d’sein en pleine tronche ça vous île grand-large. L’étagère du dessus du lit, où tes cris tiennent dans le serre-livre de tes cuisses, reste ma préférence de chevet. Mon cheval aime l’harnais de tes aisselles, ça le balance à paris mutuel. Je ne sortirai de Toi que pour les commissions nécessaires à te manger. Je te bois vert orée mon Amour.

Niala-Loisobleu – 6 Janvier 2017

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ALEPH ma chair aux épouvantails des curées


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ALEPH

ma chair aux épouvantails

des curées

Alors je vis « l’Aleph »,équin-tricycle

et ce matin vînt du jour dernier d’hier, le déclic amorçant l’ouverture d’un embrayage qui refusait de sortir du stationnement de ces derniers temps. Les roues du moulin meulent et les zèles changent de monture. Rossinante demeurera à jamais dans La Mancha, le grain d’un passage dégourdit les vannes du bief. En ordre dispersé, rue de Verneuil, équin-tricycle ressortent un père faire ailleurs, une mère équinoxe,  le Front Populaire, une et puis deux guerres, bric à brac flibustier se riant des morsures du grinçant. Le film s’échappe des bobines fossé des inventaires de la stricte réalité de mon existence. Orsay musée change de destination….Je suis rien et multiple, marches, colonnes, fronton, double luminaire à l’oeil ouvert, tenant par l’ombilic la Femme aux cheveux arc-en-ciel,  marchant sur le  fil du rasoir, le balancier tenant le caniveau émancipé. Autre et incomparable proximité née d’une fausse distance Nous barbotons nos âges dans nos marres. Un amoureux  glissement d’ailes de canard,  sensuel colle vers, en brouillant les dates de nos révolutions sous l’oeil de nos Anges. Démons et merveilles. Et toujours l’Eternel Cheval, mains tenant, monté d’une statue de Vénus callipyge ne voulant plus voir Vesoul, pour nourrir qu’en Arles peint visible l’olivier à huile de Vincent, à son sein. Aphrodite, soulevant son péplos pour regarder ses fesses, nécessairement superbes, robe blanc et noir, blond pelage,crin yin et yang. Cabanant d’ici à là, un Atelier mobile dresse son  chevalet à l’écart des soupirs du Sade de Venise, mais bien au lit d’ô, des naissances dans la douleur. L’Etoile de lin dans l’autre. Que d’arbres, une médecine végétale forestière sans flacon qui tartine sur  canopée la sève des mots-peints. Lamentations éteintes, murs mis au pilon, les lignes gravent leurs orgasmes en majuscules paraphrastiques. La vie comme dab, faisant son transit de naissances en fausses-couches, des fils-enfants sont décousus du temps qui passe. J’ai craché le sans sur mes nativités.

Poèmes d’Amour, ô Jorge Luis Borges aide-moi, explique-leur l’indicible maux à mots de l’encre qui pleure acide  quand l’araignée se manifeste en orbite et comme tu l’as si bien dit :

….la circulation de mon sang obscur, l’engrenage de l’amour et la transformation de la mort, je vis l’Aleph, sous tous les angles, je vis sur l’Aleph la terre, et sur la terre de nouveau l’Aleph et sur l’Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j’eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n a regardé : l’inconcevable univers. J-L Borges

 

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Extrait de « L’Aleph » (Traduction de Roger Caillois)

Alors je vis l’Aleph.

j’en arrive maintenant au point essentiel, ineffable de mon récit ; ici commence mon désespoir d’écrivain. Tout langage est un alphabet de symboles dont l’exercice suppose un passé que les interlocuteurs partagent comment transmettre aux autres l’Aleph infini que ma craintive mémoire embrasse à peine ? Les mystiques, dans une situation analogue, prodiguent les emblèmes : pour exprimer la divinité. un Perse parle d’un oiseau qui en certaine façon est tous les oiseaux ; Alanus ah lnulis d’une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ; Ezéchiel, d’un ange à quatre visages qui se dirige en même temps vers l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud. (Je ne me rappelle pas vainement ces analogies inconcevables ; elles ont rapport avec l’Aleph.) Peut-être les dieux ne me refuseraient-ils pas de trouver une image équivalente, mais mon récit serait contaminé de littérature, d’erreur. Par ailleurs, le problème central est insoluble : 1’énumération, même partielle, d’un ensemble infini. En cet instant gigantesque, j’ ai vu des millions d’actes délectables ou atroces ; aucun ne s’étonna autant que le fait que tous occupaient le même point, sans superposition et sans transparence. Ce que virent mes yeux fut simultané : ce que je transcrirai, successif, Car c’est ainsi qu’est le langage. J’en dirai cependant quelque chose.(..)je vis une petite sphère aux couleurs chatoyantes, qui répandait un éclat presque insupportable, je crus au début qu’elle tournait ; puis je compris que ce mouvement était une illusion produite par les spectacles vertigineux qu’elle renfermait. Le diamètre de 1’Aleph devait être de deux ou trois centimètres, mais l’espace cosmique était là, sans diminution de volume. Chaque choses (la glace du miroir par exemple) équivalait à une infinité de choses, parce que je la voyais clairement de tous les points de l’univers. Je vis la mer populeuse, l’aube et le soir, les foules d’Amérique, une toile d’araignée argentée au centre d’une noire pyramide, un labyrinthe brisé (c’était Londres), je vis des yeux tout proches, interminables, qui s’observaient en moi comme dans un miroir, je vis tous les miroirs de la planète et aucun ne me refléta, je vis dans une arrière-cour de la rue Soler les mêmes dalles que j’avais vues il y avait trente ans dans le vestibule d’une maison a Fray Blentos, je vis des grappes, de la neige, du tabac, des filons de métal, de la vapeur d’eau, je vis de convexes déserts équatoriaux et chacun de leurs grains de sable, je vis à Inverness une femme que je n’oublierai pas, je vis la violente chevelure, le corps altier, je vis un cancer à la poitrine, je vis un cercle de terre desséchée sur un trottoir, là où auparavant il y avait eu un arbre, je vis dans une villa d’Adrogué un exemplaire de la première version anglaise de Pline, celle de Philémon Holland, je vis en même temps chaque lettre de chaque page (enfant, je m’étonnais que les lettres d’un volume fermé ne se mélangent pas et ne se perdent pas au cours de la nuit), je vis la nuit et le jour contemporain, un couchant à Quérétaro qui semblait refléter la couleur d’une rose à Bengale, ma chambre à coucher sans personne, je vis dans un cabinet de Alkmaar un globe terrestre entre deux miroirs qui le multiplient indéfiniment, je vis des chevaux aux crins denses, sur une plage de la mer Caspienne à l’aube, la délicate ossature d’une main, les survivants d’une bataille envoyant des cartes postales, je vis dans une devanture de Mirzapur un jeu de cartes espagnol, je vis les ombres obliques de quelques fougères sur le sol d’une serre, des tigres, des pistons, des bisons, des foules et des armées, je vis toutes les fourmis qu’il y a sur la terre, un astrolabe persan. je vis dans un tiroir du bureau (et l’écriture me fit trembler) des lettres obscènes, incroyables, précises, que Beatriz avait adressées à Carlos Argentino, je vis un monument adoré à Chacarita, les restes atroces de ce qui délicieusement avait été Beatriz Viterbo, la circulation de mon sang obscur, l’engrenage de l’amour et la transformation de la mort, je vis l’Aleph, sous tous les angles, je vis sur l’Aleph la terre, et sur la terre de nouveau l’Aleph et sur l’Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j’eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n a regardé : l’inconcevable univers.

Jorge Luis Borges (L’ALEPH – Gallimard, 1967)

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