CRINIÈRE DE FIÈVRE PAR PAUL ELUARD


Paul Eluard

CRINIÈRE DE FIÈVRE

PAR

PAUL ELUARD

Un pavillon rampant
Qui s’avoue plus haut
Que l’inondation
Au pouce foudroyant

La rive est un poisson

De jeux de pièges

Pour affamer en faveur d’Origine

Les arbres debout sur leurs talons

La naine pleine de blé

Descend la pente sur un air absolu

Va s’affaler sur l’herbe
De l’hacienda en flammes
De désastre en désastre
Elle se vêt

D’un tissu de bien-être
D’images lumineuses

Charmé souris d’alcool

Et d’alcôve hiver en couleurs vivantes

Soleil que je peux embrasser.

Paul Eluard

LES CAILLOUX PLEIN LA POCHE


LES CAILLOUX PLEIN LA POCHE

Dégagée la route laisse roue-libre de choisir les tant d’arrêt sous les ramures propices

Gazouillis à plumes pour personnel de service

Un petit gravier qui chante avec la voix de Mireille

et donne ce coup sur les manivelles qui remonte de plus en plus ô le tissu du jour sur les cuisses

Dimanche pour signer le dessein pincelé de bleu de Ma…

Niala-Loisobleu – 29 Août 2021

ET AU MOMENT VENU


ET AU MOMENT VENU

Assez de soleil sur langue il lui dit ce qui n’apparaît que dans la salive du sang

Vastitude du fond où le silence ne peut mentir

A l’éclat de ses aréoles il reconnut la présence de la cressonnière et la nature originale de l’amour qui y demeure vert

La menthe et le citron firent fuir l’ouragan

Sous les caféiers pieds nus, le mojito mêle les grains rouges pacifiques aux guitares de la Baie des Cochons

Niala-Loisobleu – 28 Août 2021

ME REPRENDRE A JUSTE TITRE POUR SIGNER A MA FENÊTRE


ME REPRENDRE A JUSTE TITRE

POUR SIGNER A MA FENÊTRE

De cette saison qui s’achève sans avoir montré d’elle que d’hétéroclites images sans rapport autre qu’un penchant pour la mort, je me place face à la porte de l’automne. L’esprit tout enfoncé au symbole. Conscient d’un nécessaire changement de renaissance, non pour refaire le monde, mais en sauver la nature pour moi-même et revenir aux fondamentaux

Des Marguerite en brasse

et du vain répandu

Becker avance sa clairvoyance et délivre

LA DÉLIVRANCE ATTENDUE

La fenêtre est tendre comme un couteau

Le miroir est profond d’épaules noires

on voit des pieds nus sous le rideau

et la route est très loin dans le mur

la tête coupée

est sur le lit

Je me rappelle ou je rêve

que ton front est comme ces belles journées

où il n’y a pas un signe de mort

où la lumière se rassemble sur les sources

le pont monte de l’herbe

et fait une grande blessure au-dessus de l’eau

le dormeur est toujours couvert

de ses paupières collées

comme des fruits privés d’air

les ombres sortent et laissent longtemps

leurs tempes contre les murs.

Lucien Becker

Ainsi du dessin naîtra la peinture, chair fraîche de la couleur de soie qui racine l’arbre, du cheval qui va au labour sans regarder d’abord l’âge et de l’oiseau qui du vent aspire la poussée sans chercher de renfort

L’enfant du mordant de Marthe et de l’Art de Louis

qui joint les seins pleins aux creux des mains et poile pour empêcher l’appeau de s’exhiber

Des maisons sur le pore la mère pour horizon

sans masque
le fruit mis aux claies pour le goût d’apprendre à éradiquer l’intolérance dans tous ses exercices.

Niala- Loisobleu – 28 Août 2021

DE LA P0USSEE DES PIERRES


DE LA POUSSÉE DES PIERRES

Les pierres polissent et ébarbent à ras les bavures du moule

Déchirant le drap sur ce qui meuble sans faute de goût l’environnement vital, l’énergie amoureuse met la table pour son Banquet

Les mains tournent, modèlent, façonnent, burinent et coutélent jusqu’à donner voix à la moelle

Sortie des lacets d’accession au col la route plonge droite au but

Cette Femme, mon mas de laine,n’est pas à lapider

Son visage dévoile une pureté qui rejette la burka sur l’outrageuse action

En l’élevant à son rang initial

Niala-Loisobleu – 28 Août 2021

« TERRE Ô »- NIALA 2021 – ACRYLIQUE S/TOILE 46X38


« TERRE Ô »

NIALA

2021

ACRYLIQUE S/TOILE 46X38

LES PIERRES DANS LE SOLEIL

Le vent frappe les herbes comme une monture qui doit gagner les ruisseaux à marches forcées.
Aucun vivant ne peut se soustraire à la mort qui l’enferme dans sa toile de rues et de veines.

Il est vain de courir la terre d’île en île, de continent en continent, de ville en ville, puisque toute l’histoire de l’être se passe d’une tempe à un poignet battant d’un
seul sang.

Le soleil ne sait rien de la peine de l’homme

sur lequel par hasard il jette une lueur

qui l’enfièvre un instant de tout l’amour d’un monde

auquel il ne tient que par un filet d’air.

Malgré sa belle architecture de lumière, le jour n’est rien qu’un morceau de papier dans la nuit où les lampes veillent de très hautes bâtisses n’ayant pour défaut
que le trou d’une serrure.

Pour répondre au franc sourire de la clarté, il reste la source et ses prunelles de gravier, il reste un tesson de bouteille qui regarde l’espace entier à travers un buisson
d’orties.

II

Tout est si calme et si fragile dans le village qu’il suffirait sans doute d’un éclat de voix pour que se fendent certaines tuiles des toits et pour que naisse l’unique enfant de
l’année.

La forêt n’ose pas s’avancer vers les blés de peur de briser une seule de leurs tiges et chaque épi tient à venir à la rencontre des champs rêvant de jour et de
nuit sous la luzerne.

Les fleurs essaient de garder un peu de soleil pour que le soir ne soit pas tout à fait obscur et les oiseaux dont l’ombre courait sur le sol se posent sur le premier arbre
retrouvé.

Le pont qui veut peser sans heurt sur la rivière n’est qu’un petit tas de pierres pour le chemin jouant avec la distance à la façon d’un chat dont la proie se tue
d’elle-même dans ses griffes.

La plaine s’élargit en bousculant les routes de toute la force de plusieurs millions d’herbes qui font de chaque source une clairière où le monde sauve le plus de jour qu’il
peut.

III

On gagne en hâte l’été pour ne plus voir la ville que les vitres font briller comme une armure et où les maisons dominent de leur stature l’homme dont rues et chambres
comptent les pas.

Il suffit d’un coteau pour courber l’horizon, d’un peu d’eau pour que des yeux regardent dans l’herbe, d’un coup de vent pour que les plus larges forêts prennent peur au bord du paysage
resté calme.

Le raisin qui mûrit au beau milieu des guêpes n’est plus rien qu’un orage griffé par la foudre et la gerbe qui se délie pour la batteuse ne sait pas que l’été va
finir avec elle.

On cherche en vain le poids d’une abeille mourant

tôt le matin en pleine fête de rosée

et il faudrait bâtir des greniers jusqu’au ciel

pour garder les fruits donnant naissance au printemps.

IV

Le destin du soir se joue dans le fond d’un verre où se reforme le couchant tombé des toits.
Des hommes qui doivent mourir avant demain le garderont comme un signet sous leurs paupières.

Un rayon presque chaud rend vivante une armoire qui n’a aucune chance de franchir la pièce parce que, lourde des bois où elle a vécu, elle ne peut aller bien loin sur le
palier.

Les maisons ont l’air de se serrer, plus secrètes au-dessus de leurs dormeurs, au-dessus des tables où du reflux du jour ne reste qu’une assiette comme un abîme ouvert à
l’aplomb de la nuit.

Le soleil voudrait ne pas quitter une feuille que la terre avare retient comme un peu d’or, mais très loin un miroir ou peut-être un carreau lui ordonne de s’en aller par-delà
les arbres.

C’est l’heure où la ville se sépare des rues dans le bruit de la dernière porte fermée, où le village éprouve un moment de bonheur parce que ses fumées vont
très haut dans le ciel.

V

L’oiseau perd son chemin pour avoir pris en chasse un peu de soleil trouvé dormant sur un toit et qui s’est soudain rétracté par-dessus les champs comme s’il n’était que la
branche d’un éventail.

On découvrira ses plumes le long d’un bois contre lequel il s’est jeté, déçu de voir si proches la prairie et l’immense forge des blés et si lointain l’horizon
couronnant la terre.

Il y a des rameaux qui s’échappent des arbres pour remettre au couchant tous les fruits de l’été.
II y a des moissons qui vont en plein village mourir, épis trop lourds, au pied des fontaines.

Le soir s’enfonce de plus en plus dans la campagne où l’on entend mieux le bruit que fait une taupe

devenue sans le vouloir le pouls de la plaine

loin de la ville, réduite à quelques terriers de clarté.

VI

La terre veut voir de quel côté vont les hommes qui somnolent en plein midi contre ses flancs le corps allongé en travers des céréales où fermes et clochers
coulent sans un regard.

L’arbre de la route ne cache pas son plaisir d’avoir quitté la grande cité des forêts où, jeune plant, il a vécu plusieurs années sans savoir que le monde a pour
source le ciel.

Il est le premier à faire signe au village

pour qu’il éveille le matin tuile par tuile

et, quand le soleil est sur le point de se coucher,

il se met sans raison à briller comme un lustre.

Un oiseau s’élance par moment de sa cime ainsi qu’un bouquet de feuilles vivantes qui reprendra bientôt sa place sur les branches pour se fermer le soir comme un simple
bourgeon.

Près des murs qui se retiennent de respirer, la nuit se concerte pour traverser des vitres où viennent aboutir comme des rails perdus les dernières lueurs qui dévalent du
jour.

VII

La forêt compte une à une les gouttes de pluie d’une voix qui à la longue endort les oiseaux.

Pourtant il lui arrive d’applaudir le vent qui a insisté pour qu’elle danse avec lui.

La verdure va d’arbre en arbre jusqu’aux routes contre quoi elle s’écrase, herbe mutilée où souvent une abeille épinglée de fraîcheur demande au soleil de lui
rapprendre à voler.

La pluie bourdonne longtemps d’un village à l’autre sur ses hautes et fragiles pattes d’insecte pour trébucher ensuite dans l’espace clair sans laisser d’autres traces qu’un peu de
rosée.

Le ruisseau donne le même coup d’épaule au pont

pour rejeter au fond des graminées rieuses

un chemin qui s’arrête à perte de vue

près d’une ferme où le soir est plus large qu’ailleurs.

VIII

Voulant parler au soleil auquel tout l’unit et qui se tient là-bas comme en haut d’une rampe, la moisson cherche en vain les mots que ses épis ne savent dire qu’au vent lorsqu’il les
renverse.

Dans le silence autour duquel les pierres montent comme un puits, seul bat le cœur trop grand d’une ville où se lèvent à la même heure cent mille hommes se ressemblant
pour une fois comme des frères.

Le jour commence à sortir avec pour reflet celui de leur sang qui se tord à peine aux tempes ou qui éclaire si mal l’herbier du poignet quand le soleil débouche des chemins
vicinaux.

Le matin surgit d’entre les buissons sachant que rien ne peut le cacher à mes yeux trop pauvres si ce n’est l’ombre que ma main fait sur le ciel ou celle d’un arbre coupant le monde en
deux.

IX

Le soleil ne cesse de dévaler le long des rails en avant du train qui ne le rattrape qu’au soir.
Le soleil relie entre elles les petites gares parmi les bourdons ricochant comme des balles.

Le paysan n’avance plus dans les avoines tant l’espace semble le serrer de toutes parts et quand il tourne son visage vers le ciel il sent qu’il n’est pas seul à regarder la terre.

Lorsqu’il est parvenu au sommet de la colline, il reconnaît dans le lointain quelques fenêtres d’où doit sortir comme d’une source un paysage de vergers trop blancs
abandonnés aux abeilles.

Sa tête vogue sans effort sur les moissons comme un simple bouchon au niveau d’une mer où le village entrevu n’est plus qu’un îlot auquel on n’accède qu’à la marée
basse du soir.

X

Dans l’été qui vacille en touchant les labours, l’oiseau n’entend plus l’appel d’un ruisseau avec alentour le pré veillant sur son nid.
Seul, l’espace est attentif au bruit de son vol.

Mais le bleu du ciel fond brutalement sur lui, l’obligeant sans manière à rejoindre le sol où sur un caillou trouant le jour et les herbes il retrouve le poignet nu de la
campagne.

Deux ou trois insectes quittent d’un trait la terre avec, à chaque aile, presque toute la clarté que contient la forêt, un moment entrebâillée sur la source née
d’une étoile en pleine pierre.

Un rideau fait respirer toute une maison et, lorsque se taisent les enfants de l’école, le silence est si grand partout qu’on se demande si quelqu’un pourra y prendre encore la
parole.

XI

Je m’enfonce très fort les ongles dans la peau pour me rappeler que je suis encore en vie à l’heure où mes doigts craignent de se refermer sur des os prêts à jouer le
jeu de la mort.

Que me reste-t-il de quarante ans de regards, sinon le souvenir de deux ou trois couchants au-dessus de soirs presque sans date ni lieu, de blés marchant la tête haute vers la
nuit?

Le soleil fait semblant de ne pouvoir sortir d’un filet d’eau traversant pierres et chemins ou des yeux d’une amoureuse pour qui se lève le jour irremplaçable d’un visage
d’homme.

Elle avance sans savoir que les murs s’éclairent à l’approche d’un corps aussi bouleversant

que celui d’un navire en route vers la terre, foudre vivante à quoi se brûle l’horizon.

La lumière éparse n’a plus d’autre support

qu’une main tendue venant tout droit de la nuit

et par laquelle ma chair rayonne et s’étend

très loin de ce point trop gris qu’est toujours le cœur.

XII

Un paysan, gerbe parmi les gerbes qu’il dresse, se sent maître des moindres gestes du soleil qu’il force à rester un tant soit peu sur les blés d’où le matin naîtra,
simplement ravivé.

Ils iront au village comme un troupeau sonnant avec, derrière eux, un carré de ciel vide dans lequel s’élèveront bientôt des batteuses dont la voix n’arrive pas, le
soir, à mourir.

La terre s’endort sans crainte entre les racines puisque rivières et vitres veillent pour elle jusqu’au jour où, montant à la cime des arbres, elle reverra tout le printemps
à ses pieds.

Les champs les plus reculés apprennent le nom dont la charrue les appelle, en le répétant, d’un bout à l’autre d’un été sans fin, à l’air qui l’oublie dans la
première ville traversée.

La vallée est vite remplie de nuits trop larges, descellées de temps en temps par de rares lampes, seules à tenir compagnie à la solitude quand les portes cessent de tourner
dans les murs.

XIII

LE ciel est sur les blés qui dorment à midi sans que le vent fasse parler un seul épi.
Rien ne brise leur chaîne si ce n’est la ville dont le front bat le soir à la première lampe.

Quand ils ont fait et refait le tour de leur champ, ils s’arrêtent quelquefois devant une fleur qui se penche avec des grâces de danseuse sur eux, conquérants des chemins durs de
l’été.

Lorsque l’éclair n’est plus qu’une bielle folle

au creux d’un orage que soutient la colline,

ils s’écartent pour faire un nid à l’alouette

qui, dans la pluie, tombe fermée comme un couteau.

Ils vont au-devant des chars tournant dans les chaumes afin qu’on les porte en triomphe jusqu’à la grange.
Nuit et jour, les tuiles vont veiller sur eux, croyant les soustraire à l’appel des batteuses.

Le sentier enfin libre erre toute la nuit, revenant sur ses pas s’il aborde la route qui va vers la ville où il n’y a de couchant que celui fait par les vitres se regardant.

XIV

Les céréales qui montent vers la colline pour la contraindre à s’échouer comme une barque dans l’été sans profondeur se jettent en vain contre la route qui dort
à l’ombre des arbres.

Le jour peut s’enfoncer dans le plus bel orage, devenir d’un seul coup une nuit sans couture, le soleil revient pour rougir les derniers ceps ou pour se mesurer à l’éclair le plus
fort.

Il apprend aux pierres à se laver de grand matin dans la rosée qu’on rencontre au bord des chemins, mais les champs peuvent sans lui se mettre à marcher au pas même du
paysan et de ses chevaux.

Le soir, quand le ciel pèse sur lui comme un pont, il a encore assez de force pour briller en toute hâte dans l’œil d’un oiseau mal caché parmi les fruits que l’on voit
soudain de très près.

XV

Au pied d’un arbre, un dormeur qui n’a pas de nom s’allonge en travers du monde où rien ne remue si ce n’est de temps à autre une touffe d’herbe à la recherche d’un peu d’air
à respirer.

On peut voir les pierres sortir de leur cachette, visages tendus vers l’imprenable clarté qui va et vient d’un épi de blé à l’autre sans jamais se poser en entier sur l’un
d’eux.

L’horizon n’est plus qu’une mince ligne de feu qui vacille lorsqu’on la regarde trop longtemps et d’où la campagne, douce et embrasée, part vers le toit dont, chaque soir, le soleil
tombe.

Hors du village où les murs se sont assoupis, on trouve une route qu’on ne peut pas oublier

quand un jour d’été on l’a suivie, d’arbre en arbre, comme une passerelle jetée sur le monde.

XVI

Le vent fraternel des premiers moments du jour a dû s’arrêter sur la place du village parce que les toits sont de très hautes montagnes dans la nuit qui circule à un
mètre du sol.

Sur la terre, la route est blanche jusqu’au ciel et pas un seul oiseau n’ose s’aventurer dans l’espace où rien ne bouge, tant il fait chaud, sinon, sans motif, une feuille au fond d’un
bois.

Un peu de lumière jetée sur les cailloux

met à nu les articulations du chemin

qui, d’ornière en ornière, conduit à la trouée

d’où le couchant déboule comme une roue perdue.

La campagne se laisse prendre dans la nasse que la forêt pose à la sortie des vallées et les plantes se délassent de leur journée en berçant un insecte
épuisé de soleil.

XVII

Les moissons font un rempart au bord des chemins où ne vont, comme s’ils étaient seuls sur la terre, que les habitants d’un village dont chaque mur est un heu de repos pour
l’été venant des villes.

On ne peut y trouver une pierre de plus qu’à l’âge fort lointain où il voyait le jour,

en se faisant un peu de place au milieu d’arbres qui n’ont point voulu depuis reculer d’un pas.

La source fait mine de jaillir à l’instant même où le soleil a besoin de quelques cailloux sur lesquels il s’appuiera pour la traverser, mais l’eau se brisera d’un coup comme une
vitre.

Un peu de cendre persiste des feux qu’on allume sous les fanes d’où doit monter un printemps toujours aussi propre avec son herbe et ses feuilles, capables de couvrir la surface du
monde.

XVIII

Les blés vont guetter l’homme qui, vers le couchant, mène l’orage sourd d’un troupeau, d’une voix déclinant peu à peu sans jamais disparaître puisqu’à leur tour
ils se parleront jusqu’au matin.

L’homme est sans nouvelles d’un village quitté chaque jour avant que ne partent les étoiles et redécouvert à l’instant où quelques lampes éclairent les murs comme
s’ils étaient en ruines.

Pareil aux ruisseaux talonnés par les nuages dans leur fuite vers le soir, l’automne ou la mer, il court vers une porte encadrée de lumière, l’ouvre et respire, ayant
retrouvé son ombre.

Par la fenêtre, il écoute un instant le bruit que fait un peuplier quand il s’ébat dans l’air, puis le sommeil le couche ainsi qu’une statue sur le haut où sont nés et
morts tous ses ancêtres.

Lucien Becker

TOILE OU PAPIER A DESSEIN


TOILE OU PAPIER A DESSEIN

De ce qui fait sa vie battante, mes jambes chaque matin prennent ma main pour accomplir le rite de cette cérémonie de l’intime qui domine la diversité des histoires du monde

Comme les lèvres boivent le jour de plus à m’aime le coeur

comme on devient la poussée de sa vague

son vent porteur

ce déploiement d’ailes menant à sa branche

l’écriture de ce qu’on tait d’inutile

sûr qu’on sait où hâler sans attendre d’avoir gagné

Monte du chandelier les branches à coups de maillet de l’ascèse

au galbe du corps qui apparaît dans l’ouverture de la robe

La parole du silence en se tenant debout ne se met à genoux que pour s’offrir à la pénétration du cri

Niala-Loisobleu – 27 Août 2021

RYTHME


RYTHME

Sous la poussée intérieure je vois que les fleurs laissent s’accomplir leur besoin de lumière

Au dehors le chat est parvenu au cerisier

Au renflé du tronc l’aube se presse

Lointaine la voix approche et se fait audible en ouvrant au bonjour …

Niala-Loisobleu – 27 Août 2021

QUE JE NAISSE


QUE JE NAISSE

Au bout des flammes

Paris libéré

Juliette put chanter sans tabous

complètement nue à la fenêtre

Place St-Germain-des-Prés

ce fut béni

avec Gabriel du Livre hébraïque comme pour se protéger de la suite

le Castor prompt au barrage

entouré des Sartre, Aron, Camus et consorts

a agit

Tant à qui on avait volé leur jeunesse

Que l’on pouvait croire que l’amour

on le garderait dans les châsses à en faire un idéal

Ce que j’ai mis au monde de ça

me tient toujours érectile après le tant passé

moi le mécréant de mon Paname

vient du Renard…

Niala-Loisobleu – 26 Août 2021

 Avec Les Anges par Colette Renard

On est protégé par Paris
Sur nos têtes veille en personne
Sainte Geneviève, la patronne
Et c’est comme si
L’on était béni

Y a rien à s’dire
Y a qu’à s’aimer
Y a plus qu’à s’taire
Qu’à la fermer
Parce qu’au fond, les phrases
Ça fait tort à l’extase
Quand j’vois tes chasses
Moi ça m’suffit pour imaginer l’paradis
J’me débine, c’est étrange
Avec les anges

Va, c’est pas compliqué du tout
En somme y a qu’à s’écouter vivre
Le reste, on lit ça dans les livres
Où qu’on s’dit « vous » tandis qu’chez nous

Si qu’on s’regarde et qu’on s’dit rien
C’est qu’il y a pas besoin d’paroles
Le silence à deux, ça console
De cette vie d’chien, ensemble on est bien

Y a rien à s’dire
Y a qu’à s’aimer
Y a plus qu’à s’taire
Qu’à la fermer
Parce qu’au fond, les phrases
Ça fait tort à l’extase
Quand j’vois tes chasses
Moi ça m’suffit pour imaginer l’paradis
J’me débine, c’est étrange
Avec les anges

Amour toujours, c’est p’t-être idiot
Mais y a pourtant pas d’autres mots
Pour dire le nécessaire
Quand on veut être sincère

Quand j’vois tes chasses
Moi, ça m’suffit pour imaginer l’paradis
J’me débine, c’est étrange
Avec les anges.

AFIN DE COULEUR



AFIN DE COULEUR

De pas vouloir passer pour un autre

j’ai donné au-delà de ce qui prouve

et nu jusqu’à l’os me tourne à mourir dans de la chair croyante

derniers seins sauvages avant l’urne et les cendres pour l’amour en signature

Niala-Loisobleu – 26 Août 2021

On se croit un peu poète

On se croit un peu poète
On se croit un peu maudit
Verlaine dans notre sang
Trois fois j’ai trouvé la fille
L’amour au regard d’étang
Trois fois je l’ai piétinée
Dix fois sur le bras d’un homme
L’amitié couleur de sang
Dix fois je l’ai piétinée
Cent fois les matins d’espace
La vie m’a dit mon prénom
Cent fois je l’ai piétinée
Mille fois les soirs de veille
Une voix qui m’appelait
Pour me jeter à genoux
Mille et mille et mille fois
Cent trente trois mille fois
Mes vingt ans l’ont piétinée
On se croit un peu poète
On se croit un peu maudit
Verlaine dans notre sang
Et je chante mes regrets
Pour la vie l’amie la fille

Et la voix qui m’appelait
Amis n’aimez pas mes chansons
J’écris ici mon épitaphe
Amis n’aimez pas mes chansons
Verlaine meurt à bout de sang
Jacques Bertin