COURTOISIE DE LA FATIGUE
Saluons l’arbre, ô l’homme vertical,
Ses feuilles ; ses cheveux au vent de la vie,
Mais l’homme couché est plus près de la terre
Qui ne confie ses secrets qu’à l’oreille.
C’est pendant l’orage que l’arbre se plie
Vers le sol, mais les nuages déchaînés
L’empêchent d’entendre la voix de terre, et quand la foudre
Fait de lui un être horizontal, il est trop tard.
Le songe ne visite pas le téméraire, l’homme debout,
Et la mort demande une grande douceur. L’allongé
Connaît la noble courtoisie de la fatigue,
Son corps est l’ornement à la mesure de la terre.
Mais les multitudes au repos, dominicales
Formes étendues au bord d’un fleuve,
La tête comme un coquillage, remplie de l’écho
Qui vient des couches profondes où sont les ossements,
Les voici prêtes aux visions, les voici calmes.
Le sommeil leur confie ses flûtes de cendre
Car elles savent que ni la mer énorme ni la flamme
Ne pourrait les soustraire aux ordres de la terre.
Vous rêveurs, vous hommes horizontaux qui attendez
La femme à la beauté immuable, la mort,
Saluts à vous, couchés dans le sable ou la boue,
Vous, gloire des navires au fond des océans.
Bientôt en vos bouches pleines de terre les paroles
Seront ces touffes d’herbes transplantées avec le sol
Quand les racines fines trouveront vos ancêtres
Et les clés d’os ouvrant la porte des nuages.
Ilarie VORONCA
(in Les Hommes sans Epaules n°16, 2004).


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