La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Au moment où les chevaux passaient, la suspension trembla. Le plafond menaçait de se pencher à droite, contre nos têtes; mais les fenêtres restaient d’aplomb avec le ciel, et l’on voyait le paysage nocturne.
Il n’y avait plus de hiboux dans les ruines, plus de rayon de lune parmi les arbres, mais une cheminée d’usine et — autour — des maisons dont les toits avaient l’air de grandir.
Et les chevaux — dont on entendait les pas précipités — transportaient dans la nuit complice des fourgons de mort en métal.
Auteur d’une trentaine d’ouvrages (poésie, essai, prose), critique littéraire, par ailleurs membre du conseil de rédaction des Editions Encres Vives et directrice du comité de rédaction de la revue Décision, Chantal Danjou vit et travaille aujourd’hui dans le Var. Docteur ès lettres (La femme seule à travers Colette et Katherine Mansfield, Paris-Sorbonne IV), professeur durant de nombreuses années, elle intervient à présent dans des instituts universitaires de formation d’enseignants et dans des Universités (direction de mémoires, cours sur la poésie contemporaine et conceptions de projets concernant la lecture, la traduction et l’expérience poétiques comprenant la pratique d’ateliers d’écriture). Son intérêt pour la psychanalyse lui permet de développer son travail pédagogique. Enfin, depuis 1989, elle est présidente de La Roue Traversière, l’association qu’elle a cofondée, autour de la poésie contemporaine et de l’interdisciplinarité artistique. Ses derniers titres en poésie sont L’ancêtre sans visage, Ed, Collodion, 2016 (livre d’artistes) et 2017 (pour l’exemplaire de librairie) ; Inutilité de voir venir, 2016 et La concomitante, 2017, les deux chez Ed. Encres Vives ; un livre d’artistes, Nuit à habiter, leporello avec Maria Desmée, 2017. Ses titres les plus récents en prose sont Les Jardins d’Essais et Journal de la main, les deux titres aux Ed. Orizons, 2017 ; chez le même éditeur, Le souffle du noir, essai et La jumelle qui dansait au milieu du jour, roman, 2019 ; L’ombre et le ciel Le ciel et l’ombre, roman, 2021.
Extrait de FEMME QUI TEND LA TORCHE, mise en regard avec Henri Yéru, Ed. Mémoire Vivante, Paris, 2014
Swan Couple de cygnes blancs longs sauvages sur loch deux adjectifs qui se prolongent chuintement des plumes puis grincent puis s’étouffent dans les brumes émotion intense de se retrouver pour faire le Beau entre les branches entre les souvenirs et de l’amour que cette étendue aux vagues jetées comme des nappes et le vin rouge des adjectifs à l’extrémité de leur col tranche rouge blanc et l’assiette du laid renversée et la cruauté dans cinq verrines au moins et la tête des cygnes à déguster chaude et un nouveau couple s’abat incapable de ne pas refaire le Beau entre les branches nues et les souvenirs et du chant ce grincement
Bien sûr la pluie n’aurait pu s’absenter des chaleurs feintes d’un été révolu
En prenant le métro à la Porte d’Italie, sac marin à dos, je fermais les yeux sur l’A10 pour m’effacer l’Atlantique, base terrestre de mon mirage dernier, en concentrant mon né sur l’ineffaçable de ma venue au monde
Cela fait un bail
ouais pas besoin de me le rappeler
Seulement je suis là pour me ressourcer d’une vidange en allant fleurir les bars à rhum des gauchos de la rime, qui sur leur comptoir ont les cuillères percées de la Fée Verte, introduction sans faute au voyage pictural
Fléau en main le virus se prépare aux moissons, on aura moins de blé, mais la merde en quantité. Question ordre nouveau faut dire que ça des Borde au-delà des promesses. Toute Elisabeth ne pouvant prétendre au jubilé ça laisse une chance de croire
Mais puisque refaire à neuf relève de l’impossible, j’avoue que je conte plus sur ce que la capitale m’a jamais donnée de peine pour sauver ce qui me reste de tête
Je conduirai ma vache aux Tuileries et mes chèvres aux Buttes-Chaumont par la rue des Pyrénées
Quelques tours aux chevaux-de-bois en laissant l’aqueux du Mickey à Guignol, Marthe à la main jusqu’aux Halles se faire une soupe à l’oignon pour apaiser ses brûlures et retour en tricycle par les Guichets sur la Seine.
Pente choisie puisqu’il s’avère qu’on est d’un temps imposé
faire en sorte de trouver la bonne
L’écoulement fait désormais problème de différentes manières, qui relèvent de l’imposition totale sous couvert de démocratie
J’arracherai genre Robin des Bois quitte à passer pour vieux jeu pour filtrer l’essence de de navigation
La bergère qui voit apparaître étant cramée le danger peut prendre une forme nouvelle qu’il faudra découvrir. Les mômes sont à craindre, aujourd’hui ont fait des armes qui sont plus des jouets, ce qui aidera à baiser leur mer comme qui rigole
Cet après-midi j’ai peint des fleurs sans nom
Elles me sont venues de l’importance à oublier les personnages pour avoir l’odeur qui n’existe pas
Celle qu’on invente comme un contre-poison
on devient impuissant sans que l’âge y soit pour quelque chose, ça justifie l’évasion dans une jungle où les fauves sont moins dangereux qu’en territoire dit civilisé
et ce qui reste de l’origine montre un courage étonnant pour subsister sans que l’illusion l’emporte. A voir comment tout fout l’camp, en étant vieux on a plus de chance d’en sortir propre
il y aura bientôt plus rien à bouffer à force de casser les récoltes, le péril jaune ça pourrait bien être ça parce que les chinois viendront nous piquer le carré de potager de notre soupe
Comme Dimanche prochain rien ne changera les habitudes citoyennes ça écourtera le temps d’attente…
A la tombée de la nuit quand se sont refermées les grilles l’éléphant rêve à son grand troupeau le rhinocéros à ses troncs d’arbres l’hippopotame à des lacs clairs la girafe à des frondaisons de fougères le dromadaire à des oasis tintants le bison à un océan d’herbes le lion à des craquements dans les feuilles le tigre de Sibérie à des traces dans la neige l’ours polaire à des cascades poissonneuses la panthère à des pelages passant dans des rayons de lune le gorille à des bananiers croulant de leurs fleurs violettes l’aigle à des coups de vent dans des canyons de nuages le phoque aux archipels mouvants de la banquise disloquée les enfants du gardien à la plage Michel Butor
Du pied nu dans le tapis tissé par le peint l’haleine maritime souffle à la voile pour grimper la marcheet venir pleurer dans le petit-pot ce gemme que la vie garde
Sur l’écume les jours de Boris sont contés
Comme ce quoi que Gauguin est allé chercher plus loin qu’il se trouve comme dirait l’orque monté sur Seine par le mauvais coté jardin de l’estuaire
Les fraises au sein pérennisent la garriguette au-delà de saison, à gros bout d’aréole en base d’atterrissage, ce qui me fait panser que le fruitier sauvage a de la réserve pour combattre les serres charognardes
Adagio la fontaine au centre du patio
escalade de roses fleurs du bougainvilliers dans le vent des guitares et l’éraille d’un flamenco tiré de la gorge d’un claquement des mains et du talon des racines
Mozart fou de lumière ton rire reste l’enfant qui trace sa marelle à la craie blanche sur le noir bitume chemin des hommes
L’herbe d’un bout d’église de Bretagne, au versant de la colline qui s’est rentrée l’odeur de tes cheveux à la place du confessionnal
Il faut tendre l’oreille pour écouter ton aisselle, mais j’aime passer ta peau au travers des murs
Les pas étouffés des heures d’attente
Gémissements du caniveau quand je glisse sous le pont
Plaisir d’amour que Juliette de sa voix chaude sort du placard
des sons qui franchissent le gel actuel comme pour accompagner les victimes de Boutcha d’une pensée en sachant que c’est pas comme une fleur qu’on accroche aux misères de la star en vogue sur internet
Générer du courant à la rivière pour la laver du linge sale
Je t’aime comme la mélopée qui franchit les frontières sans s’ouvrir à la douane
Et s’écoute
Comme on suit la crotte du lapin sur la piste qui mène à la mer
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