Henri Michaux / L’oiseau qui s’efface
Une paume de cette terre rouge broyée
dans la pincée du ventre retourné
monte en cordée à l’intestin des choses…
Je pleure sans raison que je pourrais vous dire
Lula Pena | O negro que sou + Breviário.
O negro que sou. Poème de Ronald Augusto ; musique de Lula Pena.
Breviário. Poème de Jerusa Pires Ferreira ; musique de Lula Pena.
Lula Pena, chant, guitare. Captation : Pays-Bas, mai 2016.
Vidéo : Hilversum (Pays-Bas) : VPRO, 2016.
………
Deux extraits de l’album Archivo pittoresco (2017), l’un et l’autre employant des poèmes d’auteurs brésiliens.
À propos du premier, O negro que sou, voir le billet Lula Pena | O negro que sou.
Le second poème, Breviário (« Bréviaire »), est l’œuvre de Jerusa Pires Ferreira, universitaire spécialiste de littérature populaire, née en 1938 dans la région de Salvador de Bahia. Il évoque la ville de Breves de Marajó située au nord du Brésil, dans l’état du Pará. Breves emprunte son nom à celui de ses fondateurs, les deux frères portugais Manuel…
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je suis venu jusqu’à la rade :
un cargo-boat y accostait,
on déchargeait des marmelades
de cœurs meurtris et de fruits blets.
Mais quand j’ai voulu savoir l’heure, mais quand j’ai cherché mon cœur dans la poche de mon gilet, j’ai vu qu’un archer vainqueur vers le soleil vous emportait!
A
Rene
Crevel
Je suis passé dans une rue étrange
où des enfants blonds compissaient leurs langes.
A la porte d’un restaurant un écriteau était collé :
ICI
ON
PEUT
APPORTER
SON
MANGER
A la porte d’un hôtel meublé un écriteau était collé :
ICI
ON
PEUT
APPORTER
SON
AMOUR
A
Eugène et
Lucienne de
Kermadec
Mon tombeau mon joli tombeau, il sera peint au ripolin avec des agrès de bateau et des tatouages de marin.
Sur mon tombeau un phonographe chantera soir et matin la complainte du guerrier cafte navré d’un coup d’œil libertin.
Sur mon tombeau un phonographe récitera cette épitaphe
LIBERTÉ ÉGALITÉ
FRATERNITÉ
A
Benjamin
Péret
Si tu chantes la
Marseillaise
pourquoi faut-il qu’il te déplaise
de la chanter sur l’air de complainte sensible
de tel petit navire au mousse comestible.
Calligraphie les factures
et vérifie les additions,
tu marieras des rimes après la fermeture
et des alexandrins pendant tes ablutions
Métro — chemin de fer de ceinture.
Faits divers — table de nuit —
Bougie — réveil matin —
Une fois par mois cinq francs aux putains —
chaque soir à sept heures le potage attendu —
LES
MANUSCRITS
NON
INSÉRÉS
NE
SONT
PAS
RENDUS
J’entrai dans le grand magasin
au rayon de la quincaillerie
le commis lisait
Francis
Jammes
et pendant deux heures il me fit la réclame
en alexandrins.
Il consentit enfin à me vendre un piège à rat.
Quand je sortis il faisait nuit, une femme fardée m’accosta :
Elle avait lu
Francis
Jammes
et pendant deux heures elle me fit la réclame
en alexandrins.
Elle avait une carte qu’elle montra :
Elle était
BREVETÉE
S.G.D.G.
A
Pierre
Scordel
Sur les tempes le père a deux virgules
Il sait jouer du clairon
Vous pourrez lire son nom sur les murs des cellules des casernes d’Afrique.
Pour exciter les mâles
après dîner dans les rues transversales
La mère
rattache sa jarretière
La fille est bonne à tout faire
à tout faire chez un vieux monsieur
Et maquillé le fils dans les bars clandestins
à l’entour de la
Madeleine
du soir au petit matin
erre comme une âme en peine.
Il déjeune tous les jours dans cette famille
Il y boit tous les jours la même camomille
Il y mange tous les jours de la
CUISINE
BOURGEOISE
A
Paul
Smara
Elles sont mortes les abeilles au cimetière des
Lilas
Si vous voulez du chocolat
Mettez deux sous dans l’appareil
Il est mort notre
Apollinaire et mort aussi
Laurent
Tailhade
Cinq abeilles volent dans l’air et les sirènes de naguère pour moi s’abattent dans la rade
Meurent les porte-lyre le rimeur
Jean
Aicard ouvre la bouche en tirelire
SI
VOUS
VOULEZ
DU
CHOCOLAT
METTEZ
DEUX
SOUS
DANS
L’APPAREIL.
Si vous allez chez l’épicier
Prenez du poivre de
Cayenne,
Une escadre ce soir va-t-elle appareiller
Sur une mer de sauce tomate et de rhum?
Allez chez l’épicier de la rue
Saint-Sauveur
Il y a prime à tout acheteur
Petit garçon qui veux aimer
Connâis-tu l’épicier d’amour?
C’est au
Palais des
Courtisanes
A
Jacques
Baron
Va-t’en chez le tailleur en sifflant le
God save the king
Pour le veston ou le smoking
IL
FAUT
LAISSER
DES
ARRHES
Va-t’en chez le fripier des semaines à venir uniforme de pompier, camisole, froc ou tunique : à ton goût tu pourras choisir.
Mais les semaines du passé jamais ne pourront revenir chez le fripier de ton destin
H.
FAUT
LAISSER
DES
ARRHES
A
Max
Morue
Chicago
Les tramways font un bruit de pâte à beignets
quand on la met dans l’huile.
Dans la prairie il y a un cow-boy :
Il crève les étoiles à coups de revolver
pour éterniser la naissance de son fils.
Caché derrière un caroubier il dort
le pirate de la savane oublié dans un roman de
Gustave
Aymard.
Dans la prison de
Chicago il y a un assassin poitrinaire par trois dames aux mains blanches aux yeux d’émail par un docteur aux lunettes d’écaillé par un clergyman rasé au rasoir star
soigné
Courage! ont dit les trois dames aux mains blanches
Courage! avait dit le docteur à lunettes d’écaillé
Demain il pourra se lever
Courage a répété le clergyman rasé au rasoir star
Demain il pourra se lever
et quand il pourra se lever
on l’emmènera se faire électrocuter.
A
Georges
Gautre
Il est interdit de cracher par terre et le plafond est de forme circulaire.
Une poule a pondu sur les fauteuils de cuir et d’or mais nul coq du futur n’en sortira jamais
Poussin.
Les œufs à la coque
nul ne les a brisés
Vienne un bandit de l’Orénoquc
en
Peau-Rouge déguisé.
Bouche ouverte à l’instar d’un ténor
Jean
Richepin lit un discours sur la rosière de
Nanterre,
IL
EST
INTERDIT
DE
CRACHER
PAR
TERRE.
Je sais un champion de billard qui porte perruque et lorgnon qui à
Londres, dans le brouillard, avec la femme d’un mercier
FAIT
L’AMOUR
AUX
PETITS
OIGNONS
sans l’aimer ni la remercier.
Dans ce fromage il a laissé quatre molaires et son faux nez.
Passez-moi le sel de
Ninive
Servez, servez-moi des olives,
Pour évoquer dans mon assiette
La
Canebière et la
Joliette.
Robert Desnos
Fut-ce une nuit ? Oh non des centaines, mais en plein debout à laisser la blanche seule au lit
Tiens où
Quoi
suis-je
t’as pas fumé mais tu sens la carpette, fais-gaffe de pas te tromper de la taille de tes chaussures
dormir debout pour un bourrin c’est pas un scoop
mais marcher sobre plus paf que bourré là faudrait penser à consulter…
Et sur la grande enveloppe je finis par cacheter
au 12…Route de la Vallée…
Libération, ça fait bien d’eux
Niala- Loisobleu – 4 Mars 2018

enveloppé qui toujours cherche en l’homme le moment de
s’échapper!
Celui qui souffre, son regard le brûle et il dit non, il n’est plus amoureux des mouvements de la lumière, il se colle contre la terre, il ne sait plus son nom, sa bouche qui dit non
s’enfonce horriblement en terre.
En moi sont rassemblés les chemins de la
transparence, nous nous rappellerons longtemps nos entretiens
cachés, mais il arrive aussi que soit suspecte la balance et quand je penche, j’entrevois le sol de sang taché.
Il est trop d’or, il est trop d’air dans ce brillant
guêpier pour celui qui s’y penche habillé de mauvais papier.
Philippe Jaccottet

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