contrebande de soi


PABLO AULADELL

CONTREBANDE DE SOI

Jetant le chargement de la mule au précipice, il tire du miroir les redondances d’un tant maussade pour changer l’image de son paysage personnel et franchir le col à la manière d’un Annibal décidé à en sortir quoi qu’on puisse en penser et en dire

Ayant laissé son dos dormir au-delà du temps habituel, ses jambes s’étaient dirigées vers un concept qu’il avait sculpté tout seul pour vivre selon sa manière. Être dans l’idée de sa peau quand on craint que la lèpre ne survienne, ça lui parut plus fort qu’un vaccin et surtout moins illusoire qu’un masque contre la vérité qu’on refuse de voir

Ses épaules lui recarrurent un nouveau point de départ

Mon illusion se dit-il serait de vouloir attendre que mon intime conviction attende un autre agrément que celui de mes organes

L’autre pluie cessa d’un coup

A l’écope du vouloir il vira les reptiles du bassin rachidien, donnant au bulbe un nerf nouveau qui fit tomber des façades les rides des idées halloween et les complexes des psychoses qui retiennent les appareillages. Il enfourche son cheval, comme on ne retient pas une érection que la pensée naturelle et saine pour ce qu’il ressent d’une personne poétise , lâche sur orbite. Dans son univers amoureux les bateaux ont des voiles faites pour avancer, pas pour cacher. En premier il jette les moines et leurs habits.Être surréaliste comme à la naissance, à poil

Il prend son billet d’aller-simple pour ne pas revenir et tisser le parcours genre son odyssée et décroche les volets, les rideaux, les clôtures avant de sortir des jours de merde !

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Niala-Loisobleu.

2 Décembre 2023

A GENOUX SUR MES CUISSES


PABLO AULADELLE

A GENOUX SUR MES CUISSES

Coudes à l’appui des géraniums

Les craies ne sont pas blanches

Sur le noir de quelques ardoises

Elles notent dans la marge

La case des marelles

T’as déjà vu un costume qui n’aurait qu’un seul visage ? Non. Les armoires sont comme les hommes, elles enferment des porte-manteaux qui font et suivent la mode de leur paraître. Quand les bus avaient des plates-formes on aurait pu penser qu’à l’air les impériales avaient passé. Apparence . Si tu poses ta loupe à ton oeil, tu vas t’apercevoir que la grenouille qui règle le temps est en fait un caméléon.

La vie est une scène, habitée par des amateurs de théâtre.

Eugène sue

Les mystères de pari, paient, aiment, huent. Un ch’val de bois, pour un bon équipage, à trois c’est plus sûr. Mais si le boulevard fait son beurre du polichinelle dans l’placard, dis-toi bien que t’as pas besoin de passer devant Monsieur le Maire pour être cocu. Le genre est unisexe, multifonctions, universel, droitier-gaucher, c’est l’unique cas à ma connaissance qui soit vraiment pas raciste, au point que d’ô qu’un n’hésitent à le comparer à la perfection. Le modèle, l’étalon…

Devant mes yeux la mer à perte de vue. Tant qu’il y aura du sel, l’aqueux du mickey continuera de courir hors de portée des cons. Les pianos riront de toutes leurs dents, un saxophone au coin des lèvres, une chaste viole entre les cuisses, et tellement de nacre aux boutons, que l’acné des accordéons relèvera le jupon des filles jusqu’au bonbon dans les coins d’ombre du barrio. A l’orée des hauts-bois, as-tu vu ses hanches ? Quand elle monte à bord, c’tant fort, le roulis fait babord-tribord de la proue à la poupe, soprano clarinette, en haut du mât c’est cocagne. Plus rien ne semble faux. Durant quelques lames de parquet, la boule au plafond t’as mis hors de questions.

Les yeux fermés je te vois, là, au bout de la jetée dans le branle de tes seins

Elle pleure des vents mauvais

Avec des grincements métalliques de hauts bans

Où les ô taries croupissent

Le Brouage est à sec dans la mer , qu’importe puisque je t’ai en selle

Les chevaux des ris d’eaux passent leurs mains sur ma barbe pendant que mes doigts s’enroulent à la tienne en triple galop.

Niala-Loisobleu.

9 Février 2023

A PARTIR DE TES LIGNES


PABLO AULADELL

A PARTIR DE TES LIGNES

Je respire à la virgule posée sur les ronces qui me bloquaient

A quoi servirait de se poser des conditions, mon âge, ma situation, l’endroit où j’habite, le temps qu’il fait, tout ceci ne contribuerait qu’à empêcher de marcher dans ma direction

N’étant rien d’autre que ce que je suis il faut dire qu’attendre de rien ne mène qu’à nul part et que le problème c’est d’en sortir

dans la bouche que tu montres j’ai mis ma langue sans chercher autre chose que ce qui correspond à ce que je cherche en suivant le tracé de l’absolu qui me correspond

Tant de gens se serrent la main en se disant « Comment va ? » en s’en battant l’oeil, que considérer avoir besoin d’une âme soeur permet de pousser la porte du fond du jardin pour y sentir l’intime présence

A l’abri du cloisonnement des chambres les chaises préfèrent porter les vêtements pour laisser la nudité se pénétrer où bon lui semble

Je te lit au milieu devant et derrière jusqu’au bout…

Il y a les fleurs pour les vases et puis le jardin où on les laissent vivre sauvages et sans décorum

Le doute qui enlève aux jambes ce qui tient debout, plus j’y réfléchis, plus je pense que se prendre la tête sur une vie vide ne facilite que les fossoyeurs, à part le trous que savent-ils faire ?

Niala-Loisobleu.

9 Février 2023

Là où la Seine se passe


Pablo Auladell

Là où la Seine se passe

Dans le silence d’un désert m’aime pas un chameau alignant ses bosses sur la tôle ondulée des dunes

On m’avait vanté ce caravansérail comme un des meilleurs pour l’échange sur la route de la soie

Que dalle

le moucharabieh ne laisse rien dépasser qui ondule

pas de tapis qui vole sur le pavé mosaïque à propos de ce qui dégringole

quant aux coussins sous les douleurs rénales, juste l’humidité à 100 % les renforce

avec en plus, un chat échappé du costume qui exhibe des délices de l’Orient pour l’imaginaire tiré du catalogue de mirages

Pourtant, pour autant qu’il m’en souvienne , à moins que je déménage, c’était du lourd qui sortait du rideau après les trois coups du gendarme

De la boîte à l’être je sors des allumettes sans soufre pour rallumer l’Avant-Scène.

Niala-Loisobleu.

12 Janvier 2023

SOUS SILENCE DES PORES


Pablo Auladell

SOUS SILENCE DES PORES

Remède pour soigner les jours sans

Une jambe de bois qu’un vieux capitaine sort des bars du port, traîne sur le quai entre les filets en quarantaine et les mouettes à la hune des mâts, guettant le facteur

ça boîte aux lettres

en martelant du pilon

le Maître de Cérémonies est en déplacement là où une mère s’est retirée

laissant à la saudade dire cet amour qui ne peut s’enfuir sous prétexte de fin de vie terrestre

En attendant comme disait Godot, je change le tuyau de gaz périmé pour tirer du feu le pétale qui dit « à la folie »

En radoub de saison , les cabines de la plage rompent la solitude en sortant l’album-photo des déshabillages du dernier été

Le ferry quitte le quai et traverse

LENDEMAINS

L’heure qui passe après l’heure forte est visage qui se sculpte dans l’air. Je me tiendrai au bord de la lumière du sable plus étrange que la mer. Qui donc sera visible après l’événement ?
Anges autour de l’œuvre pie, les lendemains sans lèvres ont des étonnements de baisers clairs.

Gabrielle Althen

Le Nu vigileLa Barbacane, 1995

Par la porte entre baillée

le poids des seins et la poignée des hanches a révélé une absence de sommeil où mes mains se sont accrochées

ça déménage quand tu balances tout ça

comme si il n’y a rien qui meure dans ce qui a pris son départ dans la chair vivante

Un vagissement saigne

la petite-main qui tire le fil à coudre…

Niala-Loisobleu.

12 Janvier 2023

EN QUÊTE


PABLO AULADELL

EN QUÊTE

Dans le temps-mort qui suit les dernières intempéries le sinistre de toiture se dirige à l’aveuglette vers la solution

Les yeux en se levant délayent l’interrogation entre état actuel et prochain

Mise en batterie la trompe animale aspire à connaître une réponse vitale …

Niala-Loisobleu – 30 Juin 2022

OSER ET L’ESPOIR – PAUL ELUARD


PABLO AULADELL

OSER ET L’ESPOIR – PAUL ELUARD

Lorsque le pélican
Les murs de la maison se ressemblent
Une voix enfantine répond
Oui comme un grain de blé et les bottes de sept-lieues
Sur l’un des murs il y a les portraits de famille
Un singe à l’infini
Sur l’autre il y a la porte ce tableau changeant
Où je pénètre moi
La première
Puis on devise sous la lampe
D’un mal étrange
Qui fait les fous et les génies
L’enfant a des lumières
Des poudres mystérieuses qu’elle rapporte de loin
Et que l’on goûte les yeux fermés
Pauvre petit ange disait la mère
De ce ton des mères moins belles que leur fille
Et jalouses
Violette rêvait de bains de lait
De belles robes de pain frais
De belles robes de sang pur
Un jour il n’y aura plus de pères
Dans les jardins de la jeunesse
Il y aura des inconnus
Tous les inconnus
Les hommes pour lesquels on est toujours toute neuve
Et la première
Les hommes pour lesquels on échappe à soi-même
Les hommes pour lesquels on n’est la fille de personne
Violette a rêvé de défaire
A défait
L’affreux nœud de serpents des liens du sang.
Paul Eluard

L’AVIS – PAUL ELUARD


PABLO AULADELL

L’AVIS – PAUL ELUARD

La nuit qui précéda sa mort

Fut la plus courte de sa vie

L’idée qu’il existait encore

Lui brûlait le sang aux poignets

Le poids de son corps l’écoeurait

Sa force le faisait gémir

C’est tout au fond de cette horreur

Qu’il a commencé à sourire

Il n’avait pas UN camarade

Mais des millions et des millions

Pour le venger

Il le savait

Et le jour se leva pour lui. —

Paul Éluard (1895-1952)

PUITS DE LUMIERE


PABLO AULADELL

PUITS DE LUMIERE

Derrière les quais dans une ruelle nichée dans le port, la boîte à tangos a fermé tard. Le videur est parti se coucher. Dans la pénombre la piste se prend la boule pour danser collé-serré avec la percée bleue d’un visage qui demeure

C’est avant que les dockers viennent remplir les containers pour les cargos. Moment de grâce où les horloges sont à l’étale

Les filles de joie se démaquillent et se lavent la tristesse des coups tordus dans la bassine de la maison d’abattage

Là-bas devant le bateau qui balance à l’embarcadère un pélican baille en se dandinant comme pour faire venir un vent favorable.

Pas de rendez-vous chez le dentiste, une douleur à subir en moins

je crois qu’aller remonter du sel au marais changerait les draps du lit de l’estuaire.

Niala-Loisobleu – 29 Juin 2022

TRETEAUX DU MATIN


PABLO AULADELL

TRETEAUX DU MATIN

Je jurerai avoir vu les nageoires d’un poisson traverser la palmeraie à la sortie de la Maison Bleue. Sur la crête des dunes on pouvait compter les chameaux déjà d’une caravane partie très tôt

Un dessin oriental s’étale sur le sable en un très large tapis où personne ne prie mais où deux saltimbanques font l’aubade à l’oiseau

Au loin des tentes déguisées en maison font hôtel pour les voyageurs quand la diligence s’arrête

Cette musique frémit de la peau tendue sur laquelle les mains vont au bout de leurs caresses tout en se déliant avec des cordes en notes. Ce désert est plus vers qu’un parc de loisirs. Il y a même des trains d’arbres dans le fleuve qui le traverse. Des pyramides le bordent de leurs légendes qui seraient venues du soleil au temps où on plantait sans plan de rendement intensif

Aujourd’hui la réalité fait la chasse aux fous qui croient que stopper le gâchis avant que tout casse serait une bonne action. Je ne serais pas étonné d’être arrêté faute de pas me cacher et de ne pas prendre de précautions. Ma foi si vivre implique de rêver, je choisis de me raconter…

Niala-Loisobleu – 28 Juin 2022