PROMENADES DANS MES TIROIRS 1


GABRIEL PACHACO

PROMENADES DANS MES TIROIRS 1

DU TREMBLE A L’HÊTRE

Des rochers qui grossissent à l’abrupt du versant

la ravine hisse l’hêtre à la jetée de faines

petits-cailloux

l’animal depuis le terrier observe en humant

cherchant ce tremble où le corps secoué

ses reins sentent qu’on attend d’eux plus qu’une miction confondante

Se ramassant jusqu’aux traces

il hume le terrain marqué des propriétés femelles

et cueille des baies rouges pour les y tremper

histoire de renouer sa langue à l’usage de bonne conduite en choisissant du foin

la seule herbacée qui vaille, m’aime sans moutarde.

Niala-Loisobleu

26 Septembre 2020

TRANSE ATLANTIQUE


TRANSE ATLANTIQUE

Dans ma file d’attente

mis en quarantaine

mes pensées font des incursions symboliques

en direction d’une liberté de pensée

débaillonnée de la maladie

Me voilà

Lafayette

gagnant une Amérique

comme on rêve pour sortir de l’impasse

la flamme d’un rayon de soleil

au bout du bras

dessein de guérison

gribouillé

sur la feuille de papier à dessin de l’enfant

qui veut voir rire le regard de sa mer…

.

Niala-Loisobleu.

22 Avril 2023

LES ARCHIVES DU PRIEURÉ PAR PAUL NEUHUYS


LES ARCHIVES DU PRIEURÉ PAR PAUL NEUHUYS

On n’aime pas ce que j’écris, tout ce que je fais est d’un anodin pignocheur de colifichets.

Mes amis me voudraient autre que je ne suis et voudraient faire d’un troène un cognassier.

Les plus aimables d’entre eux me quittent sur cette invite:
Tu es rasoir, grand-père, puisses-tu claquer au plus vite.

Le fait est que ça me paraît de moins en moins étrange d’être un mort au-dessus duquel les arbres mêleront leurs

branches

car j’aurai beau ne plus être, l’être sera toujours et comme un paysan qui rentre des labours

je préfère interroger le vol des étourneaux

ou bien regarder le feu fixement sans dire un mot.

Mourir, c’est s’attendre à tout, franchir les frontières de la

peur, voir le rideau qui subrepticement se lève à l’intérieur.

c’est descendre dans l’humide touffeur de l’humus, naître à la vaporeuse émanation de quelque chose de plus.

car la vie ne serait qu’une immense duperie

sans une existence supérieure à celle du corps et de

l’esprit.

Merveilleux est un mot très chrétien; ce qui compte c’est cette petite parcelle de réalité profonde.

C’est pourquoi pas de deuil dans la maison du poète mais un léger sourire:
Adieu, c’est chose faite…

Paul Neuhys

TROU D’AIR


TROU D’AIR

Eclat de son émail

la bassine percée du ciel

flotte du poisson en surface

On demande à l’oiseau de nager, d’accord mais dans quoi ?

La nouvelle ruée vers l’hors déplace les foules dans l’influence du vide

On parle d’amour pendant qu’à part la banquise dites-moi ce qui fond, excusez j’oubliais Macron devant son reflet dans la glace.

Ô Narcisse tu marches à voile et à vapeur prêt au mariage pour tout.

Niala-Loisobleu – 11 Novembre 2021

PASSE-PARTOUT


PASSE-PARTOUT

Cerner du fond l’instant qui sort

La rue épicière sent le chou-pourri de l’usine à papier

Quand l’auvergnat laissait reposer le cheval devant l’échoppe du bougnat

un peu de bois brûlait dans l’âtre des bras ouverts de l’accordéon populaire

Sous les toits d’une fenêtre pend le petit-linge tiré des draps sans qu’on le nettoie de reins

J’irais m’atteler à sa charrette pendant qu’il reste du crottin pour tenir le lierre du géranium à la Belle-Jardinière.

Niala-Loisobleu – 9 Novembre 2021

LA MAIN SUR LA POIGNEE


LA MAIN SUR LA POIGNEE

Passé par la mer d’une caresse naissante

sur l’éléphant qui remonte la pente de cette mémoire originelle sans Père Noël pour seul moyen de défense

Retour à la première vague virginale sortie du trousseau de l’enfance

cette diagonale de voile de la felouque penchée au soleil de l’Eléphantine consentante « Île était une foi »

Lapis-lazuli des mots bleus dans la sérénité des yeux

où ondule la rivière souterraine du désert dans la transparence du sari de soie.

Niala-Loisoble – 8 Novembre 2021

e

MAUVAIS TEMPS SUR LA TERRE PAR JEAN JOUBERT


MAUVAIS TEMPS SUR LA TERRE PAR JEAN JOUBERT

I

Et nous voici dans le matin, déjà fourbus,
mal démêlés du fil des rêves.
Quelques paroles, quelques gestes,,
le parfum d’une robe,
un sein fantôme dans la brume,
une douleur,
et c’est le soir.
La nuit tombe plus vite sur les tombes
et le décembre du désir :
tête tranchée dans la poussière
parmi les ombres et les branches.

Allons ! sous la lampe déhanchée qui trébuche,
traquons « le mot qui sauve », une musique,
une métap*****, comme la flamme qui parfois
au creux de cendre se ravive,
ou comme l’oiseau, le rouge-gorge
– est-ce toujours le même ? – dont l’hiver jette
au jardin le feu léger, le sang.
(Termites dans l’horloge. Un tuyau
glousse. Derrière la cloison toussent les turcs.
Est-ce un tambour dans l’escalier, une ruade
ou la chute d’un ange ?)
L’encre stagne, la main s’enlise.
Des livres soulevés – une montagne – sortent
les morts,
les visiteurs voilés et taciturnes,
soudain pesants, qui nous étouffent.

« Nuit terrible
du doute
et de l’enfantement. »

II

« But at my back from time to time I hear
Time’s winged chariot drawning near. »

De notre corps bandé contre la roue
qui broie le jour
freinons l’élan du fer.

Un fouet siffle dans les nuages
où brûlent les crinières
et gronde au loin la voix de l’ogre.

Le cœur faiblit, les paumes s’ensanglantent.

« Une seconde
au moins
nous mettre hors du temps. »

Le temps, le temps qui est un autre nom de
la mort.

III

Enfant, dans la forêt, j’erre parmi les ombres.
Le corbeau crie, au loin sonne une hache.
Que fait mon père dans l’au-delà des branches ?
La neige efface la trace des pas.

Ah, père ombre parmi les ombres,
dans le silence maintenant
comment rejoindre ton visage
et ton feu noir qui brûle sous la terre ?

IV

Si nous arrêtons
les montres, les pendules et l’horloge
(paysanne avec son balancement de faux)

alors le soleil-chien nous traque

Si nous fermons
portes, fenêtres et rideaux,
le trou de la serrure,

les cris du monde se glissent dans les fissures.

Si nous gagnons, dans le désert,
une cave, une citerne, une grotte
(matrice opaque, ténébreuses)

ah ! dans la nuit notre cœur bat plus fort,
toujours plus fort.
Nous n’entendons plus que lui maintenant.

V

Dans Paris soulevé,
les insurgés tirent sur les horloges.

Chronos ensanglanté,
tombe et mord la poussière,

Mais, rusé, se relève étincelant,
tonne,
tranche le sexe et la gorge des anges.

VI

Temps immobile de cette pierre blanche,
si blanche,
où le regard s’enfonce
puis la main,
le bras,
tout le corps

jusqu’au cœur glacé du silence.

VII

Et toi, veilleur à la frontière
où luttent embrassés l’ange et la bête,
l’un de lumière et l’autre qui grimace,
qu’as-tu saisi qui ne fût pas douleur ?

La vitre un peu se teinte de clarté
mais c’est la nuit encore sur la terre,
une nuit moins opaque à peine, qui défaille,
et tu voudrais que cesse cette guerre
et que la boue s’efface où la bête grogne.

N’as-tu pas douté, dans la nuit du cœur,
que puisse à nouveau se pencher vers toi
l’aube pacifiée d’un visage ?

Dans le vitrail que le premier soleil colore
on dirait soudain que l’ange va sourire
et que s’essouffle et bronche la bête.

VIII

Sur la buée, traçons du doigt
un mot :
amour ? lumière ?
espérance ?
éternité plutôt,

qu’un soleil bas
de son premier rayon
transperce

soudain rosace
et brève gloire au bord du ciel

d’où s’éloigne la main mortelle
laissant au froid
le mot mortel.

IX

Dans le matin de rose et de vitrail,
grâce soudain du mot sur notre bouche,
souffle du sang,
silence plein

et nous voici
« debout
dans la splendeur des feuilles. »
(café, caresse, cigarette :
bonté des choses fugitive !)

Dans l’oubli de la fange,
la main renoue le signe,
énonce l’arbre,
éveille la forêt,

et tout à coup c’est un espace de musique
où nous allons, vivants et morts réconciliés,
puis confondus dans l’ineffable lumière.

« L’écriture
seule
nous tient
debout. »

X

Pourtant nous n’aurons pas le dernier mot.

Jean Joubert

PÂTRE A MODELER


PÂTRE A MODELER

Un roi lion plus fainéant qu’un monarque de référence se trainait, les pieds dans les savanes, un peu de morgue au né. assis sur sa chaise percée en se disant

« Chui-là je vais me le faire » il faut lui apprendre à faire la courbette

Bruit d’ailes

de la brousse monte une envolée

un oiseau genre albatros

décolle

il fait trois tours au-dessus du fauve et lâche une rafale de fiente en piqué en lui criant:

  • Mon Saigneur, j’ai prêté serment quand j’ai été initié, que jamais plus mon genou se mettrait en terre

Niala-Loisobleu – 2 Novembre 2021

CE MATIN -MICHEL DEGUY


CE MATIN – MICHEL DEGUY

Silence de nuit complète à cinq heures
Janacek en quatuor à son dernier amour
Debussy pour
Chouchou fabrique un gollywooks
J’ai le tome de
Martin sur les genoux

De quoi hier ce lendemain était-il fait
Dont ils ne savaient rien nous le savons
Eux qui furent égaux dans cette nescience
Nous fiers comme des rieuses de veillée
Qui savons cela
Tout cela de plus
A la fin au moins cela qui n’est rien d’autre

Le gros caillou remonte
Dans la nuit tombe et en tombant retombe
Ils en sont à la fin d’aujourd’hui
Nous bien sûr au début de ce jour
Et eux là-bas hier encore à
L.A là
La faucheuse qui n’existe pas plus qu’un dieu
Les fauche eux et euses

Ce qui échappe avec le mot qui échappe ce n’est pas seulement un autre mot mais ce que les mots de la phrase comme des doigts tressent en laissant fuir

Une houle rostrale d’espace pousse

Le spacieux mascaret du vide

Rien qu’inventive expansion de nébuleuses en proue

Mais où donc est passé le temps ?

Des monades

sur la terre comme au ciel

implosent en trous noirs

Le centre est le sommet

Ce point le plus exposé au soleil

Il y a une écaille de la terre partout

À chaque seconde qui est plus proche

Du soleil que toutes les autres

Il y tombe à pic — pour un œil

À ce moment qui passe au zénith et que

Le reflet d’un éclair aveugle

Comme à l’orchestre tour à tour

Un spectateur s’allume

Au réverbère en diamant de la star

Qui lui tape maintenant dans l’œil

Pénélope c’était donc ça

La tapisserie d’un jour

Dont la nuit aura feint l’amnésie

Mailles de biens, d’échappée, de renonces

Faux filées de lecture et ratio de lumière

Elle lègue aux familles régnantes

La joie de ses derniers moments

De chacun on pourra dire

Il avait essayé plusieurs fois de se tuer

Veille à te regarder

pour te faire disparaître

La flèche touche une chose dans la nuit

Qui en devient sa cible
Un sens nous sommes

avides de signes

J’ai tout à me reprocher

dit le poème mot-dit

Car vous n’êtes pas irraprochables

— par l’anneau d’un comme visible ou non —

amis ennemis phases et phrases.

D n’y a jamais que groupes de ressemblances

faisceaux de semblants pour la pensée

qui s’approche du comme-un des mortels

cette anthropomorphose qui pourrait échouer.

Michel Deguy

AU GRE, AU GRE…


AU GRE, AU GRE…

Au grand regret de l’argentique en N-B, qui est pratiquement rayé de la carte

le noir-et-blanc prend de plus en plus de place dans la vie numérique

Un coup tu sais ce que tu es dans le rapport avec qui tu communiques et encore plus loin si

Te perdre est un paradoxe avec tous les systèmes de navigation GPS et le fait que t’es localisé sur le champ par Internet

Pourtant tu plonges toujours plus loin dans la méconnaissance en général comme en particulier

C’est le blanc que je préfère, il est tellement bleu…

Ah, miroir beau miroir, montre-moi l’autre que j’efface mon reflet dans la rivière…

Niala-Loisobleu – 1er Novembre 2021