BALLADE DU SILENCE CRAINTIF – RAFAEL ALBERTI


PAUL KLEE

BALLADE DU SILENCE CRAINTIF

RAFAEL ALBERTI

Ici, quand le vent meurt,

les mots défaillent.

Et le moulin ne parle plus.

Et les arbres ne parlent plus.

Et les chevaux ne parlent plus.

Et les brebis ne parlent plus.

Se tait le fleuve.

Se tait le ciel.

Se tait l’oiseau.

Et se tait le perroquet vert.

Et, là-haut, se tait le soleil.

Se tait la grive.

Se tapit le caïman.

Se tait l’iguane.

Et se tait le serpent.

Et, en bas, se tait l’ombre.

Se tait tout le marais.

Se tait tout le vallon.

Et se tait même la colombe

qui au grand jamais ne se tait.

Et l’homme, toujours silencieux,

de peur, se met à parler.

.RAFAEL ALBERTI

Ballades et chansons du Parana [Baladas y canciones del Paraná, Buenos Aires, Losada, 1954] in Rafael Alberti, D’Espagne et d’ailleurs (poèmes d’une vie), Le Temps des Cerises, 1998, pp. 215-216. Traduits de l’espagnol par Claude Couffon.

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