LE BLANC DE L’HERBE


LE BLANC DE L’HERBE

L’avoir ce chant d’eau des lavandières avec les chevaux buvant comme ils ont tiré droit les sillons

d’où sort leur rire mouillé jusqu’aux seins à grands coups de battoirs

Roulés-boulés à la brouette des galipettes

viennent fusionner les pâquerettes pour te faire sentir l’herbe folle et les chaleurs de la chienne

quand nous irons au lit tressés comme l’osier des vanneries cueillir les étoiles.

Niala-Loisobleu – 23 Janvier 2022

Qu’est-ce qui passe ici si tard ? – Jacques Bertin


Qu’est-ce qui passe ici si tard ? – Jacques Bertin

Qu’est-ce qui passe ici si tard? Se demande la femme à genoux dans son âge

Est-ce que je vais me laisser glisser au sol

Les mains dans mon ventre serrées vers la cinquantaine?

Est-ce que j’irai à nouveau seule Dimanche dans ce restaurant de la gare?

Qu’est-ce qui fait que les jours s’alignent comme des maisons

Bordées du petit jardin propre des pudeurs

Où l’on n’entre jamais?

Est-ce que personne ne voit

Tard le soir la fenêtre éclairée où je veille?

Qu’est-ce qui passe ici si tard?

Qu’est-ce qui passe ici si tard?

Dans le silence impitoyable de cette chambre

Qui est comme un sanglot jamais crevé

Elle se regarde dans la glace et ne sait plus si elle est belle

Car la beauté réside dans la confiance que tu portes

À tes seins, à tes cuisses, à ton ventre et à cette Lumière acide de ta bouche

À la vie qui, sur ta peau pourtant morte, pose

Des caresses car l’âge n’existe pas

Jacques Bertin

LES ARCHIVES DU PRIEURÉ PAR PAUL NEUHUYS


LES ARCHIVES DU PRIEURÉ PAR PAUL NEUHUYS

On n’aime pas ce que j’écris, tout ce que je fais est d’un anodin pignocheur de colifichets.

Mes amis me voudraient autre que je ne suis et voudraient faire d’un troène un cognassier.

Les plus aimables d’entre eux me quittent sur cette invite:
Tu es rasoir, grand-père, puisses-tu claquer au plus vite.

Le fait est que ça me paraît de moins en moins étrange d’être un mort au-dessus duquel les arbres mêleront leurs

branches

car j’aurai beau ne plus être, l’être sera toujours et comme un paysan qui rentre des labours

je préfère interroger le vol des étourneaux

ou bien regarder le feu fixement sans dire un mot.

Mourir, c’est s’attendre à tout, franchir les frontières de la

peur, voir le rideau qui subrepticement se lève à l’intérieur.

c’est descendre dans l’humide touffeur de l’humus, naître à la vaporeuse émanation de quelque chose de plus.

car la vie ne serait qu’une immense duperie

sans une existence supérieure à celle du corps et de

l’esprit.

Merveilleux est un mot très chrétien; ce qui compte c’est cette petite parcelle de réalité profonde.

C’est pourquoi pas de deuil dans la maison du poète mais un léger sourire:
Adieu, c’est chose faite…

Paul Neuhys

POUR LA CEREMONIE


POUR LA CEREMONIE

Grande aube qui se rapproche

le matin qui mettra en sommeil découvre sa venue de plus près

Le heures ne s’assoient pas elles se tiennent debout dans l’élaboration

Le banc bleu comme le plafond des bons plats d’Elvira se tient au centre, l’eau au récipient du creux des mains de l’ocre terre, le peint posé sur le linge stérile du chant opératoire, sel et soufre en alerte et fins prêts un couple d’oeufs pour engendrer

Les enfants tout de bleu vêtus tiennent en ligne la longue traîne du rassemblement des couleurs de l’anémone pendant que face à l’alignement des colonnes monte au regard la nudité des nubiles voyages à venir

Au nord une vierge s’offre au cheval qui vient de débarquer la lumière sur la plage sous l’oeil des ménopausées que la Reine fait entrer dans la Ruche

En levant la tête à travers l’arbre on peut voir passer les premières cigognes en avant-garde des corps aéroportés

De la roulante d’Elvira le maniement de ses herbes parvient à maîtriser les odeurs envoûtantes qui passent le couvercle de ses marmites

Octroyant une destination multiple à la fonction des pièces de l’habitat.

Niala-Loisobleu – 23 Janvier 2022