TRAVAIL PAR BLAISE CENDRARS


TRAVAIL PAR BLAISE CENDRARS

Des malfaiteurs viennent de faire sauter le pont de

l’estacade
Les wagons ont pris feu au fond de la vallée

Des blessés nagent dans l’eau bouillante que lâche la

locomotive éventrée
Des torches vivantes courent parmi les décombres et les

jets de vapeur
D’autres wagons sont restés suspendus à 60 mètres de

hauteur
Des hommes armés de torches électriques et à l’acétylène descendent le sentier de la vallée
Et les secours s’organisent avec une silencieuse rapidité
Sous le couvert des joncs des roseaux des saules les

oiseaux aquatiques font un joli remue-ménage
L’aube tarde à venir
Que déjà une équipe de cent charpentiers appelés par

télégraphe et venus par train spécial s’occupent à

reconstruire le pont
Pan pan-pan
Passe-moi les clous.

Blaise Cendars

« PÂQUES 2022 » – NIALA – ACRYLIQUE S/TOILE 55X46


« PÂQUES 2022 »

NIALA

ACRYLIQUE S/TOILE 55X46

nous arracherons à une grande carcasse

de rires

le souvenir d’épousailles premières

et celui d’une âme qui nous avait quittés

sur la pointe des pieds

et il n’en faudra pas davantage

pour qu’on émigre vers la facilité

que nous demandions

les maisons pourront se recoucher

dans la lumière

tandis que nous viendrons

aux étreintes

-sans bruit

Barbara Auzou.

19 Avril 2022

PREMIERES NOUVELLES


PREMIERES NOUVELLES

Au bout du quai d’une nuit en gare de ce jour, la machine halète sans bouger

Déjà les abeilles ont commencé leur marché

les blanchisseuses dégrafées des tenues des suées nagent au sein de la santé

le roulis en pouliche tanguant sans se retenir aux harnais superflus

parapluie ouvert avec l’assurance garantie

Il était une foi

l’embrun

allumé sur le feu

de la pierre sous la fougère

en décolleté sur la table en plein chant

un poussin jaunissant les rayons de la ruche

sans montrer d’habits déguisés, nu de vérité, rien que bleu sur toute la tige…

Niala-Loisobleu – 20 Avril 2022

Là où nous nous habitons


Là où nous nous habitons

De la grande bassine à fleurs du soleil où nous habitons, à trois gouttes de l’estuaire, toi tu es la jarre à trous de la graine à fraise que j’aspire à suspendre, la dotant d’ailes pour que son espace ne soit jamais limité

Aucune ombre n’aura atteint le sol , les sables du désert ne comptant pas puisque ta goutte d’ardoise y est imperméable et que le gué qu’elle forme ricoche des marées aux échelles que ta réflexion dresse

Les premiers bourgeons des racines sont sortis avant que le chien ne prenne son élan jusqu’au tertre, tandis que les tuiles s’ocrent au feu du soleil

Ruisselantes tes vertèbres ont puisées la palmeraie des argiles des derniers grands forts de l’Atlas

Tes chameaux ont ouverts la route de la soie, j’étais sur l’échafaudage de ta poitrine, si haut que mes

yeux ont pu apprendre l’autre rive avant d’y entrer

J’en ai gardé la clef universelle, celle des petites maisons blanches qui logent les guitares à l’étage des nuits d’amour où les dallages sont couverts de coussins pour l’assemblage des peaux

La nuit quand tu dors, collé à ton moucharabieh je sirote ta respiration sans craindre les grands fauves qui vont boire

Et laisse les matins venir t’écouter au centre de l’émotion qui t’entoure

Peindre n’a pas d’âge

j’ai commencé avant d’apprendre

laissant ma chair de poule couver les oeufs de l’imaginaire qui sauve de toutes les pénuries et refuse les guerres.

Niala-Loisobleu – 19 Avril 2022

PASSAGE A LANGUE PAR JACQUES IZOARD


PASSAGE A LANGUE

PAR JACQUES IZOARD

D’ombre à langue, un seul quinquet.
Celui de la petite parole ou de la petite pupille.
Petite langue à la serpe.
Languette au fond du puits.
Langue douce, langue de papier.
Langue de boucher, de vitrier.
Langue de musée du verre étoile.
Deux langues disent la voix d’un double corps d’épouse.
Langue de dimanche au soleil.
Langue à l’affût des langues, des dards, des verges et des glus.
J’avance la langue vers toi, pli très doux du vertige.
Je la loge entre les lèvres les plus aveugles du corps.
Le bleu tassé inonde ventre et bouche ensevelis.
Mais l’herbe en masse étourdit le dormeur.
Le chemin de salive a longé la forêt.

Langue dodue, langue d’ailleurs.
J’arrache la voix du crieur.
J’avale la voix du voleur.

LA COURBE DES REINS


LA COURBE DES REINS

Bien que le ciel ait du fatiguer en ramenant les cloches de voyage, ce que je vois du poussin me rassure

Ces petits ont une résistance qui provient de tout ce qui lie à l’oeuf donc à l’oeuvre à mener au bout de l’ouvrage

Quand je suis parti ce matin à part les fonctionnaires absents que je comptais voir il n’y avait dans l’air qu’une vieille et éculée promesse que l’Administration Française serait à notre service sans s’esquiver

Les heures ont passé pour rien, je me garderai l’après-midi pour mettre mon soleil dans l’atelier

A la courbe des reins comme le violoncelle que je prends par tes hanches quand je veux dire, mon dieu que je t’aime !!!

Niala-Loisobleu – 19 Avril 2022

TRESSAGE D’ATTENTES PAR MICHEL BUTOR


TRESSAGE D’ATTENTES PAR MICHEL BUTOR

C’est un provençal qui rêvait de pluies normandes

A l’ombre de vieux imprudents sublimes

Dans les pérégrinations des solitaires en convoi

Entre la précipitation et le délai

A l’écoute du sensible aux aguets du balbutié

Dans les investigations des laboratoires en détresse

Entre la lenteur et l’explosion

Astronome chroniqueur enlumineur éclairagiste

Dans les révolutions des pays en exil

Entre le paraphe et le commentaire

Calligraphe parodiste portraitiste météorologue

Trouvant le germe où d’autres n’avaient fouillé que des tombes

Entre l’aspersion et la bibliographie

glossateur artisan jardinier constructeur

Trouvant le dialogue où d’autres n’avaient prévu que la joute

C’est un écrivain qui transcrit les peintures pour la rumeur

Patient fouineur aventurier organisateur

Trouvant le passage où d’autres n’avaient bâti que des chicanes

C’est un peintre qui interroge les écrivains sur les peintres

Au fil du foyer au coeur de la marge

Trouvant l’oeil ou d’autres n’avaient cherché que des échos

C’est un parisien se baignant dans des pépites d’Italie

Au soleil de jeunes mémoires imperturbables

Dans les multiplications des imaginations de l’amour

Michel Butor

Né dans l’herbe


Né dans l’herbe

Descendu de toi du canapé sous le plongeoir de la piscine par le couloir de l’herbe devant l’oiseau dressé sur ce matin redonné, tous volets rabattus et jeteurs de sorts hors du nid, l’oeuf s’est ovalisé

au centre du verger

La main encore chaude du premier cri entendu je coupai le cordon qui retenait le lancement du navire alors que tu lâchais l la bouteille de rosée

L’herbe dans l’herbe nous nous nous bûmes à la grappe du bourru.

Niala-Loisobleu – 18 Avril 2022

Par les veines du tant


Par les veines du tant

Battre par les vents les bras de l’arbre ont repris la place du fruit aux claires du printemps

Je t’aime frappent le retour des cloches au son du premier cristal

Vers ce qui se poursuit en ignorant la fin…

Niala-Loisobleu – 18 Avril 2022

LE TEMPS DE VIVRE – HENRI GOUGAUD


LE TEMPS DE VIVRE – HENRI GOUGAUD

l

Texte de H. GOUGAUD- Musique de J. BERTOLA



A peine a-t-on le temps de vivre

On se retrouve cendre et givre

Adieu

Et pourtant j’aurais tant à faire
Avant que les mains de la terre
Me ferment à jamais les yeux

Je voudrais faire un jour de gloire
D’une femme et d’une guitare
D’un arbre et d’un soleil d’été
Je voudrais faire une aube claire
Pour voir jusqu’au bout de la terre
Des hommes vivre en liberté
Assis entre deux équilibres
Dans ce monde qui se croit libre
Et qui bâtit des miradors
Je voudrais bien que nul ne meure
Avant d’avoir un jour une heure
Aimé toutes voiles dehors

A peine a-t-on le temps de vivre
On se retrouve cendre et givre
Adieu
Et pourtant j’aurais tant à faire
Avant que les mains de la terre
Me ferment à jamais les yeux

De mes deux mains couleur d’argile
Je voudrais bâtir une ville
Blanche jusqu’au dessus des toits
Elle serait belle comme une
Chanson du temps de la Commune
Pétrie d’un bonheur hors la loi
Et puis que le printemps revienne
Pour revoir à Paris-sur-peine
Des enfants riant aux éclats
Lorca errant dans Barcelone
Tandis que l’abeille bourdonne
Dans le frais parfum des lilas

A peine a-t-on le temps de vivre
On se retrouve cendre et givre
Adieu
Et pourtant j’aurais tant à faire
Avant que les mains de la terre
Me ferment à jamais les yeux