Ombras de Luna – Ombres de LuneAurélia Lassaque


Aurélia Lassaque « Pour que chantent les salamandres »

Ombras de Luna – Ombres de Lune Aurélia Lassaque

La negressa somiava
d’iranges roges e redondes,
miralh vegetal
de sas popas regolejantas de lach nòu .

Li nasquèt un dròlle
del pel rosset e dels uèlhs verds
que servava en secret
dins una banasta de fruchas falsas.

La négresse rêvait
D’oranges rouges et rondes,
Miroir végétal

De sa poitrine ruisselante de lait nouveau.

Il lui naquit un enfant
A la chevelure rousse et aux yeux verts
Qu’elle gardait en secret
Dans une corbeille de faux fruits.

Aurélia Lassaque

Née en 1983, Aurélia Lassaque est poète de langues française et occitane. Collaborant régulièrement avec des plasticiens, danseurs et musiciens, elle a donné divers spectacles en France, Brésil, Angleterre et Italie. Ses poèmes sont traduits en recueils, revues et anthologies dans une dizaine de langues. En 2011, elle fut responsable de l’exposition « Dialogue entre cultures et langues » au Conseil de l’Europe. Egalement conseillère littéraire du festival « Paroles Indigo » à Arles aux côtés de Boubacar Boris Diop, Aurélia Lassaque présente des chroniques littéraires à la télévision (FR3 Sud). Vient de paraître : Paris, éd. Bruno Doucey, 2013.

DES MECHES AU SOL


ATELIER NIALA

DES MECHES AU SOL

Force du tronc

des oiseaux du mois gazouillent à découvert

le soleil colore le tapis du sol comme un enfant qui déborde de la feuille

Rien n’est mort

les essences en métempsycose transportent la forêt plus loin dans le temps

Les dernières roses retiennent le pouls à son épine

le vase sur le piano sent sous son bras le bouquet qu’il a mis

instant suspendu

laissé sur le bout des doigts qui ont fouillé le taire

Sur les planches des tréteaux s’attroupent des images ambulantes tirées par nos rideaux

Avant que le couteau n’intervienne l’aquarelle sort l’esquisse sans nuages des eaux du fond du puits

Le soleil y nage pour remonter le saut.

Niala-Loisobleu – 4 Octobre 2022

VARIATIONS DU VISAGE ET DE LA ROSE PAR BEATRICE BONHOMME


VARIATIONS DU VISAGE ET DE LA ROSE

PAR

BEATRICE BONHOMME


Tu te souviens, quand nous l’avons retrouvé, posé sur la neige, alors qu’il serrait contre lui cette seule rose. Elle avait gardé du sang sur ses pétales et le cœur battait dans la rose. Mais, lui, son cœur avait cessé de battre, il avait confié son cœur à la rose. Le sang de la rose battait encore quand on a ouvert sa main et que l’on a déposé la rose sur la neige.
Dans la maison, le vase était resté fleuri, alors qu’il s’était désormais éloigné pour prendre la couleur de la neige. Alors qu’il devenait du marbre, les roses déposées dans le vase continuaient à vivre.
Il a emporté une rose avec lui et il l’a gardée dans sa main. Quand nous sommes arrivés le cœur de la rose brûlait encore.
Mais quand je viens vers toi, c’est une grande lumière lavée, le visage d’un enfant lavé par la lumière et ce ciel qui n’est que le vide d’une pluie.
C’est tout ce qui a eu lieu ou n’a pas eu lieu, l’impossibilité à saisir, le cœur fatigué d’implorer la lumière, une perplexité.
Mais lui, du moins, a saisi la rose sur le chemin du cœur et la rose est devenue la tapisserie de son visage.
Une tapisserie de soie et de laine, des rosaces au centre de la lumière, un lien qui se fait, un tout petit mur perdu orange avec les lignes mortes de la vigne.

Béatrice Bonhomme

ARIA 2


PAUL CEZANNE

ARIA 2

Calé au cambré des parfums de garrigue

en droit du dos d’appui fondé

un ru coule au devant des jarres

quand le pas d’un âne braie une nuée d’oiseaux s’envole

Ce sont les pierres sèches qui gardent l’humide de la salive humaine

leur coeur constitue l’âme vice et versa

La voix ce matin s’élève seule au diapason des images sereines qui sortent du brouillard.

Niala-Loisobleu – 4 Octobre 2022